When in Rome
Chapitre 73 : Ground control to major Finn
4439 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 23/05/2023 14:59
IIIe Partie - Apocalypse, we've all been there
Chapitre 73 Ground control to major Finn
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Alameda, Californie, septembre 2003
Un soldat se tenait droit devant Riley qui lui demanda aussitôt de se mettre au repos. En vêtements civils, le grand blond tenait une canette à la main et attendait avec impatience que son homme lui fasse son rapport sur les déplacements d'Alex et Dawn.
Dans la lumière déclinante de cette journée aux températures encore clémentes, les deux hommes se tenaient sous le porche d'une jolie maison blanche. De style « victorien », elle offrait plusieurs appartements où se loger, et se trouvait idéalement située à quelques kilomètres d'Oakland où était implantée l'université de Californie.* Officiellement, le major Finn était en congés pour quelques jours, histoire d'aider sa femme à y emménager, car elle avait l'intention de mettre à profit sa grossesse pour reprendre ses études. La location était chère, mais le futur papa tenait à ce que Sam soit bien installée puisqu'elle y resterait plusieurs mois.
Et c'est la raison pour laquelle, il se trouvait justement sur le campus quand il avait rencontré Dawn. Il encouragea son subordonné avec un signe de tête, en prenant une gorgée de boisson énergisante.
— Major, j'ai suivi les deux civils comme vous me l'avez demandé. Leurs parcours et activités semblent confirmer votre décision de les placer sous surveillance. Ils ont passé deux heures dans un hôtel près du centre universitaire, et après leur déjeuner, ils ont fait de nombreux achats dans différents magasins…
— Ce que font tous les touristes… Vous avez quelque chose de plus significatif ?
Le soldat hocha la tête.
— Du tourisme durant lequel ils ont loué un SUV et acheté des vêtements dans des surplus militaires. Mais ils se sont procuré également des casques à vision nocturne, du matériel informatique et électronique. Et ils ont fait le tour de plusieurs quincailleries et pharmacies spécialisées dans du matériel médical.
— Mais qu'est-ce qu'ils vont faire avec ça ?
— Autorisation de parler librement, major ?
— Faites. Vous avez une idée ?
— Ils vont construire une machine et s'en servir discrètement de nuit, de là les vêtements noirs et les lunettes. A la quincaillerie, le vendeur m'a dit qu'ils avaient acheté des servomoteurs, des pistons, des pièces de métal. A la pharmacie, des prothèses orthopédiques et des attelles. Cela par contre m'a semblé normal car la civile boite lourdement.
— Oui. Je verrai demain si j'ai encore besoin de vous mais ne vous sentez pas obligé, cela ne fait pas partie de votre mission actuelle.
L'homme acquiesça d'un signe de tête et salua de nouveau avant de s'éloigner. Le major Finn resta songeur un instant, hésitant sur la conduite à tenir. Normalement, il n'était pas censé s'en mêler, mais il n'avait jamais été assez chanceux pour expérimenter de vraies coïncidences dans la vie. Ceux qui l'intriguaient n'étaient pas n'importe qui. Comme lui, ils avaient fait partie du club des sans pouvoirs gravitant autour de la Tueuse à Sunnydale. Il n'imaginait pas vraiment qu'ils puissent trafiquer quelque chose de vraiment louche mais compte tenu de leur implication dans la lutte contre les hostiles, il était étrange de les voir là. Si une quelconque menace de cet ordre se manifestait autour de San Francisco et ses environs, il avait besoin de le savoir.
