L'Héritage des Ombres : Le Souffle de la Résistance

Chapitre 19 : Temps sombre

5257 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 31/07/2024 12:48

Isabella était comme une ombre dans le grand salon, presque noyée dans une mer de soie, de velours et de bijoux scintillants. Sa robe, une œuvre d'art en soi, était ornée de motifs délicats qui s'entrelaçaient en une symphonie de couleurs somptueuses. Elle resplendissait, mais son visage était un masque derrière lequel elle cachait une mer d'émotions contradictoires.


Élégante, elle esquissait des sourires en coin et inclinait gracieusement la tête alors qu'elle échangeait des banalités avec les dignitaires, les courtisans et les autres invités de la famille Borgia. Chaque mot, chaque geste était soigneusement mesuré, comme s'il était régi par une chorégraphie intérieure complexe. Mais son esprit était ailleurs.


Le faste et le luxe de la fête contrastaient fortement avec l'angoisse qui l'étreignait. Elle pensait à son père, Ezio, et à sa mère, Arianna. Chaque minute loin d'eux ajoutait un poids supplémentaire sur ses épaules, comme si le destin de sa famille reposait entièrement sur cette soirée. Chaque rire, chaque éclat de musique ne faisaient qu'augmenter son angoisse quant à l'issue de la mission en cours. Étaient-ils en sécurité ? Avaient-ils réussi ?


Soudain, comme si le destin lui-même avait voulu ajouter un nouveau tourment à son âme déjà inquiète, elle capta des fragments d'une conversation à quelques pas d'elle. Des hommes, vêtus aussi somptueusement que les autres invités, mais portant dans leur regard une lueur qui trahissait leur implication dans des desseins plus sombres, échangeaient des mots en chuchotant. Le nom de Rodrigo Borgia, associé à des termes tels que "politique anti-homosexuelle" et "trône papal", piqua immédiatement son intérêt.


Comme frappée par un éclair, une vague d'inquiétude la submergea, faisant taire toutes les autres pensées qui occupaient son esprit. Frédérico. Son frère bien-aimé, son compagnon inséparable durant tant d'années, qui avait trouvé l'amour dans les bras d'Antonio. Les mots qu'elle avait entendus étaient comme des pièces d'un puzzle menaçant, un puzzle qui pouvait mettre en danger la vie de ceux qu'elle chérissait le plus.


Son cœur battait à tout rompre, et pour la première fois de la soirée, la belle et élégante Isabella se sentait vulnérable, exposée. Elle savait qu'elle devait agir, mais comment ? Le danger semblait se refermer sur elle et sa famille comme un piège sournois et inévitable. La fête autour d'elle continua, ignorant son combat intérieur, mais pour Isabella, le monde venait de se réduire à une seule question lancinante : que devait-elle faire pour sauver son frère ?


-


Cesare Borgia, avec sa présence imposante et son charisme indéniable, avait toujours eu un œil attentif sur les gens, surtout sur ceux qui comptaient pour lui. Isabella était l'une de ces rares personnes. Lorsqu'il s'approcha d'elle, sa démarche assurée trahissait à peine l'inquiétude qu'il ressentait. Ses yeux noirs se posèrent sur elle, et pour un instant, l'air semblait plus lourd, comme si la gravité elle-même était affectée par son attention.


"Vous semblez préoccupée, bella dama," dit-il doucement, son timbre de voix trahissant une nuance de sincérité rarement associée à un Borgia. Il lui prit le bras avec une délicatesse inattendue, et l'emmena loin de l'agitation du grand salon, vers un petit espace plus intime.


Isabella se laissa guider, mais son esprit était en ébullition. Son instinct lui criait de se méfier, de ne pas révéler ses craintes à Cesare. Après tout, la menace venait de sa propre famille, des machinations de son père Rodrigo. Mais d'un autre côté, il y avait cette vulnérabilité dans le regard de Cesare, cette tendresse presque imperceptible mais indéniable qui s'était manifestée à plusieurs reprises dans le passé. Pourrait-il, dans un moment de faiblesse, choisir l'amour sur la loyauté à sa famille ?


