Inconnue au bataillon

Chapitre 12

1116 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/07/2018 22:31

Caïn fut d'humeur massacrante toute la journée et les choses ne s'arrangèrent pas avec l'arrivée de Legrand qui se montrait particulièrement exécrable avec Lucie et le capitaine. Cela eut au moins pour effet d'adoucir un peu Caïn envers la commandante. Contrairement à son lieutenant, Caïn n'en voulait à personne présent au poste. Borel et Lucie durent donc les supporter, irascibles durant des heures entières.


Caïn faisait des efforts visibles pour ne pas leur faire payer son énervement contre Alice. Heureusement pour Borel, ils passèrent la journée à interroger des suspects. Legrand avait été assigné au poste car après une heure ensemble il en était presque venu à frapper Caïn qui, pour une fois, était resté d'un calme olympien dès que Lucie le lui avait demandé. Il ne pouvait pas cacher qu'une partie de lui jubilait de voir que tout n'était pas rose entre les deux amants mais il prenait sur lui lorsqu'il voyait la lueur de désespoir dans les yeux de Delambre.


La journée fut finalement plus agréable que ce que Borel avait craint. Caïn semblait prendre son pied à demander à tout un chacun pourquoi ils voudraient, ou plutôt ne voudraient pas, le tuer. Il ne se gênait pas non plus pour passer ses nerfs sur quiconque essayait de jouer au plus malin. Lorsqu'ils rentrèrent au SRPJ Legrand n'eut même pas la force de leur sauter à la gorge et se contenta de quelques remarques basses et faciles ce qui lui valut un signe de la commandante.


Caïn et Borel le regardèrent suivre Delambre dans son bureau. Elle ferma les stores et le capitaine échangea un regard presque inquiet avec Borel. Aucun d'eux n'avait envie d'être à sa place. Presque aussitôt que la porte fut fermée, ils entendirent la voix de Lucie, étouffée par les murs mais sa colère et son agacement leur parvenaient clairs comme de l'eau de roche. Plusieurs autres agents adressèrent au bureau des regards méfiants.


  • Bon Borel, on se retrouve demain ?
  • Oui. Bonne soirée capitaine.


Et ils furent plus que ravis de pouvoir s'enfuir. Au commissariat les éclats de voix retentirent encore longtemps après qu'ils furent partis. Lorsqu'enfin Legrand sortit, le SRPJ était presque vide. Delambre ne quitta le poste que bien plus tard, alors qu'il faisait nuit noire et qu'il ne restait plus sur place que les gardiens de nuit. Dans l'obscurité personne ne vit ses yeux rouges.


Cette nuit-là elle dormit mal. Delambre était devant l'hôpital au moment où celui-ci ouvrait au public. Elle avait besoin de parler et Alice lui semblait, plus que jamais, la personne idéale pour cela. Elle écoutait simplement, sans répondre, sans même entendre peut-être, mais le dire à voix haute suffisait à Lucie pour qu'elle se sente mieux. Elle lui parla, presque sans s'arrêter jusqu'à ce que quelqu'un entre dans la chambre.


Il s'agissait de Caïn. Il s'installa le plus loin possible d'Alice et ne salua Lucie qu'à demi-mot, comme s'il ne voulait pas la déranger. Mais la commandante s'était déjà arrêtée de parler. Elle le regardait mais lui semblait fixé sur le visage d'Alice. Bien qu'il ne dise rien, Delambre savait qu'il n'aimait pas ce qu'il voyait. Dieu seul sait comment il avait réussi à développer une telle animosité pour quelqu'un qu'il ne connaissait même pas. La question s'appliquait à elle-même aussi, en miroir, mais Lucie se justifiait en pensant qu'elle en savait beaucoup plus que lui au sujet de cette Alice.


  • Comment va Legrand ?
  • Foutez-moi la paix.
  • Je voulais juste …
  • Ça vous fait plaisir de nous voir nous engueuler, avouez-le.
  • Ce serait mentir que de dire que je n'apprécie pas vous voir vous tenir un peu plus loin l'un de l'autre mais à aucun moment vous voir dans cet état n'est un plaisir. Vous pouvez vous taper qui vous voulez tant que vous êtes heureuse …
  • Tu l'es aussi ?, compléta-t-elle sur un ton moqueur.
  • N'exagérons rien. Je ne saute pas de joie lorsque vous avez un nouveau …
  • J'ai compris.


Cet échange était passé d'agressif à paisible à une vitesse folle. Caïn souriait légèrement et Lucie était détendue. Ils restèrent un moment comme ça. Le capitaine regardait au dehors pour ne plus voir Alice tandis que Lucie tenait toujours sa main.


  • On y va ?, demanda Caïn.
  • Oui. Juste laisse moi …


Lucie se leva et se pencha sur Alice. Elle lui murmura quelque chose à l'oreille puis s'écarta, semblant attendre une réponse. Alice restait totalement immobile. La commandante finit par se résigner et suivit Caïn hors de la pièce mais au moment où elle allait passer la porte quelqu'un toussa. Lucie retourna dans la chambre. Alice n'avait pas bougé, ses yeux étaient toujours fermés mais elle grattait le drap avec l'un de ses doigts.


  • Elle veut écrire ! Fred passe-moi ton calepin et un stylo.


Le capitaine obéit et regarda Lucie positionner le calepin et donner le crayon à cette main qui bougeait à peine. Elle traça lentement le contour de la feuille avec la pulpe de ses doigts puis posa la mine faiblement et commença à écrire. Caïn était aussi curieux que Lucie mais sa fierté l'empêchait de montrer quoi que ce soit. Finalement la main s'immobilisa. Lucie remercia Alice et tendit le calepin à Caïn .

Sur la feuille il n'y avait qu'un mot : WONDERLAND. Caïn serra les poings. Lucie le regardait intensément comme pour lui poser une question.


  • Elle a le même humour que toi.
  • Ça pourrait être le code pour la clé USB, répondit Caïn.
  • Il faut l'apporter tout de suite à Borel.


Caïn lui tendit le calepin. Lucie le prit en fronçant les sourcils.


  • Je vous rejoins. Partez devant.


Elle acquiesça et s'en fut. Caïn se retourna vers Alice. Il y avait quelque chose d'indéchiffrable dans son regard. Il s'approcha d'elle lentement pour se mettre dans la même position qu'il avait occupé il y a une journée de cela, tout près de son oreille.


  • Alors comme ça il suffit que la charmante Lucie claque des doigts et tu te réveilles ? Si elle te le demandait tu te lèverais. J'en ai marre que tu dises tous tes petits secrets à elle, Stunia et Borel sans m'en piper mot. C'est moi qui mène l'enquête ici. Une victime qui ne parle pas c'est chiant. Tu me fais chier. Ça a intérêt à être du lourd ta clé USB.


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