Chronicle 2 - Persécution
~~Note- C'est l'avant-dernière ''entrée du journal''. L'histoire va ensuite vraiment débuté. Certains passages m'ont laissé insatisfaites. Je crois que je vais en retravailler quelques-uns. Merci de votre attention et de lire cette fanfiction. Merci également de vos commentaires. Ne vous gênez surtout pas pour laisser des reviews, je suis toujours intéressée par vos points de vue et de savoir si vous aimez! C'est un plaisir!
Enga, Papouasie-Nouvelle Guinée
Octobre 2012
Il est toujours à Papoua. Habituellement, il ne reste pas si longtemps au même endroit. Toujours bouger, être constamment à l'affût fait partie intégrante de sa nouvelle vie. Mais cette incessante concentration est éreintante. Il est fatigué. Il en a assez de fuir. Puis, il ne s'est rien passé depuis un moment. Il sait que le danger est toujours présent, mais peut-être bénéficie-t-il d'un sursis? Peut-être pourrait-il s'installer ici quelque temps?Il faut dire que l'endroit s'y prête plutôt bien. Reculé, sauvage, presque primitif. Un emplacement idéal pour passer inaperçu.Les conditions demeurent néanmoins difficiles. Le territoire accidenté complique les déplacements ''naturels'', l'ouvrage n'est pas courant et se procurer ce dont on a besoin est une tâche ardue. La plus grande menace reste toutefois les peuples qui habitent ces régions. Bien que la technologie ne soit pas un fait commun et lui assure pratiquement l'anonymat, la sorcellerie est une croyance populaire répandue dans ces contrées. Et tout acte d'une telle nature est sévèrement puni. Les villageois n'hésitent pas, sans procès ni façon, à torturé et mettre à mort tout individu coupable de ce crime. Alors Matt évite méticuleusement d'utiliser ses pouvoirs. Il n'a pas encore eu de démelé avec eux, mais cela ne saurait tarder. Il a senti une tension palpable se générer à leur contact. Beaucoup d'habitants sont analphabètes, leur intelligence et perception n'en demeurent pas moins aiguisées. Aucune hostilité ne s'est manifestée comme à Hawaii, leur regard suspicieux et méfiant est par contre suffisant pour alerter Matt. Il a déjà vécu ça...
Alors il garde ses distances et prend soin de rester à l'écart. Et il marche. Il marche depuis longtemps. C'est devenu une seconde nature. Certes il pourrait voler, mais moins il utilise son pouvoir mieux il se porte. Plus il se sent...normal. Quoique...y a-t-il quelque chose d'ordinaire dans sa vie actuelle?Essouflé, il doit prendre des pauses à un intervalle régulier pour récupérer. Et le temps s'étire....s'étire sans fin.Son ventre ne gronderait pas si fort si le sol s'ouvrait devant lui. La chaleur est presque insupportable. La sueur ruisselle le long de son dos et détrempe le bas de son t-shirt. Elle glisse le long de son visage et lui brûle les yeux. Il l'essuie de son avant-bras.Désorienté, il trébuche sur un talus de terre et s'effondre de tout son long.
''- Merde! Merde!''
La sensation de brûlure est instantanée et l'élancement dans sa cheville se propage le long de son corps. Il pousse un cri de rage. Elle gronde, tapie au fond de lui, muselée et accumulée depuis trop longtemps. Allongé sur le terrain, il martèle le sol comme s'il pouvait lui transmettre sa colère, sa souffrance, son désespoir. Que cherche-t-il? Quel désir souhaite-t-il réellement comblé au travers tout cela? Il se sent perdu, inutile, rejeté. Quelle place peut-il maintenant occupé en ce monde? Il ne sait même plus qui il est, ce qu'il est.L'explosion suivit d'un cercle de déflagration bleue survient au sixième coup. Son rayon d'action s'étale sur quelque kilomètre avant de s'éteindre.''-Du calme, du calme...s'exhorte-t-il en respirant difficilement. Il ferme les yeux et tente de penser à quelque chose. N'importe quoi. Mais rien ne vient. Les souvenirs eux-même le fuient, s'estompent et commencent à s'effacer avec le temps. Fantômes d'une ancienne existence révolue devenu de simples petits points clignotants qu'il peine à se remémorer. Jusqu'à se demander s'ils ont jamais existés. Il ne souvient plus de l'odeur du parfum de sa mère, du son de la voix de son père, du sourire de Steve ou encore de la couleur exacte des yeux d'Andrew. ''-Tout ça est de ta faute...'' grogne-t-il dans un murmure imperceptible en ne sachant pas exactement à qui il s'adresse.Plusieurs minutes s'écoulent avant qu'il ne se relève enfin. En se mordant l'intérieur de la joue, il tente de contrôler la douleur qui irradie le long de sa jambe. Perturbé, il se remet en chemin en claudiquant.
