Il était une fois... Pfff ... ça n'existe pas !
Nos quatre compères cheminaient tranquillement sous le soleil printanier du Royaume de Duloc. Shrek et Fiona ouvraient la marche, discutant légèrement, riant de temps en temps. Derrière eux, Ryo faisait tout son possible pour supporter le débit incessant de l'âne qui le harcelait de questions surtout depuis que Ryo avait laissé sous-entendre qu'il vivait avec un véritable dragon.
- "Alors le Chasseur, comment as-tu réussi à le dompter, ton dragon ?"
Riant amèrement, Ryo répondit :
- "Qui a dit que je l'avais dompté ? C'est pas demain la veille que j'arriverais à dompter Kaori !"
- "Kaori ? Attends, attends, attends ... Kaori, c'est ton dragon ? Mais je croyais qu'elle ressemblait à la Princesse Fiona ?"
- "Ouais, c'est toute la différence entre l'apparence et la nature profonde, l'Âne ..."
L'Âne le dévisagea et Ryo ne put se retenir de rire devant son air interloqué :
- "Trop philosophique pour toi peut-être ?"
- "Oh ! C'est vilain de se moquer, Monsieur le Chasseur. Sache que je mène une petite étude dragonesque pour être tout à fait honnête ..." Répliqua fièrement le petit bourricot.
- "Une étude dragonesque ... Punaise, j'aurais tout entendu."
Sans tenir compte de sa remarque, l'Âne poursuivit :
- "Je cherche des infos sur leur alimentation, leur rythme de vie, leurs besoins élémentaires ..."
- "Si je peux me permettre un conseil, l'Âne, laisse tomber tout ce qui ressemble de près ou de loin, de l'intérieur ou de l'extérieur à un Dragon ... il finira par te taper dessus, te faire des reproches à longueur de journée et puis il t'abandonnera juste parce que tu n'as pas dit comme il faut trois petits mots inutiles ... J'te l'dis, l'Âne ... Laisse tomber ..."
L'Âne bouda quelques secondes, puis changea de sujet :
- "Et sinon, tu n'as vraiment aucune idée de comment tu as pu atterrir ici ?"
- "Rien de rien. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure ... Le trou noir."
- "T'as pas remarqué un truc pas clair qui aurait pu t'envoyer ici quand tu étais encore chez toi ?"
- "Quel genre de truc pas clair ?"
- "Un mec hyper vieux mais super en forme, une grand-mère trop gentille pour être sincère ... Ça pourrait être un mage puissant, une fée des forêts, certaines peuvent être de vraies pestes, tu sais, sous leurs airs de pas y paraître, là, c'est de sacrées ... hum, hum, hum, excuse-moi, j'ai, pour ainsi dire, des antécédents. Ou alors, tu as peut-être croisé un enchanteur, un chiromancien, un devin avec des pouvoirs d'incantateur, une jeteuse de sorts, un chaman voyageur ..."
- "Heuuu ... J'crois pas, nan ..."
- "Tu n'as contrarié personne sortant de l'ordinaire ou qui faisait des trucs bizarres ?"
Ryo plaisanta en demandant :
- "A part contrarier la Princesse d'un gros gars tout vert avec des oreilles ridicules en trompette ou me moquer d'un bourricot qui blablate ? Non, je crois que je m'en souviendrais !"
- "Hey, parle pas si fort ! Te moques pas de Shrek, tu risquerais de le mettre en rogne !"
- "La belle affaire ... Il n'a pas l'air si méchant que ça."
- "Détrompe toi ! Quand il gronde, tout le monde se carapate !"
Ryo haussa les épaules, visiblement pas très convaincu.
-"Il te fiche pas la trouille, toi ?" Demanda l'âne, surpris par cette désinvolture humaine.
- "J'en ai vu d'autres. Les monstres réellement dangereux sont intérieurs et invisibles." Répondit Ryo soudain très sérieux. "Je préfère encore un ogre."
L'Âne sourit :
- "C'est rare de penser comme ça pour un humain. Bon, pour en revenir à ma question, je pensais à un truc pas clair, genre un gars trop parfait pour être authentique ou chapeau-pointu-barbe-banche ou ailes pailletées dans le dos ..."
