Je t'aime. [15+]
Le Soleil, cet abruti qui ne fait qu'aller et venir arrive encore une fois, un jour de plus, toujours au rendez-vous. Il regarde depuis la fenêtre de la chambre du collège Kadic qui leur a été accordée, suite à un changement, à cause de conditions de sécurité non respectées par les fenêtres.
Légèrement au loin, la Défense, un peu plus loin, Paris avec sa Grande Dame de Fer rappelant la gloire du Peuple parisien dont il est descendant de lignée directe. Et le Soleil s'éloigne de Paris. N'est-ce pas drôle ? L'éclairant puis s'en allant, il nargue la ville, la laissant dans l'obscurité et la fraîcheur de la nuit, la livrant à la Lune.
Mais le Monstre de béton ne s'en plaint pas malgré tout. Au contraire, les gens en profitent pour faire la fête. Comme si le Soleil les embête. Effectivement, tout y est : l'alcool, les douceurs, la drague, l'amitié, le sexe, l'amour. Mais tout ceci, Odd ne peut que l'imaginer. De sa fenêtre, on ne voit aucune boîte. Et puis même, il n'aime pas trop ce genre de trucs malgré l'apparence qu'il se donne.
Oui, car son air un peu fou, toujours à draguer, vouloir faire la fête n'est qu'une apparence, un masque. Le fruit se déguise toujours en fleur avant de se montrer. Mais toutes les fleurs se fanent, quoiqu'il arrive. Et le fruit se montre, quoiqu'il arrive aussi. C'est ainsi que la fleur d'Odd est son amitié envers Ulrich et son apparence extérieure. Effectivement, se montrer tel qu'il est, n'est-ce pas dangereux ? Car en se montrant tel qu'il est, tout ce qu'il porte en lui apparaîtrait en même temps, comme une évidence.
N'est-ce pas douloureux, ce sentiment persistant, qui ne veut que rester, qui ne part pas, qui vous arrache le coeur, vous fait bondir et perdre tout contrôle ? Quoiqu'il en soit, il est l'heure. Prendre une serviette, enlever tous ses vêtements sauf le caleçon est nécessaire. Il descend les escaliers, doucement, lentement, ne voulant pas y arriver tout de suite, voulant rester loin, très loin de lui, tandis que son amour propre a raté une marche et trébuche à toute vitesse.
La honte flirte avec lui. Il entre dans les douches. « Ouf, il n'y a personne ! » pense-t-il.
« Salut Odd » lui lance Ulrich.
« Salut... » lui répond-il.
Pour ne pas le voir, il se met dans une cabine plutôt que dans la salle de douche collective. « Ce soir, résisterais-je ? » pensait-il. Le bruit de l'eau qui coule le long de son corps pour s'écraser lui est insupportable. Une délicieuse et grossière odeur s'échappe. L'odeur de la sueur, de l'encre, d'un peu d'essence, sucrée, bondit, comme toujours, comme pour narguer l'adolescent, au dessus du mur de cette cabine minuscule.
« Ca va? » lui demande Ulrich.
« Hmmm... Moui, euh ! Pardon, oui et toi ? » lui répond Odd.
« Oui. T'as fait quoi aujourd'hui ? » lui renvoie Ulrich.
« Oh rien de spécial, juste une petite blaguounette à notre amour de Sissi ! » Dit-il, se mettant à légèrement rire.
« T'es dingue ! » dit Ulrich sur le ton de la rigolade.
« Ca, oui » se dit Odd en lui.
Et maintenant, une odeur de cannelle envahi les douches. Odd le sait : c'est le gel douche de son ami ! Et il adore la cannelle. Aphrodisiaque. Certes, et alors ? La cannelle, cette cannelle que sa mère met sur ses tartes. On ne l'oublie jamais ! Cette délicieuse odeur, à tel point qu'on approche tellement son nez pour la sentir que l'épice pénètre le nez et fait éternuer des minutes durant.
Ce soir la fleur commence à se faner.