Au détour d'une vallée, une silhouette biscornue se profile au loin. Intrigué, Matt se dirige vers elle. Émergées de nulle part, les ruines d'un ancien temple se dressent devant lui.''-Andrew...Tu vois ce que je vois?'' dit-il la voix chevrotante.Il n'est pas au Tibet...si? Il ne sait plus où il est. Il se fotte les yeux et essaie de rassembler ses idées embrouillées. Son esprit dérape. Ses souvenirs s'emmêlent et se confondent dans sa tête....Papoua. Il est à Papoua. La réponse resurgit en même temps que la voix qui le hante.''-Et alors? Ce n'est pas ici que je voulais aller.''''- Non, je sais, mais ça y ressemble un peu et...'' rétorque Matt.''-Pas du tout, l'interrompt-il. Ça n'a rien à voir!''''- Pourquoi tu te fâches?''''-Parce que tu n'écoutes pas, tu n'écoutes jamais!''Matt se prend la tête, la douleur familière progressant sur sa nuque, lui vrillant les tempes. Son crâne semble sur le point d'exploser.''- Tu fuis...''''- Arrête! Laisse-moi! ''''-...ce que tu es...''''- Ça suffiiiiiiit! Sors de ma tête! '' vocifère Matt dans une tentative désespérée de reprendre le contrôle.
Haletant, il s'effondre au sol. Une fêlure se produit en lui. Il craque et la fissure s'élargit, s'étend dans tout son être en aspirant tout sur son passage. La colère l'envahit.''- De ta faute. Tout ça est de ta faute! crache-t-il. Tu entends?''La privation, le ressentiment, la culpabilité, la douleur, la fureur, tout se conjuguent dans un formidable chaos. L'anarchie de ces émotions se mêlent dans un maelström étourdissant. Elles le broient par vagues successives, l'habitent tour à tour. Sa fureur augmente. Elle s'amplifie au point d'oblitérer tout le reste. Se dilate jusqu'au point de rupture avant de s'écouler tel un volcan éjectant sa lave.-''Pourquoi as-tu fait ça? Pourquoi? Pourquoi m'as tu obligé à faire ça? Je te déteste, je te haïs! T'es rien qu'un petit con! Personne ne voulait de toi. Tu faisais du mal aux gens, tu étais devenu incontrôlable et cruel! Tu n'étais plus toi!''Il hurle sa colère au ciel comme si Andrew pouvait lui apporter une réponse. La tempête atteint son point culminant et c'est comme si une lame le transperçait en plein coeur. La douleur est si aïgue qu'il en perd le souffle.''- Tu l'avais mérité'' lance-t-il dans un ultime flot de haine qui emporte avec lui les derniers vestiges de l'ouragan dévastateur.
Le silence est revenu.À genous, il se balance d'en avant en arrière.''- Je n'ai rien fait de mal. J'ai fait ce que je devais faire. Sa voix flanche. Je n'ai rien fait de mal...tente-t-il de se convaincre en resserant ses bras autour de lui. Les sanglots qui l'étouffent s'échappent. Je n'ai rien fait de mal'' répète-t-il inlassablement.
Vaira'O, Polynésie
Novembre 2012
Matt est méconnaissable. Ses vêtements sont crasseux et déchirés, le duvet recouvre presque entièrement son menton. Son pansement n'a pas du être changé depuis Papoua. Il a perdu plusieurs kilos et son regard éteint semble perdu au mileu de son visage.Assis au sommet de la falaise, il bat l'air de ses jambes en observant les vagues se briser sur les rochers en contrebas.Sauter serait si facile. Il n'aurait qu'à se laisser glisser, pense-t-il en avancant à demi dans le vide. La chute libératrice, l'absolution en conclusion. Le néant, la fin. La fin de la douleur, de la solitude. La fin de tout. Il serait enfin libre.S'il avait cru que son don servirait à quelque chose, maintenant il en doute.''-Saute Matt. La voix est de retour. Harcelante, obsédante.....Pourquoi ne le ferait-il pas? Saute, vas-y! Quelles obscures raisons le maintiennent ici? Saute, saute, saute '' chantonne-t-elle.''- Va te faire foutre!''
