Code Alpha 2.0: Rainy Days

Chapitre 7 : Chapitre 7: Le froid de l'océan

5419 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/07/2019 15:39


O??m??bre


Je courais à travers les gens. Je ne m'étais jamais sentie aussi vivante. La liste « des choses que je voulais faire » n'en était qu'à son début ! Et elle ne cessait de s'agrandir. Je trouvais toujours de nouvelles envies, de nouvelles idées. Tant que je bougeais, j'étais vivante. Tant que je découvrais, je me sentais exister. Jean me courait après, un grand sourire aux lèvres, me criant de l'attendre. J'étais trop impatiente et il allait trop lentement pour moi. Il ne comprenait pas pourquoi je prenais autant de plaisir à faire des choses aussi anodines. Sauf que pour moi, elles étaient exceptionnelles. Tout était une première fois. C'était le temps des découvertes.


Nous avions passé la matinée à essayer de cuisiner, en vain. Rien que ça. Rien que cuisiner, c'était quelque chose que j'ignorai. Bon, pour apprendre la cuisson des pommes de terre, on repassera. C'était surtout l'après-midi que j'attendais avec impatience. Nous devions nous rendre dans l'océan. Je ne l'avais vu qu'à travers des images. Ça allait être ma rencontre avec cette grande étendue bleue qui recouvrait toute notre planète. Une fois sur place, mon cœur s'était mit à battre la chamade. Sans attendre qu'on s'installe, je m'étais déshabillée, ne gardant que mon maillot de bain et je m'étais précipitée vers l'eau. Je riais aux éclats. Ce fut le dernier moment où je fus heureuse.


Cela ne faisait que quelques mois que j'étais venue au monde. L'usine, Lyoko, tout ça était loin. Je ne voulais plus y repenser. Mais parfois, il ne suffit pas d'avoir envie. Lorsque je plongeai dans l'eau, je me retrouvais pendant quelques instants coupée du monde. Le sentiment de Vide était déjà venu, juste après ma victoire sur Ambre, mais jamais n'avait-il était aussi fort. Jamais je n'avais eu l'occasion de réaliser à quel point j'étais seule désormais. Lorsque je sortais la tête de l'eau, je l'aperçus au loin. Je ne pouvais distinguer son visage, mais je reconnaissais ses longs cheveux roses. Elle s'éloignait, marchant vers l'océan. Je voulais la retenir. Lui hurler de revenir, mais aucun son ne pouvait sortir de ma bouche. Je réalisais que des larmes coulaient le longs de mes joues.

Jean était venu me chercher car la façon dont je guettais l'horizon avait commencé à l'inquiéter.

« Tout va bien, Ambre ?

- Oui... J'avais cru voir... Non rien. »


Cette nuit là, nous fîmes l'amour. Ce n'était pas la première fois, mais contrairement à d'habitude, aucune passion, aucun feu n'était présent. Juste le froid de l'océan. Et lorsqu'il murmura à mon oreille : « Ambre... je t'aime... », l'acte charnel devient douloureux. Ainsi a commencé ma longue descente en enfer, qui me poussa jusqu'à ce terrible choix. Celui qui n'annonçait aucune chance de pardon.

Qui suis-je ? Que suis-je ? Deux questions qui n'ont cessées de me tourmenter. Ils ne me restaient plus qu'elles, ainsi que ce même froid que je retrouvais désormais dans la pluie qui continuait à me poursuivre. Le nombre de mes victimes avait augmenté jusque deux. Même mes démons ne voulaient plus de moi. La voix railleuses de l'Autre commençait presque à me manquer.

Combien de temps s'était écoulé depuis l'incident sur le pont de l'usine ? Des minutes ? Des heures ? Des jours ? J'étais allongée sur un banc dans un parc pour enfant, trempée jusqu'à l'os. Je n'avais plus la force de lutter mais pourtant j'avais beau fermer les yeux, je restais là. A force de rester ici, sans boire ni manger, ne devais-je pas rejoindre Ambre et Jean ? N'étais-je pas censée voir une lumière au bout du tunnel ? Ou bien est-ce que même la mort ne voulait pas de moi ?