- "En dehors des cabarets, non."
- "Des nouvelles rencontres ?"
- "Ah, parlons-en ! J'aimerais en faire, vois-tu, mais avec le Dragon ... heu ... Kaori dans les parages, c'est toujours si compliqué !"
- "Quelqu'un qui aurait fait des trucs bizarres ?"
Ryo rit :
- "Des trucs bizarres comme : brandir des massues de cent kilos ? Ou pouvoir conduire tout en étant aveugle ? Ce genre de choses ?"
Le bourricot secoua sa courte crinière :
- "Nan nan nan. Trop banal, ça."
- "Banal ? Et parler à un âne ? Parce que là, tu vois, j'hésite entre : j'ai viré fin fou et je suis complètement taré."
- "Mais non, mais non ... Tu manques un peu d'imagination et de lâcher-prise, c'est tout."
- "Tu m'en diras tant ..." Soupira Ryo, enfonçant ses poings dans les poches de sa veste, ne sachant plus s'il devait rire ou pleurer de désespoir.
- "Je pense à quelque chose de plus ... discret. Comme quelqu'un qui récite des trucs, ou qui ne se sépare jamais d'un objet, ou qui a des mimiques répétitives ou qui ...
Ryo claqua des doigts :
- "Oui !!! Y'en avait une qui faisait quelque chose de parfaitement horripilant !"
- "Quoi donc ?"
- "Elle arrivait à faire bouger le bout de son nez ... Comme ça ..." Ryo loucha sur son nez et essaya de le faire bouger, le plissant, le remuant, pinçant les narines, grimaçant : "Je sais pas comment elle arrivait à faire ça. C'était vraiment juste le bout. Au début c'était mignon mais quand c'est à tout bout de champ, ça devient agaçant, surtout quand on comprend pas comment elle fait."
L'âne remua son museau :
- "Comcha ?"
Ryo secoua la tête :
- "Non, c'était vraiment juste le bout."
Se sentant ridicule, l'âne cessa de grimacer et reprit leur conversation :
- "Et c'était qui, cette remueuse-de-bout-du-nez ?"
- "Notre dernière cliente, Samantha. Elle voulait retrouver son mari ... Je déteste les femmes mariées, c'est nul ! Mais bon, Kaori a insisté ... alors ... on a accepté la mission."
- "Nul ? Comment ça, nul ?"
- "Laisse tomber, je t'expliquerai une autre fois. Par contre, je ne vois vraiment pas en quoi j'aurais pu la mettre en rogne, cette Samantha, admettons que ça soit elle. On a retrouvé son mari, Jean-Pierre : c'était la maman de Samantha, une certaine Endora ... Sérieux c'est quoi ce nom : Endora ? Bref, c'est sa mère qui lui avait simplement fait une petite blague. Drôle de sens de l'humour, cela dit en passant mais bon, tout est bien qui finit bien et Samantha et Jean-Pierre sont repartis chez eux." Ryo secoua la tête : "Non, je ne pense pas qu'elle ait un rapport avec ma présence ici ... Surtout qu'elle et Kaori n'ont pas arrêté de se foutre de ma poire parce qu'il m'arrivait que des conneries. Franchement, j'ai eu une poisse d'enfer sur cette affaire. Donc, ça serait plutôt à moi de leur en vouloir ! Je m'en suis pris plein la figure, au sens propre du terme !"
Rageur, Ryo balança un coup de pied agressif dans un caillou qui alla rebondir une vingtaine de mètres plus loin. L'Âne l'observa en coin :
- "Pourquoi tu veux rentrer chez toi alors ?"
- "Comment ça ?"
- "Pourquoi tu veux rentrer, si ta vie avec ta partenaire est si nulle que ça ?" Demanda l'Âne, pas si innocemment que ça.
Ryo le regarda, interloqué :
- "Parce que c'est chez moi !"
