Pour trouver les bonnes réponses...
A mesure qu’il s’éloignait de la ville, Ryo avait l’impression que son cœur se serrait de plus en plus dans sa poitrine. Tout n’avait pas été exactement comme il se l’était imaginé et maintenant, il se retrouvait complètement démuni. Il avait trouvé la réponse à sa question, et au moment où il se rendait compte que Kaori était plus heureuse en étant City Hunter, elle avait changé de vie et semblait inaccessible.
Il frappa le volant du plat de la main puis mit la radio pour se changer les idées… avant de l’éteindre au bout de cinq minutes. Il se concentra sur la route qui s’étalait devant lui, il respecta les limites de vitesse, il essaya de retenir le nom des villages et des villes qu’il traversait mais rien n’y faisait. Il pensait encore et toujours à Kaori. A tout ce qu’elle avait traversé. A la douleur qu’elle avait dû ressentir à chaque parole blessante que son salopard de mari lui avait jeté à la figure.
Sur ce point-là, Ryo reconnaissait bien qu’il n’était pas très différent de lui. Combien de fois l’avait-il traité de travelo, de garçon manqué ou encore de planche à pain ? Combien de fois il avait remis sa féminité en doute à coup de remarques insultantes ? Plus jamais. Plus jamais il ne lui dirait toutes ces choses-là. Même si lui le faisait par preuve de lâcheté, le résultat était le même et ça ne le rendait pas meilleur que l’ancien mari de Kaori.
Puis une image se dessina dans son esprit. Une image horrible qu’il préfèrerait oublier. Kaori frappée par son mari au visage inconnu. La douleur et la violence des coups associés à une colère injustifiée… Comment est-ce qu’il avait pu faire ça à Kaori ? Elle qui était d’une gentillesse et d’une générosité toujours tournée vers les autres, comment pouvait-on infliger un tel sort à une personne pareille ? Et pendant toutes ces années, Kaori avait vécu avec ce malade.
Ryo eut envie de hurler. Il serra la mâchoire. Les muscles de ses mains se contractèrent autour du volant. Les quelques heures de route lui parurent durer une éternité. Au fil des kilomètres, les images se succédèrent, toujours plus ou moins les mêmes. Un homme hurlait à Kaori qu’elle n’était qu’une bonne à rien avant de la gifler. Une autre fois, il la secouait violemment avant de la jeter par terre en la traitant de tous les noms. Ou était passé la Kaori qu’il connaissait et qui ne se laissait pas faire ? Mais est-ce que tout s’était déroulé exactement comme il se l’imaginait ? Probablement pas…
Mais la peur qu’elle avait dû ressentir, ça c’était réel et il pouvait la comprendre. La peur de tout faire de travers, devoir retenir sa respiration pour ne pas réveiller la colère de l’autre, penser bien faire pour finalement se rendre compte que rien ne va. Et pire encore : faire confiance à quelqu’un, construire toute une vie avec lui, lui confier tous ses petits secrets pour se rendre compte que rien de tout ça n’a jamais existé. Il faut en avoir du courage pour tout abandonner et repartir de zéro. Mais Kaori n’a jamais manqué de courage. Elle a toujours été plus courageuse que lui lorsqu’ils étaient encore City Hunter.
Lorsqu’il fut de nouveau chez lui, les nuages avaient disparu et le soleil se couchait à l’horizon. Il trouva l’appartement effroyablement vide. Il posa les clés sur la table et se passa une main sur le visage en soupirant. Il était épuisé. La journée avait été longue et toute cette route parcourue l’avait éreinté.
