Si j'avais

Chapitre 4

3714 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 02/04/2019 21:16

Parc de Shinjuku,

Quartier de Shinjuku, Tokyo,



Trois semaines s'étaient écoulées depuis qu'elle s'était enfuie de l'appartement.


Trois longues semaines noyées dans la douleur et le désespoir de ce qu'elle n'était plus.


Vingt et un jour obscurcis par la peur et la solitude dans laquelle elle s'était enfermée.


Des centaines d'heures consumées par la crainte qu'ils ne découvrent un jour ou l'autre la terrible vérité

.

Assise sur un banc, dans le parc situé en face de la maison de Falcon et Miki, Kaori posa un regard mêlé de douceur et de tristesse sur le petit groupe d'enfants qui jouaient aux gendarmes et aux voleurs autour d'un grand châtaignier. Ils chahutaient ensemble avec bonheur, criant et riant aux éclats. Ces bambins étaient éclatants comme le printemps.


Le printemps.


Kaori adorait le printemps. Elle avait toujours aimé cette période où les cerisiers étaient en fleur, les oiseaux chantaient merveilleusement bien et les gens affichaient ce sourire désarmant de vitalité et de joie de vivre. Le printemps était tout simplement sa saison préférée.


Pourtant ce printemps là lui semblait différent. Plus empreint à la mélancolie et à la nostalgie. Plus empreint à la tristesse. Kaori contempla avec attention la paysage qui s'offrait à elle et fronça les sourcils. Non. Le printemps était le même. Fleuri et parfumé. Coloré et chatoyant. Chaleureux et enivrant. C'était Kaori qui était différente.


Il y a un mois encore, Kaori aurait offert sans la moindre hésitation son doux visage à ce magnifique ciel bleu pour y sentir la chaleur des premiers rayons du soleil printanier. Un sourire sur les lèvres, elle se serait allongée, avec délice et allégresse, dans cette herbe verte et assaisonnée en écoutant précieusement la moindre manifestation de mère nature. Alors, tout doucement, elle aurait fermée les yeux pour laisser bercée par le calme et la paix qui émanaient de cet endroit magique. Il y a un mois encore, Kaori se serait comportée avec toute l'innocence, générosité et la joie de vivre qui la caractérisaient si bien. Il y a encore un mois, Kaori était heureuse de vivre.


Seulement voilà, la jeune femme assise sur ce banc était une femme blessée. Meurtrie à jamais dans son corps et dans son âme.


Avec un certain fatalisme, Kaori jeta un rapide coup d'œil sur sa montre. Il était déjà 14h10. Il ne lui restait plus beaucoup de temps.


Le soleil brillait haut et fort. Kaori se rendit compte qu'elle ne tiendrait pas longtemps avec son pull noir à manches longues. Elle se sentait d'ailleurs un peu ridicule d'être accoutrée de la sorte. Elle s'était habillée en hiver. Alors que des milliers de petites filles et de jeunes filles attendaient avec une impatience et un joie toute enfantine le moment d'enfiler leurs jolies robes d'été, Kaori n'éprouvait plus aucune envie de revêtir ces tenues si agréables à porter. Ces tenues qui faisaient le bonheur de tous les hommes de cette terre. Ces tenues qui mettaient en valeur la féminité de chaque femme. Car même si elle le niait avec force, Kaori faisait tout pour cacher sa féminité.


En fait, elle aurait voulu se cacher de tous. Se dérober à ces regards perçants et inquisiteurs. Disparaître de ce monde d'hypocrites. Quelquefois elle souhaitait partir pour mieux se laisser mourir.

Plus les jours passaient et plus ses angoisses prenaient des proportions alarmantes.


Effrayantes.


Déstabilisantes.


Le moindre regard d'un homme, la moindre allusion à son physique, le moindre compliment la plongeaient dans un état d'anxiété proche de l'hystérie. La plus petite conversation la mettait mal à l'aise, la faisant glisser par la force des choses dans une sorte de paranoïa. Le moindre bruit la faisait sursauter et les plus profonds silences la pétrifiaient sur place. Elle ne supportait plus la foule. Elle ne supportait plus les hommes. Et elle ne se supportait plus elle-même. En fait, c'était tout juste si elle trouvait le courage de sortir de sa chambre pour rejoindre le monde réel. Kaori avait l'impression de devenir folle. De se couper du monde. De se renfermer de plus en plus sur elle et de s'éloigner des autres.