En parallèle de la filature, plus tôt dans l'après-midi, il avait tenté de vérifier l'alibi de Dawn en retournant à l'université. Il n'avait pas pu consulter son dossier d'étudiante auquel on lui refusait l'accès sans mandat. Par déduction, il s'était dit qu'il trouverait peut-être de l'aide à la bibliothèque car Dawn aimait lire et, pour autant qu'il sache, n'était pas une mauvaise élève. À coup de larges sourires et d'un brin de charme timide auxquels la bibliothécaire fut réceptive, il était parvenu à apprendre que la jeune fille venait quotidiennement au moins une heure ou deux. Quand il avait prétexté devoir la retrouver pour un cours de rattrapage, la bibliothécaire l'avait informé qu'elle ne l'avait pas revue depuis deux jours.
— Si vous voulez, avait-elle proposé fort serviablement, je peux lui dire que vous êtes passé. C'est Kenny votre nom, c'est ça ?
— Euh, non. C'est… Finn.
— Vous êtes son nouveau petit ami ?
Riley était resté interdit face à la question. C'était bête, mais il voyait toujours Dawn comme une ado pas très intéressée par les garçons.
— N... non… Je suis l'assistant de son professeur. Pourquoi « nouveau » ?
— Ah bon ? Dommage. Je demande parce qu'ils ont certainement rompu. Une tragédie ! Un petit couple adorable d'étudiants modèles qui venaient ici pour travailler vraiment…
Riley s'était contenté d'afficher une moue très dubitative, à laquelle la femme avait répondu d'un air entendu, aussi clairement que s'il avait parlé tout haut :
— Mon garçon, quand vous êtes dans ma position depuis aussi longtemps, et que vous voyez une jeune fille de son âge pleurer sur ses bouquins dès le matin, neuf fois sur dix, c'est à cause d'une peine de cœur…
Après l'avoir remerciée, il ne s'était pas éternisé, ne sachant pas trop quoi en penser. Ces quelques informations personnelles ne l'aidaient pas beaucoup. Et n'expliquaient en rien l'apparence fort différente de Dawn. Les questions s'accumulaient dans son esprit. Au-delà des plus évidentes, celle qui le taraudait le plus était : pourquoi Dawn lui avait-elle demandé son aide bille-en-tête, avant de se rétracter aussi vite, sans même chercher à insister, au moins un tout petit peu ?
Une porte s'ouvrit derrière lui en grinçant légèrement. Sam venant de la maison s'approcha de lui et l'enlaça par derrière, posant son menton sur son épaule. Comme il était grand, elle devait se hausser sur la pointe des pieds.
— Tout va comme tu veux ? demanda-t-elle gentiment.
— Oui. Je suis en vacances et ma femme est superbe, dit-il en se retournant pour lui déposer un léger baiser sur les lèvres.
— Et pourtant Ashford était là-devant, il y a cinq minutes. Tu ne peux vraiment pas déconnecter une journée ou deux ?
— Si, si. Mais il s'est passé quelque chose d'étrange quand j'attendais que Miller finisse son inscription, ce matin – en passant, ça me rassure qu'il soit dans le coin –, j'ai vu Alex et Dawn.
Elle cligna des yeux trois fois, attendant en vain qu'il développe. Elle dut le relancer :
— Mhh, « Alex et Dawn ». Pas de grade et des prénoms inconnus, laisse-moi deviner… Ce sont des amis de Sunnydale, n'est-ce pas ?
— Oui, admit-il avec embarras. Je les voyais tous les jours… à une époque.
— L'époque où tu as déserté ?
— Celle-là, oui.
— Tu m'as déjà expliqué tout ça. J'ai bien compris tes raisons… et c'est du passé. Et c'est parce que tu es affreusement curieux de savoir ce qu'ils sont devenus que tu les as fait suivre par un de tes hommes ?
— Dit comme ça, c'est moi qui ai l'air suspect.
— Mais Dawn, c'est bien la sœur de Buffy, c'est ça ? dit-elle après quelques secondes de réflexion. Si elle est en âge d'aller à l'université, je ne trouve pas très étrange que tu puisses l'avoir croisée sur le campus. Ni qu'un ami soit venu pour l'aider, comme toi tu le fais pour moi…
— Oui, oui, c'est une possibilité.
