Copains Et Puis C'est Tout ?
TRIANGLE AMOUREUX
Ulrich souleva difficilement les paupières lorsque les rayons du soleil pénétrèrent dans la chambre. Ses yeux légèrement bouffis et des cernes très distincts traduisaient son manque de sommeil. La nuit n'avait pas été reposante, et les ronflements de son colocataire ne l'avaient pas beaucoup aidé non plus.
Après un énième grognement, il descendit de son lit et regarda en direction de celui d'Odd : il n'était plus là. Il prit sans plus attendre ce dont il avait besoin et se dirigea vers les douches. Il y retrouva son meilleur ami qui venait de finir de prendre la sienne et qui se scrutait devant le miroir. Quand celui-ci remarqua la présence d'Ulrich, une expression mi-amusée se peignit sur son visage.
— Ah, bah enfin ! Pour une fois que c'est pas moi qui ai une panne d'oreiller ! se moqua-t-il avant de reporter son attention sur son reflet.
— Haha, très drôle ! Je me serais peut-être réveillé plus tôt si une certaine personne n'avait pas passé la nuit à ronfler !
— Oh, ça va ! s'offusqua Odd.
Ulrich se plaça à côté de lui. Il se remémora les prises de tête qu'il avait récemment eues avec Odd, réalisant qu'il en était à chaque fois la cause. Il se racla la gorge pour attirer l'attention de son ami blond, regrettant déjà ce qu'il s'apprêtait à sortir.
— Euh, Odd... désolé pour hier, je sais que j'ai un peu exagéré.
Le concerné anima un sourire au coin de ses lèvres.
— Juste un peu ? taquina-t-il.
— Oh, ça va !
— T'inquiète, c'est oublié, il lui tapota l'épaule. Mais je pense toujours que t'es un gros crétin !
La mine d'Ulrich se renfrogna à ces mots.
— Sympa ! N'empêche que tu te mêles toujours de ce qui ne te regarde pas, ça devient énervant à la fin !
— Je le fais juste pour que tu ouvres les yeux, Ulrich, mais puisque tu insistes, je te dirai plus rien. Mais faudra pas venir pleurnicher quand Yumi sera décidée à t'effacer de sa vie !
Il quitta les douches, y laissant le beau brun pensif. Ulrich se tourna et fit face au miroir qui lui renvoyait sa propre image.
— Je suis qu'un lâche, laissa-t-il s'exprimer face à cette dernière.
Il se disait courageux mais avait passé plus d'une année à fuir ses sentiments par simple peur de se faire rejeter, et ce n'était certainement pas en niant son amour pour Yumi que ses doutes sur ce qu'éprouvait la jeune asiatique pour lui allaient se dissiper.
— Ce crétin d'Odd a peut-être raison... Je dois parler à Yumi.
Il était décidé à saisir la première occasion qui se présenterait pour avoir une discussion des plus sérieuses avec la jeune asiatique.
Il alla ensuite prendre sa douche. Sentir l'eau couler le long de son corps lui procurait toujours autant de bien-être. Une fois finie, il retourna dans sa chambre pour s'habiller et rejoignit ses amis qui semblaient n'attendre que lui, réunis en bas des escaliers du dortoir.
— C'est pas que mais je commence vraiment à avoir faim ! se plaignit Odd.
— Tiens, c'est nouveau ça ! ironisa Jérémy.
Alors qu'ils se dirigeaient vers le réfectoire, Ulrich sentit une main se refermer autour de son bras et le tirer légèrement pour l'écarter de ses amis. Il n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il se passait, il se retourna et vit en gros plan le visage de Sissi à quelques millimètres du sien.
— Ulrich, chéri, jubila la fille du proviseur, je te cherchais justement !
Ulrich dégagea son bras, les sourcils froncés.
— Primo, je suis pas ton « Ulrich chéri », et deuxio, qu'est-ce que tu me veux ?
— Te dire quelque chose de très important, répondit-elle en ignorant la première phrase du beau brun.
— Peu importe ce que t'as à me dire, je veux pas le savoir !
Il voulut partir mais elle le retint par le bras.
— Mais, Ulrich, s'il te plaît ! C'est au sujet de Yumi.