Le regard toujours fixé sur les enfants, Kaori serra convulsivement ses mains. Elles étaient moites.


Un petit garçon, d'environ huit ans, tomba de son vélo et attira l'attention de la jeune femme. Visiblement, il avait très mal à son genou. Sur le point de se lever pour l'aider, Kaori se rassit tout aussi vite lorsqu'une petite fille brune, coiffée avec des couettes, s'avança vers le gamin en pleurs, souffla sur sa blessure et lui déposa un tendre baiser sur la joue. Le résultat fut immédiat. Le bambin stoppa instantanément de pleurer et, ses yeux grands ouverts, remercia sa camarade d'un magnifique sourire. Il remonta ensuite sur son vélo et proposa à la jeune demoiselle de monter à l'arrière. Kaori ressentit une émotion indescriptible l'envahir tout entière.


Les amis. Il n'y avait rien de plus important dans le vie. Elle en avait eu encore la preuve.


Kaori n'aurait jamais eu le courage de continuer sans Miki. Sans son soutien. Sans sa tendresse. Sans sa compréhension.


Après sa fuite, Kaori s'était présentée sans crier gare à la porte de Miki et Falcon. Avec pour seule et unique explication, son sac de voyage et ses yeux dévoilant l'intolérable souffrance qu'elle ressentait à cet instant précis. Mais comme à son habitude, Miki n'avait rien demandé. Elle n'avait pas soufflé mot. D'un regard compatissant, elle lui avait simplement ouvert les bras et lui avait offert tout le réconfort qu'elle avait besoin. Et si au départ, Miki était intimement persuadée que Kaori s'était enfuie à cause du comportement incohérent de Ryô, il ne lui fallut que quelques jours pour découvrir que son amie ne lui avait pas dit toute la vérité. Que ce qu'elle lui cachait était bien plus grave et bien plus profond qu'un simple chagrin d'amour.


Surveillant les enfants comme toute bonne maman l'aurait fait, Kaori se remémora ce fameux matin où cette vérité qu'elle essayait tant de cacher éclata au grand jour.


Les yeux cernés, Kaori pénétra dans la cuisine vêtue d'un survêtement qui semblait avoir traversé plusieurs guerres. D'un rapide coup d'œil, elle balaya la pièce et marqua un temps d'arrêt lorsqu'elle découvrit Miki assise à la table de la cuisine.


" Tu n'es pas au café ce matin ?" lança-elle curieuse de connaître les raisons de la présence de Miki à une heure si avancée de la matinée. " Tu n'as pas peur que Falcon fasse fuir tous les clients ?"


Miki répondit d'un sourire à la boutade de son amie. L' observant à la dérobée se servir un café chaud, la jeune femme fronça les sourcils lorsqu'elle vit Kaori prendre un croissant puis le reposer d' un air dégoûté dans son panier .


" Tu ne prends pas de croissants ?" Kaori haussa les épaules pour toute réponse. " Tu as tort. Falcon les a achetés ce matin à la boulangerie du coin. Tu sais... celle qui vend des spécialités françaises... hum, ils sont délicieux ! ", expliqua la jeune femme en croquant avec gourmandise dans la viennoiserie encore toute chaude.


Kaori secoua négativement la tête en s'installant sur sa chaise. " Non merci. Je n'ai pas très faim ce matin... Ce doit être à cause de la chaleur".


Miki but une gorgée de café et examina à travers ses cils la jeune femme qui lui faisait maintenant face. Malgré l'épaisseur de son fond de teint qui servait, pour nul doute, à dissimuler ses cernes et ses traits fatigués, Kaori était d'une pâleur à faire peur. Toujours aussi inquiète, elle remarqua à quel point ces yeux avaient perdu de leur éclat et ces sourires de leur sincérité et de leur spontanéité. Et même si elle se dissimulait derrière un jogging deux fois trop grand pour elle, elle avait bien remarqué qu'elle avait perdu du poids. Miki avait raison de se méfier et de se poser des questions. Quelque chose détruisait son amie de l'intérieur. Elle en était persuadée. Kaori allait mal et elle était bien décidée à savoir pourquoi.


" Je crois qu'on devrait parler toutes les deux", enchaîna Miki d'une voix calme et posée.


" Et de quoi veux-tu parler ?" répondit Kaori avec un détachement qu'elle était loin d'éprouver.


" Ryô est venu au café hier soir et il aimerait savoir quand est-ce que tu vas cesser de faire ta mauvaise tête et revenir à la maison", déclara-elle tranquillement.


