When in Rome
Si vous l'avez déjà lu, le chapitre précédent a été retouché pour clarifier certains points.
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Chapitre 43 Vérité ou Vérité
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Le Motel One était bien plus coquet que son nom ne le laissait supposer. Les prix raisonnables ne laissaient pas présager d'un lobby et d'espaces communs si agréables, réchauffés par des tons de bruns, des fauteuils en cuir capitonnés et de multiples petites sources de lumière directionnelles. Il y régnait une atmosphère particulière probablement due au mélange des époques. Rien n'était vieillot, mais ici un tableau noir affichait le menu calligraphié à craie, là un pot à lait en métal vieilli voisinait des présentoirs en fer forgé pour le petit déjeuner. Ces détails clairsemés contribuaient à apporter une touche plus chaleureuse de « maison d'antan » dans un décor sans cela très moderne et plus froid. Elle ne regrettait nullement son choix, même si elle admettait que le cinq étoiles où Pietro et Andrew allaient convoler en justes noces, était absolument magnifique.
Le comptoir de la réception vers lequel Dawn se dirigeait, faisait justement partie des éléments au design très moderne, avec un néon bleu à demi dissimulé dans le bas. L'hôtesse plantée derrière confirma sa réservation, lui expliqua les formalités pour le petit déjeuner, lui tendit sa clé et une carte glissée dans une petite enveloppe.
— Votre ami est déjà arrivé. Il m'a demandé de vous prévenir qu'il vous attendrait dans l'espace lounge par ici…
Interloquée, Dawn glissa un œil dans la direction indiquée et ne vit rien. Elle salua en empochant le tout, sentant la nervosité la gagner à chaque pas qui la rapprochait des ascenseurs. Elle ne connaissait personne dans cette ville où elle avait si peu habité. Quand les portes se refermèrent sur elle, son cœur s'emballa soudain, cognant à grands coups furieux dans sa poitrine… ce qui l'énerva considérablement. Les palpitations et bouffées de chaleur avaient bien choisi leur jour pour débarquer, elle ne les attendait pas si tôt ! Avec un soupir fataliste pour accueillir ce rappel de sa date de péremption, elle fit cependant la part des choses et se dit qu'elle avait eu de la chance que ça ne lui arrive pas en plein milieu de la cérémonie ou pendant le cocktail... Elle pressa le pas le long du couloir.
Sitôt entrée dans sa chambre, elle se débarrassa de ses chaussures cruelles et de ses beaux vêtements pour ne pas les salir. Pestant encore contre les vicissitudes de la maturité, elle passa dans la salle de bains, petite mais au demeurant adorable avec sa jolie vasque posée sur un meuble bas. Elle y prit une serviette dont elle humidifia un coin pour se rafraîchir le cou et les épaules pendant qu'elle ouvrait le jet d'eau de la douche avec l'idée de soulager ses mollets et de masser ses plantes de pied en feu... Dans le geste qu'elle fit pour se tenir prudemment à la paroi pour ne pas glisser, elle leva les yeux vers son reflet dans le miroir et s'arrêta, surprise. L'éclairage lui sembla étonnamment flatteur. Pour autant qu'elle puisse en juger, son maquillage avait tenu bon. Elle se trouva l'air en forme : si ça se trouvait, le farniente avait du bon.
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Une fois sa peau réhydratée, elle hissa sa valisette sur la courtepointe bleue pour y plier son joli tailleur et piocher sa tenue de nuit en coton. Celle-ci supporterait la situation si elle se mettait à bouillir inopinément…
En rangeant son bagage près d'un mur, elle avisa sur la console l'enveloppe non cachetée que la réceptionniste lui avait tendue avec son nom inscrit en lettres cursives. Elle sortit le bristol où ne figurait qu'une question et pas de signature :
« Est-ce que je t'ai manqué ? »
Quand son cœur se remit à battre comme un sourd, elle s'assit d'un coup sur le bord du lit. Bon d'accord. Ce stupide organe faisait n'importe quoi parce qu'il espérait bien que ceci se produise, finalement. Et depuis le texto de Maya le matin même. Et ça n'avait aucun rapport avec l'obsolescence programmée. Comme en confirmation immédiate, son communicateur vibra pour signaler un message. Ses doigts étaient tellement fébriles qu'elle eut du mal à appuyer sur l'icône correspondante pour le lire.
