Quand souffle le vent d\'automne...

Chapitre 2 : Pensées

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 03:08

 

  Yuna sauta sur son lit en s’enroulant dans sa couverture préférée. Elle enfouit son petit nez mutin dans les replis doux du tissu et huma son odeur aujourd’hui si familière : Une mélange du parfum de la lessive que sa mère utilisait, en plus de son parfum à elle et d’une fugitive teinte olfactive de cannelle et d’orange. Doux méli mélo qui la faisait rêver.

  Ce doudou était son plus cher trésor. Premier cadeau de ses parents dont elle se souvienne, elle ne l’avait jamais quitté. Dans ses plis et le velours de sa texture, elle avait caché ses malheurs et confié sa peine pour l’oublier lorsqu’elle s’endormait, le soir.

  Il faut dire qu’elle n’était pas très heureuse, à l’école. De par ses yeux trop clairs et ses cheveux qui semblaient avoir volé les rayons du soleil en été, elle était tout de suite étiquetée comme bizarre par ses camarades de classe. Rien, ou presque, ne lui avait été épargné : coups de ciseaux, colle, scotch, peinture, sauce, yaourt… Elle avait demandé un temps à sa mère si elle pouvait les couper, mais cette dernière lui avait souri et l’avait si bien coiffée que la fillette avait rapidement oublié sa demande qu’elle aurait sûrement regrettée plus tard.

  Mais malgré les brimades dont elle était victime, ses cheveux, qui bouclaient sur ses petites épaules en scintillant d’une couleur d’or pur et de teintes bronzes, gardaient leur beauté et leur coté étincelant, au grand dam des fillettes dans la classe de Yuna.

  La fillette, elle, se renfermait sur elle-même au fur et à mesure que le temps passait. C’était triste, mais c’était ainsi. On avait le visage, les cheveux, les yeux qu’on avait… Mais cela la faisait souffrir et elle ne savait pas comment résoudre le problème.

  Après tout, ce dont elle avait vraiment besoin, c’est d’un ami. Quelqu’un qui la comprenne, à qui elle puisse tout dire, sans retenue, sachant qu’il serait toujours là lorsqu’elle aurait besoin de lui et vice versa…

  Etait-ce si utopique que ça ?

  Yuna ressortit son visage de la couverture et leva les yeux vers la fenêtre qui offrait un paysage plongé dans le noir d’une nuit mouillée par les nuages bas déversant la fureur du ciel sur Karakura.

 Mais pour la première fois, elle ne se sentait plus aussi seule.

 Pour la première fois, elle pensait à quelqu’un d’autre qu’elle et ses problèmes.

  Cet étrange monsieur au masque.

  Yuna savait qu’elle aurait du avoir peur de cet être, qu’elle n’avait encore jamais vu mais ne ressentait nulle frayeur.

  Juste de la curiosité, et des élans jusqu’alors insoupçonnés de gentillesse à l’égard de cet inconnu. Mais elle sentait, en même temps, le danger qui émanait de lui…

  Tant pis ! Pour une fois qu’elle rencontrait quelqu’un d’autre qui était différent…

  Si elle savait à quel point !

  • Yuna ?

  Sa mère, Hotaru, entra dans la chambre d’enfant de son unique fille. Yuna sauta sur ses pieds et courut se réfugier dans ses bras.

  • Tu devrais être au lit…, soupira Hotaru.
  • Mais je suis pas fatiguée, Maman ! , geignit la fillette en levant les yeux vers son visage et en glissant ses doigts dans les boucles de sa mère dont elle avait hérité, La nuit est mieux que le jour !
  • Peut être, mais la nuit est faite pour dormir ! , rouspéta Hotaru, Alors, sous la couette, mademoiselle, et fissa !

   En riant, Yuna fila sous les couvertures, suivi par le sourire attendri de sa mère.