Kaori se raidit sur chaise et touilla son café avec une frénésie inhabituelle. Aussi muette qu' une carpe, elle tenta de paraître aussi sereine que possible et de réprimer la vague d'angoisse qui l'étreignait soudainement. Elle écouta d'une oreille distraite. " Il est sincèrement désolé... Tu ne crois pas qu' il a compris la leçon ? Il est vraiment prêt à faire des efforts cette fois-ci... Tu devrais lui laisser une dernière chance."


Kaori se leva brutalement et débarrassa avec empressement la table du petit déjeuner. Le bruit des les bols qui s'entrechoquaient dans l'évier couvrit à demi la voix stressée de la jeune femme. "Je suis étonnée que, toi, tu sois tombée dans le panneau. Ryô n'est qu'un coureur de jupons, une espèce de Casanova des quartiers chauds qui ne pense qu'à sa libido et à sa petite personne." Kaori déposa avec maladresse les tasses propres sur le séchoir. "Il ne changera jamais. S'il veut que je revienne chez lui, c'est tout simplement pour que je lui fasse à manger, que je m'occupe de son linge ou alors que je le distrais d'une manière ou d'une autre."


Kaori ouvrit brutalement un placard pour y prendre un torchon et commença à essuyer la vaisselle du petit déjeuner. "Il se fiche pas mal de ce que je ressens... de ce que les femmes ressentent. Tout ce qui l'intéresse, c'est de passer du bon temps et de satisfaire ses pulsions un peu trop libidineuses". Kaori rangea les tasses puis replia avec minutie son torchon. " J'ai assez donné, crois-moi."


Complètement abasourdie par ce discours si inhabituel, Miki prit quelques instants avant de réagir. "Je te trouve un peu dure, Kaori... je veux bien concevoir qu'il n'est pas facile de vivre avec un homme comme Ryô mais de là à le réduire à une espèce de pervers narcissique... Tu sais qu' il t'aime. Il est peut-être un peu maladroit quand à sa manière de te le montrer m... "


Visiblement énervée par les propos tenus par son amie, Kaori posa brutalement ses mains sur la table. " Miki, Ryô fait partie de ces hommes incapables d'aimer. Ils prennent ce dont ils ont besoin et ensuite il te jette comme une vieille paire de chaussettes. Plus vite il sortira de ma vie, mieux je me porterai".


Complètement décontenancée, Miki ouvrit la bouche, la referma puis la rouvrit. " Tu n'es pas sérieuse ? Tu ne penses pas un traite mot de ce que tu viens de me dire ! Allons Kaori, regarde-moi...".


Kaori sentait l'agacement la gagner furieusement. A force de ne pas dormir et de se gaver de café, elle avait les nerfs à fleur de peau et ces idées loin d'être claires. Elle s'en fichait pas mal de Ryô et de ces états d'âme ! Miki pouvait penser ce qu'elle voulait, elle n'en avait rien à faire ! Tout ce qu'elle demandait, c'était simplement qu'on la laisse tranquille. " Après, c'est moi qui suis naïve..." Kaori vit les sourcils de Miki se lever de surprise."Pff... Cette discussion commence sérieusement à m'agacer... Écoute Miki, je n'ai aucune envie de le voir pour le moment. C'est comme ça et tu n'y changeras rien...", informa la jeune femme d'un ton cassant et sans réplique.


Miki était bouche bée. Elle avait l'impression de découvrir une nouvelle facette de la personnalité de Kaori. Jamais encore, elle n'avait utilisé ce ton agressif et énervé avec elle ou avec une toute autre personne. Où était donc passée sa Kaori si douce et si attentionnée ? Cette jeune femme qui faisait passé les sentiments des autres avant ses propres sentiments ? Inquiète, Miki chercha à croiser son regard mais la jeune femme détourna la tête, visiblement mal à l'aise. Mais que se passait-il donc ?


" Je suis fatiguée Miki... Si tu as besoin de moi, je suis dans ma chambre." Kaori était sur le point de partir lorsque la voix de Miki lui parvint aux oreilles. "Qu'est-ce qui passe Kaori ? Pourquoi est-ce que tu es aussi agressive tout à coup ? Je ne t'ai jamais vu comme ça ", la voix de Miki était remplie d'appréhension et de peine.


Au bord des larmes, Kaori posa la main sur la poignée de la porte. Elle regrettait déjà son comportement." Je suis désolée Miki... Je suis un peu stressée ces temps-ci... Je ne voulais pas être ingrate. Tu es ma meilleure amie et la dernière chose que je voudrais faire c'est de te faire du mal." La voix de Kaori était déchirante.