Il jeta un coup d’œil circulaire à son appartement qui n’avait pas bougé d’un pouce en son absence, malheureusement… Toujours aussi vétuste et abandonné malgré les rayons dorés du soleil couchant…
Prit d’un sursaut, il plongea la mains dans la poche de sa veste et en sortit la photo de Kaori. Il la contempla un long instant… Que pouvait-il encore faire pour l’aider ? Que pouvait-il faire pour l’aider à oublier l’enfer dans lequel elle avait vécu ? Jusqu’où était-il prêt à aller ? A tout. Il était prêt à tout pour que Kaori retrouve le même sourire que sur la photo, pour qu’elle soit aussi heureuse qu’avant. Il attendrait le temps qu’il faudra. Il l’observerait de loin, prendrait des nouvelles par le biais de sa sœur et un jour, il pourrait de nouveau être là, pour elle. Il ferait tout ce qu’il faut pour la rendre heureuse même si pour ça il devait changer d’identité, de vie et tout reprendre à zéro. Il prendrait exemple sur Kaori…
Un objectif en tête, il contempla le soleil se coucher sur la ville, une fois encore. Il n’avala rien, l’appétit coupé pour ce soir. Il se coucha dès qu’il fit nuit mais le sommeil tarda à venir le retrouver. Il se retournait encore et encore dans le lit qui occupait l’ancienne chambre de Kaori. Ses pensées étaient bien trop bruyantes pour qu’il puisse dormir.
Il devait être près de minuit lorsque le téléphone sonna. Couché sur le côté, il ouvrit brusquement les yeux dans le noir. Il retint sa respiration. Une deuxième sonnerie résonna entre les murs de l’appartement. L’obscurité lui parut lourde et l’air devint difficilement respirable.
— Kaori… murmura-t-il.
Ce coup de téléphone était lié à elle, il en était sûr. Troisième sonnerie. Il se leva rapidement, il alluma sa chambre puis le couloir et descendit au salon à toute vitesse. Mais, la main posée sur le téléphone, il était incapable de décrocher. Son cœur battait bien trop fort et son instinct lui soufflait que ce n’était pas un appel anodin. Et puis, à une heure pareille, ça ne pouvait qu’être une mauvaise nouvelle. Il attendit encore une dernière sonnerie, rien qu’une. Il voulait repousser le moment où il saurait…
Puis il décrocha.
Ses larmes n’arrêtaient pas de couler. Elles venaient par dizaines, par centaines. Bientôt elles allaient tout inonder et elle pourrait se noyer dedans. Peut-être que ça ne serait pas plus mal finalement.
Devoir raconter tous ces souvenirs avait été douloureux pour Kaori. Ce n’étaient pas que des images. C’était le gout du sang qui se rependait dans sa bouche lorsqu’il l’avait frappé et qu’elle s’était mordue les lèvres. C’était la peur viscérale qu’il soit en colère et qu’il finisse par la tuer. C’était l’envie de sortir de cet enfer mais d’en être incapable. C’était l’impuissance et le désespoir qui la frappaient à tout moment de la journée. C’était devoir mentir à sa propre sœur et dire en souriant que tout allait bien alors qu’elle avait envie de disparaître.
Mais d’un autre côté, partager tous ces souvenirs avec quelqu’un d’inconnu – pas si inconnu que ça apparemment – lui avait fait du bien. Elle s’était sentie libérée d’un poids immense. Et malgré les sanglots qui l’agitaient, elle arrivait à respirer.
Kaori essuya ses joues humides. Le soleil venait de se coucher et il faisait sombre sur toute la ville. Elle n’avait même pas pris la peine d’éclairer son petit appartement. Son très petit appartement même. Il ne comportait qu’une seule chambre et une minuscule salle de bain, ainsi qu’une kitchenette et un salon qui faisait office de salle à manger. Elle n’avait pas les moyens de se payer un appartement plus grand ou plus luxueux et elle refusait que sa sœur lui vienne en aide. Elle en avait fait assez comme ça. Malgré tous les mois qu’elle avait passé ici, elle ne se sentait pas chez elle. Elle avait l’impression de vivre chez un inconnu qui voulait bien lui prêter son canapé le temps qu’elle se remette d’aplomb. Or, certains jours, elle avait l’impression qu’elle ne s’en remettrait jamais.
La grande ville lui manquait. Sa ville. C’était là qu’était sa place, c’était son chez elle jusqu’au jour où une seule personne a tout détruit.
