Quoi de neuf City Hunter ?
Miki prit place devant son partenaire. Chargée de divers désinfectants, compresses et bandages, elle osait à peine lever ses yeux pour observer Falcon. Posant le tout négligemment sur la table, elle saisit les mains tremblantes le bras blessé de l’homme. Le silence pesait sur les épaules d’Umibozû qui ignorait la marche à suivre afin de crever l’abcès. Il n’aimait pas savoir sa partenaire ainsi renfermée, le soignant uniquement en pilotage automatique. Il ne la voyait plus mais il sentait que son aura était trouble, comme si elle était prise de nombreux doutes qu’elle n’osait plus aborder.
Les mains moites, elle tentait d’être la plus douce possible dans ses gestes, les blessures n’étant pas spécialement belles à voir et à traiter. Une grimace s’installa sur le visage du moustachu.
« Je t’ai fait mal ? »
Le ton sarcastique de sa partenaire lui glaçait le sang : sa colère était bien présente, palpable et elle se contentait de tout garder en elle afin de ne pas exploser. Après un bref mouvement, sa pomme d’Adam se stabilisa, signalant la fin de sa déglutition forcée. La voix posée, il répondit à Miki :
« Non, c’est bon. C’est juste que… ça pique légèrement. »
« C’est ça quand on se bat en duel… »
Touché, coulé. Cette pique venant de la jeune femme signifiait qu’elle était possédée par la colère ou la frustration, peut-être même les deux. Il soupira bruyamment, rapidement imité par sa compagne. La tête droite, le visage fermé, il se laissait faire sans plus rien dire. Néanmoins, l’ambiance commençait à le mettre mal à l’aise, ne supportant que peu cette tension. A ses risques et périls, Falcon décida de faire un pas imaginaire vers Miki.
« Ecoute je sais que tu es en colère mais… »
« Je ne suis pas en colère. Je suis simplement… Déçue. Je… Je croyais que notre relation était plus solide que ça, mais il faut croire qu’il existe encore des fragilités… En fait… »
Elle cessa tous ses mouvements, daignant lever le regard vers le visage de Falcon. Son image imprégnait les verres teintés de ses lunettes, lui renvoyant sa tête épuisée par les précédents événements.
« En fait… Je pensais que tu avais confiance en moi, que tu me connaissais davantage. Comment as-tu pu seulement imaginer que j’allais t’abandonner parce que tu allais devenir aveugle ? Je… Je ne suis pas si superficielle. Je te rappelle que c’est moi qui t’ai cherché pendant des années, c’est moi qui ai refait le premier pas, c’est moi qui t’ai aimé. Nous pouvons tout affronter, alors pourquoi ? »
La tirade de la jeune femme le laissait sans voix. Toutes ses paroles étaient vraies, depuis le début il avait été un imbécile. Comment justifier son comportement ? Il ne connaissait pas les causes exactes et tout lui semblait dérisoire à présent.
« Miki… Je… Je n’ai pas réellement d’explications à te donner. »
« La fierté masculine, tout simplement. Tu étais en position de faiblesse, tu as voulu m’éloigner en pensant que l’issue du duel serait négative pour moi mais pas seulement… Tu as perdu l’usage de tes yeux, ce n’est pas rien, et il faut juste que tu reprennes confiance. Par ce manque de confiance qui s’est installé dans ton esprit, tu t’imaginais que je ne voudrais plus de toi. Mais tu vois ? Si Mayuko n’avait pas vendu la mèche, je n’aurais jamais su et tu m’aurais encore abandonnée sans raisons. »
« Mayuko ? La petite qui a retrouvé la vue ? »
« Oui. Elle t’a vu sortir du cabinet ophtalmologique. Par je ne sais quel stratagème, elle a compris que tu étais lié à moi et m’a demandé de tes nouvelles. C’est grâce à elle que j’ai saisi l’ampleur de la chose. »
Falcon ne savait plus quoi répondre, se trouvant au pied du mur et forcé d’admettre qu’il avait encore une fois commis une énorme erreur. Miki était la femme la plus entêtée qu’il connaissait et ce trait de caractère lui plaisait énormément. Les mains de la jeune femme venaient de se poser sur sa cuisse ensanglantée. L’hémorragie s’était arrêtée, la douleur était vive. Cependant, la délicatesse de Miki lui fit oublier les élancements qui lui tiraillaient la jambe. Un ricanement aiguë attira son attention, lui faisant arquer un sourcil.
« Qu’y a-t-il ? »
« Non… C’est juste que je songeais à un manga que j’ai lu en revenant au Japon. La Rose de Versailles. »
« Versailles ? C’est français ? »
« Non. L’histoire se situe en France mais le manga est japonais. Il a été publié dans les années 70 et… Et dedans il y a deux personnages qui s’aiment tout en se tournant autour : Oscar et André. »
« Deux hommes ?! »
« Mais non ! Oscar est une femme… Mais bref, c’est trop long à expliquer. »
« Alors pourquoi y songes-tu ? »
« Eh bien… André, après avoir été blessé aux yeux d’un coup d’épée, perd progressivement l’usage de ses yeux. Bien sûr, il n’en parle pas à Oscar. Comme toi en somme. La seule différence, c’est qu’il ne l’abandonne pas, l’accompagnant sur le champ de bataille malgré sa cécité. »
« Peuh… Des histoires à l’eau de rose, tout ce que je déteste ! … Et comment ça finit ? »
« André meurt le premier, la veille de la prise de la Bastille. Oscar, ne supportant pas la mort de son amant, se laisse en partie mourir le lendemain. C’est un Roméo et Juliette réécrit. »
« Et tu as lu ça, toi ?! »
« Qu’est-ce que tu crois ? Que je n’ai pas eu de vie de jeune femme normale ? »
« Peuh… ! »
Miki, riante, se redressa afin d’aller déposer un baiser sur la joue du grand chauve qui se mit aussitôt à rougir. Etant amusée par cette réaction, elle le scruta un long moment puis scella son bandage avec du sparadrap. Un bref coup d’œil sur l’horloge et regard vers l’extérieur lui firent comprendre que la nuit était sur le point de s’achever.
« C’est bientôt le matin. Va te reposer, je vais préparer l’ouverture du café. »
« Non, ça ira. Je vais t’aider. Au pire, je ferai une sieste. »
Miki eut un sourire éblouissant, la tête légèrement penchée sur le côté et les yeux attendris. Sans le dire, elle était profondément reconnaissante envers lui.
« Falcon… Je voulais te dire une dernière chose… »
L’homme se tourna vers la jeune femme, pivotant sa tête vers elle avant de la fixer sans la voir. Il patienta qu’elle se décide à parler quand ses bras s’enroulèrent autour du sien.
« Qu’importe les obstacles que nous aurons à franchir, je ne t’abandonnerai jamais. Je t’aiderai dans la rééducation de tes yeux s’il le faut, mais je ne m’en irai jamais pour si peu. Je sais que notre relation n’est pas si superficielle. »