C'était peut-être ça mon châtiment... Rester en vie. C'était bel et bien le pire possible.

« Vous... vous allez bien ?

J'ouvrai les yeux. Je voyais flou mais je pouvais entre apercevoir une silhouette devant moi. Je ne répondais pas. Que pouvais-je lui dire ? J'hésitai entre « laisse-moi mourir en paix » ou « est-ce que j'ai vraiment l'air d'aller bien ? », mais je me contentai d'une sorte de grognement. Si je ne pouvais plus être tranquille ici, j'allais partir ailleurs.

- Ne vous levez pas, je suis pas sûr que vous en soyez capable ! »

Et puis quoi encore ? Je commençai à prendre appuie sur le banc pour me lever et... je m'effondrai sur le sol.


Melvin


J'étais silencieux. Elle l'était aussi. Nous étions dans la cafétéria depuis une bonne dizaine de minutes, immobiles. Je n'osais pas la regarder, mais je savais qu'elle me jaugeais du regard. J'avais essayé de parler à plusieurs reprises, en vain. Elle se montrait patiente, en se contentant de siroter doucement la même boisson que la dernière fois : un diabolo menthe. Elle m'en avait commandé un, même si je ne lui avais pas demandé. J'ouvrais de nouveau la bouche, mais elle fut plus rapide, me tendant mon verre :

« Bois. Ça te ferra du bien. »

En tant normal, j'aurais refusé de recevoir le moindre ordre de sa part, mais elle n'avait pas dit ça sur un ton autoritaire, plutôt compatissant. Alors je m'exécutais. Le goût sucré n'était pas désagréable, mais en réalité, je détestais la menthe. Aujourd'hui cette saveur était encore plus repoussante que d'habitude. Après quelques gorgés forcés, je prenais une grande inspiration et croisait enfin le regard de Zoé.

« Jean... Jean... Jean est... Il est... essayais-je de dire. Mais c'était impossible. les mots ne voulaient pas sortir. Comme si je ne voulais pas admettre cette terrible et effroyable réalité. Je fondais en larmes, bruyamment, en reniflant. Les autres ados présent commencèrent à me regarder bizarrement et quelqu'un éclata même de rire. La métaleuse me fit signe de les ignorer.

- Il est mort, terminais-je en m'effondrant sur la table. Je n'avais jusque là pas osé utiliser le mot « mort ». C'était la première fois que je le prononçais. C'était la première fois que quelqu'un que j'avais connu et véritablement apprécié était passé dans l'au-delà. Certes, il y avait eu Ulrich et Mélissa... mais ce n'était pas la même chose. Je ne les avais pas vraiment connu. Mon interlocutrice fut tellement surprise qu'elle manqua de s'étouffer en buvant.

- Qu'est ce qui s'est passé ?

Je prenais un mouchoir de mon sac et me mouchais.

- Melvin, qu'est ce qui s'est passé ? dit-elle sur ton un peu plus agressif. Pourquoi... ? Pourquoi est-ce qu'elle s'en prenait à moi ? Je n'y étais pour rien que je sache...

Je lui expliquais le message d'Antoine et l'entrevue à l'usine. Je pu voir dès le début qu'elle désapprouvais ma conduite. C'est vrai que j'avais promis de ne pas prendre contact avec Antoine ou quelque chose comme ça... mais ça m'avait semblé être la meilleure chose à faire ! J'étais dans un état tel que je ne lui cachais rien, même au sujet de la vérité sur Ombre. J'en venais ensuite à... à la partie douloureuse. A cette vision... d'effroi. Au corps meurtri de Jean.


Je ne pouvais pas prétendre avoir été très proche de ce gars là. Au contraire, à l'instar de sa relation avec Antoine, au début il se moquait constamment de moi. Et puis... même lors du conflit avec XANA, je crois que je ne l'aimais toujours pas. En fait, c'était de la jalousie. Lui avait tout pour lui, il était populaire, sportif et plutôt canon. Moi j'étais gros et timide... Je n'osai pas vraiment me rapprocher d'Ambre, même quand elle se confiait à moi, alors que lui avait agis sans hésiter, et avait réussit à conquérir son cœur... Plus que de la jalousie, c'était de l'admiration parfois. Jean était... avait été... quelqu'un de bien. Sous ses airs de caïd, il était en réalité quelqu'un remplis de valeurs, qui savait se battre pour ses convictions. Il était revenu affronter XANA avec nous et avait failli y laisser sa vie. Et même si ce qui nous été arrivé avait été horrible, stressant et parfois cauchemardesque, il avait toujours su garder le sourire et détendre l'atmosphère.