Spike
S'il te plait, ne m'ignore pas
Spike n'était pas à la fête mais il était quand même venu la voir. Abrutie, elle resta à contempler l'écran à se demander comment tourner une réponse à cette supplique quand un autre message arriva dans la foulée :
Spike
J'ai mis un pull bleu !
Elle eut petit hoquet de rire et elle ravala aussitôt l'émotion qui lui piquait les yeux et menaçait de flinguer complètement son superbe ravalement de façade.
Spike était tenace. « Jusqu'au harcèlement » avait un jour confié Buffy. Il avait bien de la chance qu'elle l'aime assez pour lui pardonner un trait de caractère pareil. Sans doute avait-il raison, quelque chose ne tournait pas rond chez elle car elle tapa une courte réponse.
Dawn
Argument imparable. J'arrive. Le temps de sortir de mon pyjama Hello Kitty.
Spike
C'est quoi, un « pyjama » ?
Il n'y avait pas d'émoticône pour traduire ce trouble intense et joyeux qu'elle ressentait. A toute allure, elle se rhabilla, négligea de se recoiffer, sauta dans ses escarpins de torture, et se rua vers l'ascenseur. Ce qui était complètement stupide. Quelle chance y avait-il pour qu'il décampe maintenant après ce genre de question ?
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Sous les appliques douces, une musique d'ambiance feutrée diffusait sa rumeur à peine audible. Elle n'était couverte que par les activités du barman d'un côté, ou celles de la réceptionniste de l'autre. Tournés vers les baies toutes en longueur ouvertes sur un ciel de nuit, des sièges rembourrés étaient plantés devant de minuscules petites tables, sans doute suffisantes pour y poser un verre.
Mais la première chose qu'elle vit, ce n'était pas ce cadre plus que décent pour un petit hôtel de cette catégorie. Non. Ce fut la flamboyance des cheveux ébouriffés de leur propriétaire, illuminés par les spots du plafond. Spike l'attendait assis dans l'un des fauteuils de cuir brun. Elle venait d'arriver et déjà il tournait la tête vers elle, en se dépliant hors de son fauteuil pour l'accueillir.
Peut-être avait-il l'intention de rentrer dans ses bonnes grâces en adoptant cette coiffure qu'elle aimait ? Ses vêtements étaient très inhabituels pour lui : un jean clair ou blanc, le fameux pull bleu, et le blouson gris qu'elle lui avait déjà vu – une nuit, à Rome, près de la fontaine de Trevi. Si ça ne voulait pas dire « reprenons tout à partir de là… ».
Il posa une main sans poids sur son bras, tandis qu'il lui embrassait la joue. Ce petit geste machinal qu'on fait sans y penser la désempara parce qu'elle ne l'avait jamais vu faire une chose aussi « normale ». Spike n'embrassait pas les gens. Ou alors... pas comme ça. C'était si étrange de constater qu'il disposait du kit de base.
Quand ils furent assis, un léger conciliabule régla le problème des boissons qu'elle déclina, en invoquant les coupes de champagne déjà ingurgitées pendant la réception. Il fit mine de comprendre et se commanda un Bloody Mary avec l'ombre d'un sourire. Dès que celui-ci arriva (vite), il en prit aussitôt une gorgée.
— Je te remercie d'avoir accepté de me voir… J'ai cru comprendre que tu repartais demain alors la fenêtre de tir était étroite… Les mariés auraient tout de même pu te prêter la maison pendant leur lune de miel.
Elle haussa une épaule indifférente et attrapa le petit dépliant sur la table pour vérifier s'il n'y avait pas quelque chose sans alcool à la carte.
— Ils l'ont fait, répondit-elle le nez sur les jus de fruits, mais c'est moi qui n'ai pas voulu. Je n'ai pas eu le temps de m'y sentir chez moi… Et puis, si c'était pour être là-bas sans eux ni Maya, je ne voyais pas l'intérêt. Je préfère encore rentrer. Je prendrais bien une eau gazeuse finalement…
Il leva le bras pour attirer l'attention du barman. Avec un sourire en coin, Spike le regarda rappliquer ventre à terre pour la servir : poser le verre, décapsuler la bouteille avec un geste élégant, verser le liquide cristallin, approcher galamment le verre à demi-rempli d'un centimètre vers elle, et s'en aller à regret sans un mot.
— Alors lui, il vient de tomber amoureux... s'esclaffa-t-il. Est-ce que c'est de marier Andrew qui te rend aussi renversante ?