Le jeune homme se figea à l'entente du prénom de la japonaise. Il avait toujours ce sentiment de dérangement dès qu'il s'agissait d'elle, ce besoin de savoir pourquoi il était question de sa Yumi. Il finit donc par accepter de l'écouter, tout de même méfiant.
— Qu'est-ce que tu vas encore me sortir ?
— T'es au courant que Yumi et William sortent ensemble ?
La gorge d'Ulrich se noua et son cœur se serra dans sa poitrine. Ce sujet lui faisait beaucoup de mal mais il le dissimula pour ne pas montrer à Sissi qu'elle avait eu ce qu'elle voulait : le blesser. Il garda un visage aussi inexpressif qu'il le put et détourna les yeux pour regarder ailleurs.
— T'en as encore beaucoup de stupidités à me sortir ? Parce que j'ai pas tout mon temps là !
— Oh, excuse-moi ! J'ai dit quelque chose de mal ?
Elle prit un air faussement désolé avant de poursuivre, fière de son coup :
— Je t'avais pourtant prévenu que cette fille se moquait de toi ! Tu mérites mieux, Ulrich...
Voyant que le beau brun ne disait rien, elle tenta de s'approcher de lui. Mais Ulrich recula de quelques pas avant même qu'elle ne puisse le toucher.
— Et par « mieux », tu veux dire « toi », n'est-ce pas ? Bon, Sissi, le jour où j'aurai besoin de tes opinions à deux balles, je te ferai signe !
Sans la laisser ajouter quoi que ce soit, il lui tourna le dos et partit. La rage se peignit sur le visage de la jeune brune qui bouillonnait de colère. Des pas en provenance de sa droite attirèrent alors son attention. William apparut devant elle et se mit à rire.
— J'en connais une qui vient de se faire recaler par Ulrich Stern ! Quelle tronche tu as !
— Toi, la ferme !
Elle lui lança un regard noir avant de croiser les bras.
— Laisse moi t'aider.
Sissi grimaça, le reluquant de la tête aux pieds.
— Et pourquoi tu ferais ça ?
— Parce qu'au final on veut la même chose, toi et moi.
De mauvais sourires vinrent se fixer sur leurs lèvres.
••
Ulrich déposa son plateau sur la table et s'assit en face d'Aelita qui lui demanda ausitôt :
— Elle te voulait quoi, Sissi ?
— Boff, tu la connais ! il fixa son petit-déjeuner avec dégoût. Elle m'a demandé si je suis au courant pour Yumi et William...
Il eut du mal à sortir lui-même ces mots de sa bouche. Ses amis ne le quittèrent pas du regard pendant une dizaine de secondes, s'attendant à une mauvaise réaction de sa part par la suite, mais il ne fit rien. Jérémy prit la parole à son tour :
— C'est moi ou tout le monde ne fait que parler de ça maintenant ?
— On dirait bien, mais c'est évident que ce ne sont que des rumeurs !
— Tu la défends parce que c'est ta meilleure amie, dit Ulrich avec un demi sourire, on peut pas t'en vouloir.
— Non, Ulrich, je la défends parce que je n'aime pas qu'on raconte des histoires sur mes amis sans preuve... ! Et aussi parce que c'est ma meilleure amie, oui, affirma la jeune fille aux cheveux roses en lui rendant son sourire.
— Tu as entendu les deux filles la dernière fois, non ? Elles ont vu Yumi et William ensemble, rappela le génie de la bande.
— Et alors ? Ça ne prouve rien du tout ! Toi et moi sommes bien tout le temps ensemble et ce n'est pas pour autant que nous sommes en couple. Je me trompe ?
Jérémy ne put retenir le rouge qui lui montait aux joues, Ulrich se ne priva pas d'en rire.
— Vous avez l'air bien occupés à parler, je peux finir vos plateaux pour vous, si vous voulez !
— Odd ! s'écria le reste du groupe en même temps.
••
« Ulrich », le seul mot qu'elle avait à la bouche.
Yumi sortit de son tiroir, une pincée de tristesse dans les yeux, un livre dont la couleur de la couverture allait du violet au noir : son journal intime. La nippone feuilleta quelques pages jusqu'à tomber sur celle où une photo d'Ulrich y figurait, et, submergée par les émotions, se mit à la regarder intensément en faisant glisser son doigt dessus.