Pourtant... de part ma jalousie... parfois j'aurais aimé qu'il n'existe pas. Qu'il meurt d'une certaine façon. Il occupait toujours toute l'attention... peut-être que s'il n'avait pas été là... je me serais plus ouvert... peut-être qu'avec Ambre... J'étais un monstre d'avoir raisonné ainsi. Maintenant qu'il n'était vraiment plus là... C'était horrible, juste horrible. La derrière expression qui avait été dessiné sur son visage restait telle une emprunte dans ma tête, et elle ne voulait plus s'en aller.

- Et après ? » sortit rapidement Zoé, coupant mes pensées.

Alors je lui racontais. La prise d'otage d'Ombre, et ce qui s'était passé ensuite.


Je restais immobile dans le froid pendant quelques minutes, totalement sous le choc. J'avais arrêté de crier le nom de la jeune fille. J'avais compris qu'elle ne reviendrait pas. Je n'arrivais pas à réaliser ce qui s'était passé. Je croyais à ce que je lui avais dit. Je voulais y croire. Tout allait s'arranger. Tout s'arrangeait toujours, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?! On allait recommencer à vivre heureux comme si de rien était... Jean rigolerait, Antoine râlerait, Ambre... ou Ombre sourirait timidement et moi je les observerais, envieux... Rien n'était jamais perdu d'avance...

Soudainement, la dure réalité me revint en tête. Ombre, Antoine, Jean... pourquoi est-ce qu'il avait fallu que ça se te termine ainsi ? Après tout ce qu'on avait vécu, avec tous les liens qui nous reliaient... Comment avions nous pu en arriver là ? Je m'effondrais sur le sol humide, pleurant comme le faible que j'avais toujours été. Incapable d'aider qui que ce soit.


« Oh, tu es là, fit une voix derrière moi.

Je me retournais. C'était la fameuse Violette. La nouvelle pote d'Antoine, celle pour qui il nous avait remplacé, mais je n'avais pas la tête à réfléchir à ce genre de choses. Je m'empressais de me relever. La jeune fille avait l'air aussi à l'ouest qu'à son habitude, mais à cet instant précis, une aura effrayante se dégageait d'elle. Ombre avait eu peur d'elle. Ombre, qui avait été capable de plein de choses, d'aller jusqu'à la tentative de meurtre sur Jean et moi, et ce dans des lieux publics à chaque reprise, avait eu peur d'elle. Il devait bien y avoir une raison. En tout cas, son visage inexpressif ne me rassurait pas.

- La cible n'est plus là. » constata-t-elle sobrement.

Puis elle se retourna et commença à retourner à l'usine. Hein ? Elle comptait me laisser comme ça sans rien me dire d'autre ! Je la suivais et posais ma main sur mon épaule en m'écriant : « Hey ! ». Dès que je rentrais en contact avec elle, elle se retourna m'attrapa le bras et me plaqua violemment au sol, le faisant aussi aisément que si j'avais été aussi léger qu'une peluche. Puis, alors que j'étais sans défense au sol, elle s'apprêtait à me frapper mais se ravisa au dernier moment :

« Melvin est notre allié. » fit-elle, songeuse. Et au lieu de me donner un coup de ses bras minces, elle attrapa le mien et m'aida à me relever.

Comment avait-elle pu faire preuve d'autant de force ? Ce n'était pas... logique ! Mais bon, ce n'était que le cadet de mes soucis, et je la suivais lorsqu'elle reprenais la direction de l'usine. Là bas, l'horreur n'avait pas bougé. Allongé dans une mare de sang dans une position plus qu'étrange, Jean m'attendait. Je n'osais pas le regarder. Je savais qu'il... n'était pas en état de ressembler à grand chose. A sa place, je n'aurais pas voulu qu'on me vois dans cet état. Antoine était au près de lui, prenant son pouls ou quelque chose comme ça, je n'y connaissais rien.