— Je ne crois pas non. La cérémonie, j'ai trouvé ça dur. Je pensais que je pourrais prendre suffisamment pour moi, mais... je les ai vus devant moi et tout m'est revenu d'un coup. Et je me suis sentie abominablement possessive… Je ne l'étais pas avant.
— Pourquoi as-tu bazardé ton mariage alors, si ce n'était pas ce que tu voulais ?
— Et bien, pour lui. Il ne me l'aurait jamais demandé de lui-même. Je le connais.
Spike arbora une expression signifiant clairement qu'il ne comprenait pas vraiment le concept. Mais il aurait été mal venu de venir se plaindre. Dès le début il s'était déclaré dégoûté qu'Andrew ait réussi à mettre le grappin sur une telle beauté… pour ne jamais consommer son mariage. Un gâchis innommable à son avis, même si on lui avait expliqué les circonstances.
Il n'insista pas sur ce sujet et prit une nouvelle gorgée de sa boisson rouge qu'il contempla avec suspicion, en inclinant le verre pour jouer avec le liquide.
— Tu vois, l'avantage au moins quand tu vas dans un cinq étoiles, c'est que quand tu demandes un Bloody Mary avec du sang à la place de la tomate, ils te le font sans discuter... Là, j'ai de la tomate...
Ravie qu'il ait eu la présence d'esprit de dire cela à voix basse, elle sourit gentiment, toujours légèrement sur ses gardes. Sans la fixer comme un mal élevé, Spike lui décochait de petites œillades trop douces pour être honnêtes. Il gardait son verre à la main, se contentant d'en prendre une petite lampée de temps en temps, comme s'il ne voyait aucun inconvénient à rester près d'elle sans parler du tout. Enfin presque.
— Bon. Je suppose que j'aurais aimé que tu dises tout de même que je t'ai un petit peu manqué, déclara-t-il. Je t'ai promis d'être là pour toi. D'après ce que tu racontes, tu en aurais eu bien besoin. Mais au lieu de de profiter de ma fascinante conversation, tu es partie te terrer dans un bled. Et tu n'as pas largué que moi, tout le monde a eu la même impression.
La remarque la mit mal à l'aise. Tout le monde, tout le monde ? Même Maya qui n'était plus là, ou Andrew libre de vivre enfin son bonheur ? L'idée que Faith ou Willow puissent s'être senties abandonnées lui semblait assez ridicule. Elle secoua la tête.
— Je ne décrirais pas le paradis terrestre qu'est la Toscane comme un « bled ». Il y fait beau et doux. Le paysage est magnifique. Je peux peindre et lire. C'est agréable de se laisser vivre. J'ai besoin de ça pour faire le tri dans tout ce qui s'est produit.
— Et j'ai fini au placard. Bientôt sur mon urne inutile car je serai dispersé aux quatre vents, on gravera : Ci ne git pas Spike, vampire dispensable et ami infidèle, il a beaucoup emmerdé le monde. *
— Arrête. Je devais faire face à tout ce que je perdais brutalement. Mes sentiments, ma ville, ma fille… Je suppose que j'aurais pu attendre un peu pour rendre sa liberté à Andrew, mais je ne me voyais pas étirer cette souffrance dans le temps. C'est le coup du sparadrap. Il vaut mieux y aller bien franchement et d'un coup sec.
— Et j'ai fini au placard, répéta-t-il avec demi-sourire en espérant l'avoir à l'usure.
— Qu'est-ce que tu veux me faire dire ? soupira-t-elle.
— Ta fille m'a présenté le concept de Vérité ou Vérité. Je cite « c'est comme Action ou Vérité, mais moins Action ». J'adore qu'elle m'explique des choses comme si j'étais né d'hier !… Elle était déçue que tu n'aies pas été suffisamment bien t'ouvrir à elle… J'aimerais savoir si, aujourd'hui, tu y serais disposée, ou bien si tu penses qu'essayer de communiquer avec moi a toujours été une cause perdue. Tu peux aussi laisser la pudeur de côté. Je t'ai déjà dit que je pouvais tout entendre et ça n'a pas changé. Si sur quelques questions, je pouvais avoir des réponses franches, ce serait pas mal…
Elle plissa les yeux en reprenant un peu d'eau pétillante. Il la déstabilisait toujours autant par son approche tellement directe. Voici comment je suis, voici ce que je veux. Es-tu avec ou contre moi ? Réponds tout de suite.