- "Mouais ... des chez-soit, on s'en trouve partout si tu veux mon avis." Reprit l'âne joyeusement. "Moi j'ai pas de chez-moi. Ma maîtresse à voulu me livrer à Lord Farquaad en échange d'une prime mais j'ai réussi à m'échapper. Depuis, je suis un âne Sans Asinerie Fixe ... Et pourtant, je suis heureux. Je n'ai aucune envie de retourner vivre façon plan-plan-du-dimanche, tu vois ? Et avec Shrek, on s'éclate ! J'te jure !"
L'âne ponctua ses derniers mots en effectuant un curieux pas-sabot de danse. Ryo resta pensif, les mains enfoncées dans les poches de sa veste délavée :
- "Tant mieux pour toi mais je veux rentrer chez moi."
- "Même si ça signifie vivre avec Kaori ?"
- "Humgrpffff ... Aucun risque. Elle veut se barrer." Lâcha Ryo.
L'âne s'arrêta en plein miIieu du chemin :
- "Quoi ?"
Ryo s'immobilisa et se tourna vers l'animal :
- "Avant que je fasse un truc dont je ne me rappelle pas et qui m'a vraisemblablement envoyé ici, on s'est disputé. À cause de cette Samantha. Kaori a dit qu'elle envisageait de mettre fin à notre collaboration et d'aller vivre ailleurs. Soit disant que je suis incapable de clarifier les choses ... "
- "Et t'as fait quoi?"
- "Comment ça ?"
- "Qu'est-ce que tu lui as répondu ?"
Ryo reprit sa route et comme l'âne ne le suivait pas, il se tourna vers lui pour lui répondre :
- "Qu'elle pouvait bien faire ce qu'elle voulait, que c'était même une sacrée bonne idée et que ça me ferait des vacances ... Ça te va ?"
Choqué, l'Âne siffla entre ses dents et répliqua amèrement en reprenant son chemin sous le regard courroucé de Ryo :
- "Ah bah bravo. Bonjour la psychologie féminine ..."
- "Rooo, c'est bon ! J'ai pas de conseil à recevoir d'un âne qui parle."
L'Âne le dépassa d'un petit trot léger et lui lança par dessus son épaule :
- "Détrompe-toi. Parfois les bourricots en ont plus dans le crâne et surtout beaucoup plus d'intuition que vous autres, j'ai l'impression."
- "C'est ça ..."
- "Allez, dépêche-toi un peu ! Qu'est-ce que t'as à traîner tout le temps ?"
Ryo abasourdi, préféra ne pas répliquer et rattrapa l'âne en quelques grandes et souples enjambées pendant que l'animal continuait :
- "Je vais mettre mon égo blessé de bourricot de côté pour te dire que tu ne fais que parler d'elle. Kaori par ci, Kaori par-là .... C'est signe de quelque chose ! Enfin moi je dis ça, je dis rien ..."
- "Alors, ça c'est gonflé ! C'est toi qui me poses toutes ses questions sur les dragons !"
- "Oui, sur les dragons, Monsieur le Chasseur ! Et toi, tu me parles sans arrêt de Kaori."
- "Mais j'y connais que dalle en dragons, moi ! J'en ai même jamais vus à part des bestioles en papier pour le Nouvel An chinois !"
- "Tssss .... Je comprends plus rien, moi ! M'embrouille pas le cerveau avec des détails de sémantique, le Chasseur ! N'empêche que tu n'as pas répondu à ma question : pourquoi tiens-tu tant à rentrer chez toi ?
- "Heuu ... J'en sais rien."
- "Ton château est si magnifique que ça ?"
Ryo sourit cette fois :
- "C'est pas un château, va ..."
- "Tes meubles ?"
- "Non."
- "Ta ville ? Tu veux retrouver ta ville ?"
- "J'arriverais à m'en passer. Je n'ai pas toujours vécu à Tokyo."
- "Alors ... Pourquoi - Tu Veux - Rentrer ?" Insista l'âne, détachant chaque syllabe.
- "Parce que. Ça te va comme réponse ?" Répondit sèchement Ryo.