  • Mais, maman…, souffla la fillette, à l’école, ils sont tellement méchants que quelqu’un a mit de la crème chantilly dans mes cheveux !
  • Mais… Pourquoi tu ne l’as pas dis plus tôt ? , demanda Hotaru en la bordant.
  • Je… Je n’avais pas envie que Mme Mei se moque de moi… Quand tu as commencé à lui parler, je suis allée plus loin pour qu’elle ne me voit pas…

  Mme Mei était une femme détestable, qui prenait un certain plaisir à se moquer des défauts de tous ceux qu’elle croisait. Par politesse et parce que c’était une « amie » de la famille, Hotaru lui avait dit bonjour lorsqu’elles l’avaient croisée dans la rue.

  • Et c’est là que je l’ai vu !
  • Vu quoi ?
  • Pas quoi ! Qui ! Le Monsieur.

  Hotaru regarda sa fille en fronçant les sourcils, soudain alertée.

  • Quel Monsieur ?
  • Bin, le Monsieur au masque ! Il en avait un, même si Halloween, c’est dans deux semaines… Il était tout blanc, et blessé. Et il avait un trou, là, ajouta-t-elle en pointant du doigt un endroit au niveau du cœur.

  Hotaru poussa un léger soupir de soulagement. L’imagination de sa fille était foisonnante ! Mais où allait-elle chercher tout ça ?

  • Eh bien, mon ange ! Ton Monsieur a l’air intéressant, dis moi ! Comment s’appelle-t-il ?
  • Je ne sais pas. Il ne me l’a pas dit. Il parlait pas…
  • Bon… Et bien, bonne nuit, mon rayon de lune…

  Elle l’embrassa sur le front, écartant les mèches bouclées et indisciplinées couleur or, puis se leva et quitta la pièce après avoir éteint la lumière et allumé la veilleuse.

  Cette veilleuse en question ne servait d’ailleurs pas à grand-chose, petite étincelle vaillante perdue dans les méandres ténébreux des ombres de la chambre, car Yuna n’avait pas peur du noir. Elle aimait juste cette impression de chaleur que la lumière offrait tandis qu’elle repoussait inlassablement les doigts de la nuit qui espéraient l’engloutir dans leur étreinte aveugle.

  La fillette tourna son regard vers la fenêtre, fixant le paysage nocturne brouillé par la pluie. La dernière chose à laquelle elle pensa lui parut bizarre, mais ne l’étonna pas forcément.

  Elle se demanda si l’étrange Monsieur allait mieux…

 

oOoOoOoOoOoOo

 

  Le Vasto Lorde releva la tête et lâcha un grognement sourd de bête féroce. Qui osait le dérange pendant son repos ?

  Il fixa l’entrée de la grotte de son regard bleu nuit, jusqu’à apercevoir l’intrus imprudent.

  C’était un simple Hollow, tellement minuscule que le Menos n’avait même pas envie de le tuer. Son âme pervertie ne lui aurait servi à rien et ne l’aurait certainement pas rassasié.

  • Qu’est ce que tu fiches ici, avorton ? , gronda-t-il.

  Le Hollow, en voyant l’occupant de la grotte, se hérissa de peur. Il ressemblait à un hideux croisement entre un petit singe et un crocodile albinos.

  • Je… Je… Je ne voulais pas vous déranger, seigneur Menos ! , bafouilla en s’emmêlant les pattes, préférant faire profil bas devant un Hollow de ce gabarit.
  • Alors file, avant que je ne t’arrache ce qui te sers de boyaux et ne te le fasse bouffer !

  Le Hollow faiblard ne se le fit pas dire deux fois. Sans demander son reste, trop heureux de rester en vie pour comprendre le pourquoi du comment, il fila ventre à terre à l’extérieur en poussant un glapissement suraigu. Il ne fait pas bon rester dans les parages d’un Vasto Lorde de mauvaise humeur…

  De nouveau seul, ce dernier rebaissa les yeux vers le sol en pierre inégale de son refuge temporaire comme s’il méditait. Rares, très rares étaient ceux que les Hollows de sa trempe laissaient repartir vivants sans une égratignure et l’histoire risquait fortement d’être mal interprétée. Or, comme il n’était pas totalement remit, il préférait ne pas prendre de risques. Redoutable et quasiment invincible en pleine possession de ses moyens, il savait qu’il aurait plus de mal si des Adjuchas l’attaquaient en nombre alors qu’il était en pleine convalescence. Pas qu’il ne s’en sortirait pas, mais ça le faisait particulièrement chier de se foutre sur la gueule avec de misérables aspirants à la puissance qu’il aurait tôt fait de mettre en pièces s’ils faisaient mine de s’approcher un peu trop de lui…

  Il allait devoir partir.