— Je ne crois pas que tu pourrais te contenter de « quelques questions ». Tu en voudras toujours plus. Tu aimes connaître les petits secrets des gens…
— Tu n'es pas « les gens ». Et je me fiche de tes petits secrets. Ce sont ceux qui t'empêchent de vivre heureuse qui m'intéressent.
— Je ne vois pas pourquoi. Cela n'a rien d'intéressant du tout, refusa-t-elle avec une petite grimace de dénégation.
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Il la contempla en laissant passer un voile sur son regard fixe pendant quelques secondes.
— OK, reconnut-il, je préférerais qu'on ait cette conversation dans un lieu plus tranquille.
Il chuchota pour le seul plaisir de se rapprocher d'elle, sentir son parfum, entendre son sang pulser. Le grand secret qu'il aurait aimé connaître, c'était comment elle faisait pour le rendre aussi amoureux aujourd'hui. Aussi peu semblable à lui-même.
La malice qui pétillait autrefois dans ses prunelles avait été noyée sous le flot torrentueux du drame d'Ostia. Elles lui manquaient ces petites étincelles mutines au fond de ses pupilles quand ils s'étaient retrouvés. Dorénavant, il n'y avait plus rien que de l'inquiétude dans ses beaux yeux, ou peut-être du tourment. Il savait qu'il n'y était pas étranger, mais il n'avait jamais voulu cela, bien au contraire. Où était-elle donc cette jolie femme qui jouait à le troubler et qui riait à ses bêtises ?
Là, elle affichait une expression renfrognée, absolument incompatible avec ce qu'il venait de dire, alors il clarifia :
— Tu n'as peut-être aucun problème à ce que le personnel de l'hôtel t'entende raconter des choses intimes mais moi j'en aurais !
— Et dans quel « lieu tranquille » voudrais-tu aller ? Dans ma chambre peut-être ? supposa-t-elle en levant les yeux au ciel.
— Non, pas là. Je fais toujours des bêtises quand je suis seul dans ta chambre avec toi… Mais si tu venais dans la mienne, c'est sûr que tu ne risquerais rien.
Elle étouffa un petit rire incrédule et un regard incertain. Voilà, c'était exactement ce regard-là qu'elle avait toujours à présent. Plus de vrai rire, plus d'élan pour le serrer avec transport et embrasser ses joues pâles.
— Et tu penses que je ne te vois pas venir ? Tu es incorrigible. Et j'avoue que je ne comprends pas bien ce que tu cherches, surtout après ton beau discours sur les sortilèges magiques aliénants, le libre-arbitre et la sérénité retrouvée…
— Je crois que le libre-arbitre et la sérénité étaient présents, là... où tout a commencé. Tes taquineries me manquent. Je me sens coupable d'avoir complètement flingué tout ça.
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Fichtre, manifestement, il avait pris les devants sur Vérité ou Vérité... Il attendait qu'elle renchérisse, un sourire engageant à la bouche, plein d'espoir. Est-ce qu'il n'était ici que pour obtenir le pardon ? Pour effacer la culpabilité qu'il mentionnait ? Il était certes venu la trouver, et comme toutes les fois où elle savait qu'il venait à sa rencontre, ce qu'elle ressentait était incroyable.
Le lourd regret de son rêve traînait son fantôme pesant dans les couloirs de ses pensées.
Sous sa pression, elle se leva sans un mot et il l'imita aussitôt avec une ferveur troublante. Elle ne voulait pas de regrets. Ni se dire qu'elle avait laissé passer sa chance. Elle avait déjà essayé plusieurs fois, jusqu'à l'opiniâtreté. Voulait-elle essayer encore ? Bon dieu, oui ! Ce salopiaud embrassait tellement bien !
Dans son esprit, elle s'était figuré qu'ils allaient sortir de l'hôtel et que son vaisseau tellement peu aérodynamique, les happerait comme il l'avait fait la dernière fois. Mais au lieu de ça, Spike accrocha quelques doigts de sa main pour louvoyer entre les petites tables, et la conduire jusqu'aux portes chromées des ascenseurs. Le geste n'était pas trop ostensible. Elle se souvenait qu'il trouvait que ça cassait son image de marque.
Pendant un instant, elle crut qu'il avait menti et qu'il voulait la rejoindre la chambre qu'elle avait retenue pour la nuit. La pièce, aux tons bruns égayée de bleu déclinés partout dans l'hôtel, était très petite. C'était bien suffisant pour qu'elle y dorme avant un vol en avion… Mais à deux, avec ce lit omniprésent au milieu qui les narguerait ? Comment penser à autre chose qu'au refuge de ses bras ? Surtout avec son torse gansé d'un pull bleu layette ?