Elle ferma les yeux et appuya fort sur ses paupières pour stopper les larmes et chasser les souvenirs. Elle se força à respirer calmement par la bouche et au bout de quelques minutes, elle se leva pour aller prendre un mouchoir. Elle appuya sur l’interrupteur et plissa les yeux sous la lumière trop brutale. Elle se moucha et évacua ainsi les dernières gouttes de tristesse et de douleur qui restaient.
Puis son regard rencontra le morceau de papier que lui avait offert Sayuri, seul élément posé sur la table de salon et qui n’était pas rangé. Sa sœur était passée la voir après sa rencontre avec ce Ryo Saeba et lui avait donné ce petit bout de papier. Il lui avait laissé son numéro de téléphone. Sayuri avait déclaré qu’il servirait plus à Kaori qu’à elle. Mais maintenant elle ne savait pas trop quoi en faire.
Elle songea à tout ce que cet homme lui avait dit. City Hunter… Pour lui, dans une autre vie, dans un monde parallèle, elle avait été City Hunter. Pendant sept ans. Elle sourit en y repensant. C’était complètement fou. Elle s’imagina vaincre des yakuzas ou des petites crapules. Elle se représenta en train de venir en aide à tous ceux qui en avait besoin. C’était ce qu’elle faisait aussi avant…
Elle revit cet homme venu pour la retrouver. Elle revit son regard sombre et si doux posé sur elle. Elle revit son visage être déformé par l’incrédulité et la colère lorsqu’elle lui avait raconté son passé. Mais ce n’était pas une colère tournée vers elle. C’était une colère dirigée vers celui qui lui avait fait tout ce mal. Elle ne savait pas si c’était à cause de ce qu’il lui avait raconté mais au fond d’elle, elle avait l’impression de le connaître depuis toujours.
Non, c’était encore autre chose…
Toute sa vie, elle avait eu l’impression qu’il lui manquait une partie d’elle-même. Elle avait toujours été à la recherche de plus, elle n’avait jamais été pleinement satisfaite. Peut-être que c’est à cause de cette vie qu’elle aurait dû avoir, de ce frère qu’elle n’a jamais eu. Comment s’appelait-il déjà ? Hideyuki… Comment pouvait-elle avoir un frère ? Elle n’avait pas posé la question à Ryo…
Il était venu rien que pour elle. Et qu’est-ce qu’elle avait fait ? Elle l’avait repoussé. Elle ne lui avait laissé aucune chance, aucun moyen pour qu’il la recontacte s’il le voulait. Comme elle avait été égoïste. Elle s’assit sur le canapé et contempla longtemps le morceau de papier en se mordant les lèvres. Il commençait à se faire tard. Il n’était peut-être même pas chez lui.
Mais… il lui suffisait d’un coup de fil pour avoir des réponses à toutes ses questions. Des questions sur son frère, sur City Hunter. Elle aimerait savoir quelle Kaori elle était dans cette autre vie. Ryo avait parlé de massue tout à l’heure. Apparemment ça, ça n’avait pas changé même si ça faisait des années que sa massue à elle prenait la poussière.
Elle aimerait connaître les types d’amis qu’elle s’était fait là-bas, elle voudrait savoir si elle aimait les mêmes choses qu’aujourd’hui ou connaître l’endroit dans lequel elle vivait. Elle voudrait aussi par-dessus tout savoir qu’elle était sa… relation avec Ryo. Ils avaient été partenaire pendant sept ans après tout et il avait l’air de beaucoup tenir à elle. Est-ce qu’ils étaient simplement partenaire ? Etaient-ils amants ? Oh mon dieux, si ça se trouvait, ils étaient mariés et elle… Elle l’avait rejeté !
Elle cacha son visage entre ses mains… et se mit à rire. C’était un rire incontrôlable. Un rire idiot. C’était le rire d’un enfant qui venait de commettre une bonne farce. Elle ne pouvait plus s’arrêter. Les larmes se remirent à couler mais cette fois, c’était pour d’autres raisons. Elles venaient penser ses plaies et réchauffer son cœur. Elles représentaient toute la pression sur ses épaules qui s’envolait.