  Voilà à quoi se résumait sa vie. Se battre, trouver des âmes à manger, se battre, une cachette sure, se battre à nouveau, partir, se sentir rongé par la faim, se battre, partir toujours plus loin, tuer les plus faibles…

  Survivre.

  Le Hueco Mundo était le maître lieu de cette loi barbare reposant sur le plus fort dévorant le faible sans pitié. Etant un Vasto Lorde, il faisait partie de ces plus forts, mais devait aussi subir le risque de plus d’attaques en groupe de la part de Hollows qui convoitaient sa puissance…

  Et qui, pour la grande majorité, finissaient en morceaux.

  Bien petits, les morceaux.

  Et sanglants.

  Sa griffe passa alors sur un bout de tissu blanc accroché à son poignet.

  La petite fille…

  La fillette de la ruelle lui revint en mémoire, chassant la brume qui lui embrouillait l’esprit. Mais son visage restait flou… Des boucles dorées, un sourire rieur, des yeux de nuages… C’était tout ce qui lui revenait à l’esprit… A chaque fois qu’il y pensait, néanmoins, il se sentait…

  Affamé ?

  C’est ce qu’il commençait à penser. Chaque fois qu’il ressentait le contact du mouchoir immaculé sur son armure d’os, un coup invisible lui effleurait l’estomac, comme pour lui rappeler qu’ils n’étaient pas du même monde.

  Le Vasto Lorde releva à nouveau la tête, sa faim reprenant le dessus sur ses souvenirs flous. Il se redressa de toute la souplesse de son corps de prédateur et sortit de sa cachette. Sa blessure n’avait besoin que d’un petit coup de pouce de la part d’une âme plus forte que celle du gringalet qui avait osé poser un pied dans sa grotte tout à l’heure pour guérir, ne laissant qu’une cicatrice sur sa peau blanche.

  Il sonda la plaine désertique baignée par l’éternel clair de lune, à la recherche d’une quelconque proie à se mettre sous la dent.

  Il plissa soudain les yeux en ressentant l’énergie d’un malheureux qui avait fait la mauvaise décision de s’introduire sur le territoire des Vasto Lordes, maîtres Hollows du Hueco Mundo.

  Le monstre se ramassa sur lui-même et bondit à plus de 20 mètres de haut avant d’atterrir sur le dos de l’Adjuchas malchanceux en plantant ses redoutables griffes dans son armure aussi facilement qu’il l’aurait fait dans le sable. Le Hollow agressé rua pour se débarrasser de son assaillant, en vain.

  • Mauvaise pioche, gronda le chasseur à l’oreille de sa proie.

  Puis, d’un geste sec, il lui arracha la tête. Le sang noir éclaboussa le sable blanc qui devint argenté sous la lune.

  Argenté…

  Les yeux !

  L’enfant !

  Le Vasto Lorde recula alors, décontenancé. Pourquoi sentait-il quelque chose qu’il avait oublié depuis si longtemps ?

  Qu’est ce que c’était ?

  Puis il trouva.

  Le Remord.

  • Je dois me nourrir, fit-il à voix haute, comme pour justifier son acte, Tu n’as pas à me juger !

  Puis comme cela suffisait, il se plongea dans son repas, à nouveau couvert de sang, mais qui, cette fois ci, n’était pas le sien et lâcha un hurlement à la fois de triomphe et un peu de regret, sous l’œil calme de la lune.

Laisser un commentaire ?