A sa surprise, quand ils furent presque arrivés, il tira un passe magnétique de sa poche, et déverrouilla celle qui était... juste à côté de la sienne.
— Tu as pris une chambre ici ? s'étonna-t-elle pendant qu'il la précédait pour entrer.
Une fois à l'intérieur, il jeta la clé plate sur la petite console étroite et se défit de son blouson qu'il envoya sur le lit. Elle était restée sur le seuil, prise d'un vertige à l'idée de commettre une nouvelle fois cette erreur qui la pousserait à toutes les audaces, rien que pour conserver le remords et chasser le regret. L'expression de son hôte suintait l'amusement contenu.
— Euh, j'allais dire « Entre, je ne mords pas » mais j'ai conscience de l'ironie… Viens au moins t'asseoir, ton cœur bat si vite que je ne sais pas si je dois craindre que tu fasses un malaise…
— Ha. Un malaise pour toi ?… Mais t'es tellement prétentieux !...
— Soit, mais ne reste pas dehors.
Il la prit doucement par l'épaule, pour l'amener à l'intérieur et repoussa la porte. Ils étaient si proches dans ce vestibule minuscule, si proches qu'elle sentait son souffle. Dire que Buffy avait souvent qualifié ses lèvres de "bouche de l'enfer" quand elle avait réalisé que le vampire était obsédé par elle... Probablement pas au courant de ce surnom, il posait seulement une main galante dans son dos pour la faire avancer d'au moins trois pas...
— Hein, tu vas te poser là, virer tes chaussures qui te font souffrir, et te mettre à l'aise, dit-il en désignant le côté du lit le plus proche. Moi je vais m'asseoir bien sagement de l'autre côté, ça te va ?
— Euh… je ne sais pas. M'aller pour quoi ? Qu'est-ce que tu as l'intention de faire ?
Il sourit encore avec une certaine bienveillance.
— Tu n'as rien écouté du tout, pas vrai ? Toi et moi, on a besoin de discuter très sérieusement et franchement, pour une fois. Mais avant de commencer, il y a une toute petite chose que je veux que tu me dises...
Comme il la voyait agripper toujours convulsivement son sac bleu pastel, formant entre eux un bien pauvre rempart, il le lui prit des mains pour le caler sur le bureau étriqué.
— C'est bon, il est là, il ne va pas s'envoler… Dawn, regarde-moi. Tout va bien… dit-il d'une voix apaisante. Tu as l'air si terrorisée que c'est à la fois super flatteur et complètement vexant… Un drôle de sentiment, si tu veux mon avis. Rappelle-toi juste que si je t'énerve, tu peux me faire tomber de trois étages en un tournemain.
— Qu'est-ce que tu veux savoir exactement ?
— Je veux savoir… ça.
En lui laissant tout le temps de reculer ou de s'échapper de n'importe quelle façon que ce soit, il s'approcha d'elle, et après une légère caresse à l'ovale de son visage, il guida son petit menton pour amener sans hâte leurs bouches à se rencontrer. De l'autre main, il plongea ses doigts dans la masse soyeuse des cheveux lâchés. Et là il l'embrassa avec toute la douceur dont il était capable.
Spontanément, elle enroula les bras autour de ses épaules, et desserra les dents pour accueillir son baiser avec un sanglot et une certaine avidité.
D'accord... Finalement, peut-être qu'il lui avait quand même un peu manqué…
Le sermon qu'il avait tenu un jour à Angel et Buffy alors qu'ils se mettaient la tête dans le sable au sujet de leur prétendue « amitié », lui revint avec force, à mesure qu'il goûtait sans honte la suavité de cette bouche qu'il avait vainement tenté d'oublier.
Laisse-la respirer, idiot.
— Bon, c'est bien ce que je pensais, murmura-t-il en la gardant un instant dans ses bras, une paume tremblante posée sur sa tête brune. Pour toi non plus rien n'est vraiment fini, n'est-ce pas ?
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Note
* James Marsters évoquant le rôle de Spike en intégrant le casting : « Drusilla's disposable boyfriend ». A l'origine, le personnage ne devait pas durer plus de 3 ou 4 épisodes. Joss Whedon tenait à le sabrer assez vite.
Cette épitaphe fait écho à celle de Buffy (final saison 5) : Buffy Anne Summers, beloved sister, devoted friend, she saved the world a lot. Spike a passé 147 nuits devant cette tombe.