Cette expédition tourne au cauchemar. Matt n'entrevoit ni apaisement, ni pardon, ni réponse d'aucune sorte au bout de ce voyage. Qu'espèrait-il? De qui serait venu la rédemption ardemment souhaitée? Comment espérer la paix de son âme avec ses cauchemars? Quand aux réponses, encore faudrait-il qu'il les cherchent. Vraiment.Plus il réfléchit, plus il se demande si le problème ne viendrait pas plutôt de lui? Il n'a pas su protéger Steve, ni défendre Andrew de ses agressions autant à l'école que de son père. Il n'a pas su apporter de soutien à sa tante Karen dans ces derniers instant. Il attire les situations désastreuses. S'il n'avait pas trouvé ce trou au fond des bois, rien ne se serait produit. Lui. Il. La cause de tout.
En longeant la côte est, des éclats de voix attirent son attention alors qu'un grondement secoue la terre. Il vient tout juste d'en déterminer la source lorsqu'il voit une parcelle de la falaise se détachée. Elle glisse vers le précipice et s'écrase au sol dans un vacarme infernal. La falaise se scinde en deux et un groupe d'expédition se retrouve happé par ce glissement de terrain. D'autres fragments se détachent et se retouvent engloutis par la mer affamée. Les malheureux tentent de se raccocher du mieux qu'ils peuvent dans cette avalanche de pierres et de débris qui déboulent sur eux. Matt vole dans leur direction et prend une des victimes dans ses bras. Le sol instable s'effondre sous leurs pieds et il a tout juste le temps d'attraper par la main la seconde personne à sa droite avant qu'elle ne chute vers une mort assurée. Il plane vers une portion plus stable de la montagne et dépose les deux personnes affolées. Il retourne vers la zone critique et ramène ainsi 4 autres rescapés. Lorsqu'il revient, il ne reste plus que 3 survivants, accrochés l'un à l'autre, comme une chaîne battant au vent. Ils ne tiendront plus très longtemps. A-t-il le temps de les transporter un par un? Son énergie commence à diminuer, il le sent. Soudain, la branche à laquelle ils se retenaient désespérément se déracine de la terre et le trio plonge vers leur dernier instant. Il n'a plus le temps de tergiverser. Il harponne le premier qui maintient encore soudé sa prise sur les deux autres. Les trois miraculés se balancent dans le vide, leur regard épouvanté tourné vers Matt. Il ne peut pas lâcher. Mais il ressent son élastique mental tendu à l'extrême. Il n'a jamais volé avec le poids 3 passagers, dans son état actuel qui plus est. Chacun de ses muscles est contractés et il puise toute sa puissance pour remonter, un centimètre à la fois. Ses bras tremblent sous la pression, sa résistance décline. Le sang se déverse de son nez en un flot abondant et limpide. En ahanant, il se rapproche des autres accidentés qui les encouragent au loin. Il commence à fléchir et ils redescendent de quelques centimètre. Il n'y arrivera pas. Sollicitant une dernière fois son endurance, il bande son corps comme un arc et en fesant levier, il projette les randonneurs vers l'escarpement sécuritaire, sain et sauf. Emporté par l'élan qu'il a fourni et maintenant débarassé du poids qui le pèsait, son corps est propulsé comme une flèche dans une trajectoire diagonale. Il atterit brutalement en creusant un sillon d'une dizaine de mètre dans le sable.Étourdi, il cherche son air et reste étendu sur le sol. Il met un instant à rassembler ses esprits mais il entend les murmures tout près à travers le brouillard opaque qui l'aveugle. Les yeux clos, il appuie son front sur le sol frais.Après un moment, sa vision commence à revenir à la normale. Il se tourne sur le côté et voit le troupeau qui l'examine. Regroupé serré, ils n'osent pas s'approcher. Matt pompe dans ses dernières forces pour se relever et l'attroupement recule. Il doit partir, quitter ce lieu où il croyait avoir enfin trouver un semblant de sécurité. En faisant un pas, il constate qu'il a aggravé sa blessure à la cheville et son épaule le fait atrocement souffrir. Il ne sait pas s'il a l'énergie pour un vol longue durée mais il n'a pas le choix. L'atmosphère change et les graviers roulent sur le sol. Lorsqu'il prend son envol, il entend le groupe lui crier quelque chose mais il n'entend pas ce qu'ils disent. Peu importe. Il ne veut pas entendre leur haine ou leur peur.