Et après ?
— Félicitations.
Un sourire en coin s'étendit sur ses lèvres sans même qu'elle n'eut besoin de voir de qui il s'agissait. Elle reconnaîtrait cette voix entre milles.
Elle détourna son regard de la fiche et ne put que constater l'infaillibilité de son intuition.
— Merci, Ulrich.
— Je savais que tu l'aurais.
Leurs yeux brillaient lorsqu'ils se croisaient. Même trois ans après, ils se regardaient avec toujours autant de tendresse.
Yumi se jeta dans ses bras. Il avait bien grandi. Il faisait désormais une tête de plus qu'elle. Il glissa lui aussi ses mains dans le dos de l'adolescente et la serra contre lui. Il ressentit le mouvement de sa bouche s'étirant vers le haut dans son cou.
Le contact de sa peau contre la sienne, son parfum au mélange floral lui caressant les narines, son souffle chaud réchauffant son cœur, elle avait tout pour lui plaire.
— Oh, Yumi !
Ils rompirent leur étreinte tandis que leurs amis s'avançaient dans leur direction. Ils avaient tous bien changé en l'espace de deux ans seulement, surtout les garçons qui regardaient désormais leurs amies de haut.
À son tour, Aelita prit Yumi dans ses bras. Elles rirent, s'embrassèrent, les cheveux dans le vent.
— Ma vie, félicitations.
— Merci mon cœur.
— Félicitations Yumi.
— Merci les amis.
Ils se regardèrent les uns les autres, nostalgiques. Les années avaient bien passé.
Aelita et Yumi avaient vu leur féminité s'affirmer au fil du temps. Intérieurement, elles restaient les filles douces et calmes qu'ils avaient toujours connues, un peu agressives sur les bords lorsque la situation leur échappait, notamment Yumi qui avait toujours eu un caractère bien trempé. Mais à présent, on pouvait facilement deviner leurs courbes harmonieusement dessinées sous leurs vêtements amples. Elles avaient laissé pousser leurs cheveux qu'elles attachaient la plupart du temps en un chignon bas, mettant ainsi en valeur la maturité naissante et les traits fins de leur visage.
« Elles sont si belles. » pensaient-ils souvent.
Quant aux garçons, Ulrich était toujours le plus grand, mais il en manquait peu à Jérémy et Odd pour le rattraper du haut de leurs un mètre soixante-douze. Les deux blonds faisaient la même taille. Cependant, Odd était resté assez mince, ou plutôt « svelte » comme il le disait, tandis que ses deux camarades s'imposaient un peu plus grâce à leur carrure carrée et leurs épaules larges. La morphologie d'Ulrich se reprochait plus du V, tandis que celle de Jérémy plus du H. Ils n'avaient rien à envier à personne, pas même Odd qui s'était résigné à laisser ses cheveux, autrefois relevés en pic, flotter sur ses épaules comme à l'époque de son arrivée à Kadic, et, pour plus de charme, les bouclait.
— Tu vas devoir nous quitter...
Aelita donna un coup de coude à Odd suite à sa remarque qui s'abattit lourdement sur le groupe. Il avait beau avoir changé physiquement, il restait le roi de la boulette et du mauvais timing.
— Les gars, venez on ne parle pas de ça. Et puis qui sait ? Je serai peut-être prise dans une fac pas trop loin de Kadic.
Ulrich hocha la tête comme pour se rassurer. Il échangea un rapide sourire avec la jeune fille.
— On devrait plutôt fêter ça.
— Mais oui, bonne idée, approuva aussitôt Yumi.
— On peut venir aussi ?
Le groupe se tut et se retourna pour faire face aux deux nouvelles personnes venant de débarquer dans son dos. Élisabeth Delmas, alias Sissi, et William Dunbar.
Les relations avec le duo avaient été pendant longtemps très tendues, mais la hache de guerre avait été enterrée. Certes, la confiance entre les cinq amis et les deux ténébreux manquait encore à l'appel, mais les rapports étaient plus cordiaux.
— Bravo, Yumi... pour ton bac, félicita Sissi, la voix presque coincée.
— Merci. Félicitations à toi aussi, William.
Le beau ténébreux la félicita également et lui tendit la main. Yumi fronça légèrement les sourcils, hésitante et décryptant à côté d'elle un Ulrich fortement agacé, mais finit tout de même par la prendre par respect.
— Alors, on fête ça où ? demanda la fille du proviseur.
— Chez moi. Dans la semaine de préférence, histoire de ne avoir mes parents dans nos pattes, expliqua calmement Yumi.
— On aura le droit de quitter le bahut ?
— Oh, ne vous en faites pas pour ça. Je m'arrangerai avec mon père.
« Au final, ce n'est pas plus mal d'avoir la fille du proviseur comme amie. »
— Super.
Un blanc s'installa subitement. Tous se fixaient et levaient les yeux au ciel. Ce fut William qui, tout en se raclant la gorge, prit finalement l'initiative de briser le silence.
— C'est pour quand la petite fête du coup ?
— Euh... Disons ce vendredi, ça vous va ?
— Oui, répondirent-ils en chœur.
— Parfait.
Le duo les salua une dernière fois avant de tourner les talons. Le regard de Yumi intercepta aussitôt celui d'Aelita qui perçut le malaise de son amie.
— Je sais, c'est encore compliqué, mais vous verrez. On s'y fera avec le temps.
— Cette fille me déteste. Tout est faux chez elle quand elle me parle, répliqua fermement Yumi.
— Mais non, elle ne sait juste pas encore comment s'y prendre avec toi à cause de... Enfin, je veux dire...
Aelita accorda un vif regard à Ulrich qui en fit de même avec Yumi, ces derniers pris d'embarras.
Gênée d'avoir mis le doigt sur le sujet qui fâche, l'adolescente aux cheveux roses lâcha un soupir et saisit l'épaule de celle qu'elle considérait comme sa grande sœur.
— T'inquiète, la rassura Yumi. C'est juste que je ne la sens pas trop, j'espère me tromper.
— Sinon, ce bac, intervint Jérémy pour changer de sujet et détendre l'atmosphère, avec ou sans mention ?
— Pour qui tu me prends ? se vexa faussement Yumi. Évidemment qu'avec mention !
Ils l'acclamèrent fièrement tandis qu'elle feignit une petite révérence et un air hautain afin de se prêter au jeu.
— Je vous adore, tous. Je ne pensais pas qu'en arrivant ici, j'allais rencontrer des personnes aussi formidables que vous.
— Non, pitié ! Tu n'es pas encore partie, ce n'est pas le moment de nous faire pleurer ! insista Odd d'un ton taquin.
Ils se mirent à rire à l'unisson.
Évidemment, Yumi allait bientôt devoir quitter Kadic pour poursuivre ses études supérieures. Ils avaient tant partagé et vécu ensemble, toujours unis et soudés malgré les obstacles et les coups durs de la vie. Leur amitié était née de la manière la plus imprévisible et improbable qu'il soit, mais rien ne pouvait plus les séparer. Pas même la distance.