« A... Alors ? Est-ce qu'il va bien ? bredouillais-je.

Je me rendais compte de la futilité de la question. Évidemment, qu'il n'allait pas bien, il fallait appeler des secours, et rapidement ! Je sortais mon portable.

- J'appelle une ambulance !

- Ce ne sera pas la peine. répondit le blondinet, en essuyant ses mains tâchés de sang sur le pantalon de la victime. Jean est mort.

Il dit cela d'un calme absolu. Presque comme s'il... comme s'il n'en avait rien à faire. J'osais finalement porter mon regard sur celui qui était par terre et je voyais l'expression sur son visage, ses yeux écarquillé. Le genre d'image qui pourrait vous faire faire des cauchemars pendant des mois et des mois...

- La police dans ce cas ! Il faut que quelqu'un fasse quelque chose ! hurlais-je, les larmes aux yeux.

Oui... La police. Ils allaient régler tout ça, et on allait être heureux comme avant... Une grande partie de moi savait que j'essayais de me convaincre, que ce n'était qu'un gros mensonge, mais une infime partie de ma personne voulait y croire. Rien n'était perdu !

- Je te déconseille fortement de faire ça. Si tu appelles qui que ce soit, je n'aurais pas d'autre choix que de demander à Violette de te mettre hors d'état de nuire.

Sa voix avait été froide. Il avait parlé avec un ton que je ne lui connaissais pas. Je n'avais aucun doute quant au fait qu'il était prêt à mettre ses menaces à exécutions... Putain, mais comment on en était arrivé là ?! J'éloignais doucement mon portable de mon oreille, ne comprenant pas le comportement de l'intello. Il n'y avait pas d'autres solutions que d'appeler les autorités compétentes !

- Ouvre bien tes neurones, d'accord ? Il est hors de question que le moindre adulte, la moindre personne ayant un rapport avec le gouvernement ou tout simplement la moindre personne que je n'ai pas autorisé soit au courant de cette histoire. Ou vienne à l'usine. Compris ?

Son sourire arrogant avait disparu, il était d'un sérieux terrifiant. La mort de Jean ne l'avait pas attristé, ça l'avait plus... agacé.

- Compris ? répéta t-il, en appuyant fortement sur chacune des deux syllabes. Il me regardait droit dans les yeux. Ça me faisait peur je... je ne comprenais pas ce qui se passait, ni pourquoi il agissait ainsi. Il s'impatienta et rajouta avec énervement :

- Si tu en parles à qui que ce soit : je le saurais. Ce n'est pas un jeu, Melvin. C'est une guerre. Dans cette lutte tu es soit avec moi, soit contre moi. Et si je découvre que c'est la seconde option, j'agirais en conséquences.

Ce n'était même pas une menace. Ça donnait plus l'impression d'être un constat. Un horrible constat. Il était clair que sous son cynisme de tout à l'heure se cachait un sérieux à tout épreuve. Et vu... vu ce qui venait de se passer, il avait raison sur un point : ce n'était plus un simple problème d'adolescents. C'était quelque chose de bien plus important et dangereux... J'avais la soudaine envie de me réveiller dans mon lit et de pouvoir me dire que ce n'était qu'un affreux cauchemars.


- Qu'est... qu'est-ce que tu vas faire de Jean ? demandais-je en tremblant.

Il se détourna de moi et alla vers Violette, pour lui donner des instructions.

- Tu emmèneras... ça dans la salle des scanners, dit-il en pointant le corps sans vie du doigt. On va le balancer sur Lyoko. Après tu nettoieras toute cette saleté.

Quoi ? Comment pouvait il se conduire ainsi, avec si peu de respect pour la mémoire de notre ami ? Peu importait ce qu'il disait, je devais contacter la police. Ça allait trop loin pour nous ! Je sortais mon portable à nouveau, mais il le repéra immédiatement.

