Quand souffle le vent d\'automne...

Chapitre 5 : Joyeux Noël

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:01

 

  C’était le soir de Noël et la neige avait fini par tenir, enfermant le monde dans une couverture duveteuse et givrée de silence et de froid.

  Yuna n’avait pas sommeil.

  Elle était en léger froid avec sa mère depuis que celle-ci s’était énervée contre elle. Mais Yuna était persuadée qu’elle n’avait pas rêvé. D’ailleurs, elle avait vaillamment rempoté la fleur qu’elle avait fait éclore au nez et à la barbe d’Hotaru pour la garder à l’abri dans sa chambre, loin de la cruauté des grands froids. Toujours vivace, tenace et résistante, la fleur ne faiblissait pas et paraissait même s’affermir de jour en jour.

  Elle était splendide.

  Et Yuna l’adorait.

  On dit souvent que faire la conversation aux plantes leur permettait de mieux pousser. Et bien, Yuna en était convaincue, cela marchait. Elle lui disait quelques mots au matin, en se réveillant, et jamais la fleur n’avait paru aussi belle et aussi forte.

  Ce soir là, Hotaru avait emmené sa fille chez ses grands parents pour le réveillon de Noël. Le père de Yuna était parti depuis bien longtemps avec une autre femme, ce qui avait rendu Hotaru extrêmement méfiante à l’égard des hommes et surprotectrice envers sa fille qu’elle élevait désormais seule. Yuna, quant à elle, était trop petite lorsque son père les avait quitté pour avoir des souvenirs clairs et nets de lui.

  Le ventre plein de victuailles et de dinde farcie, Yuna, accoudée à la fenêtre, ne comptait pas s’endormir maintenant. Elle avait trop de choses à faire !

  Compter les étoiles…

  Dessiner…

  Attendre le Père Noël…

  Dire à Sianadel d’arrêter de regarder dans la cheminée d’en face…

  Attends…

  La cheminée ?

  • Sianadel ? , appela la fillette en ouvrant la fenêtre pour s’assurer qu’elle avait bien vu.

  Et oui, c’était bien lui, elle ne s’était pas imaginé une quelconque scène étrange.

  Le Hollow releva la tête en l’entendant, ses yeux bleu nuit brillant comme des lampes dans le clair-obscur de la nuit. Son ouïe fine avait facilement capté son appel, même s’il n’était perché que sur le toit de la maison en face de chez elle. D’un bond prodigieux qui coupa le souffle à la fillette blonde, il sauta et atterit souplement sur les tuiles de sa maison. Yuna, la langue entre les dents et les yeux brillants, crapahuta hors de l’encadrement de la fenêtre pour le rejoindre, mais la neige qui s’était déposée sur le rebord et le gel qui recouvrait la gouttière faillirent lui coûter la vie. Ses doigts déjà gourds ripèrent contre le tuyau de métal,  elle se sentit glisser en arrière et commença à basculer lorsque la poigne froide, mais ferme du Vasto Lorde l’attrapa par le col de sa robe de chambre pour la tirer vers le haut.

  • Tu devrais faire plus attention, fillette, grogna-t-il.

  Il la déposa sans douceur ni violence sur le toit légèrement en pente recouvert d’une bonne couche de neige scintillant sous la lune.

  Yuna s’assit un instant pour reprendre son souffle, le cœur battant la chamade, avant de lancer un regard légèrement teinté de reproche au Hollow silencieux :

  • C’est ta faute ! , bouda-t-elle, Pourquoi t’es allé sur le toit, aussi ?

  Sianadel lâcha un grognement pour toute réponse, le regard tourné vers le ciel qui avait revêtu son manteau nocturne piqueté de millions d’étoiles. La clarté de cette nuit était remarquable, ce soir là, la pleine lune enveloppant le paysage de ses bras d’argent.

  • Merci.

  Sianadel crut avoir mal entendu.

  • … Pardon ?
  • Je te dis merci. De m’avoir sauvé de la chute.
  • …On ne remercie pas un Hollow, fillette. On le maudit.
  • C’est quoi, un Hollow ?

  Sianadel ne répondit pas. Il n’en avait pas envie, et Yuna le sentit.

  • Pourquoi tu regardais dans la cheminée ? , demanda-t-elle.
  • …Y’ avait un truc bizarre…, marmonna Sianadel.
  • Comme quoi ?
  • Bin… Un humain, habillé en rouge, tout fluet, et qui est monté sur une échelle pour accéder au toit. Il est entré dans la cheminée en y jetant une corde…

  Sous ses yeux ébahis, Yuna se mit à pouffer, les mains sur la bouche, en proie à une terrible crise de fou rire.

  • Mais qu’est ce que tu as, fillette ?
  • Pffrrrrr !... Excuse moi, c’est…c’est juste que…, balbutia-t-elle, … Ta description lui convient à merveille !
  • Mais qui est ce ?
  • Le voisin, expliqua la petite avec un grand sourire, Chaque année, à Noël, il rentre chez lui par la cheminée ! Va savoir pourquoi !
  • Tu me tutoies, maintenant ?
  • Tu le faisais bien lors de notre dernière rencontre… Sian.

