BATMAN : Les ailes coupées

Chapitre 6 : Le cauchemar d'un enfant

2179 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/03/2014 18:49

CHAPITRE 6

 

Présumer ainsi de ses forces… quel idiot… maugréa le clown en se frottant son nez encore douloureux.

 

Le criminel jeta un œil à la chauve-souris endormie depuis bien deux heures, remerciant l'analgésique pour son efficacité.

 

Il s'attendait à quoi d'autre... franchement...

 

Assis à la grande table du séjour, avec pour unique éclairage une petite lumière de bureau, Le Joker se remit à la préparation de son gaz hilarant. C'était un de ces moments où il aimait se retrouver dans la tranquillité afin de se concentrer sur l'élaboration complexe de la substance. Avec un visage concentré, il plongea sa pipette dans les différents flacons aux teintes pourpres, extrayant des doses précises pour ensuite les mélanger dans un récipient unique. Avec l'ajout de quelques ingrédients supplémentaires, La mixture violette troqua peu à peu sa couleur contre un vert prononcé.

 

Le clown terminait juste le remplissage de sa fleur avec la toxine infernale, lorsqu'il perçut un gémissement faible, suivi d'un grincement du canapé. Immédiatement, les yeux du bouffon se tournèrent vers le coin, s'attendant à voir Batman se réveiller. Il le considéra un moment, guettant le moindre mouvement de sa part, puis se détendit.

 

Fausse alerte… Il était juste en train de rêver.

 

« Je me demande ce que ton cerveau de chiroptère te fait imaginer… » Soupira le clown en étirant son sourire jusqu'aux oreilles « Peut-être moi, gambadant à travers un champ de cadavres, et toi me coursant comme un fou »

 

Comme pour répondre au Joker, Batman gémit une nouvelle fois, provoquant un petit rire étouffé du criminel. « Dans le mille ! »

 

L'homme aux lèvres rubis retourna à son travail, transvasant maintenant le poison dans d'autres objets, comme des grenades ou encore des sprays. Tout au long de son affaire, il supporta en bruit de fond, les couinements pénibles des ressorts, indiquant une agitation répétée du chevalier noir.

 

Que ça pouvait l'insupporter…

 

« Merde Batman, mais qu'est ce que tu as ? » gronda le Joker dans un froncement de sourcils. « Je ne crois pas me souvenir t'avoir balancé du poil à gratter ».

 

Avec un soupir ridiculement exagéré, le clown se leva de son fauteuil et se dirigea vers le blessé. Il constata alors le visage crispé du justicier. Il haletait comme s'il avait mal, si bien que le Joker, inquiet, souleva la couverture pour vérifier ses blessures.

 

Elles ne s'étaient pourtant pas rouvertes.

 

Après quelques minutes de débat sur l'opportunité ou non de réveiller l'homme, le criminel se résout finalement à le laisser à son sommeil tumultueux. Il s'apprêtait à retourner à sa place quand il vit les lèvres de son Némésis remuer.

 

« Maman... Papa ... Non ... » marmonna t'il soudain d'une voix chevrotante.

 

Les sourcils du Joker en grimpèrent de surprise, ce désespoir présent dans la voix du justicier était inédit.

 

Et très déconcertant…

 

Batman continua à grommeler dans son sommeil, se tournant et se retournant à présent dans des spasmes violents. Le Prince du Crime en était certain, l'homme endormi devant lui revivait la nuit de la mort de ses parents.

 

« Brucie aurait-il donc des chauves-souris au plafond ? » dit le Joker en s'accroupissant aux côtés du blessé « Tu sais mon grand, tu as vraiment besoin de rire ou alors d'un bon thérapeute… »

 

Le Joker sentit soudain son poignet se faire saisir par la main ferme de l'homme. Le criminel pensa alors que le justicier s'était réveillé et baissa les yeux pour rencontrer les siens.

 

Seulement, ils étaient toujours fermés.

 

« Batou, je sais que tu ne peux pas garder tes mains longtemps loin de moi, mais là ça devient ridicule… » Dit le Joker en mêlant son rire à un râle d'effort alors qu'il essayait de forcer les doigts de son acolyte à le relâcher.

 

« Quelqu'un… aidez-moi… » S'étrangla Bruce en accentuant la pression sur le poignet du clown.

 

Le Joker s'immobilisa, laissant apparaitre sur son visage blanc une grande confusion. Jamais de sa vie il n'avait entendu Batman mendier de l'aide.

 

Mais là, à cet instant, il n'était pas le protecteur de Gotham, ni ce playboy Milliardaire…

 

Il s'agissait juste d'un enfant sans défense qui venait de voir ses parents assassinés sous ses yeux.

 

Le bouffon se fendit d'un sourire étrange tout en posant sa main sur le torse de la chauve-souris. Il était temps de s'amuser un peu.

 

«C'est bon Bruce ... » murmura t'il doucement en tentant de le rassurer « Tu n'es pas tout seul… »

 

L'homme gémit à nouveau, sa tête allant d'un côté à l'autre dans ce qui semblait être une tentative effrénée de fuite. Encore une fois le Joker parla, essayant de rendre sa voix la plus normale possible.

 

« N'aie pas peur... Ce n'est pas réel ».

 

L'emprise de l'homme masqué se réduisit, mais ne libéra pas le criminel pour autant. Ce dernier continuait à répéter inlassablement les mêmes phrases encore et encore, tentant d'amadouer la chauve-souris pour lui faire comprendre qu'il était dans un rêve.