Une sourde angoisse envahit peu à peu Miki. " Dis-moi ce qui te tourmente à ce point, Kaori... Je ne suis pas aveugle. J'ai bien remarqué ton manque d'appétit, tes insomnies, ton goût un peu trop prononcé pour le café... et puis ces distances que tu as prises avec Ryô... J'espérais sincèrement que tu viendrais m'en parler de toi-même comme tu l'as toujours fait... Kaori... je t'en prie... parle-moi ", supplia Miki sur un ton qu'elle voulait à la fois doux et rassurant.


Kaori sentit la main de son amie se poser sur son épaule. " Kaori, regarde-toi... tu ne peux pas continuer comme ça."


Kaori souffla doucement. Douloureusement. " Je... je ne peux pas... C'est trop dur."


Sans savoir vraiment pourquoi, Miki prit peur. " Qu'est ce qui est si dur ? Qu'est ce qui te fait si mal au point de te détruire ?... Oui... mourir... tu entends... Tu ne t'en rends même pas compte mais tu es en train de te détruire !" , la voix de Miki était complètement brisée.


Kaori ne bougeait plus. Miki avait raison, comme toujours. Elle ne pouvait pas continuer comme ça. Elle ne dormait plus. Elle ne mangeait plus. Elle ne riait et ne souriait pratiquement plus. Elle passait le plus clair de son temps dans sa chambre à pleurer et à culpabiliser sur son innocence et sa vie à jamais perdues. Elle était en train de se détruire à petit feu. Des larmes se mirent à couler le long de ses joues pâles. Kaori réprima un sanglot. Elle avait l'impression d'étouffer tellement ce secret lui pesait sur ses épaules. Il fallait qu'elle parle et qu'elle se libère. Et peut-être qu'après, tout serait un peu plus facile.


Les mots sortirent mécaniquement. " Il y a environ deux semaines, je suis sortie avec Eriko et nous sommes allées dans une de ces dernières boîtes à la mode... J'en avais marre de Ryô et de son comportement... Je voulais le rendre jaloux, lui faire comprendre que moi-aussi j'existais..." Miki était silencieuse. " Mais tu sais que je ne suis pas vraiment à l'aise dans ce genre d'endroit alors, dès que j'ai pu, je me suis échappée..." Kaori ferma les yeux pour tenter d'échapper aux images qui la ramenaient un fois de plus à cette fameuse nuit où sa vie avait basculée dans l'horreur. " Il n' y avait aucun taxi de disponible et la nuit était calme... J'ai rencontré cet homme sur le chemin du retour. La beauté personnifiée et l'élégance même. Un sourire à faire fondre les icebergs les plus froids du pôle nord et des manières à rendre jalouse la reine d'Angleterre... Il... Il a voulu me raccompagner. J'ai dit non. Il a insisté et j'ai fini par accepter." Kaori rouvrit brusquement les yeux, se retourna et plongea ses yeux dans ceux de son amie pour y puiser le courage qui lui manquait subitement. Elle lâcha les mots qui résonnèrent dans le silence de la cuisine. " Il m'a coincée dans une ruelle et m'a violée".


BANG ! Un ballon de foot s'écrasa contre le dossier du banc juste à côté de Kaori.


Dans un sursaut de peur panique, la jeune femme se retrouva debout à fixer d'un regard angoissé l'objet du délit et entendit vaguement les cris du gamin. " M'dame excusez-moi ... M'dame, vous allez bien ? " Machinalement, Kaori récupéra le ballon et se retourna vers l'enfant. Vif comme l'éclair et débordant d'énergie, il s'élança vers elle lorsqu'elle lui rendit l'objet rond, la gratifiant par la même occasion d'un sourire empreint de cette innocence et de cette générosité qu'ont tous les gamins de cet âge.


Le reflet même de l'insouciance. De la confiance. De l'innocence.


Kaori replaça une mèche un peu rebelle derrière son oreille, une grimace de dégoût se dessinant sur ses lèvres. Elle n'aimait pas ce qu'elle était devenue. Elle n'aimait pas mentir. Pourtant c'était bien ce qu'elle faisait depuis ce fameux jour. Et elle avait entraîné Miki avec elle. Bien sûr, il n'avait pas été facile de convaincre son amie de garder le secret et de ne rien dire à Ryô. Mais devant son regard désespéré, Miki avait cédé. Car Kaori ne se sentait pas encore capable d'en parler. D'affronter les regards. Les questions. Les sous-entendus. Vivre et respirer normalement lui demander déjà un effort presque surhumain. Un effort de tous les instants.


