Shanshu - La suite des aventures d'Angel et Buffy
Chapitre 21 : Episode 21 - Le contrat
1980 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour il y a plus d’un an
EPISODE 21 : LE CONTRAT
Encore une fois, Wesley arpentait cet endroit qu'il haïssait, pour accomplir un travail qui le débecquetait, un sentiment partagé par beaucoup d'individus en ce bas monde. Le seul hic, c'est que justement, il ne devait plus en faire partie, de ce monde. Il aurait souhaité reposer en paix, mais il avait signé un contrat, un engagement dont il ne pouvait feindre l’ignorance. Lilah Morgane, fidèle à elle-même, l’avait averti des conséquences. Pourtant, à l’époque, il ne s'était pas senti concerné, naïvement persuadé que ce genre de malheur n'arrivait qu'aux autres.
Wesley n'était cependant pas du genre à baisser les bras. Cette étrange opportunité lui permettait d'avoir encore un rôle à jouer, même si cela impliquait de pactiser avec le diable. Ayant d’ores et déjà franchi cette ligne, il n'avait désormais plus rien à perdre. Quitte à ce qu'on se serve de lui, autant que ce soit une arme à double tranchant. Du moins, c'était l'idée.
L'ex observateur se tenait droit comme un piquet, engoncé dans son costume taillé sur mesure qui lui évoquait un passé lointain, celui de sa prime jeunesse à Sunnydale. Il en avait fait du chemin depuis, et il prenait conscience que ses vêtements ne correspondaient plus du tout à l’homme qu'il était devenu, prouvant ainsi que l'habit ne fait pas forcément le moine. Enfin, cette situation, il ne l'avait pas choisie, et se retrouver dans cette chambre blanche, dans l'antre de son pire ennemi, n'était pas pour le rassurer.
Chaque fois, il lui fallait un moment pour s’acclimater, pour se souvenir de la dure réalité : désormais, il faisait partie des méchants, et cet endroit, aussi oppressant qu’il soit, était devenu en quelque sorte sa seconde maison. Cet espace infini, d'une blancheur immaculée, changeait d'apparence selon le bon vouloir de son hôte, et aujourd’hui encore, ce dernier se faisait attendre. Comme à son habitude, la créature capable de revêtir n’importe quelle apparence, prenait un malin plaisir à se faire désirer. Mais Welsey, lui, ne la désirait en rien, pas même lorsqu'elle arborait la plus jolie silhouette qui soit, en la personne de Fred Burckle.
La première fois que cette entité maléfique s'était présentée sous les traits de Fred, il n'avait pas été dupe. Depuis, chaque nouvelle apparition ravivait en lui un sentiment d'écœurement mêlé à une haine dévorante.
C’est alors que la créature immonde fit son apparition, prenant une fois de plus les traits de sa bien-aimée, comme pour continuer à le narguer sans relâche. Elle surgissait toujours de la même manière, sans fanfare ni lumière éclatante, sans portail annonçant sa venue. Elle apparaissait et c'était tout. Malgré l’apparence familière, il était impossible pour Wesley de confondre cette entité avec son amie disparue. L'aura qui l’entourait était d’une noirceur si profonde, si terrifiante qu'elle dissipait toute illusion de ressemblance.
Si les yeux étaient le reflet de l'âme, alors la créature en face de lui semblait en être irrémédiablement dépourvue. Son regard, vide et éteint, dégageait une indifférence glaciale, une absence totale de tout sentiment humain.
─ Mais qui voilà ? fit l'entité en feignant la surprise. Ne serait-ce pas ce bon vieux Wesley, mon cher et tendre amour ?
Elle parlait avec le même timbre de voix que Fred, et cette imitation parfaite ne fit qu’exacerber la colère de l'ex-observateur. La créature prenait un plaisir sadique à le tourmenter mais il ne souhaitait pas rentrer dans son jeu parce qu’il perdait à chaque fois. Après tout, il n'était qu'un pantin, une marionnette entre ses mains.
