La remarque de trop
Caïn ne pouvait pas prendre le temps de réflexion nécessaire. Cette situation lui aurait demandé de se poser au moins une heure pour comprendre ce qui se passait. Lucie avait voulu prendre l'air loin de Marseille mais était tombée enceinte. Au lieu de revenir et de présenter toute sa petite famille au SRPJ elle avait décidé de rester là, à Bordeaux et de ne rien dire à Borel. Ce dernier n'aurait jamais pu garder un tel secret.
Cela voulait dire aussi que le père de l'enfant n'allait pas tarder à revenir chez lui. À moins qu'il n'apprenne pour Lucie et décide de passer d'abord à l'hôpital. Ce qui ajoutait une diminution de ses options à un timing déjà serré. Caïn dut prendre une décision.
- Mon commandant que m'avez-vous encore dissimulé ? Est-ce votre enfant que vous ne vouliez pas que je vois ? Ou votre homme ? J'ai l'impression de vous redécouvrir à chaque fois que vous finissez dans le coma. Je vais quand même aller faire un tour chez vous. En attendant vous ne bougez pas … et c'est un ordre, patron.
Il quitta la chambre à contrecœur mais s'il y avait des choses dans l'appartement qui pouvait l'aider à comprendre il devait les trouver, avant que l'amant ne rentre de sa journée. À croire que le destin était avec lui puisqu'il arriva en même temps que son bus et n'attendit que 5 minutes la correspondance. En 20 minutes il était de retour devant chez Lucie. On peut dire qu'il n'aurait pas mieux fait en voiture.
Sam avait semblé l'attendre à la sortie de l'ascenseur. Il tenait entre ses bras immenses un poupon d'à peine quelques mois. Malgré ses plus de 2 mètres de haut il portait le bébé comme si ce dernier était en cristal et il semblait paniqué que l'enfant ne veuille pas arrêter de pleurer.
- Fred j'ai tout essayé, il ne veut pas se taire.
Caïn avait mis dans le mile. Le géant n'avait aucune idée de comment gérer cette situation. Le capitaine aurait voulu se mettre tout de suite à fouiller l'appartement mais visiblement il y avait des priorités, dont le môme beuglant faisait partie. Il prit le bébé, ce dernier s'arrêta de pleurer, momentanément surpris de ce changement de bras. Le capitaine observa l'enfant un instant. Il avait les yeux de Lucie.
Alors que le visage du bambin se tordait à nouveau pour pleurer encore, une odeur vint titiller les narines du capitaine. Pour en être certain il approcha son nez du ventre de l'enfant. Il soupira. Sam n'avait-il véritablement pas remarqué que le bébé avait la couche pleine ou n'avait-il simplement pas voulu le changer ? Caïn posa le poupon sur ses genoux, ôta son blouson avant d'utiliser ce dernier pour fixer l'enfant à son torse et entrer dans l'appartement.
Caïn avait l'impression d'y pénétrer pour la première fois tant il avait été dans un état second plus tôt. Il retrouva le salon mais à présent mais à présent il cherchait la salle de bain. En tout cas il n'y avait pas de doute possible, c'était bien Lucie qui vivait ici. L'intérieur était étrangement le même que chez elle à Marseille.
- Si c'est comme chez moi la salle de bain est de ce côté, annonça Sam.
Caïn l'avait presque oublié celui-là. Lorsqu'il voulut le suivre il se cogna dans une table basse.
- Vous ne devez pas souvent venir ici.
Le capitaine ne répondit rien et avança jusqu'à la-dite salle de bain où il eut encore besoin de l'aide de Sam pour attraper les lingettes et les couches. Il avait l'impression que tout était volontairement rangé en hauteur mais il savait qu'à la vérité toutes les maisons étaient comme ça. Au moins la table basse lui fut-elle utile. Après l'avoir recouvert d'une serviette il put y changer le bébé. Il fut ravi de découvrir que même après les années il n'avait pas perdu la main.
Une fois les fesses au propre le bébé fut de nouveau calme. Caïn essaya de le refourguer à Sam mais ce dernier, effrayé par les pleurs, refusait de le reprendre comme s'il était persuadé que le bébé exploserait de nouveau en larmes s'il le touchait. Le capitaine trouva donc une écharpe longue et installa le bébé contre lui.
- Tu sais y faire toi avec les mômes.
- J'ai eu un fils, c'est tout. C'est comme le vélo, ça s'oublie pas. Elle avait juste besoin qu'on la change. Je n'ai pas fait de magie.
- Elle ?
Mais Caïn ne prit même pas la peine de répondre et commença à chercher. L'appartement était simple, une grande pièce de vie, une chambre parentale, une salle de bain, une cuisine et une pièce plus modeste pour la petite. Des jouets et autres affaires d'enfant traînant partout. Le salon avait une table à manger, un canapé et la fameuse table basse. Dans la chambre double le lit avait été fait, la petite commode était bien rangée, uniquement avec des affaires de femme. Et Sam n'avait pas menti, son numéro figurait bien sur un bout de papier aimanté au frigo à côté de celui de Nassim.
Lorsqu'il revint en arrière, Caïn vit Sam assis sur l'une des chaises du salon, il le fixait d'un regard suspicieux, ce qui, pour le capitaine n'était pas vraiment bon signe. Si Sam décidait de le chasser, Caïn ne pourrait rien faire. Il avait vraiment besoin de s'en faire un allié. Lui pourrait aller interroger les autres résidents sans paraître suspect.
- Maintenant Fred tu vas arrêter de me baratiner et tu vas me dire qui tu es et pourquoi tu étais venu chez Delarme, murmura Sam.