Ils arrivèrent dans un salon adjacent, décoré avec un goût exquis mais moins grandiose que la salle principale. Des tapisseries aux couleurs vives ornaient les murs, et quelques bougies créaient une atmosphère feutrée. Cesare referma la porte derrière eux, les isolant du brouhaha extérieur.


"Alors, parlez-moi," dit Cesare, son regard pénétrant plongeant dans celui d'Isabella. "Je vois dans vos yeux que quelque chose vous trouble profondément."


Isabella hésita, son cœur battant la chamade. La loyauté envers sa famille d'un côté, la vie de son frère et de son amant de l'autre. Les enjeux étaient immenses, et le temps pressait. Elle prit une profonde inspiration, consciente que les mots qui sortiraient de sa bouche pourraient changer à jamais le cours de plusieurs vies, y compris la sienne.


Le regard d'Isabella croisa celui de Cesare, et pour un instant, elle y vit une humanité, une vulnérabilité qui contrastait fortement avec l'image qu'il projetait dans le monde. C'était suffisant. Elle fit son choix. “J’ai entendu des choses sur la politique de votre père”.


Cesare la regarda intensément, son regard troublant son âme comme s'il lisait chacune de ses pensées. "Vous êtes inquiète pour la prochaine action de ma famille, n'est-ce pas?" murmura-t-il, sa voix basse imprégnée d'une gravité inhabituelle. Son visage se raidit un instant, mais les yeux qui la fixaient trahissaient une affection profonde, presque protectrice. "Pouvez-vous rester ici? Je dois m'absenter un instant. J'ai une urgence à régler."


A peine avait-il prononcé ces mots qu'Isabella comprit. Il ne pouvait pas aller directement à l'encontre de sa propre famille, de Rodrigo Borgia en particulier, mais en l'amenant ici, dans cette pièce, et en s'absentant, il lui offrait la chance de découvrir ce qu'elle cherchait. C'était sa manière silencieuse, mais puissante, de l'aider.


Il quitta le salon, laissant la porte se refermer doucement derrière lui. Isabella tourna son regard vers le bureau en acajou, l'élégance de la pièce contrastant avec la gravité de l'instant. Elle s'avança rapidement et ouvrit le tiroir central. C'est là que se trouvait un plan et une liste. Un plan pour emprisonner les hommes qui avaient une vie contraire au principe prônée par l’Eglise, et la liste contenait le nom des cibles que les Borgia comptaient capturer. Elle parcourut la liste, le cœur battant. Son regard s'arrêta sur un nom en particulier : Antonio, l'amant de Frédérico.


Les Borgia agiraient à l'aube.


Isabella plia la liste avec soin et la glissa dans son corsage. Chaque battement de son cœur semblait résonner avec l'urgence de la situation. En cet instant, elle repensa à ses parents, Arianna et Ezio, qui se battaient pour un monde plus juste. Elle savait ce qu'elle avait à faire.


Revenant dans le grand salon, son visage affichait une détermination silencieuse. La fête continuait, inconsciente du drame qui se jouait en coulisses, mais Isabella avait désormais une mission vitale à accomplir.


Elle sentit une nouvelle force l'envahir, une force puisée dans l'amour, la famille, et peut-être même dans un certain sens du destin. Cesare avait joué son rôle, subtilement, en lui offrant cette chance. Elle ne la gâcherait pas. La nuit serait sans doute longue et périlleuse, mais elle était prête à affronter tout cela pour protéger ceux qu'elle aimait.


Alors qu'Isabella traversait la salle, ses yeux rencontrèrent ceux de Cesare qui venait tout juste de réapparaître à l'entrée du salon. Leur regard partagé fut bref, mais suffisamment intense pour échanger tout ce qui devait être dit sans un mot.


Cesare se dirigea vers elle, sa démarche toujours aussi royale, mais sa voix teintée d'une gravité inhabituelle lorsqu'il se pencha pour lui murmurer à l'oreille. "Votre mère souhaite vous voir immédiatement. Il semble y avoir une urgence à la maison."