- Nous sommes nous mal compris, Melvin ? me lança t-il d'une voix glaciale, transpirante de mépris.

- Pas du tout ! Mais Jean a le droit a des funérailles digne de ce nom !

Il me toisa du regard un instant, m'observant comme s'il regardait un insecte. Il allait demander à cette super-nana de me foutre une raclée à coup sûr... Mais tant pis ! Pour Jean, j'étais prêt à subir ça !

- D'après toi, que va t-il se passer si nous contactons la police comme tu tiens tant à le faire ?

C'était une question inattendue... Et bien, il allait contacter sa famille, enquêter... faire ce que fait la police normalement !

- Quelles explications comptes tu leur donner quand à sa mort ? La thèse de l'accident étant impossible, il nous faudra alors dénoncer Ambre alors que nous comptions la sauver à la base. Une fois en prison, elle perdra toute chance de redevenir celle que nous aimons. Mais ça ne s'arrêtera pas là. Ils découvriront l'usine. Ils enquêteront sur le laboratoire. Des hommes du gouvernement prendront le relais et une nouvelle affaire s'ouvrira : celle de la disparition de Ulrich Schtern, de Mélissa Marple et surtout de William Dumbar, l'homme qui voulait nous tuer l'an dernier. J'ai fait des recherches avec Alpha, c'était un type puissant. A la tête de pas mal d'organisations. Certaines dont on ne connaît même pas l'existence, encore aujourd'hui. Ils se rendront compte que nous sommes tous les deux liés jusqu'au cou dans ces histoires. Et là, Melvin, que crois tu qu'il se passera ?

J'étais paralysé. Il avait plongé son regard dans le mien pendant sa tirade et j'avais pu imaginer les événements qu'il avait décrit. Ce n'était pas invraisemblable. Non à vrai dire, ça se passerait totalement comme ça. J'avais peur. De tout. De la mort de Jean. D'Ombre. D'Antoine lui même. De ce que l'avenir nous réservait désormais. J'étais incapable de parler. Le blondinet compris que je n'allais plus lui poser de problèmes, et me conseilla de rentrer chez moi, avant de rajouter :

- Je te recontacterai bientôt. J'aurais peut-être besoin de toi et de tes... compétences. » avec un air clairement ironique lorsqu'il prononça le dernier mot.

J'hochai la tête, j'étais dans le brouillard mentalement, je voulais juste rentrer chez moi. Je faisais le chemin sous cette averse qui ne voulait pas s'arrêter, perdu dans mes pensées. Tout se mélangeait dans ma tête, j'étais incapable d'y voir clair.


Le lendemain, il pleuvait toujours. J'avais passé la nuit les yeux ouverts dans mon lit, incapable de trouver le sommeil, espérant toujours avoir rêvé. Mais ce n'était pas le cas. Jean n'était plus, Ambre ou Ombre, ou qui que ce soit avait pété les plombs et j'étais impliqué que je le veuille ou non dans les magouilles d'Antoine. L'époque où nous étions tous amis me semblait si lointaine... J'aurais voulu qu'on me révèle que ce n'était qu'une plaisanterie de mauvais goût et que tout redevienne comme avant...


Mes frères ricanaient dans leur coin.

« Gravin pleure encore, fit Luc.

- Il s'est encore fait insulter tu crois ?

Je n'en pouvais plus. Je me levai d'un bond, en attrapai un et le secouai de toutes mes forces :

- Fermez vos gueules, putain ! FERMEZ VOS GUEULES !

- Melvin ! Lâche ton frère immédiatement !

- C'est ça, je le lâche !

- File prendre ta douche, et après on aura une petite discutions !

- Non, je me casse. »

Je m'habillais à toute vitesse et partais immédiatement. Dans la rue silencieuse, j'avais l'impression d'être dans un autre monde. Que tout était différent, même si au fond, rien n'avait changé. Je m'étais mis en colère pour la première fois de ma vie. Cette colère n'était toujours pas retombé. Elle avait prit la place de la tristesse et du désespoir. J'en voulais à la Terre entière. J'en voulais à Antoine. Surtout, je m'en voulais. Les gens avaient raisons de m'éviter. J'étais un petit gros inutile, qui avait été incapable de sauver un de ses amis.