Elle le regarda dans les yeux en cherchant à deviner ce qui le tracassait dans ce qui avait toutes les apparences d'une situation parfaitement anodine.
— Tu en vois une autre ?
Décoiffé par un léger vent, il soupira en lui souriant, puis regarda de côté en donnant l'impression qu'il s'en voulait. Il avait beau travailler dessus, une forme de culpabilité latente restait toujours présente. Il l'oubliait le plus souvent en se plongeant dans l'action qui servait de dérivatif.
— Je… ne peux pas m'empêcher d'y penser. Dawn, je ne l'ai pas du tout reconnue parce qu'elle a l'air d'avoir le triple de son âge… Je me suis trouvé face à une parfaite étrangère et puis soudain, elle a souri et parlé de Buffy… Et… Et… comme tu le sous-entends sans me le dire, ajouta-t-il en caressant son front, ce ne sont pas mes affaires. Et je n'ai surtout pas à y mêler l'armée… même si Alex et elle ont fait des choses curieuses toute la journée.
Elle sourit à son tour en lui prenant la main pour le tirer vers la maison et regagner son appartement.
— Major, je ne veux pas te manquer de respect mais tu n'es qu'un idiot. Arrête de ruminer, viens dîner, finis de déballer les cartons, et va les voir demain. En tant qu'ami.
Riley se laissa entrainer de bonne grâce tout en continuant à ruminer silencieusement.
D'abord son rappel d'urgence pour l'excavation qui avait permis de remonter le corps phosphorescent d'Amy Madison et le cadavre imputrescible de Mears. Et quelques mois plus tard, le voilà qui retombait sur deux anciens « Scoobies » semblant impliqués dans… on ne savait trop quoi. Pouvait-il simplement ignorer son instinct et faire comme s'il n'avait rien vu, alors que ça venait de se produire juste sous son nez ?
Il aurait aimé laisser ça derrière lui, pour se consacrer à sa nouvelle existence, simple, satisfaisante et relativement saine. Il avait séjourné moins de dix-huit mois là-bas, à passer du rêve excitant au cauchemar d'une déchéance personnelle. A son avis, « Sunnydale » se mettait un peu trop à ressembler aux vampires dont elle avait été le foyer. Même morte et enterrée, elle ressurgissait sans prévenir et, comme les vampires de naguère, avait tendance à le prendre à la gorge et par surprise.
Il n'aimait pas devoir se sermonner et s'inciter à « garder la tête froide », ni devoir se rappeler que baisser sa garde pouvait lui couter sa vie.
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Le couloir de l'hôtel où Alex Harris résidait était désert. C'était un petit bloc de six étages, fait de béton lisse et de verre infrangible. A l'instar des différents casernements où il avait lui-même habité toute sa carrière, tout était remarquablement impersonnel. L'étage peu élevé de la chambre disait assez qu'il ne roulait pas sur l'or. Ou bien qu'il avait tout dépensé dans ses achats. Les lieux avaient manifestement un autre problème : les murs étaient un peu minces… Derrière la porte brune de la chambre, l'ami en visite hésitait, se demandant encore s'il avait raison.
— Et si j'appuie là, ça te fait mal ?
— Aïe, aïe… Non ! Arrête, arrête ! Ne serre pas si fort la sangle ! Grosse brute !
— Désolé, désolé. C'est mieux comme ça ?
— Ah, mon dieu, oui, beaucoup mieux…
— Allez, go. Détends-toi… Détends-toi, t'es toute crispée…
— T'en as de bonnes, j'ai jamais fait ça avant.
— On va y aller doucement, t'inquiète pas. Mets ta main là sur mon épaule… Oui, c'est bon. Essaie de lever ta jambe un plus haut. Voilà… Comme ça… Ouh c'est bien, ça. Continue, surtout ne t'arrête pas.
