Partenaire
Borel rattrapa le capitaine alors que la porte de l’ascenseur s'ouvrait. Caïn sortit et s'arrêta à peine pour le pauvre essoufflé qui avait monté les marches 4 à 4. Cette fois-ci il garda au moins une allure modérée jusqu'au numéro 103 et rentra sans attendre.
Alice était là. Elle avait la tête tournée vers le dehors. En les entendant arriver, elle les regarda. On l'avait installé en position assise et la chemise blanche de l'hôpital n'améliorait en rien son teint légèrement blafard. Malgré tout elle leur sourit chaleureusement. Borel lui fit un signe de la main et Caïn s'approcha d'elle au maximum.
Borel l'observa avec des yeux ronds alors qu'il remettait une mèche de cheveux derrière l'oreille d'Alice avec un geste d'une douceur infinie puis s'attarda sur sa joue. Caïn la fixait avec une expression qui ressemblait fort à de la tendresse. Il lui prit la main, la posa contre ses lèvres et inspira profondément, comme pour se rassurer.
- Tu ne me refais plus jamais une peur pareille, c'est compris ?
- À tes ordres capitaine.
- Je suis sérieux. Tu ne retouches plus à cette merde.
- Ça n'a toujours dépendu que de toi.
- Je sais. Je suis désolé. Je ne croyais pas que … Je suis tellement désolé. Je m'en veux à un point que tu ne peux même pas imaginer.
Derrière eux la porte s'ouvrit. Lucie rentra dans la chambre, elle avait les cheveux en pétard, les joues rouges et sous son manteau, elle portait encore son pyjama. Peut-être est-ce e voyant Caïn prostré près de sa lieutenante, les yeux humides, qu'elle choisit de ne lui faire aucune réflexion. Elle se mit de l'autre côté du lit et se pencha pour enlacer Alice.
- J'ai eu peur. Tellement peur. Que s'est-il passé ? Ne me refais plus jamais ça tu entends …
Ils sourirent tous en voyant la commandante incapable d'arrêter de parler … et donc les empêchant de répondre à la question. Finalement Alice leva un bras et le posa dans le dos de Lucie ce qui eut pour effet de la faire taire instantanément. Borel prit alors la parole.
- Alice a fait une overdose.
Dès qu'elle entendit ça, Lucie se dégagea de leur étreinte pour regarder Caïn.
- Ça c'est ta …
Alice l'avait stoppé en la ramenant contre elle. Lucie respirait fort. Alice lui caressa les cheveux en murmurant :
- C'est bon. C'est fini. Fred n'a pas besoin que tu dises cela. Tu t'énerves pour rien. Je vais bien. Tout va bien. Une fois sortit de cet hôpital on n'en parle plus.
Lorsque le médecin vint demander quelques explications, Borel sortit lui parler dehors. À l'intérieur Lucie avait lâché Alice mais avait pris une chaise pour s'asseoir à côté d'elle. Caïn n'avait d'abord rien fait, rien dit puis il se souvint de quelque chose qu'avait dit Lucie, alors comme pour se faire un peu plus mal il recula au bas du lit, saisit le drap.
- Je peux ?
Lucie le fixait en fronçant les sourcils mais Alice lui fit signe que oui. Il souleva le drap pour découvrir ses jambes jusqu'en haut des cuisses. Lucie avait eu raison, ses jambes n'avaient pas encore l'aspect squelettique de celles de Caïn mais elles s'en approchaient. Sans réfléchir il lui saisit le pied et commença à masser comme il l'avait appris pour lui-même. Tendre et détendre les muscles, un à un. Alice le regardait en souriant et Lucie cachait mal sa surprise. Borel les trouva ainsi quand il rentra. Il ne dit rien mais eut comme la désagréable impression de déranger.
- Le SRPJ va ouvrir. Il faudrait qu'au moins l'un de nous trois y soit. Je vais y aller.
- Merci Nassim.
Caïn avait été le premier à parler. Ses mots se reflétaient clairement chez les autres alors elles ne dirent rien. Lucie lui adressa un signe de tête, Alice un signe de main. Il s'en fut. Soudain Lucie haussa la voix.
- Ce n'est pas lui qui avait été voir le médecin ?
- Si.
Elle se leva et courut ouvrir la porte.
- Borel !
Elle attendit jusqu'à ce que dans la chambre on entende ses bruits de pas et sa respiration coupée. Nassim reparut.
- Oui, pardon, excusez-moi … le docteur a dit que tout ce qui restait d’anesthésiants serait éliminé d'ici 24 heures. Après cela, Alice devra sûrement avoir quelques séances de rééducation pour pouvoir récupérer une motricité complète. Il a aussi précisé que le plus dur restait à venir.
Ayant fait son rapport, il repartit. Lucie se retourna vers eux. Elle avait, entre les sourcils, un pli. Alice, comme Caïn, savait ce qu'il signifiait. Il y avait quelque chose qui chiffonnait la commandante, quelque chose qu'elle ne comprenait pas. Alice et Fred n'échangèrent qu'un regard puis commença.
- Les anesthésiants sont assez addictifs.
- J'ai beau être de la police, ce sera un sevrage comme les autres.
- Et les sevrages brutaux sont les plus compliqués, consentit Caïn.
- Mais tu n'es pas …, commença Lucie.
- Les faits. Rien que les faits commandant. Je me suis quotidiennement injectée une dose d'un produit créant une dépendance. Je suis une camé comme une autre.
- Comme tous les autres zombies, on ne mesurera l'ampleur de la dépendance que lorsque les effets du manque se manifesteront. Tremblements. Douleurs fantômes. Délires …
- Quoi que pour l'instant la douleur serait une amélioration puisque je ne sens toujours rien en dessous de la ceinture. Mais chaque chose en son temps. D'abord je veux me tirer de là, quelqu'un m'apporte un fauteuil ?
- Non !
La réaction de Caïn avait été si soudaine qu'Alice et Lucie en avaient sursauté. Le capitaine fixait Alice avec un regard sérieux, presque grave.
- Je ne veux plus jamais te voir le cul dans un fauteuil roulant. Plus jamais.