Assassin's Creed Cilicia

Chapitre 0 : Avant-propos

1790 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/07/2017 21:01

   Par Shaun Hastings,

Directeur adjoint à la section historique de la confrérie des Assassins

 


Compte tenu du secret auquel nous sommes astreints, si vous tenez entre vos mains ces pages, vous êtes soit un soit un Templier soit un Assassin. Il est très peu probable qu’il en soit autrement. Et si le cas est, car une indiscrétion est toujours possible, il serait plus insoupçonnable encore que vous fûtes un juriste en droit romain, ou un enseignant disposant d’un doctorat en histoire antique.

Si tel est le cas, alors vous bondirez très probablement à la lecture des toutes premières lignes de ces « mémoires », et hurlerez à la contrefaçon. Vous vous arracherez les cheveux en arguant qu’il ne s’agit nullement d’un document daté du premier siècle av.j.C, mais bien d’un roman à deux sous comme on en trouve tant dans toutes les librairies – et que, personnellement, je déteste.

Eh bien, vous n’aurez pas tout à fait tort. Non pas sur le fond, car l’Histoire secrète de notre confrérie respecte ici sa Grande Sœur, celle d’Appien et de Plutarque. Mais sur la forme. La manière dont est narré l’histoire se rapporte, il faut bien le reconnaître, davantage à l’âge de raison du roman qu’à l’épopée homérique.

           Ce n’est pas un hasard ; les soixante-dix volumen sur lesquels les Assassins Scia et Tiberius ont couché, en grec, le récit de leur fantastique aventure, n’ont, pour la plupart, pas résisté au passage du temps. Conservés à Ctésiphon (actuelle Baghdâd) jusqu’en 117 ap.J.C. ils ont été accaparés par l’empereur Trajan lors de la prise de la ville. Trajan, dont nous dénonçons quelque peu le titre de « meilleur des empereurs » que lui avait octroyé le Sénat, souhaitait en savoir assez sur les Assassins pour les détruire… Avant de faire disparaître les papyrus.

Mais notre confrérie s’est débarrassée de l’optimus princeps avant qu’il ne puisse mettre ses sombres desseins à exécution. L’historien Florus, l’un de nos frères alors en poste en Italie, a récupéré l’ensemble de l’œuvre et s’en est inspiré pour bâtir la sienne ; non sans avoir préalablement traduit la première partie en latin, et ce renseignement est d’importance.

Car Scia était une femme, et une Thrace. Autrement dit, restée analphabète jusqu’à ses seize ans, on peut difficilement qualifier son verbiage d’agréable, et c’est là un euphémisme. Les quelques feuillets qui nous restent de l’œuvre originale affichent une moyenne de quatre fautes par phrases, une syntaxe massacrée, et un vocabulaire qui n’a de riche que les expressions les plus triviales. Le texte s’améliore vers la fin, lorsque Tiberius vient au secours littéraire de son enseignante, mais autrement, je comprends aisément que Florus l’ait retravaillé, pour le rendre plus compréhensible, et surtout, plus lisible. Il eut par ailleurs pour ainsi dire une heureuse idée, car Hadrien et Commode s’avérèrent beaucoup moins laxistes que Trajan sur la question de l’écrit, et parvinrent à faire disparaître les trois quarts du texte en grec. Quant à la version latine, largement retravaillée, elle s’évanouit elle aussi dans la nature à la mort de Florus.

           Là-dessus, intervient Louis Bassompierre, maître Assassin et pompeusement intronisé « chancelier » du bureau de Paris par Thomas de Carneillon en 1300. Il exhume les documents du célèbre historien romain dans la résidence du pape à Anagni, qu’il ramène à Paris en 1302. Et, en bon légiste du quartier latin, il décide d’en faire une autorité pour toute la confrérie. Techniquement, les savants médiévaux ne touchent pas aux textes antiques, cependant, il apparaît aujourd’hui évident qu’imprégné d’histoire romaine, Louis a mis l’accent sur les dialogues des Grands hommes qui parsèment la route de Scia et de Tiberius, afin de faire ressortir leurs parti-pris. Une technique qui, du reste, était déjà employée sous l’antiquité.

           Enfin, la déformation ultime intervient de 1860 à 1863, lorsque l’ensemble des manuscrits tombent entre les mains du Templier Traiano Auditore da Firenze. Ce séide du Grand maître d’alors fut le « prophète noir » de nos ennemis, un original qui avait pour habitude de dire « je ne supporte aucune autorité, et surtout pas la mienne ». Il s’est apparemment pris d’affection pour le tempérament rebelle de nos deux Assassins antiques. Au point de reprendre l’ensemble des travaux effectués sur vingt siècles, pour étoffer les dialogues, ajouter de l’humour, chapitrer les parties, bref, pour métamorphoser les « mémoires » de Scia et de Tiberius en une fresque à laquelle n’auront rien à envier les romans de gare qui étaient les plus à la mode à l’époque. Certains évènements et dates ont même été replacés, rapprochés, afin d’assurer une lecture plaisante.

