BATMAN : Les ailes coupées

CHAPITRE 1

Un autre éclair zébra le ciel, illuminant les hauts gratte-ciel aux corniches ornées de moulures et de gargouilles menaçantes. Le style architectural des inquiètantes constructions offrait une certaine majesté à Gotham. Froide, mystérieuse, Corrompue… voilà comment on pouvait définir cette ville maudite gangrénée depuis des décennies par la folie et les crimes.

Les monstres qui contribuaient à ce mythe étaient nombreux et l'un d'eux, dissimulé sous un long manteau violet déambulait seul dans Les larges rues orthogonales qui bordaient les imposants immeubles. D'une silhouette mince, l'homme aux cheveux et yeux verts, possédait une peau blanche comme de la craie. Une large bouche rouge sang, figée en un sourire sinistre, parachevait son allure que les habitants de Gotham qualifiaient de clownesque.

Affublé de différents sobriquets, comme « l'arlequin de haine » « Le prince du crime » ou encore « l'agent du chaos », le redouté criminel préférait répondre au nom du JOKER.

« Une soirée comme je les aime avec des choses simples : Un grand sourire… un entrainement à la batte… Sans oublier l'essence ! »

Le ricanement étouffé du criminel accompagna cette pensée alors qu'il se remémorait sa petite visite chez ce cher Alan Brandon, petit gangster sans envergure, assez débile pour croire qu'il fuirait son patron psychopathe. Il avait commis l'erreur de livrer au GCPD quelques détails intéressants sur ses affaires contre une remise de peine. Le JOKER détestait les balances et quelle meilleure manière de le faire comprendre qu'en allant lui-même redonner un éternel grand sourire aux traitres avant de les réduire en poussière…

Le clown qui s'était éloigné de plusieurs pâtés de maisons, sa batte sur son épaule, s'arrêta un instant pour contempler l'incendie qui grandissait rapidement, laissant apparaitre une immense colonne de fumée par delà les bâtiments.

« Ca aurait du l'attirer depuis longtemps… ce n'est pas son genre d'être en retard… Mais où es tu mon petit Batounet ? Où es tu… ? » Maugréa le Joker en transformant son rictus en une grimace amère. Il balaya du regard le ciel espérant voir surgir celui qui rendrait sa soirée parfaite. Mais personne ne vint à son grand désespoir.

Ce qu'il pouvait détester d'être ignoré de la sorte.

Soudain, le calme des rues de Gotham fut brisé par les sirènes hurlantes des autorités alertées par l'agitation du Diamond district. Très calmement, le Joker bifurqua dans la première ruelle pour se dissimuler des patrouilles. Il attendit que le concert de sons et lumières s'amenuise pour reprendre sa route. Mais alors que Le clown s'apprêtait à sortir, il entendit derrière lui un gémissement presque inaudible. Se retournant sur l'impasse baignée de noir, il crut distinguer une silhouette en difficulté. Elle semblait vouloir s'extirper des détritus mais avait beaucoup de mal à se mouvoir.

Le criminel s'approcha lentement de l'individu, tournoyant d'un air nonchalant sa batte ensanglantée. Il remarqua alors que cette cape noire ne lui était pas inconnue ni ce masque en forme de chauve-souris.

- « Batou ! C'est toi ? » S'exclama le clown en plaquant sa main sur sa joue d'une théâtralité exagérée.

Cette voix… pas lui… pas maintenant… Le justicier releva son visage empreint de douleur vers son grand ennemi.

- « Joker… »

L'homme aux lèvres rubis s'accroupit face à son adversaire, offrant le spectacle de ses dents jaunies.

- « Ce n'est pas la grande forme on dirait » dit-il en analysant rapidement l'état du chevalier noir « Ne me dis pas que c'est l'oeuvre de cette minette de gouttière. Pense à offrir de l'herbe à chat lors de votre prochain rendez-vous Bat-Don juan… la demoiselle sera plus aimable. »

- « Tais-toi ! » Siffla Batman les dents serrées.

Pour unique réponse, le Joker offrit une mimique moqueuse avant de poursuivre le diagnostic du grand blessé. Les bras et jambes de la chauve-souris étaient terriblement tailladés. Batman avait également accusé un coup critique sur son flan gauche, juste au dessous des côtes. Le plus grave à en juger l'importante hémorragie. En effet, l'homme s'était vu transpercé par ce qui semblait être une longue arme blanche. L'armure renforcée n'avait que très peu limitée le lynchage.

Il observa avec amusement le chevalier noir sortir difficilement de sa ceinture une sorte de localisateur.

- « Non, non, non... Donne moi ça ! Tes petits oisillons n'ont pas besoin de savoir où tu es, je te veux à moi tout seul » le clown renversa le blessé sur le dos en le poussant doucement avec la batte pour ensuite lui arracher l'appareil des mains.

Le justicier regarda avec résignation la chaussure du clown s'acharner sur le gadget.  Il n'en pouvait plus, il avait fourni son dernier effort, Trop fatigué pour se déplacer, trop fatigué pour tenir tête. Son corps brisé voulait céder à la nécessité du repos.