L'Âne sifflota :
- "Pfff ... Bon, je te laisse méditer dans ce cas. Moi, je vais voir ce qu'il se trame là devant ... Caaaaan you feeeeeel the loooove tonight ? Y'a du big bisou dans l'air, moi j'te' l'dis !"
- "Quoi ? Entre la Princesse et ... Noooon !"
- "Bah si, regarde les ..."
- "L'Âne ..." Le regard de Ryo se troubla et se fit lointain alors qu'il murmurait, comme à lui-même : "Les belles et gentilles princesses sont de belles et gentilles princesses. Elles ne restent jamais avec les monstres."
- "Et les belles et gentilles princesses qui ressemblent à des dragons ?"
- "Pareil ..."
- "Pourquoi ? Tu n'es pas un monstre pourtant."
- "A l'extérieur peut-être. Mais, je te l'ai dit : c'est toute la différence entre l'apparence et la nature profonde ..."
- "Je suis sûr que tu exagères ... Et puis même si c'était le cas, moi je suis persuadé qu'on a tous une âme sœur quelque part et qu'on a le droit d'être aimé, monstre d'intérieur ou d'extérieur ou de n’importe où."
- "Ce n'est pas si simple."
- "Bah ça devrait l'être. Deux personnes s'aiment et voilà. Y'a rien de plus à comprendre. Peu importe ce qu'il a autour du cœur, ce qui compte c'est le Coeur." Ajouta l'Âne en clignant des paupières.
- "Arrête la guimauve l'Âne, ça ne marche que chez vous, dans les contes de fées, ça. Pas dans la vraie vie."
- "C'est quoi ces conneries ? En quoi ta vie serait plus Vraie que la nôtre ici ?" Répliqua l'Âne piqué au vif.
- "Mais non, c'est pas ... enfin ... C'est plus compliqué que ça, je t'ai dit ..."
L'Âne insista :
- "Alors expliiique !"
- "C'est ..." Ryo suspendit ses mots.
- "C'est quoi le souci ? Allez, raconte !"
Ryo soupira sombrement :
- "On est trop différents, elle et moi. Elle mérite un gars bien, un type normal, un homme gentil qui la couvrira d'amour et lui offrira une belle vie, douce et confortable. En sécurité. Loin de la violence et du danger. Je ne suis pas assez bien pour elle. Je traîne la mort derrière moi."
- "Et elle, elle en pense quoi de ce que tu as décidé pour elle ? Elle t'aime ou pas ?"
- "J'sais pas."
- "Pfff ... Bien sûr que tu sais. J'en suis sûr que tu sais. Ça se voit que tu sais ... Sinon, votre dispute ne te rendrait pas aussi chonchon."
Ryo écarquilla les yeux :
- "Chonchon ?"
Ignorant Ryo, l'Âne reprit :
- "Et toi ?"
- "Quoi moi ?"
- "Tu l'aimes, toi ?"
- "J'sais pas non plus."
- "Pfff ... Bien sûr que tu sais. J'en suis sûr que tu sais. Ça se voit que tu sais ... Seulement tu n'oses pas l'avouer."
Baissant la tête, serrant encore plus les poings dissimulés dans ses poches, Ryo murmura, maussade :
- "Pfff ... Pour ce que ça changerait de toute façon."
- "Tout. Ça changerait tout."
- "C'est bien ce qui me fait peur." Confirma Ryo.
- "Je n'arrive pas à croire que tu sois un homme qui se laisse dominer par sa peur."
- "Hum ..."
- "Donc, pourquoi tu lui dis pas ?"
- "Dire quoi ?"
- "Que tu l'aimes, triple imbécile !"
- "C'est pas si simple, l'Âne."
- "Pfff ... Ah là là, ce que vous vous prenez la tête, vous les bipèdes ! On aime, on le dit et pis c'est tout ! Y'a rien de compliqué là-dedans !"
Fâché, Ryo ne put se retenir de répondre bêtement, pour faire mal :
- "C'est vrai que tu es l'exemple même du couple parfait, toi ! Elle est où, Madame-La-Bourrique-qui-Cause ?"