Au bout de plusieurs minutes, elle réussit à retrouver son souffle et elle s’essuya à nouveau les yeux. Oui, elle pouvait essayer de l’appeler. Après tout, que risquait-elle ? Si elle le dérangeait, elle essayerait de le rappeler plus tard. Ou s’il ne voulait pas lui parler, eh bien, elle n’insisterait pas. Au moins elle aurait essayé.
Le morceau de papier froissé à la main, elle se leva et s’approcha du téléphone posé sur le guéridon près de la fenêtre. Elle composa d’une main légèrement tremblante le numéro. Et si lui aussi était quelqu’un de violent ? Et si c’était quelqu’un qui ne la respecterait jamais ? Elle ne le connaissait pas, comment se comporterait-il avec elle ?
Elle secoua la tête. Ryo était différent de lui. Elle le sentait au fond d’elle, il n’était pas comme ça. C’était quelqu’un de bien qui venait en aide à ceux qui en avaient besoin. Elle le savait. Elle l’avait vu dans ses yeux.
Elle secoua de nouveau la tête. Pourquoi se posait-elle toutes ces questions ? Elle ne prévoyait pas de vivre avec lui ni même de devenir son amie, non. Elle voulait juste l’appeler et lui poser quelques questions. C’est tout. Mais au moment où elle va pour composer le dernier chiffre, quelqu’un frappa à la porte.
Kaori sursauta brutalement. Elle releva la tête et fixa la porte d’un œil apeuré. Qui ça pouvait bien être à une heure pareille ? Son cœur manqua de se décrocher dans sa poitrine et ses yeux s’écarquillèrent encore davantage quand les coups redoublèrent. Mécaniquement, elle se dirigea vers la porte d’entrée. Elle posa la main sur la poignée. « N’ouvre pas… » lui soufflait une petite voix. Et si c’était Ryo ? Mais elle savait très bien que ce n’était pas lui.
Alors lentement, très lentement, elle ouvrit la porte. Malgré le mauvais éclairage du couloir, malgré sa vue brouillée par la peur, elle vit très nettement qui se trouvait dans l’encadrement de sa porte. C’était lui. C’était ce visage qu’elle voulait tant oublier, qu’elle avait passé des mois à rejeter au fond de sa conscience. Il n’avait pas le droit de lui faire ça alors qu’elle se reconstruisait. Il ne pouvait pas débarquer à l’improviste et tout détruire. Comment avait-il fait pour la retrouver ?
— Je peux entrer ? murmura celui qui avait été son mari.
Kaori ne répondit même pas. Les yeux vides, elle ne le repoussa même pas lorsqu’il passa près d’elle pour entrer. Elle se jetait dans la gueule du loup…
La douleur devenait de plus en plus supportable même si le sang n’arrêtait pas de couler entre ses doigts poisseux. Il était parti après s’être aperçu de ce qu’il avait fait. Elle avait entendu du bruit dans le couloir. Probablement un voisin qui l’avait entendu hurler…
Il avait tenté de la faire revenir à la maison comme il disait. D’abord avec des paroles douces puis il avait tenté la force. Kaori s’était défendue comme elle avait pu. Elle n’avait pas faibli et à aucun moment elle avait eu peur. Mais il était venu avec un couteau. Il avait tout prévu. Il a dit qu’il ne comptait pas s’en servir mais qu’il était prêt à utiliser la force si nécessaire. « Je veux juste que tu rentres à la maison. Avec moi » avait-il dit. Mais elle avait résisté. Elle lui avait balancé tout ce qu’elle avait sur le cœur et tout ce qu’elle retenait au fond d’elle depuis des années. Elle avait voulu le pousser hors de chez elle en ignorant totalement le couteau. Mais il lui avait planté la lame dans le ventre. Accident ? Geste volontaire ? Elle le saura jamais.
Elle avait écarquillé les yeux, il avait écarquillé les yeux. Puis elle avait crié de douleur et de surprise et il avait semblé à deux doigts d’en faire autant. Elle était tombée et il ne l’avait pas retenu. Il s’était vite reprit et avait déclaré que tout était la faute de Kaori. Comme toujours... Il était parti emportant le couteau taché de sang avec lui.