 

« Tu es en sécurité Bruce… »

 

Comme hypnotisé par la voix, le justicier retrouva une respiration plus régulière et commença même à se calmer.

 

Est-ce que ça avait vraiment marché ?

 

Le Joker se pinça les lèvres, incapable de réprimer plus longtemps le fou rire qui guettait.

 

C'était vraiment trop drôle.

 

«HA HA HEE HA HO HO ! » s'esclaffa t'il de toutes ses forces en frappant frénétiquement l'accoudoir du divan.

 

Alerté par le vacarme du clown, le justicier s'éveilla brusquement en inspirant une grande bouffée d'air. Les yeux exorbités par la panique et le cœur battant à tout rompre, il exhala une terreur farouche. Encore perdu, il se redressa et analysa son environnement par des mouvements rapides de la tête.

 

Il était de retour dans cet infernal appartement.

 

Batman haletant, essaya de chasser les réminiscences du cauchemar poignant qu'il venait de faire. Mais malgré celui-ci, il se sentait enveloppé par une sensation étrange, la fin de son rêve avait brusquement changé.

 

Pourquoi s'était-il senti si serein ?

 

Le justicier toisa le Joker dans son fou rire hystérique. Il se tenait les côtes tout en gesticulant ses jambes comme un débile.

 

« Quoi ? » Grogna le chevalier noir, agacé par le raffut du clown.

 

« Tu... tu… WHOAH AHAHA !" le criminel ne put terminer sa phrase, repartant de plus belle. Il se contenta donc de pointer du doigt la main tenant son poignet.

 

Immédiatement, Batman le libéra, un sifflement de dégoût s'échappant de sa gorge.

 

« Tu couinais comme un gosse, tu n'arrêtais pas d'appeler à l'aide » expliqua le Joker en s'essuyant les yeux trempés « Ah ah ah... c'était pathétique ! »

 

Bruce sentit son cœur rater un battement. Imaginer un instant que le Joker ait pu assister à son cauchemar lui envoya un frisson tout le long de l'échine.

Il avait beau essayé d'enfouir ses souvenirs au plus profond de lui-même, ils retrouvaient toujours le chemin du retour lorsqu'il rêvait. C'était un fait, Il était impuissant à y échapper. Son traumatisme faisait partie intégrante de sa personnalité, au même titre que ce masque.

Mais jusqu'à présent, seul Alfred avait été témoin de ces terreurs nocturnes. Il ne comptait plus les fois où le fidèle majordome l'avait tiré de son sommeil pour lui faire stopper sa torture mentale.

 

« Je voulais juste t'aider Batou… comme le ferait un ami »

 

« Nous ne sommes pas amis » gronda Batman en claquant son poing sur le canapé « Je n'ai pas besoin de ton aide ! »

 

« Vraiment ? J'ai pourtant eu l'impression que tu l'appréciais il y a un instant… »

 

Batman ouvrit la bouche pour protester, mais s'arrêta brusquement, sentant la bile remonter le long de sa trachée lorsqu'il se remémora son rêve.

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Deux coups de feu tonnant dans la nuit…

Ses parents allongés dans cette immense flaque rouge.

Il était seul... vraiment seul, tétanisé par la peur.

La vision du meurtrier qui pointait son arme sur lui.

Il savait ce qui allait arriver, c'était la fin. Le doigt de l'homme s'apprêtait à appuyer sur la détente et une dernière fois, l'enfant apeuré qu'il était ferma ses paupières en attendant la mort.

« C'est bon Bruce... tu n'es pas tout seul » avait soudain chuchotée une voix inconnue.

Il ouvrit alors les yeux et découvrit l'agresseur gelé dans sa position de menace. Puis le temps repartit en marche arrière, comme si quelqu'un avait frappé un bouton de réinitialisation.

Ses parents étaient à nouveau en vie, à ses côtés. Le malfrat sortait juste de la pénombre pour exiger l'argent, son père s'avançant pour s'interposer et protéger sa famille.

Non ça n'allait pas recommencer…

Avec ses petites mains sur son visage mouillé de larmes, l'enfant implora de l'aide...

« N'aie pas peur, ce n'est pas réel » entendit-il à nouveau.

Et une fois de plus, il ouvrit les yeux…

La balle, ses parents, le braqueur… cette fois, tout était figé.

« Tu es en sécurité Bruce… »

Au milieu de cette scène surréaliste, apparut une ombre fantomatique, elle avait la silhouette d'un homme mais était dépourvue de visage.

Etrangement en la voyant arriver vers lui, il n'eut aucune crainte... bien au contraire il voulait la rejoindre...

Il n'était plus seul...

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Alors c'était vrai… En quelque sorte, le Joker l'avait aidé. Mais pourquoi son prénom avait-il été prononcé ? Non… Ce n'était pas possible, son subconscient lui jouait des tours, il l'avait imaginé…

Pourtant le doute lui glaça le sang et le fit pâlir d'effroi. Il fixa son Némésis qui venait juste de soupirer de bonheur, son regard émeraude toujours aussi moqueur.

« Ah les cauchemars… encore un point que nous avons en commun » gloussa le criminel « sauf que moi, ils me font hurler de rire ! » Il se mit à danser un ballet absurde, repartant dans une nouvelle démonstration de joie.

Mais Bruce ne l'entendait plus, assailli par cette certitude...

Le Joker savait.

 

A suivre.

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