— Alex ! glapit la voix de Dawn. Je te dis que de ce côté, ça ne va pas…
Interdit, Riley se demanda s'il arrivait au bon moment. Il entendit un petit gloussement, puis soudain un petit cri et un bruit sourd comme si quelqu'un était tombé – ce qui ne tarda pas à se confirmer.
— Aïe. Je vais avoir des bleus partout à cause de toi.
— Et j'en suis bien désolé. Ok, on va faire une petite pause. Par contre, je crois que ce n'est pas la peine de remettre un pantalon tout de suite…
Un léger grincement à proximité immédiate attira son attention. Une femme de ménage et un homme d'entretien poussant un charriot arrivaient au bout du couloir. Riley se décida à adopter une attitude normale de visiteur normal et leva le poing pour toquer fort à la porte – quitte à se faire éconduire comme un room service indésirable.
Le visage d'Alex s'afficha dans l'entrebâillement et manifesta une surprise non feinte en découvrant qui se tenait derrière. Apparemment, Dawn n'avait pas dit qu'ils s'étaient rencontrés. Le jeune homme ouvrit un peu plus. Il était tout habillé et c'était... déjà ça.
— Riley !? Mais qu'est-ce que tu fais là, mec ?
— Eh bien… j'ai su que Dawn était inscrite à cette université et comme Sam va y faire aussi un semestre…
On entendit Dawn gémir et pester contre « ce truc qui serre les cuisses » et un grand craquement.
— Je vous dérange, peut-être ? Je peux repasser, j'ai des courses à faire en ville...
— Non… Euh, enfin, c'est qu'on était au beau milieu d'un truc, là… Attends. Dawn ! Dawn ! Devine qui est là !
— Alex reviens ! J'essaie de mettre du lubrifiant mais j'en mets partout sauf où il faut…
Se sentant cette fois définitivement de trop, Riley écarquilla les yeux et afficha un sourire poli pour opérer une retraite stratégique. Il n'avait aucune envie de s'attarder plus longtemps sur les images qui lui venaient à l'esprit d'une Dawn sans pantalon, retenue par on ne savait quelles sangles et bataillant avec un tube de vaseline…
— Je crois que je vais vous laisser et repasser un peu plus tard… proposa-t-il diplomatiquement.
Alex grimaça un sourire presque soulagé.
— Oui, ça vaut peut-être mieux parce qu'on a fichu un vrai bordel là-dedans. On n'attendait pas de visite…
Largement embarrassé par cette confirmation tellement directe, le major Finn recula, en se répétant pour la énième fois que tout ceci ne le regardait pas… Mais un drôle de chuintement assorti de pas lourds et lents se fit entendre. Ça se dirigeait vers eux.
— Qu'est-ce que tu fiches ? A qui tu parles ? demanda la voix de Dawn, plus proche.
Alex ouvrit la porte en grand pour qu'elle puisse voir, et Riley en resta ébahi.
Devant lui, se dressait la même brune que la veille, super féminine et belle comme un cœur – quoiqu'un peu plus jeune que ce qu'il avait cru voir. Elle était habillée d'un long tee-shirt blanc et d'un collant noir. Par-dessus, de la taille jusqu'aux pieds, elle était enserrée dans un ensemble d'orthèses médicales, assemblées entre elles et renforcées par des pièces de métal à pistons sur les côtés. Aux articulations de la hanche et du genou, il crut reconnaître des petits moteurs. Ce drôle d'exosquelette se perdait dans de grosses bottes lestées.
— Ah, c'est merveilleux, tu as réussi à venir jusqu'ici toute seule ! commenta Alex, le visage empreint de fierté.
— Salut Riley.
Par rapport à la veille, son accueil était nettement plus distant. Une nouvelle fois, il se dit que ses yeux étaient incroyables, mais le regard qu'elle lui adressait ne laissait guère transparaître une quelconque émotion. Peut-être que c'était sa façon de lui battre froid parce qu'il lui avait fait prendre conscience qu'elle avait été impolie.