Même si Traiano s’éteignit violemment en 1884 à Moscou, son œuvre nous est restée, et par la présente édition, nous avons simplement tenté de remettre la chronologie dans un ordre correct, n’en déplaise à l’art du suspens tant cultivé par Traiano.

           Alors, certes, ce que vous vous apprêtez à lire ne constitue pas le témoignage brut, indiscutable des Assassins antiques – on le repère dans certains termes anachroniques comme « armada », « courtoisie » ou « flagornerie » - mais il n’en fait pas moins partie de notre histoire. Qui plus est, si la forme a été largement retravaillée, il apparaît que Scia, puis son apprenti après elle, a bel et bien écrit à la première personne, élément rare dans les sources directes de l’époque, et qu’ils ont cherché non seulement à faire ressortir leur vécu, mais également leur ressenti. De ce point de vue-là, les textes ne peuvent que très difficilement être remis en causes… Même si des fautes historiques peuvent fortuitement s’insinuer de temps en temps entre les lignes. Pour cela, inutile de nous écrire, adressez vos reproches à ceux qui nous ont précédé, mais sont, depuis quelques années, décédés…


Surtout, malgré ses imperfections et ses appliques littéraires, le document que nous ont légué Scia et Tiberius est de première importance : il reste la principale source de notre département pour la connaissance des Assassins du premier siècle av.J.C : or, c’est une époque charnière, comme en témoigne si involontairement Scia : une période où la confrérie, issue de l’empire perse et de l’Egypte du Haut-empire, se répand en occident, mais s’échine à se structurer, à se trouver de nouvelles valeurs, correspondant davantage aux aspirations des Grecs et des Romains. Des aspirations que ne comprennent pas les adeptes de la « vieille école » orientale. A l’époque, il n’y a encore ni crédo, ni administration poussée de la confrérie ; Cela débouche sur d’improbables alliances, de magnifiques efforts de compréhension ou de reconnaissance… Mais parfois, aussi, sur des dialogues à base de lame secrète. Abordez ces lignes en vous souvenant toujours de ceci : nos protagonistes ont vécu une période de crise, qui s’étendit à tout le monde méditerranéen. Les Assassins ont été tout autant acteurs que victimes de cette crise. Ils n’ont pas échappé à la tendance lourde du moment, qui consistait à laisser parler les armes, et c’est ce qui rend également ce témoignage si passionnant ; outre le fait qu’il nous rappelle que le devoir de tuer ne fait pas de nous des surhommes, il démontre comment, dans le monde grec où chacun se pense en fonction de sa communauté, une jeune fille désœuvrée et arrachée à son peuple cherche à se définir… La manière dont elle se construit une nouvelle communauté.

Avant de vous laisser vous plonger – c’est le cas de le dire – dans les affres du Ier siècle av J.C., nous tenons à vous fournir quelques précisions : au gré des époques et du contexte s’y rapportant, les Assassins ont toujours combattu pour un une notion clé, qui, comme l’indique l’idée même de « notion », a toujours été soumis à polémique. Depuis le XVIIème siècle, c’est la liberté, du XIème au XVème siècle, ce fut la paix, etc. Or, rien de moins pacifique que la confrérie antique, comme vous aurez pleinement l’occasion de le constater : la guerre est une composante naturelle de la vie, à cette période. Quant aux libertés, elles sont déjà présentes, mais ne concernent pour beaucoup d’Assassins qu’une petite frange de la population, à savoir, sans surprise, les citoyens. Ne soyez donc pas étonnés si les morales de grands Assassins comme Altaïr, Ezio Auditore da Firenze ou tant d’autres grands philologues et érudits de notre cause ne sont pas en accords avec ce qui sera décrit infra : le maître mot des tueurs de l’époque, c’est l’équilibre. Et un certain Perse vous expliquera pourquoi bien mieux que moi… 

Pour finir, vous ne trouverez ici que nos travaux sur l’histoire de Scia (qui s’étale de 95 à 78 av.J.C). Nous nous sommes arrêtés au moment où Tiberius reprend la plume. Nous sommes hélas trop accaparés par les problèmes contemporains pour, dans l’instant, éditer l’ensemble de l’épopée (qui s’étend de 95 à 37 av.J.C., tout de même). Mais nous travaillons d’arrache-pied pour vous fournir l’intégral le plus tôt possible.


Enfin, Si Bendida le veut !

Montréal, le 20 avril 2014

 

Post-Scriptum : Le prologue et l’épilogue ont été ajoutés par nos services, dans un style très romanesque, je dois bien l’avouer. Cependant, ils respectent le plus strictement possible les données de nos archives.


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