À la recherche du bonheur

Chapitre 1 : Épisode 1

4425 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/07/2020 10:50

 Le SRPJ est en pleine effervescence. Les policiers vont et viennent dans tous les sens. Nassim Borel se tient dans l’œil de l’ouragan. Son bureau est noyé sous les papiers. Son ordinateur tourne à plein régime, tant et si bien que pour éviter la surchauffe, Borel a réquisitionné le poste d’Aimé Legrand. Ce dernier ne s’en est jamais plaint, surtout qu’il ne l’utilise plus depuis qu’avec le capitaine ils font la navette entre le bureau de Caïn et celui de Lucie.

- On a des nouvelles du ravisseur ?, demande Borel à un agent qui passe là.

- Non mais on a pu confirmer qu’il s’agissait bien de Rottiac.

- Lieutenant Borel voici le dossier complet sur l’otage comme vous l’aviez demandé.

- Merci les gars.

Borel ouvre la pochette qu’on vient de lui remettre. Toutes les informations sur l’otage y sont détaillées mais surtout il y a une photo. Le lieutenant la regarde longuement, une idée ferme en tête. Il presse le pas vers le bureau de Lucie, ouvre la porte sans même s’annoncer alors que tous les stores sont fermés.

- J’ai une affaire pour vous, annonce-t-il en lançant le dossier au milieu de la table.

Legrand ne lève même pas les yeux de ce qu’il est en train de faire. Caïn jette un œil. Aussi succincte que fut son attention, cela suffit pour qu’il prenne la pochette et qu’il lève un sourcil en direction de son collègue.

- J’espère que tu n’essayes pas de nous appâter avec cette femme simplement parce qu’elle a une vague ressemblance avec Lucie.

Dès qu’il entend ce nom, Legrand leva les yeux et cherche à voir le dossier.

- Elle s’appelle Tiffène Courad. 32 ans. On a rapporté son enlèvement ce matin à 8 heure. Elle ne s’est pas présentée au travail et il y avait un message chez elle. C’est un coup de Rottiac. Si on n’a pas nos meilleures têtes sur le coup, on retrouvera Tiffène demain, dans le port.

- C’est étrange. D’habitude quand une femme disparaît subitement vous vous acharnez à dire qu’elle s’est absentée d’elle-même, réplique Legrand.

- Ça n’a rien à voir avec Lucie. Cette femme est victime d’un tueur en série. Sa vie est en jeu !

- Moi je t’aiderais Nassim. Dis-moi ce que je peux faire.

- Si vous pouviez commencer par lire le dossier en entier ce serait un bon début.

- Je ne vous pensais pas capable de lâcher l’affaire aussi vite. Vous me décevez Caïn, déclare froidement Aimé.

Pendant un instant le capitaine le fixe intensément, comme prêt à dire quelque chose puis semble se raviser et sort de la pièce avec la pochette posée sur les genoux. Legrand regarde la porte se refermer lentement puis pose les yeux sur Borel.

- Si tu connaissais le capitaine tu saurais que quand il s’agit de Lucie, il ne laisse jamais tomber.

- Tu ne peux pas comprendre. Ça fait 3 mois que …

- Avec Caïn on a déjà passé 6 mois sans aucune nouvelle de Lucie. Elle est comme ça et a surtout beaucoup d’autres secrets dont tu n’as aucune idée.

Borel ne regarde même pas sa réaction. Il a même commencé à se détourner avant la fin de sa phrase et laisse l’autre lieutenant seul. Dans la salle centrale du commissariat, l’effusion est la même que quand il l’a quitté quelques minutes plus tôt, mais cette agitation, après le calme relatif du bureau, le frappe de plein fouet. On vient le voir pour lui annoncer que la famille a réussi à débloquer l’argent demandé pour la rançon. Caïn, devant un bureau, lit.

Plusieurs heures plus tard, le calme règne au SRPJ. Le capitaine n’a pas bougé de place cependant maintenant il ne lit plus. Ordinateur face à lui, il s’acharne sur le clavier. Avec lui, il ne reste que Borel. Ce dernier s’échine encore à retracer les jours précédant l’enlèvement le plus précisément possible. Le reste du commissariat est vide, ou presque. Dans le noir complet une lumière est encore allumée dans le bureau de Lucie mais ni Caïn, ni son lieutenant ne prêtent attention à Legrand.