Alors elle préférait laisser dire. Laisser penser. Laisser croire. C'était peut-être par lâcheté. Ou alors peut-être par peur. Elle ne savait pas encore mais, pour le moment, elle ne cherchait pas vraiment à comprendre. Tout ce qu'elle savait aujourd'hui, c'est que même si elle se complaisait de manière presque malsaine dans ce silence sournois, il lui offrait l'opportunité d'assimiler et d'accepter, tant est soit peu qu'elle puisse une jour l'oublier, le traumatisme qu'elle venait de subir.


Mais pourra-t-elle un jour oublier ?


Une petite main se posa, avec une certaine hésitation, sur son genou. " Pourquoi tu pleures ?", la petite voix cristalline s'éleva parmi les cris des autres enfants.


Intriguée, Kaori plongea son regard embué dans les yeux attendris du garçonnet. Elle ne s'était même pas aperçu qu'elle pleurait. Séchant maladroitement ses larmes, Kaori reconnut le gamin au vélo et essaya de sourire pour ne pas l'effrayer. "Dis, pourquoi tu pleures ?", répéta-t-il une nouvelle fois.


La gamin était bouleversant de sincérité. " Parce que j'ai mal," répondit Kaori dans un murmure.


" T'es tombée ?... Comme moi tout à l'heure ?", tout en parlant, il montra son genou écorché. Le sang avait séché et une croûte commençait à se former. La blessure était en bonne voie de cicatrisation. "Attends. Je vais souffler dessus, comme Hitomi l'a fait avec moi et tu verras qu'après, tu ne sentiras plus rien. "


Face à ce petit bonhomme si candide et si plein de gentillesse, Kaori se sentit complètement fondre. Elle lutta une fois encore contre un flot de larmes, attrapa la main de son jeune ami et la serra fort dans la sienne. " Je ne peux pas te montrer ma blessure, ma puce... Elle ne se voit pas... Elle est à l'intérieur. "


Le bambin ouvrit de grands yeux remplis d'incompréhension puis s'installa à côté de la jeune femme. Il avait les sourcils froncés et semblait perdu dans ses réflexions. Après quelques minutes de silence, il s'écria " Mais c'est pas grave, tu sais... Je peux quand même te faire un bisou."


Pour la première fois depuis des jours, un sourire illumina le visage de Kaori. " Oui, mon ange... tu as tout à fait raison... Fais-moi un bisou ". Ni une ni deux, elle sentit des bras serrer son cou et une bouche humide se poser sur sa joue. " Merci, mon bonhomme. Je me sens beaucoup mieux".


Le gamin sauta sur ses deux jambes et s'élança vers la jolie Hitomi, plantée au milieu du parc avec un vélo pour seule compagnie. Apparemment, elle en avait assez d'attendre.

Kaori, dans un soubresaut, se leva et fit des gestes de la main. "Hé... comment tu t'appelles ? "


Juste avant de rejoindre sa nouvelle fiancée, le gamin se retourna une dernière fois et lança avec toute la candeur de ses huit ans. " Je m'appelle Toshi... Toshio Utsumi. Au revoir!"


Kaori regarda les enfants quitter tranquillement le parc et se rendit compte quelle chance elle avait d'avoir croiser le chemin d'un petit être aussi précieux.


Miki apparut quelques secondes plus tard et, d'un signe de la main, fit signe qu'il était tant d'y aller.


La cruelle réalité frappa de nouveau Kaori. Tremblante, la jeune femme posa des yeux égarés sur le parc délaissé par les enfants. Elle se sentait abandonnée. Dévastée. Pourtant il fallait qu'elle soit courageuse. Elle n'avait pas le choix. Elle devait savoir.


D'une démarche hésitante, Kaori rejoint Miki à l'entrée du parc. " Ne t'inquiète pas Kaori... Tout ira bien... N'oublie jamais pas à quel point tu es forte et courageuse. "


Kaori se força à sourire pour cacher son malaise à son amie. Elle se sentait tellement oppressée. Asphyxiée. Elle était au plus mal et elle savait très bien pourquoi .


Kaori prit un profonde respiration et engagea le pas. Si elle ne se dépêchait pas, elle allait être en retard.


Elle avait rendez-vous chez un médecin.





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