Quand j'arrivais en cours de français, les places de Violette et Antoine étaient libres. Il n'allait sans doute pas venir aujourd'hui et c'était tant mieux. Sarah ne m'adressa pas un regard, sans doute vexée par ce qui s'était passé hier. Mais dans un sens j'avais eu raison de ne pas la confronter à ça. D'ailleurs, j'aurai aimé ne pas l'avoir été. Augustin s'assit à côté de moi, et remarqua tout de suite mon état.

« Quelque chose ne va pas Melvin ? me demanda t-il.

C'était horrible. Je voulais me décharger de tout ça. Je voulais tout lui raconter. Mais je ne pouvais pas. Je ne devais pas en parler à qui que ce soit. Je ne pouvais pas me permettre d'impliquer qui que ce soit d'autre là dedans. Surtout maintenant qu'Antoine était aussi dangereux.

- J'ai un ami... commençai-je. Que devais-je dire ensuite ? Un ami qui a disparu. »

Aussitôt je demandais à quitter la salle, je ne pouvais pas rester ici, au milieu de tout ces gens qui ignoraient l'horreur que j'avais vécu.


« Et dès que je me suis sorti, je t'ai contacté, dis-je pour terminer mon récit.

Zoé était songeuse, et son verre était vide. Je lui en recommandais un, et elle hocha la tête en signe de reconnaissance.

- T'as bien fait. Je ne pensais pas que les événements allaient prendre aussi rapidement une telle ampleur... marmonna t-elle doucement.

Je compris qu'elle ne me parlait plus vraiment, et qu'elle était en pleine réflexion. Normalement, elle me faisait trop peur pour que je l'interrompe, mais la situation était trop grave pour que ce genre de choses me retienne.

- Dis Zoé... Que va devenir Léa, la petite sœur de Jean ? C'était... c'était lui et uniquement lui qui s'occupait d'elle. Qu'est ce qu'elle va devenir ?

Encore une fois, Zoé baissa sa garde, me prouvant une fois de plus qu'elle n'était pas aussi insensible qu'elle avait voulu me le faire croire lors de notre précédente rencontre. Je m'étais peut-être un peu trompé sur son compte. Dans ma tête, le chagrin de la perte de Jean avait été remplacé par la peur pour la petite. Tellement gentille, innocente... et tellement dépendante de son frère qu'elle voyait toujours vu comme son héros...

- Je m'occuperai d'elle. Je t'en donne ma parole, je me porte garante de sa sécurité et de son avenir.

Elle avait l'air sincère. Et sérieuse. Elle me tendit une main et je la serrai aussi fort que je le pouvais, tout en me retenant à nouveau de pleurer.

- En revanche, je ne veux plus que tu sois impliqué là dedans Melvin, c'est d'accord ? Un innocent est déjà mort, il est hors de question qu'un deuxième le rejoigne.

- C'est facile à dire...

Elle leva un sourcil. Elle ne s'était pas attendu à ce que je la contredise.

- Pardon ?

- Je suis dedans jusqu'au cou, Zoé ! Antoine ne me laissera pas tranquille et il est hors de question que j'abandonne Ombre dans cet état !

- Et qu'est-ce que tu peux faire ? Je t'assure, il vaut mieux que...

- Qu'est-ce que je peux faire ? C'est la question que je me pose depuis le début. Et... et si j'y avais trouvé une réponse, ben peut-être que Jean serait encore vivant !

- Je ne peux vraiment pas te faire changer d'avis ?

Je lui fis comprendre par un signe de tête qu'il en était hors de question. Elle soupira et pour la première fois depuis que je la connaissais, elle eut un semblant de sourire.

- T'es vraiment un cas désespéré... Bon... J'aime pas avoir recours à ce genre de choses, mais pour le moment essaie de rester du côté d'Antoine.

- Comme un agent double ?

- Ouais. C'est ça. Par contre, méfie toi des membres de ma famille.