- Eureka !

- Qu’est-ce qu’il y a capitaine ?

- On avait raison. Rottiac repère bien ses victimes sur internet. Mieux encore j’ai une adresse.

- Il faut qu’on prévienne une équipe !

- Pas le temps, il faut qu’on y aille maintenant. S’il nous repère et qu’il change d’endroit on est marrons.

Borel se précipite alors vers le bureau de Lucie.

- Aimé on a une piste. Il faut que tu viennes avec nous.

- Désolé Nassim mais moi aussi j’ai une piste.

- Ne soit pas ridicule, cette femme a besoin de nous !

- Vous serrez aussi efficace sans moi puisque Caïn peut mener plusieurs enquêtes en même temps.

- Je te préviens que cette histoire n’est pas terminée, s’exclame Borel, rageur.

Il sort en courant pour rejoindre le capitaine qui a déjà pris place au volant de sa voiture. Dès que Nassim a les fesses sur le siège, il démarre en trombe. Si Borel demande l’adresse, c’est uniquement pour la communiquer à tout le reste de l’équipe. Il appelle ensuite le responsable.

- Ici le lieutenant Borel, nous sommes en route pour le repaire de Rottiac. Depuis l’intrusion du capiatine dans son ordinateur Rottiac peut savoir que l’on arrive. Je vous appelle pour vous prévenir que nous allons intervenir aussitôt arrivés sur les lieux.

- Bien reçu, lieutenant. Sécurisez le périmètre si vous pouvez, sinon essayez de ne rien tenter de dangereux avant notre arrivée.

- On n’a pas vraiment le choix …

Caïn roule sans respecter aucune limitation. Borel le sait mais ce dernier est trop occupé à chercher toutes les informations possibles sur leur lieu d’arrivée qu’il ne regarde même pas la route. Le capitaine invective Legrand pour son absence avec une créativité assez impressionnante, Borel ne parvient même pas à dénombrer le nombre de noms d’oiseaux qui sont utilisés entre deux menaces toute aussi incongrues.

- C’est une habitation dans un quartier industriel. Un seul étage. Une porte d’entrée sur la façade donnant sur la rue.

- Aucun visu sur l’arrière ?

- Non. Par satellite on voit un petit jardin mais c’est tout.

- Bon je passe par l’avant, toi par l’arrière.

- Et si le terrain ne s’y prête pas ?

- On improvise.

Plus ils s’approchent, plus ils ressentent le besoin de parler pour évacuer le stress mais sans avoir rien à dire. Borel commence une phrase sans la finir, le capitaine lui coupe la parole pour se répéter en boucle. Par intermittence, les silences sont pesants. Quand ils s’engagent dans la zone d’activités tout est désert. Caïn éteint ses phares et ils avancent à la seule lumière de l’éclairage publique.

- Garez-vous là capitaine. La maison doit être dans la prochaine rue.

Ils sortent de la voiture et s’engagent sur la voie. Dans la nuit on n’entend que les bruits du fauteuil du capitaine. Borel n’arrive pas à savoir si ce son l’apaise ou s’il participe à le rendre encore plus nerveux. Sûrement un peu des deux. Ces sentiments contradictoires se renforcent encore quand l’habitation leur apparaît.

En soit, c’est une maison comme les autres. Elle est même plutôt banale. Sa façade est blanc cassé sauf dans les endroits où la pluie a coulé et noircit les murs au fil des années. La porte est close. Aucune lumière ne filtre par les fenêtres. Ni le lieutenant, ni le capitaine n’osent plus parler maintenant. Ils essayent de se comprendre uniquement avec des gestes. Heureusement pour eux, ils se connaissent sur le bout des doigts.