L'âne se tourna vers lui, le fusillant du regard :
- "C'est vilain, de dire des trucs pareils, Chasseur. Très vilain. Je suis seul, c'est pas la peine de me le rappeler. Puisque c'est comme ça, je te laisse méditer tout seul."
L'animal accéléra le trot pour aller rejoindre Shrek et Fiona. Quand il fut à leur hauteur, Shrek rota bruyamment. Outré, l'Âne rouspéta :
- "Oh ! Shrek !"
L'ogre haussa les épaules puis répliqua en guise d'excuse :
- "Moi je dis toujours, il vaut mieux que ça soit dehors que d'dans."
- "M'enfin, Shrek ! C'est pas des choses à faire devant une princesse !"
Ryo entendit alors Fiona éructer encore plus fort que l'ogre, souriant joyeusement de la surprise qu'elle venait de provoquer.
- "Elle est encore plus dégueu que toi !" S'indigna l'Âne.
Shrek se pencha vers la princesse pour lui avouer d'une voix douce :
- "Vous êtes très différente de ce que j'imaginais ..."
- "Peut-être ne devriez-vous point juger les gens sans les connaître ?" Lui répondit Fiona en s'éloignant un peu, sautillant sur la pointe des pieds comme seules les belles et gentilles princesses savent le faire.
Ryo, qui marchait tranquillement derrière eux, soupira, songeant que tout n'était pas toujours aussi heureux et que, tôt ou tard, les belles et gentilles princesses finissent par partir et laissent les vilains monstres tous seuls. C'était inévitable. Et peut-être même mieux ainsi ...
Il ruminait ses tristes pensées observant de loin Shrek et la princesse qui semblaient se rapprocher ... et pas qu'un peu.
Soudain, Ryo sentit des présences inconnues devant lui. Il s'élança vivement mais, avant qu'il ne soit parvenu à la hauteur du petit groupe, un type en collants verts et bonnet à plumes avait saisi la Princesse. Une dizaine d'autres hommes, vêtus à peu près aussi grotesquement les entourèrent, leur coupant toute retraite.
S'attendant à une habituelle prise d'otage, avec menace de mort et demande de rançon, Ryo se pencha pour ramasser la plus grosse pierre qui était à sa portée, prêt à la lancer à la tête du type qui se tenait près de Fiona, et se mit en position de combat. Soudain, il réalisa que l’homme n'était pas du tout hostile, bien au contraire. Il était même en train de draguer. Et sans complexe !
Ryo sentit alors une sorte de frémissement de l'air, un souffle imperceptible, un changement d'aura familier ... Il regarda la princesse et vit presque sa colère grandir avant qu'elle n'explose. Sous ses yeux ébahis, elle entreprit d'envoyer chaque assaillant au tapis avec des prises de Kung-Fu de la plus élégante exécution.
Quand tous les types en collants furent consciencieusement assommés, elle se frotta les mains de satisfaction :
- "Là, ils m'ont vraiment fâchée ..."
Ryo se tourna vers Shrek et l'Âne qui la regardaient avec admiration. Comme elle reprenait son chemin comme si de rien n'était, les deux comparses lui emboîtèrent le pas sans dire un mot. Ryo les suivit, en murmurant par devers lui :
- "Quand je disais qu'elle ressemble à Kaori ... Elle est pareille. Mettez-la en rogne et elle dégomme tout le monde ..."
Ils cheminèrent ensuite jusqu'au soir, Shrek et Fiona devant, Ryo et l'Âne derrière qui, contre toute attente, avait fini de lui en vouloir et papotait à nouveau avec entrain.
Ils installèrent leur campement pour la nuit en haut d'une petite colline où un vieux moulin offrait un fabuleux point de vue sur le château de Duloc.
- "On dirait un gratte-ciel ..." Souffla Ryo.
- "Un gratte-quoi ?"
- "Ah oui, c'est vrai, tu peux pas connaître, l'Âne. C'est un truc de chez-moi, une sorte de tour mais tellement grande qu'on a l'impression qu'elle va aller "gratter" le ciel."
- "Ohhh ... Elles appartiennent aussi à des types qui ont quelque chose à compenser ?" Ricana l'Âne, moqueur.