— Je retourne par-là, dit-elle à voix basse en désignant l'intérieur. Je commence à fatiguer un peu.
Alex acquiesça et se retourna pour lui servir d'appui pendant sa marche. Il entourait ses épaules avec précaution en avançant à sa vitesse.
— Entre cinq minutes, Riley, je t'en prie, lança-t-il en guidant son amie.
Sans doute motivée à l'idée de s'asseoir, Dawn fila vers un coin de lit. Elle s'y posa avec hésitation avant de tendre un petit peu ses jambes harnachées devant elle et de pousser un lent soupir de soulagement. Par terre, se trouvait un large pantalon cargo noir, complètement déchiré aux coutures.
— Tu crois qu'il faudrait que je te fasse une sorte de canne aussi ? demanda le jeune homme.
S'agenouillant près d'elle, il retira un morceau de structure sur le mécanisme de la jambe droite qu'il se mit à revisser soigneusement avant de le replacer et de le réajuster au mollet.
— Oui, peut-être.
Alex se releva en s'essuyant les mains l'une contre l'autre pour demander avec un léger embarras, vu l'état de la pièce, bâchée, mais constellée de bouts de métal, de pinces et tournevis divers, et même d'un poste à soudure posé à l'orée de la salle de bains :
— Riley, je n'ai rien à t'offrir à boire, il n'y a même pas de mini-bar, mais j'imagine que tu es en service ?
— Oui et non, mais est-ce que vous pouvez me dire ce qui se passe ici ?
— Tu vois bien, je construis un truc pour que Dawn puisse se déplacer un peu plus facilement. C'est pas très design, je reconnais, mais je fais avec les moyens du bord. Pour un charpentier, je suis quand même plutôt fier de moi… Je pense que porté sous un pantalon plus large, ça fera l'affaire quand j'aurai effectué les derniers réglages.
— Mais… c'était pas Willow, la crack en robotique ?
— Willow est aux abonnés absents depuis quelques mois. Il faut bien qu'on se débrouille… J'ai pris des cours du soir et… voilà ! dit-il en désignant fièrement son œuvre. Dès que Dawn se sentira assez confiante, on ira le tester en balade.
— Mon héros ! commenta le cobaye avec un demi-sourire.
— A vot' service, M'dame.
Riley fronça les sourcils, débarrassa la première chaise qu'il trouva encombrée par la caisse à outils du héros et déclara en s'asseyant les bras croisés :
— Je ne pars pas avant que vous m'expliquiez tout depuis le début. Dawn, qu'est-ce qui t'es arrivé ? Pourquoi Buffy n'est pas là pour t'aider ?
Les deux conspirateurs s'entre-regardèrent pour un dialogue muet. Sa promesse de rester en contact après une dernière visite éclair à Sunnydale pour nettoyer un nid de Suvoltes, était restée lettre morte. Pourquoi auraient-ils eu envie de lui parler ?
Dawn s'expliqua pourtant d'un débit rapide, comme si elle était pressée d'en finir.
— J'ai eu un accident, ma rééducation est longue et on n'a pas trop les moyens pour des soins. Et Buffy n'est pas là parce qu'elle est occupée ailleurs… Et quant à la tête que j'ai, eh bien, pour faire court, je suis sortie avec un Mimir, notre relation n'a pas duré et c'était entièrement de ma faute, j'ai l'impression qu'il s'est vengé. Quand je t'ai vu hier, j'étais contente et soulagée de te voir parce que je galère un peu toute seule ici et que tu m'as rappelé un temps où ma vie était… enfin bref. Je suis désolée de t'avoir dérangé.
— Tu ne m'as pas du tout dérangé. Mais tu peux comprendre que j'aie été surpris. Par contre, je ne crois pas un instant que Buffy te laisse comme ça. Qu'est-ce qu'il y a de si important qui peut bien l'empêcher de t'aider pour un problème aussi grave ?