Ils ne peuvent pas se permettre de tourner autour de la maison. Il y a des baies tout autour et aucun buisson où se cacher. Le lieutenant s’avance à pas rapide vers la porte. Il s’y arrête en posant l’oreille sur le pan de bois. Rien. Caïn est juste derrière lui, son arme à la main. Ils échangent un regard, prennent ensemble une grande inspiration et Borel abaisse la poignée.

À leur grande surprise, la porte n’offre aucune résistance et s’ouvre. Borel s’engage à l’intérieur, une fois encore le capitaine sur les talons. Quand ils sont tous les deux dedans, ils s’arrêtent pour essayer de se repérer dans le noir. Leurs respirations se sont désynchronisées et sonnent si erratiques qu’ils donnent l’impression d’être plus nombreux dans la pièce. Le capitaine allume sa lampe torche et commence à parcourir la pièce. Borel frissonne à chaque meuble.

Soudain il est là, face à eux, en plein dans le faisceau de la lampe. Son visage blafard est en partie dissimulé par la femme qu’il tient devant lui. Elle a l’air terrorisé, ses yeux appellent à l’aide alors que l’éclairage fait jouer mille reflets sur la lame qu’il lui tient sous la gorge. Caïn, comme Borel, le tient en joug.

- Relâche-là tout de suite.

- On n’hésitera pas à tirer.

- C’est fini laisse-là partir.

Sans leur répondre, Rottiac fait un signe de négation de la tête et laisse glisser son couteau. Tiffène se laisse immédiatement tomber dans un gargouillis funeste et avant même qu’elle n’ait touché le sol, son kidnappeur prend la fuite. Caïn tire et Borel part à sa poursuite. Rottiac sort par la porte de derrière qui donne directement accès à une terrasse sur laquelle l’attend une moto.

Le lieutenant n’est vraiment pas loin derrière mais juste suffisamment pour que le tueur ait le temps de l’enfourcher et de la faire bondir dans la rue. Borel contacte derechef le reste de l’équipe pour les tenir au courant de ce qui vient d’arriver et pour leur donner l’immatriculation de la moto. Puis il doit se résoudre à entrer de nouveau. Le bruit de moteur s’évanouit dans la nuit.

Cette fois-ci, il prend le temps de chercher les interrupteurs mais c’est uniquement pour découvrir le capitaine vautré dans le sang de leur otage qui macule le sol.

- Elle est morte.

Les paroles de Caïn résonnent comme un glas dans la pièce. Borel s’est assis. Caïn n’ose pas enlever sa main qui fait pression sur la plaie béante. Il leur faut attendre plus de 20 minutes pour entendre les sirènes s’approcher. Enfin c’est ce que leur dirent les gars qui les ont rejoint, car pour eux tout s’est fondu dans un même instant d’une durée indéterminée, à la limite même du temps.

On prend des photos puis on leur demande de sortir. À l’extérieur l’ambiance a changé du tout au tout. Là où la lumière a peiné à leur indiquer le chemin, les gyrophares bleus et rouges agressent les yeux. Terminés aussi le silence et la solitude. Un inspecteur les cueille juste à la sortie. Il les interroge, leur demande, point par point, le déroulement de la soirée. Plus ils détaillent ce qui s’est passé, plus ils échangent des regards. Ils ont agi dans l’urgence, certes sans avoir trop le choix, mais cela n’empêchera certainement pas la famille de souligner la maigreur de leur chance.

Stunia arrive en même temps qu’on fait une prise de sang au capitaine. À s’être ainsi barbouillé du sang de la victime, il est bon pour une batterie d’examens. La légiste lui annonce les risques liés à une contamination, une liste de maladies aux noms incompréhensibles ou peu rassurants. Elle commence à détailler les procédures quand le capitaine prend l’initiative de l’arrêter dans son discours.

- C’est bon Élizabeth. On a fait ce qu’on a pu maintenant à toi de nous aider à coincer ce connard.

Le ton du capitaine a l’air sûr mais il ne regarde pas son interlocutrice dans les yeux. Bien sûr ils ont fait leur maximum, cela ne les empêchent pas d’avoir vu Tiffène Courad se faire tuer sous leurs yeux. Stunia pose une main réconfortante sur l’épaule du capitaine. Elle le force à la regarder droit dans les yeux. Ils restent comme cela jusqu’à ce que le capitaine hoche la tête en esquissant un demi-sourire. Puis elle se tourne vers Borel.