─ Je vous ai déjà dit que je ne voulais pas vous voir sous cette forme. Peut-être n'étais-je pas assez clair les dix dernières fois ?
─ Tu as raison, fit-elle de son sourire diabolique échancré à ses lèvres. Ce n'est plus drôle si tu ne t'énerves plus. Alors, que préfères-tu ?
La créature prit le temps de la réflexion avant de continuer.
… Ah oui, je sais…
L'apparence de l'entité se métamorphosa et laissa place à une petite fille tenant un ballon rouge au bout d'une ficelle.
… Tu trouves que c'est mieux comme ça ? fit-elle d'une voix fluette, tout en arborant un sourire cynique.
Wesley n’éprouvait aucune satisfaction, seulement une profonde amertume. Il se demandait ce que cette jeune fille avait dû endurer pour que les associés parviennent à usurper son apparence de manière aussi cruelle. Il ne voulait pas savoir, il avait bien assez de son propre fardeau.
─ Je vois, réagit-il nonchalamment. Une enfant innocente. Je dois bien avouer que je n'en attendais pas moins de vous. C'est d'un cliché.
Peut-être était-ce la remarque de trop car à cet instant précis, une douleur foudroyante le traversa, comme si des éclairs déchiraient chaque fibre de son être. Sous le regard amusé de l'enfant maléfique, il se retrouva submergé par une souffrance brève, mais d’une intensité telle qu’elle le mit à genoux, le contraignant à haleter comme jamais, à bout de souffle. Cette agonie fulgurante dissipa le moindre doute : il n'était pas un simple fantôme, mais quelque chose d'une autre nature. Au moins, il savait ce qu'il n'était pas, ce qui constituait une ancre fragile dans cet océan d’incertitudes.
─ Surveille ton langage quand tu parles à ton maître. Si tu vis, c'est parce que je le désire et je pourrais aussi bien désirer le contraire. Je ne saurai trop te conseiller de rester à ta place.
─ Baliverne, maugréa Wesley d'une voix rauque. Je ne vous dois absolument rien. Si je suis là, c'est parce que vous avez besoin de moi. Ça signifie que vous ne pouvez rien sans moi. Si j'ai accepté, c'est uniquement parce qu'on a un marché et je compte bien faire en sorte que vous le respectiez.
Il haleta de plus belle, tout en s’efforçant de se redresser.
… Vous pouvez me faire souffrir mille morts que ça ne changerait rien au fait que sans moi, vous aurez bien du mal à assouvir votre plan, quel qu'il soit. Alors si on évitait les politesses et si vous alliez droit au but ?
Wesley connaissait la règle du jeu pour l'avoir si souvent expérimentée. Au fond, il n'en menait pas large, mais il possédait un atout dans sa manche et il comptait bien s'en servir. Bien sûr, à trop attiser le feu, il risquerait de se brûler et de subir d'atroces tourments, mais il lui fallait tenter le coup, bluffer, réprimer toute faiblesse. Après tout, qu'est-ce que la souffrance physique comparé à celle d'avoir perdu son âme sœur, ainsi que la vie ?
─ Je vois, réalisa froidement la petite fille. Tu es épatant à plus d'un titre. Angel a eu raison de t’accueillir dans son équipe. Pourtant ce n'était pas gagné. Quand tu es arrivé à Los Angeles, tu n'étais qu'un misérable incapable et regarde-toi maintenant... Tu es devenu quelqu'un de fort et courageux, et tu vois où cela t'a mené ? Finalement, il aurait mieux valu pour toi que tu restes l'idiot utile du conseil.
─ Je ne regrette pas la vie que j'ai eu, si c'est à cela que vous faites allusion. Et je suis persuadé d'une chose : quoiqu'il se passe, il y arrivera. Je ne serai peut-être plus là pour le voir, mais je connais Angel, je sais de quoi il est capable. Il trouvera un moyen de vous supprimer tôt ou tard, et en attendant que ce jour arrive, vous et moi avons à parler affaire.