J'eus comme une sorte de déclic. Que Zoé soit au courant pour Lyoko et XANA m'avait tellement surpris que je n'avais jamais émis l'idée que ses frères et sœurs le soient aussi. Augustin, avait été tellement sympa... Est-ce qu'il avait lui-aussi un lien là dedans ?

- Pourquoi ?

- Melvin, c'est trop compliqué à expliquer... fit elle.


Je n'en pouvais plus d'être traité comme un abruti. Tout le monde autour de moi avait l'air de savoir pleins de choses que j'ignorais et s'attendait à ce que j'agisse comme bon ils leur semblaient ! Ça ne pouvait plus durer ! J'en avais assez d'être un pion et je ne pouvais pas supporter de rester encore à juste obéir sans pauser de question alors que quelqu'un était mort !

- Dans ce cas je m'en vais.

Je commençai à me lever.

- Non, Melvin ! Attends !

- Je t'écoute.

- Ça risque de ne pas te plaire...

- Tout ce qui s'est passé jusque là ne me plaît déjà pas.

- Augustin, Judith et moi ne sommes pas vraiment frères et sœurs. Nous n'avons même aucun lien de parenté. Nous venons du même endroit. Toute notre vie, nous n'avons été formé que pour une chose. Au départ, nous étions en compétition, puis... ça a changé. Le but était de... Melvin, je ne peux pas dire ça à haute-voix. Pas dans un lieu publique.

- Alors parle moins fort, sinon je m'en vais.

Elle eut l'air presque alarmée. Comme si elle pesait véritablement les différentes options que je lui offrais pour savoir laquelle aurait le moins de conséquence.

- Bon. Je vais raccourcir. Ma « famille » ne veut qu'une chose : détruire Antoine. Mais pour cela, il faut l'avoir sur son terrain, à savoir Lyoko. Une des stratégie mise en place par Judith était de récupérer tous ses alliés... dont tu fais partie.

Il fallu quelques secondes pour que je réalise ce que cela impliquait. Le comportement de cette jolie petite fratrie à mon égard... Leurs attentions, leurs compliments... Tout ça, c'était du chiqué pour m'avoir. Pour me détourner d'Antoine. En fait, ils étaient comme tout le monde : ils n'en avaient rien à foutre de ma pomme.

- Je suis vraiment un abruti...

- Je t'avais prévenu que ça n'allait pas te plaire.

- Et donc tu veux toi aussi t'en prendre à Antoine ?

- Je ne t'ai pas tout dit... Laisse-moi continuer.

- Non. J'en ai assez entendu. »

J'en avais plus qu'assez. On s'était encore une fois joué de moi. J'avais cru que cette année allait être différente... Que j'allais enfin trouver des amis... Mais d'un côté tout s'effondrait et de l'autre tout était factice. Je n'étais même pas de retour à la case départ, j'étais plus bas que terre. Ombre était folle à lier, Antoine probablement aussi, Jean allait être porté disparu à tout jamais... Et mes « nouveaux amis » ne m'avaient parlés que par intérêt et pour s'en prendre à quelqu'un que j'appréciais.


Pourquoi les choses ne pouvaient pas être simple pour une fois ? Pourquoi est-ce que tout devait être... aussi compliqué ? Je me souviens qu'avant je me vantais d'avoir pu vivre des choses aussi exceptionnelles... Maintenant je me rendais compte à quel point j'avais été idiot. J'aimerai n'être que Gravin, n'avoir que des problèmes de Gravin et que ça s'arrête là.

Je quittai la cafétéria en claquant la porte et je rentrai chez moi. J'avais encore des cours, mais peu m'importait. Quand j'arrivai, ma mère m'accueilla en hurlant mais je me mis à crier encore plus fort qu'elle, lui demandant de me laisser faire mon deuil en paix.


Je m'allongeai sur mon lit. Je faisais mon deuil de quoi au juste ? De Jean ? D'Ambre ? Ou de l'espoir d'avoir un jour une vie normale ? Je n'en pouvais plus en tout cas. C'était trop pour moi. 