- Je vous fais confiance avec celui-là lieutenant.

- À vos ordres docteur.

Et on les laisse seuls. Borel est le premier à bouger. Il doit insister pour que le capitaine quitte sa transe et daigne enfin le suivre. La voiture parait beaucoup plus loin que là où elle a été initialement garée, au bout de cette rue qui, elle aussi, s’est considérablement allongée depuis leur arrivée.

- Je vous ramène directement chez vous Borel ? Ou vous voulez peut-être passer à la maison ?

- À cette heure il vaut mieux que vous me rameniez au SRPJ. J’ai ma voiture, je vais pouvoir me rentrer.

- Vous êtes sûr ?

- Absolument capitaine.

Sur le parking, la voiture de Legrand est toujours là. Caïn l’ignore et salue Borel avant de partir. Le lieutenant, quant à lui, hésite. Il pourrait rentrer pour lui piquer une colère qui ferait s’envoler les oiseaux et fuir les rongeurs sur au moins 150 mètres. Mais de toute façon le capitaine s’en chargera demain. Autant attendre. Chacun de leur côté ils rentrent sans parvenir à trouver le sommeil.


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Au réveil le lendemain, Caïn fait semblant de s’être reposé. Il a réussi à s’endormir deux fois dans la nuit. La première fois il a revécu en songe l’assassinat de Tiffène Courad, alors que cette dernière avait pris l’apparence de Lucie. La seconde fois c’est Eva qui l’a réveillé. Quitte à ne pas dormir c’est lui qui s’est levé pour la changer. Après il est allé à la douche pour présenter un minimum devant Camille qui se lève.

- Alors comment ça s’est passé hier ?

- Mal. Tiffène Courad est morte.

- Je suis désolée papa.

- Si seulement cet abruti de Legrand était venu avec nous. On n’aurait pas sauvé l’otage mais au moins on aurait coffré le tueur. Mais c’est vrai ça …

Caïn termine son café d’une traite et file dehors après avoir salué Camille et Eva. Sa fille ne se formalise même plus de ce genre de comportement. Elle prend son téléphone et compose un numéro en continuant son petit-déjeuner. Au volant de sa voiture, le capitaine se sent très calme tout en sachant pertinemment qu’il va exploser en voyant Legrand.

Quand il arrive, Borel l’attend sur le parking. Caïn ne peut s’empêcher d’imaginer que son lieutenant a poiroté là pendant un sacré moment avant de le voir débarquer. Dans un coin de sa tête il enregistre que la voiture de Legrand est là. Cette information seule suffit à lui échauffer le sang.

- Vous faites le planton à l’entrée vous maintenant ?

- Non je suis sorti pour vous voir.

- Et ça fait combien de temps, sans indiscrétion ?

- 5 minutes. J’ai mes informateurs capitaine. Ce qui n’est pas le cas d’Aimé Legrand. Il ne sait rien encore.

Caïn pénètre en trombe dans le commissariat. Borel doit presque courir pour pouvoir franchir, juste après lui, la porte du bureau de Lucie. Legrand est encore tout à ses affaires et ne les regarde pas entrer.

- J’espère que vous avez retrouvé Lucie.

- Non c’était encore une impasse. Et vous ?

- Nous, comme on est des gens qui savent bosser, on l’a trouvé le repaire du malade, sauf que, manque de peau, le 3e membre de notre équipe ne nous avait pas suivi alors l’otage s’est fait zigouiller et Rottiac s’est barré.

- Quoi ?, souffle Legrand.

- Vous êtes une merde ! Un connard ! Un inutile ! Non content de ne même pas retrouver Lucie …

- Vous non plus je vous ferais dire, coupe Legrand.

- … moi quand on m’appelle pour faire mon travail, je ne rechigne pas. À quoi elles vous servent vos jambes, si vous ne les utilisez même pas ? Si vous aviez levé votre cul, Rottiac serait en cellule depuis cette nuit !