- "Hein ? À compenser ? Comment ça ?"
- "Hey ... chut !" Les interrompit l'ogre en faisant les gros yeux. "J't'ai d'jà dit, l'Âne, défense de parler de ça."
- "Rooo, t'es pas marrant, Shrek !" Grommela l'âne en retournant brouter tranquillement pendant que les trois autres terminaient leurs portions de rat de motte grillé que la Princesse appréciait particulièrement et que Ryo ne trouvait pas trop mauvais :
- "Un petit arrière-goût d'alligator" Dit-il sous le regard intrigué de ses acolytes.
Quand le soleil commença à disparaître sous la ligne d'horizon, la Princesse se réfugia précipitamment dans le moulin, affirmant craindre particulièrement l'obscurité de la nuit, à la grande surprise de Ryo. Mais, comme les deux autres semblaient coutumiers du fait, il n'osa pas poser de questions.
Quand Fiona eut soigneusement refermé la porte derrière elle, l'Âne poussa Shrek de l’épaule :
- "Tu devrais lui avouer ... y'a du big bisou dans l'air."
- "Je peux rien lui avouer du tout."
- "Parce que ?"
- "Parce que non, c'est une princesse et je suis un ogre."
Ryo faillit répliquer, soulagé que l'ogre ait enfin conscience de la réalité mais un regard noir et acéré de l'Âne l'en dissuada. Le bourricot tenta alors de reprendre la conversation avec Shrek, mais ce dernier maugréa en se levant :
- "Je vais aller cueillir du bois ..."
Ryo se leva pour lui emboîter le pas mais l'ogre lui ordonna de rester près du feu, d'un ton sec et autoritaire qui ne souffrait aucune protestation. Le Chasseur se rassit et joua avec les braises du feu. Il aperçut l'ogre revenir environ une heure plus tard, quand il faisait déjà nuit. L'Âne s'était aventuré dans le Moulin, ce qui avait empêcher Ryo de tenter une petite visite nocturne auprès de la princesse ... A sa grande déception. Et oui, on ne se refait pas ...
En apercevant le tournesol que l'ogre tenait entre ses gros doigts, Ryo fit mine de somnoler pour ne pas le mettre mal à l'aise, se doutant bien que Shrek allait tenter sa chance. Il l'observa discrètement alors que l'ogre entrebâillait la porte du moulin, avant de se figer brusquement. Ryo tendit l'oreille et perçu, au loin, la douce voix de la princesse :
- "Enfin, l'Âne : Qui pourrait aimer une bête si hideuse et repoussante ? Princesse et laideur n'ont rien à faire ensemble ! C'est pourquoi je ne peux m'attacher à Shrek. Ma seule chance de vivre heureuse jusqu'à la fin de mes jours et d'épouser mon véritable amour."
Ryo soupira en apercevant la silhouette de Shrek se raidir avant de faire demi-tour, tête basse, épaules voûtées. Il murmura pour lui même :
- "Pauvre vieux. Je le savais ... Pourquoi a-t-il fallu qu'il y aille. Et en plus, elle veut du Véritable Amour, rien qu'ça ..."
Shrek revint vers lui mais, à sa grande surprise, il le dépassa d'un pas vif, jetant au loin son tournesol.
- "Shrek ! Ça va ?"
- "Ouais t'inquiète pas, le Chasseur. Suis un ogre, un vrai. J'ai des couches, comme les oignons, je sais encaisser, j'ai l'habitude. Bouge pas, veille sur le feu et sur l'Âne. Je vais régler mon petit problème sans attendre. Elle veut du Love et de la Bôôôté, bah, je vais lui chercher son Roi comme ça elle sera contente et moi, je rentrerai enfin chez moi."
N'ayant pas d'autre choix, Ryo se contenta d'hocher la tête. Il alimenta encore le feu avant de resserrer sa veste autour de ses épaules. Il s'appuya contre le tronc qui leur avait servi de banc lors du repas et, contre toute attente, il s'endormit rapidement et n'entendit même pas l'âne venir se coucher près de lui. Il faut dire qu'il avait eu une journée plutôt bien remplie ...