O??mb??re


J'ouvrai les yeux. Tout était toujours flou autour de moi, mais je ne sentais pas la pluie autour de moi. Au contraire, il avait plein de lumière venant d'en haut. Mes yeux, habitués à l'obscurité, devinrent douloureux mais je refusais de les fermer. Puis ils s'accoutumèrent. C'étaient des lampes qui m'éblouissaient. J'étais dans une sorte de petit salon. On m'avait enlevé mes vêtements et mit dans une robe de chambre.


Je devais rapidement partir de cet endroit qui ne m'était pas familier. Pour aller où ? Aucune idée. Ce fut comme un poignard. Qu'est-ce que je comptais faire ? Retourner chez Jean, comme si de rien était ? Impossible, tout ça avait volé en éclats. Je n'avais plus d'avenir. Et franchement, je n'en avais jamais eu. A part faire semblant d'être quelqu'un que je n'étais pas, d'être une pâle imitation, je n'avais rien accomplis pendant cette première année d'existence. D'ailleurs est-ce que je pouvais vraiment parler d'existence ? Qu'est-ce que j'étais au juste ?! Pourquoi... pourquoi étais-je venue au monde, si c'était pour que personne ne m'accepte ? Il se pouvait que je ne sois qu'une simple amie imaginaire ayant outrepassé ses droits. Une fantaisie d'enfant poussée trop loin. Ouais... c'était sans doute ça... Si on faisait le bilan de ma courte vie, j'avais fait plus de mal que de bien, agissant de manière égoïste... Je réalisai que... Au final, je réalisai que j'aurais préféré ne jamais venir au monde.

Après tout, était-ce un crime de vouloir plus que simplement exister ? Si je n'avais été destinée qu'à être qu'une simple observatrice, alors pourquoi est-ce qu'il m'était possible de prendre le contrôle du corps d'Ambre ? Ce que j'avais fait était inclus dans les règles du jeu, alors pourquoi... pourquoi putain tout semblait me crier que c'était une erreur ?! Que j'étais une erreur ! Ce n'était pas logique ! PAS LOGIQUE. Je prenais l'objet le plus proche de moi, à savoir une lampe et la brisais de toutes mes forces sur le sol. C'était stupide, mais j'en avais besoin. Je m'étais toujours persuadée que j'étais une battante et voilà que je pleurais encore. J'étais pire qu'Ambre à ses jours les plus sombres. Je n'y pouvais rien. J'avais juste envie de disparaître. Définitivement. Que cet enfer s'arrête.


Une jeune fille accourut à toute vitesse dans la pièce. Elle avait des cheveux mi-long roux. C'était elle, la silhouette que j'avais rencontré dans le parc.

« Tout va bien ? Me demanda t-elle immédiatement.

- Je suis où ? T'es qui ? Demandai-je brut de pomme.

-Je m'appelle Mathilde, et nous sommes chez moi. Enfin, dans la demeure familiale, mais c'est pareil. Je t'ai retrouvé dans un sale état... C'est pas un temps à être dehors...

- Et du coup, t'as prit la liberté de me ramener avec toi. Je vois. J'peux me casser maintenant ?

Je ne voulais pas lui être reconnaissante. Je ne voulais même pas lui parler. Je voulais... qu'on me laisse en paix. Ne plus voir personne, ne plus avoir à faire semblant.

- Je pense que tu devrais manger au moins avant de repartir.

- Je m'en contrefous de ce que tu penses. On sort par où ?

Je me levai du fauteuil avant d'y retomber immédiatement. Mes forces n'étaient pas totalement revenues.

- Je vais te chercher de quoi grignoter.

Je n'eus pas le temps de la retenir, elle était déjà partie. Recevoir de la gentillesse me mettait mal à l'aise. J'étais un monstre. J'avais tué... J'avais tué la seule personne qui tenait à moi. Même si ce n'était pas véritablement à moi qu'il tenait, c'était... suffisant dans un sens. Ouais... Je crois que j'avais fini par apprendre à l'aimer. Il n'avait pas mérité ce que je lui avais fait. Il n'avait pas mérité que je lui mente pendant un an. Putain. Et moi je ne méritais plus de vivre après avoir fait ça. Je jetais un coup d'œil par la fenêtre. Nous étions au quatrième étage. Avec un peu de chance... Ça allait suffire...


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