Oui, S'endormir sous cette pluie battante…

- « Allez Batsy ! Ne me fais pas la mauvaise blague de mourir ici… »

Le Joker laissa apparaître pour la première fois un visage grave, quelque peu inquiet pour son vieil adversaire qui déclinait rapidement. Il était hors de question que son Némésis rende l'âme ! Pas par la main de quelqu'un d'autre, ce privilège lui revenait. Ca prendra le temps qu'il faudra mais Il se promit de traquer le coupable…

- « Bon, Je sens que ça ne va pas être une partie de plaisir de te trainer mon grand… tu es quand même un sacré morceau… »

- « Ne…. Me touche pas… »

- « Promis ! J'ai les mains propres… ou presque… » S'exclaffa le clown en saisissant le justicier malgré ses réticences « Maintenant sois un gentil garçon et laisse toi faire ! »

Le Joker attrapa le bras droit de Batman pour le passer par-dessus son épaule, l'homme masqué incapable de protester physiquement laissa échapper un gémissement sourd  « Tu es prêt ? À trois… » il sentit l'étreinte assurée du clown autour de sa taille. « … TROIS ! »

le justicier déchu se retrouva subitement hissé. Cette fois, il ne put retenir son râle de souffrance.

- « Bon sang ! Mais qu'est ce que tu as mangé Bat ? » Se moqua un Joker crispé sous l'effort.

A présent à la verticale, Le chevalier noir sentit néanmoins que ses jambes pouvaient flancher d'un moment à l'autre. Il devait malheureusement admettre que sans son acolyte comme soutien, il n'aurait pas tenu.

- « Un pied devant l'autre Batou… voilà doucement » rit le Joker d'une voix presque tendre.

Il avait vraiment du mal à maintenir son imposant compagnon qui s'affaissait toujours plus sur son épaule chétive. Une fois sorti de la ruelle, le clown balaya du regard les environs. Sa voiture était garée trop loin… il ne tiendra jamais à pied, il lui fallait un autre véhicule.

Le Joker traina son poids mort vers la première berline qu'il croisa. Arrivé coté passager, il se soulagea du corps en l'appuyant contre la carrosserie. « Un instant, je cherche ma clé… ne flanche pas hein… » Ricana le psychopathe en extrayant un petit revolver de sa poche. Avec la crosse il brisa la vitre. La serrure débloquée, il déposa sans cérémonie l'homme blessé sur le siège, prenant soin de plier ses jambes et de rassembler l'imposante cape. « Oups ! tu veux bien m'attendre là mon grand, j'ai oublié quelque chose… »

Depuis sa place, Batman suivit son ennemi de son regard las. Sous une pluie qui redoublait d'intensité, le clown trottina d'un air joyeux en direction de la ruelle, puis revint avec la batte de baseball. Une fois de retour dans le véhicule, il soupira d'aise en passant sa main droite dans ses cheveux trempés afin de les peigner grossièrement en arrière.

- "Cadeau d'Harley… n'est ce pas une merveille ?"

Le chevalier noir laissa glisser ses yeux bleus sur la grande matraque tachée de sang puis s'adressa au clown avec une expression pleine d'accusation :

- « Qu'as… tu… fait… »

- « Voyons Batounet… tu l'aurais su si tu ne t'étais pas amusé avec quelqu'un d'autre ce soir… » Le Joker se pencha sous le volant « dis, juste comme ça... tu n'aurais pas un bat-démarreur pour voiture volée dans ton attirail ou un truc du genre ? ça m'aiderait ! »

Pour seule réponse, un long regard désabusé du justicier.

- « Bon tant pis, je vais faire ça à l'ancienne… » Le Joker frappa violement du pied le boitier en plastique permettant l'accès aux fils. Dans le large panel de couleur qui s'offrait à lui, il choisit le rouge et le vert.

Avec un grand sourire narquois,  le clown fouilla la ceinture de son comparse avant d'en ressortir un batarang tranchant.

- « Tu es un vrai couteau suisse ma parole ! »

Le criminel s'en servit pour dénuder soigneusement les connecteurs. Après son affaire, il les entrechoqua à plusieurs reprises, provoquant ainsi de petites étincelles dans l'habitacle. Il ne lui fallut que quatre essais pour enfin entendre le vrombissement du moteur.

- « Prêt pour la ballade ? » Le clown se pencha au dessus d'un Batman paralysé par la fatigue, pour attraper la ceinture de sécurité et l'attacher.

- « P… Pourquoi ? » Murmura le justicier alors que ses paupières se faisaient de plus en plus lourdes.

- « Bat… tu ne le vois vraiment pas ? ca me blesse… » Répondit le prince du crime en offrant une moue faussement contrariée à l'homme masqué « Disons, que je n'aime pas partager mon compagnon de jeu préféré avec d'autres... mon coté possessif sans doute. »

A l'entente de ces propos, Batman ne put dissimuler sa confusion. Décidement, le Joker était vraiment difficile à suivre.

- « Tu sais, je n'en ai pas fini avec toi. Pour que tu puisses voir l'enfer que je te réserve, je dois te sauver la vie. »

Un rire strident éclata et Batman se maudit intérieurement de ne pas pouvoir lui coller son poing sur la figure pour le faire taire. Le son resonnait dans sa tête comme une cacophonie infernale.

- « Ah oui j'oubliais… je veux aussi t'apprendre à sourire Batsy… je te l'ai souvent dit : tu es bien trop sérieux et ça me gonfle ! » Le joyeux psychopathe appuya sur la pédale d'accélération, filant à toute allure dans les rues de Gotham « Alors le programme te plait-il ? »

En retour, le silence…

- « Batsy ? Tu m'as entendu ? »

Alors qu'aucune réponse ne faisait écho, Le Joker se tourna vers son passager aux paupières closes. La chauve souris s'était finalement évanouie d'épuisement.

- « Bonne nuit mon cher ami… »

A SUIVRE.