L'entité ne répondit pas et se contenta de le toiser d'un regard neutre. Mais au fond, il le ressentait, elle voulait le détruire, le faire souffrir plus que jamais. Visiblement, elle n'avait pas de temps à perdre non plus. Ce fut une indication précieuse pour Wesley qui en déduisit que les événements étaient sur le point de s'accélérer.
C'est alors que, dans sa condition d'être immatériel, il sentit l'adrénaline monter en lui irréversiblement. Au moins, il pouvait toujours éprouver des émotions. D'ailleurs, était-ce vraiment un cadeau ? Il n'en était pas certain.
─ Soit, passons aux choses sérieuses, fit la jeune fille impatiente. Jusqu'à présent, tu as fait ce que j'attendais de toi, et avec brio. Je t'en félicite. Mais il te reste une dernière mission à accomplir, et tu la feras comme je te l’ordonne si tu veux espérer libérer Fred et la revoir dans l'au-delà.
─ Je crois qu'on ne s'est pas compris, rétorqua Wesley sans sourciller. Je passerai le message à condition de la revoir avant. Et croyez-moi, je saurai faire la différence entre Fred et une pâle imitation. Sans cela, je n'en ferai rien. Comme je vous l'ai dit, il est hors de question que vous vous serviez d'elle comme vous l'avez fait pour moi. Elle mérite de connaître la paix. Son contrat devra être caduc. C'est non négociable.
─ Tu la verras, affirma-t-elle d'une voix grave. Mais dès l'instant où elle aura été libérée, tu la perdras à jamais. Si c'est ce que tu désires, alors t'infliger une telle souffrance me remplit d'une certaine satisfaction. Quoi qu'il en soit, tu n'as pas d'autre choix que de faire ce qu'il faut, avec ou sans contrat. Tu comprendras le moment venu.
Wesley n'appréciait pas la tournure des événements. Il détestait les phrases à énigmes et le regard que lui lança la bête à cet instant le conforta dans un malaise indicible. Plus que d'habitude, il y décelait un éclat de malice et une lueur de mensonge. Il haïssait cette sensation qui le rabaissait à l'état de simple pièce sur un échiquier. Wesley aurait souhaité savoir ce qui se tramait, mais il n'aurait aucune réponse, alors il prit son mal en patience et demeura silencieux.
… Une grande guerre arrive, et tu feras bientôt ton entrée. Alors prépares-toi.
─ Avant, j'aimerais savoir pour quelles raisons l'homme des cavernes vous intéresse tant et ce que vous comptez tirer de lui?
Elle pouffa d'un rire malsain.
─ Tes questions m'ennuient. Elles sont le reflet de ta condition. Pourquoi, toujours et encore des pourquoi ? Pourquoi la terre tourne-t-elle? Pourquoi êtes-vous mortels? Ces questions ne sont que le reflet de votre incompétence à comprendre ce qui vous dépasse. La seule chose que je t'autorise à savoir sur Ryane, c'est qu'il est un tueur, un brave guerrier qui a été endormi pendant des millénaires. Une mise à jour semble donc s'imposer.
Wesley plissa les yeux : il venait de comprendre.
─ C'était donc cela. Vous avez implanté dans son cerveau des années d’histoire et de connaissance, comme vous l'aviez fait pour Gunn lorsqu'il est devenu avocat ?
Elle acquiesça.
─ Bien sûr. Quand il sera enfin prêt, il sera un homme nouveau, doté du langage et des connaissances actuelles, et plus encore. Nous avons des projets pour lui.
─ Nous ? questionna Wesley. C'est la première fois que vous parlez de vous au pluriel. Vous êtes donc plusieurs. Vous êtes les associés principaux, n'est-ce pas ? Mais qui êtes-vous vraiment au fond?
Là encore, il n'espérait aucune réponse, mais cela valait le coup d'essayer.
─ Ce que nous sommes n'est pas à la portée d'un simple mortel.
Sur ces mots, l'entité disparut, ne laissant pas l'occasion à Wesley d'en apprendre plus. Peu lui importait. La réponse désirée n'était pas celle-ci.