Le capitaine tourne les roues et s’en va. Legrand est prostré sur lui-même. Malgré qu’il les perçoive clairement, Borel ne peut pas s’émouvoir des sentiments de Legrand. Ni sa culpabilité, ni son regret ne permettront de ressusciter Tiffène Courad ou de débusquer Rottiac.

- Aimé, Lucie t’a fait rentrer au SRPJ parce que tu étais un bon flic. Si tout ce qu’il te reste de ça c’est que tu utilises à des fins personnelles, les ressources du commissariat, et sans nous aider avec les affaires en cours … Tu peux tout aussi bien préparer ta lettre de démission.

- Je me rattraperais Nassim.

- Non. Quand il s’agit de la vie des gens, on ne peut pas se rattraper. On peut se reprendre en main, se repentir, mais on ne « rattrape » jamais la mort de quelqu’un.

Il quitte à son tour la pièce pour laisser Legrand seul avec lui-même. Dehors Caïn s’agite.

- Qu’est-ce que c’est que tout ça ?

- La PTS n’a pas chômé. Ils ont passé toute la maison au peigne fin et « ça » c’est tout ce qu’ils ont pu trouver.

- On a un nom, un numéro de téléphone, un dossier médical, une liste de courses, une carte de fidélité à un magasin de jeux de société …, énumére le capitaine.

- Son vrai nom c’est Romain Castelnottiac. Il est introuvable depuis hier soir. On a mis en place des barrages en diffusant sa photo et le signalement de sa moto. Pour l’instant, on n’a toujours rien.

- Il ne va pas s’enfuir, il va se terrer quelque part. Reste à savoir où.

Le téléphone du capitaine sonne. Il décroche. À l’autre bout du fil, on ne lui laisse pas le temps de dire bonjour. Caïn écoute puis raccroche.

- C’était Stunia. Elle veut que j’aille la voir à l’IML maintenant. Je te fais confiance pour nous dénicher Rottiac.

- Oui capitaine.

Ce dernier quitte le commissariat. Dès qu’il a le dos tourné, Borel reprend l’enquête. Le matin-même il a eu le temps de vérifier que ni le numéro de téléphone, ni le dossier médial n’apportaient de renseignements. La liste de courses ne lui donnait pas plus d’information. Il ne lui restait que la carte de fidélité.

- Legrand, j’aurais besoin que tu ailles dans ce magasin.


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L’IML est toujours aussi blanc et froid mais la simple présence d’Élizabeth permet de réchauffer l’atmosphère. Si elle est là alors le capitaine y est comme chez lui. Comme toujours, Élizabeth attend devant le macchabée. Bien qu’elle ne sourit pas, Caïn sait que sa collègue à une bonne nouvelle pour lui.

- Bonjour docteur Stunia.

- Capitaine Caïn … J’ai une nouvelle qui peut vous plaire ou tout du moins vous éclairer. Romain Castelrottiac n’avait aucunement l’intention de relâcher ses victimes. Il leur administrait un poison qui les tuait, petit à petit, et surtout qui disparaît de l’organisme très rapidement après la mort. C’est pour ça qu’on n’en a pas trouvé de traces sur les autres victimes.

- Et vous connaissez un antidote à ce poison ?

- Je dois dire que non, pas comme ça.

- Alors même si on avait pu tirer Tiffène Courad des griffes de ce gars-là …

- Elle serait peut-être morte quand même, oui.

Caïn soulève le linge qui recouvre le visage de la victime pour la regarder longuement, puis il jette un regard à Stunia en recouvrant la morte.

- Merci Élizabeth.

Le capitaine sort de l’institut distrait. Il conduit sa Saab jusqu’au front de mer. Arrêté là, il prend son téléphone. Il le regarde comme s’il attendait quelque chose. Un appel. Un message. Un tout petit rien. Il serre le boîtier dans son poing.

- Lucie c’est Caïn, … c’est Fred … c’était juste pour savoir où tu étais … c’était juste pour te parler, pour entendre ta voix, savoir que tout va bien …

Caïn soupire et jette le téléphone sur le siège passager, où il rebondit pour tomber par terre. C’est à ce moment que la sonnerie retentit. Le capitaine jure en se contorsionnant pour réussir à retrouver son appareil, sans pouvoir voir à quel endroit il a chu. Quand il met enfin la main dessus, il se dépêche de décrocher.