Et maintenant… Maintenant Kaori entendait du bruit dans le couloir qui filtrait par la porte laissée entrouverte. Il fallait qu’elle avertisse quelqu’un qu’elle était blessée. Elle ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit de ses lèvres. Elle devait se redresser… Elle serra les poings et sentit quelque chose dans sa main droite.
Le bout de papier qui contenait le numéro de téléphone de Ryo… Elle l’avait gardé plié au creux de sa paume pendant tout le temps qu’il était là. Elle ne l’avait pas lâché, s’accrochant à lui comme son dernier espoir.
Il fallait qu’elle l’appelle. Pour avoir des réponses… Peut-être qu’en se trainant jusqu’au téléphone…
Mais pourquoi sa vision devenait trouble comme ça ? Sa tête retomba lourdement sur le sol. Elle aperçut des pieds qui se dirigeaient droit vers elle, puis elle entendit vaguement une voix l’appeler. Sayuri…
Elle voulait lui dire tellement de choses mais elle était incapable d’émettre le moindre mot. Alors elle ferma les yeux, résignée.
Elle eut une dernière pensée pour toutes ces personnes qui l’avaient aimé : ses parents, Sayuri. Et Ryo. Puis, plus rien.
Ryo était pétrifié. Il tenait toujours le téléphone collé contre son oreille même si celui-ci n’émettait plus le moindre son depuis longtemps. Son cerveau refusait d’assimiler la nouvelle. Impossible… Kaori était… morte. Ce constat fit son chemin bien malgré lui et il sentit aussitôt son cœur se briser.
Son salopard de mari l’avait retrouvé… pour la tuer. C’était Sayuri qui avait découvert Kaori après les faits et qui avait pris l’initiative d’appeler Ryo presque aussitôt.
Un mauvais pressentiment l’avait poussé à sortir de chez elle et elle avait voulu savoir comment Kaori allait malgré l’heure tardive. Et lorsqu’elle avait retrouvé sa petite sœur dans une mare de sang… Elle avait cru mourir elle aussi. Elle n’avait pas toujours été très clair dans ses propos mais Ryo avait cru comprendre que le tueur avait été arrêté par un voisin qui avait entendu du bruit. Sayuri était arrivée juste après.
Sa sœur était morte en serrant un morceau de papier dans sa main. Le numéro de téléphone de Ryo. Sayuri n’avait plus rien dit après ça. Il avait pu entendre le son étouffé de ses sanglots puis le silence.
Alors, doucement il raccrocha. Son cerveau comblait les vides de Sayuri. Il se rejoua la dernière scène dans sa tête encore et encore. Il voulait croire qu’il était son dernier espoir. Il voulait croire qu’elle avait pensé à lui avant de mourir. Kaori…morte.
La colère l’envahit, elle gonfla et devint vite menaçante. Il était en colère contre lui, contre la vie, injuste, contre le monde entier. Il en voulait à ce salopard qui avait ça. Comme avait-il pu…
Le téléphone vola en mille éclats. Les débris s’éparpillèrent sur le sol, puis ce fut au tour de ce qui se trouvait sur la table et de tout ce qu’il avait à portée de main. Il laissait la rage l’envahir et détruire tout sur son passage, ne laissant aucune chance au peu d’objets qui se trouvaient dans la pièce, les réduisant en miette.
Il voyait tout s’effondrer autour de lui, comme si le sol se dérobait sous ses pieds. Il n’avait plus rien à quoi s’accrocher, plus rien qui le retenait. Tout ce en quoi il croyait n’existait plus.
Puis, une fois qu’il n’eut plus rien à briser ou à renverser, il s’effondra par terre, au milieu des débris. Recroquevillé sur lui-même, le front contre le sol, il n’avait jamais paru aussi vulnérable. Pas une larme ne coulait, elles viendraient après, lorsque la douleur serait tout à fait ancrée en lui et qu’il ne pourrait plus s’en défaire. Désormais, il avait le cœur aussi brisé que les morceaux de verre autour de lui.