  Le Vasto Lorde la regarda d’un air surpris et irrité.

  • C’est quoi, ce surnom ?
  • C’est juste ton nom que j’ai raccourci ! Sianadel, c’est un peu trop… trop ! Sian, c’est mignon !

  Le Hollow n’en revenait pas. Lui donner un surnom mignon ? A lui, l’un des 5 Vasto Lordes les plus redoutés pour leur puissance au Hueco Mundo ?

  Il se renfrogna et lâcha dans un énième grognement :

  • Arrête de m’appeler comme ça, fillette…

  Yuna fronça les sourcils. Ses cheveux blonds étaient teintés d’argent sous le puissant clair de lune réverbéré par les cristaux de neige.

  • J’arrêterais peut être de t’appeler comme ça si toi, tu arrêtes de m’appeler « fillette ». J’ai un nom, tu as oublié ?

  Oh que non, il ne l’avait pas oublié, et c’était bien faute d’avoir essayé ! Les deux syllabes de son nom résonnaient encore et toujours à ses oreilles, comme une chanson qui nous trotte continuellement dans la tête.

  Yuna… La lune…Yuna Senrô… La lune enchaînée… Prononcer son nom lui aurait semblé comme un outrage. Il ne pouvait se permettre de le souiller en laissant les lettres franchir le barrage de ses dents.

  • Alors ? , demanda l’enfant.

  Une moue inquiète apparut sur son visage en voyant le manque de réaction du Hollow.

  • Dis, ça va ? , ajouta-t-elle.

  Elle leva la main et la posa sur le bras de Sianadel, parce qu’il était tellement grand pour elle qu’elle ne pouvait pas atteindre son épaule. Le contact entre peau et os sembla lui redonner vie, et la créature baissa les yeux vers cette petite main avant de faire remonter son regard sans fond sur le visage de Yuna.

  • Ne me touche pas, fillette, lâcha-t-il.
  • Je fais ce que je veux.
  • Ne me touche pas.
  • Alors dis mon nom.
  • Lâche moi !

  Il avait haussé le ton. La colère et un semblant de honte embrasa soudain les yeux de Sian, mais Yuna ne fléchit pas. Ses ongles crissèrent sur l’armure, comme pour affermir sa prise.

  • Comment je m’apelle ? Dis le moi et je ne toucherais plus. Plus jamais si tu veux.

  Le Hollow était choqué. Normalement, c’était l’inverse : La petite aurait dû être dégoûtée par son contact et vouloir l’éloigner. Mais non.

  La lueur de peur apparue fugitivement dans les yeux argent de Yuna à la vue de sa colère avait disparu pour laisser place à une détermination sans bornes, ni failles.

  Sian, lui, sentait ses défenses s’effondrer une à une. Il aurait pu tuer cette enfant, il aurait même peut être dû…

  Mais il ne l’avait pas fait.

  Pourquoi ne l’avait-il pas fait ?

  Il l’ignorait encore.

  Mais avait prit sa décision.

  Cette enfant, il allait la protéger.

  Des Hollows, de la peur, de la Solitude…

  De lui-même, en restant loin d’elle le plus longtemps possible.

  Son bras se détendit. Elle le sentit.

  • … Yuna.

  Silence.

  Puis un sourire franc naquit sur les lèvres de la fillette qui la lâcha.

  • Bah, tu vois ! T’es pas mort !

  Sian la fixa quelques secondes, puis se leva et s’apprêtait à partir, mais Yuna le retint.

  • Tu t’en vas ?
  • Oui.
  • Pourquoi ?
  • Je dois partir.

  Il n’en dirait pas plus. Elle soupira.

  • Alors tu peux me faire descendre, s’il te plait ? Je n’y arriverais pas toute seule et…Wouah !

  Avant d’avoir pu finir sa phrase, elle retrouva la sécurité du plancher de sa chambre, fermement tenue par la queue puissante du Vasto Lorde. Elle se retourna et fixa ce dernier, qui avait une main agrippée à la gouttière gémissant sous son poids, ses pieds griffus s’appuyant sur la façade de la maison.

  • Mais où tu vas ? , demanda Yuna en s’approchant de la fenêtre.
  • Je retourne dans mon monde.
  • C’est à cause de moi ? Mais j’était sincère quand j’ai dis que t’allais pas mourir !
  • Tu te trompe, Yuna, répondit le monstre en secouant la tête, … Je suis déjà mort.

  La stupeur agrandit les yeux de l’enfant, et Sian en profita. Il disparut sans laisser de traces, comme aspiré par la nuit, laissant Yuna seule à la fenêtre.

  Un vrai fantôme.

  • Il… Il est… déjà…

  Elle redevint muette, fixant la neige épaisse recouvrant le sol du jardin, créant parfois des amas irréguliers avec la poudreuse que leurs acrobaties avaient détaché du toit et figeant le monde dans le froid et la glace.

  Puis elle poussa un profond soupir.

-  … Joyeux Noël, Sian…, murmura-t-elle au silence.

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