- Allô ?

- Capitaine ? On pense avoir retrouvé la planque de Rottiac. On a fait venir toute une équipe cette fois.

- Pourquoi ce ton alors ?

- Legrand est monté en éclaireur. On n’a plus de nouvelles.

- Non mais quel boulet ! Envoie-moi l’adresse. J’arrive.

En chemin Caïn ne se demande pas vraiment comment ils ont fait pour retrouver leur tueur aussi vite. Il fait confiance à Nassim. En revanche il lui est venu une idée qu’il ne parvient pas à se sortir de la tête. Si Rottiac blessait Legrand, cela ferait peut-être sortir Lucie de sa cachette. Ce n’est pas bien. Il le sait. Cependant, il ne s’est pas encore assez renié pour mentir et dire qu’il ne le pense pas.

Quand il arrive, il y a des gyrophares partout. Le quartier a dû être calme hier. Caïn reconnaît, garée devant l’immeuble, la moto dont lui a parlé Borel. Il repère ce dernier au milieu de l’équipe d’intervention. Aucune trace de Legrand nul part dans la foule. Son lieutenant le voit et commence à s’approcher de lui mais un autre homme arrive au trot. Il leur parle. Caïn est trop loin pour pouvoir entendre mais à peine a-t-il fini que tout le groupe le suit en faisant le tour de l’immeuble.

Le capitaine se précipite vers une femme qui reste près de la camionnette avec un talkie-walkie. Il a une telle tête d’ahuri qu’elle a un mouvement de recul instinctif.

- Qu’est-ce qui se passe ? Où est-ce qu’ils vont ?

- Vous êtes le capitaine Frédéric Caïn c’est ça ?

- Enchanté, vous voulez que je vous invite à dîner ?, réplique-t-il ironiquement.

- Le lieutenant Borel n’avait pas menti. Rottiac essaye de se faire la malle par l’arrière du bâtiment. On va le cueillir là-bas pendant que l’unité déjà en place dans le bâtiment va s’infiltrer chez lui.

- Voilà c’était pas si compliqué que ça, souffle-t-il, désagréable à souhait.

- On m’a demandé de vous retenir ici capitaine, je suis désolée, dit-elle en attrapant son fauteuil.

Caïn fait volte-face. Toujours sur ses gardes, la femme fait un pas en arrière.

- C’est dommage ça commençait bien entre nous mais je vois que vous êtes plutôt du genre gérontophile. Moi j’ai pas besoin qu’on me pousse. Si vous vouliez de l’handicapé télécommandé il fallait faire aide soignante, pas flic.

Bien qu’elle ait l’amabilité de feindre la gêne, la policière l’ignore totalement lorsque son talkie-walkie se met à grésiller. Elle écoute attentivement en répondant par monosyllabe qui n’aident absolument pas le capitaine à comprendre de quoi il retourne. Il essaye bien de se rapprocher mais à chaque tour de roue qu’il fait, son vis-à-vis recule d’autant. Quand elle essaye de poser un pied sur le fauteuil pour empêcher ses manœuvres, Caïn se dérobe et reste à distance en tournant comme un lion en cage.

- Romain Castelrottiac a été appréhendé sans accroc. Le lieutenant Legrand a été retrouvé sonné dans l’appartement. Votre contribution à l’enquête est terminée, merci capitaine.

Les hommes sortent presque en même temps de dedans l’immeuble et de derrière le-dit bâtiment. Deux agents aident Legrand à marcher alors que ce dernier saigne du nez. Borel quant à lui revient tout sourire. Rottiac est menotté et fermement maintenu par d’autres.

- Et bien Legrand ? Vous êtes rouillé ?

- Je vous emmerde capitaine.

Alors que Borel arrive à la hauteur de ses collègues, il dévie sa trajectoire en les entendant se fritter. Caïn et Legrand sourient avec étonnement en regardant la voiture qui s’éloigne.  


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