Addiction
- Lucie, je vais dormir chez moi ce soir.
- Pourquoi ?
- On sait tous les deux que tu n'as plus besoin de moi.
- Si tu n'avais pas été là je n'aurais eu besoin de rien du tout, je te rappelle.
- Bon. Je crois que je vais te laisser alors.
Après cela Caïn rentra prestement chez lui. Il savait pertinemment que Lucie avait parlé sous le coup de la colère soudaine mais ne disant pourtant que la vérité. Le capitaine avait simplement saisit cette perche tendue pour servir ses fins. Lucie n'avait pas eu le temps d'un retour de pensée que Caïn était déjà loin.
Les jours suivants furent comme un retour à la normalité. Tout était redevenu comme avant et la seule trace de leur proximité passée se trouvait dans les repas du midi qu'ils partageaient. Legrand semblait vouloir toujours agir comme si Lucie n'existait pas et passait exclusivement par le capitaine. Et comme cette dernière ne paraissait en avoir cure, cela ne dérangeait pas Caïn. Borel quant à lui éprouvait quelques difficultés à retrouver ses marques auprès de ses deux supérieurs.
Un matin Caïn arriva en retard. Dès qu'il passa la porte d'entrée Borel vint le voir. À la tête que tirait son lieutenant Caïn sut que c'était du lourd. Il avait une expression à la fois inquiète et désemparée. Avant même qu'il ait pu dire quelque chose Caïn entendit crier. Il vit alors que Nassim n'était pas le seul à afficher cette face désespérée. C'était le cas de tous ceux présent au commissariat.
- Ça fait une heure qu'ils sont là-dedans, avait dit Borel en désignant le bureau de Lucie.
Caïn n'eut pas besoin de demander qui était ce « ils ». Les éclats de voix parlèrent d'eux-même. Caïn ne réfléchit même pas avant de se diriger vers la source du chahut. Les stores avaient été baissé à la hâte et permettaient de distinguer deux silhouettes qui s'agitaient à l'intérieur.
Tous ceux qui le pouvaient avaient fui la pièce mais restaient tout de même deux trois clampins qui n'étaient pas parvenu à trouver d'excuses valables. Ils avaient tous essayé de se protéger mais leurs écouteurs étaient peu de choses face à la furie qui faisait rage à côté d'eux.
Caïn frappa à la porte simplement pour les faire taire avant d'entrer non-invité. Ils s'étaient figés tous les deux pour le regarder stupéfaits. Ils étaient arrêtés dans leur action, le teint légèrement rouge et le souffle court. Lucie était derrière son bureau, un bras levé vers Legrand qui était de l'autre côté. L'air était électrique.
Caïn choisit de la jouer quitte ou double. Il s'avança lentement, le menton haut et déclara le ton léger :
- Je crois qu'il serait temps de …
Mais Legrand fut plus rapide que lui. Il avait jeté un œil à Lucie puis à Caïn avant de faire un pas vers le capitaine et, dans un mouvement fluide presque naturel, lui décrocha une droite monumentale. Il s'en eut fallu de peu pour que ce dernier ne tombe à la renverse. Il se rattrapa de peu à l'avant-bras de son agresseur.
Ils se toisèrent un moment avant que Legrand ne s'extirpe de l'étreinte et ne disparaisse. Lucie, bouche bée, ne reprit vie qu'une fois la porte fut refermée derrière lui. Elle courut sur ses traces mais il s'était déjà volatilisé. Quand elle se retourna Caïn avait déjà pressé sa main sous son nez pour éviter de tâcher complètement ses vêtements de sang. Alors que Lucie lui donnait un mouchoir, Borel parut à la porte.
- Legrand est parti. Tout s'est passé si vite que je n'ai pas eu le temps de l'arrêter.
Quand il vit les mouchoirs plein de sang et le capitaine la main sur le visage, Borel perdit plusieurs nuances de couleurs. Avant qu'il n'ait posé la moindre question Caïn le rassura en lui disant que ce n'était rien. Ce qui l'inquiétait en revanche c'est que Lucie n'avait pas dit un mot ni pour s'excuser, ni pour lui reprocher d'être intervenu.