— On est en froid. La famille, tu sais, c'est toujours compliqué. C'est des trucs de sœurs, débouta-t-elle avec un geste agacé. Ça finira par passer.
— C'est ridicule, tu ne peux pas rester comme ça… Je vais l'appeler. Vous n'osez peut-être pas lui dire quoi que ce soit, mais moi j'ai l'intention de lui faire savoir ce que je pense de cette situation, dit-il en se levant.
— NON ! s'écrièrent en même temps les deux autres.
— Et parce que… quoi ?
Alex regardait Dawn. Pour une raison ou une autre, c'est elle qui semblait décider. Leur silence concerté le mettait sur des charbons ardents. Il tiqua, aussi déçu que la veille, mais pour d'autres raisons.
— Donc vous n'avez plus du tout confiance en moi ? Je vois bien qu'il y a quelque chose que vous ne voulez pas dire. Est-ce parce que vous savez que certaines personnes haut placées dans l'Armée voient l'organisation des Tueuses comme un problème ?
— Hein ? Ah bah, non ! Ça, on ne savait pas ! s'alarma Alex. Depuis quand ?
Bizarrement, Dawn n'eut toutefois pas l'air très impressionnée, sa question fut différente.
— Et toi, tu te situes où par rapport à ça ?
— Est-ce que j'ai l'air d'être haut placé ? rétorqua-t-il.
— Comment savoir ? Tu es en civil, intervint Alex. Mais… assez gradé pour commander une petite unité comme autrefois… Figure-toi qu'un gars nous a suivi toute la journée…
Se sentant coupable et énervé de l'être, Riley se leva, serrant les mâchoires.
— J'étais… inquiet ! répondit-il sans chercher à s'en cacher. Pardon de le dire, mais vous attirez les démons et vice-versa... Est-ce que Buffy ne vient pas parce qu'elle a disparu comme Willow ? demanda-t-il sans transition, en prouvant qu'il avait écouté. Ou… déserté aussi ? ajouta-t-il en baissant les yeux.
Dawn soupira avec un gentil sourire.
— Écoute, même sans savoir exactement ce qui est reproché aux Tueuses, c'est délicat de te parler… Toi, tu as trop à perdre si les choses tournaient complètement de travers, et je ne veux pas forcément que ça aille mal pour toi. Tu dois rester dans l'Armée et y poursuivre normalement ta carrière. C'est important. Or, si je te livre certaines informations maintenant, ça pourrait tout remettre en question.
Riley opina du chef, exagérément.
— Bien. Je n'y comprends rien, donc je ne bouge pas d'ici. Quoi ? Vous avez peur que je vous dénonce ? Vous voulez braquer une banque ? plaisanta-t-il.
Un nouveau regard plein d'inconfort voyagea entre Alex et Dawn, ce qui manqua de lui faire perdre son sang-froid face à cette obstination incompréhensible. Alors qu'un grand gars de l'Iowa comme lui était un modèle de placidité.
— Je déteste vous tirer les vers du nez. Dites-moi ce qu'il y a ! Si je peux vous aider, je le ferai !
Dawn hésitait, et ne semblait guère encline à s'expliquer davantage; pourtant, à sa grande surprise, elle parla en baissant les paupières pour éviter de le regarder directement. Et ça, c'était très suspect, par contre.
— Riley, les comptes que tu dois rendre à ta hiérarchie ne sont au fond qu'un problème secondaire. Ce qui me préoccupe, c'est ton avenir, ta sécurité et celle de ta famille.
— Sam et moi, nous n'avons pas choisi d'être dans l'Armée pour être « en sécurité »… Laisse-moi décider seul !
Du tourment et de l'anxiété troublèrent un petit instant ses iris. Alex vint près d'elle pour l'encourager, manifestement.