— Pourquoi tu veux pas sortir de ma tête, Ulrich ? Et surtout... de mon cœur ?
Après plusieurs heures à s'engouffrer dans de moroses pensées, des gargouillis firent revenir Yumi à la réalité : elle commençait à avoir un petit creux.
— J'ai rien avalé depuis ce matin.
Elle quitta sa chambre et descendit les escaliers pour se rendre dans la cuisine. La maison était calme, ses parents étaient sortis et l'avait laissée seule avec Hiroki.
Elle s'apprêtait à ouvrir un paquet de kiriames afin de grignoter quand elle entendit sonner à la porte. Elle poussa un soupir d'agacement et abandonna ses sucreries sur la table avant d'aller l'ouvrir. Et quelle ne fut pas sa surprise quand elle vit la personne en face d'elle !
— William ?
En effet, le jeune homme se tenait devant elle, un grand sourire aux lèvres. Yumi l'observa de la tête aux pieds comme si c'était la première fois qu'elle le voyait.
— Oui, c'est bien moi.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? s'étonna-t-elle.
— T'es aussi surprise que ça de me voir ?
La jeune asiatique mit un certain temps à répondre. C'était clair que William avait trop pris la confiance depuis qu'elle l'avait bêtement laissé la prendre dans ses bras.
— Bah... oui !
— Je peux entrer ou tu préfères me laisser dehors ? questionna le beau ténébreux en pointant du regard l'intérieur de la maison.
— Je t'avoue que la deuxième option me tente mais bon, vas-y, entre, soupira-t-elle.
Il lui accorda un sourire qu'elle préféra ignorer. Yumi l'emmena dans la cuisine où elle reprit son paquet de kiriames. Il eut un moment de silence, William admirait les pièces et les moindres recoins de la maison magnifiquement habillés de décorations japonaises.
— C'est beau chez toi, il posa à nouveau ses yeux sur elle.
— Merci.
— Tu te demandes sûrement pourquoi je suis venu.. Fallait que je te parle.
— Parler de quoi, William ?
— De nous deux.
La lycéenne le dévisagea, ne comprenant pas tout de suite où il voulait en venir, tandis que ce dernier s'avança vers elle pour en être plus près.
— Comment ça, « nous deux » ?
— Tu sais déjà que tu me plais beaucoup, Yumi, j'ai pas à le cacher.
Yumi évita de croiser son regard déstabilisant. Elle fixa la table, jouant avec le paquet dans sa main.
— Inutile de tourner autour du pot, reprit le beau ténébreux. Je voulais savoir si tu veux sortir avec m...
— Je t'arrête tout de suite, William, l'interrompit-elle soudainement en faisant l'effort de le regarder dans les yeux. D'accord, je t'apprécie bien, et c'était gentil de ta part hier de m'avoir blessée pour ensuite pouvoir me prendre dans tes bras. C'est vrai, je t'ai laissé faire, mais ça ne voulait rien dire ! Il n'y aura jamais rien entre nous, c'est clair ?
William perdit l'air confiant qu'il avait depuis son arrivée. On pouvait lire sur son visage une rage intense.
— Je vois... C'est encore Ulrich, c'est ça ?
Yumi commençait elle aussi à en avoir marre de l'attitude de William et du fait qu'il avait autant de mal à accepter sa décision, tout en y impliquant Ulrich à chaque fois.
— Tiens, en parlant de lui, j'aimerais que tu sois là pour le voir faire la cour à Sissi ! T'as pas l'air de lui manquer en tous cas, il s'en est très vite trouvé une autre !
— Bon, j'en ai assez de toi, William ! Sors d'ici ! s'énerva Yumi, retenant le peu de larmes qui lui montaient aux yeux.
William s'exécuta aussitôt. Yumi le raccompagna jusqu'à la porte et la referma violemment une fois son prétendant hors de son champ de vision.
— Quel crétin ! Ce sont tous des crétins de toute façon !
Sur les nerfs et manquant de fondre en larmes, elle regagna sa chambre.