— Allez, Dawnie, on a besoin d'aide sur ce coup, non ?
Elle se leva et shoota involontairement dans une bombonne de lubrifiant industriel qui roula sur la moquette. Elle joignit ses mains comme pour une prière, les index sur la bouche, cherchant sans doute comment formuler des choses qui avaient l'air de lui peser.
— Riley... Considère que moi aussi je suis en mission. Je ne devrais pas me trouver là mais puisque j'y suis, je veux impérativement tenter une opération commando de la dernière chance, pour sauver ceux que j'aime, et même si je ne m'en sors pas.
Alex lui murmura de ne pas dire cela.
— Nouvelle apocalypse ? supposa le major soudainement plus tendu.
Le regard d'Alex lui apprit qu'il avait visé juste. Riley se releva, les poings et la mâchoire serrés, immédiatement mobilisé.
— Ok, on a combien de temps ? A quoi on fait face et quelles sont les forces en présence ?
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Dawn s'approcha de lui au son du doux feulement des vérins. Elle secoua brièvement la tête.
— On a encore un peu de temps, répondit-elle en écartant les mains avec un geste temporisateur. Je ne sais pas combien. Mais si tu veux aider, j'ai une question préalable à te poser. En fonction de ce que tu vas dire, je déciderai si tu dois partir tout de suite, ou si je peux t'en dire davantage. Est-ce que tu as bien compris ?
— Évidemment. Mais je serais toi, je ne compterais pas trop sur mon départ, surtout après une telle entrée en matière…
— Riley, c'est important. J'ai besoin que tu me dises exactement la vérité, ok ? Pas de contournement, pas de ces ruses pour tromper un détecteur de mensonges.
— Oui ! s'impatienta-t-il.
— Très bien, alors… Est-ce que – depuis qu'elle a été rayée de la carte – tu es retourné à Sunnydale ? Réponds par oui ou par non.
Il scruta de nouveau leurs mines et leurs postures tendues. Lui aussi se sentait gagné par l'appréhension, comme s'ils réussissaient à lui communiquer leur état d'esprit. Le major posa les yeux sur Alex. Celui-ci fit la tête et se gratta l'arrière du crâne en se retournant avec son inimitable moue dépitée. Mais pourquoi une telle exaspération ? Dawn tira sur la manche de sa chemise à carreaux pour qu'il réponde à sa question.
— Oui, j'y suis allé, répondit-il en détachant les syllabes. Est-ce que c'est la bonne réponse ? Je suis toujours Captain America ?
— Riley ! Je ne veux pas de réponse, je veux la vérité ! **
— Je maintiens ce que j'ai dit. Mais je devine que tu vas avoir une autre question maintenant ?
Elle acquiesça et la posa aussitôt, animée d'une urgence et d'un sentiment dont il n'aurait su dire s'il était plein d'espoir ou bien tout son contraire. Il se sentit désemparé quand il vit ses yeux s'embuer.
— Depuis que vous les avez sortis de là-dessous, est-ce qu'ils sont toujours dans la base du Nouveau-Mexique ?
Riley plissa les yeux et secoua la tête avec incrédulité, un peu perdu comme s'il avait pris un coup de massue qu'il n'avait pas vu venir.
— Je ne comprends pas… dit-il. Qui est le traître qui va passer en cour martiale pour vous avoir transmis une information sur une opération secrète et un emplacement de site ultra sécurisé, dont l'existence n'est connue que d'un nombre extrêmement limité de personnes assermentées ?
L'air toujours grave, Dawn attristée lui sourit gentiment.
— C'est toi…
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Notes de l'auteure
* Pour information « Berkeley » n'est pas à San Francisco mais c'est la ville juste en face.
** Souvenir d'une conversation avec Maya adolescente sur ce que c'était de « donner une réponse » qui ne soit pas un mensonge et qui ne dise absolument pas la vérité.