Isabella capta le sous-texte de ses mots. Elle hocha la tête discrètement, reconnaissante pour cette excuse qui lui donnait l'opportunité de partir sans éveiller les soupçons.


"Je comprends. Merci, Cesare," répondit-elle doucement, leurs yeux se rencontrant de nouveau. Il y avait une sorte de compréhension mutuelle, une trêve silencieuse dans le jeu dangereux auquel ils étaient tous deux mêlés.


"Le plaisir est pour moi," dit Cesare avec un sourire subtil, mais Isabella put y voir une certaine vulnérabilité, une fissure dans son armure habituellement impénétrable. "Faites attention à vous."


Isabella lui adressa un dernier sourire reconnaissant, puis elle se détacha de lui, ses talons claquants sur les dalles de marbre alors qu'elle quittait le salon. Aucun des invités ne sembla remarquer son départ précipité; leurs attentions étaient fixées ailleurs, perdus dans les festivités.


Elle quitta la pièce, son esprit résolu et son cœur battant d'anticipation. Elle savait ce qu'elle devait faire, et le temps pressait. Grâce à Cesare, elle avait maintenant la chance de changer le cours des événements, et elle ne la laisserait pas filer.


La nuit s'annonçait longue et dangereuse, mais pour la première fois, Isabella sentit que le vent tournait en leur faveur. Et pour cela, elle ne pouvait qu'être reconnaissante envers Cesare, même si elle savait que leur alliance était, à tout moment, aussi fragile que du verre.


-


Isabella dévalait les ruelles pavées de Rome, son manteau flottant derrière elle comme une ombre fugitive. Son esprit était en alerte, ses sens aiguisés par l'urgence de sa mission. La nuit était épaisse, mais elle connaissait ces rues comme la paume de sa main, naviguant avec aisance dans le dédale des voies et passages.


Son premier arrêt était une petite boutique d'apparence anodine, nichée dans une rue étroite. À première vue, on aurait pu penser qu'il s'agissait d'une simple échoppe vendant des herbes et des parchemins. Mais pour ceux qui savaient, cette boutique servait de façade à une opération de messagerie clandestine contrôlée par les Assassins. Elle y entra rapidement, jetant un coup d'œil derrière elle pour s'assurer qu'elle n'était pas suivie.


Le propriétaire, un homme d'âge moyen avec une barbe grisonnante, la reconnut immédiatement. Sans un mot, il lui tendit une plume et un parchemin. Isabella griffonna rapidement un message codé, le sceau avec un signe particulier que seuls les Assassins reconnaîtraient. Elle lui remit le parchemin, accompagné d'un signe de la main discret mais chargé de signification.


"Il faut que cela parvienne à Machiavelli. C'est d'une importance capitale," chuchota-t-elle.


L'homme hocha la tête solennellement. "Je m'en occuperai personnellement, Isabella."


Rassurée mais loin d'être apaisée, elle quitta la boutique aussi rapidement qu'elle y était entrée, se fondant à nouveau dans les ténèbres de la nuit romaine. La boutique, et l'homme qui y travaillait, étaient déjà loin dans son esprit. Elle avait encore du travail à faire.


Ses pas la menèrent ensuite en direction de la somptueuse demeure du comte Paris. Chaque minute comptait, et elle savait que le comte avait les moyens de diffuser rapidement l'information à ceux qui en avaient besoin. Là-bas, elle serait en mesure de mobiliser encore plus d'alliés pour prévenir du danger imminent.


Dès que le comte Paris ouvrit la porte de sa demeure, Isabella s'empressa de lui enfoncer une liste pliée dans la main. Elle ne pouvait se permettre d'attendre les formalités, ni même de faire entrer les salutations dans cette conversation cruciale.


"Paris, les Borgia vont frapper. Ces hommes," elle désigna la liste d'un geste de la tête, "sont en danger. Vous devez utiliser tous vos contacts pour les prévenir. Les Borgia passeront à l'action demain à l'aube."


Le comte, généralement une figure de sérénité et de calme, fut secoué par l'urgence dans la voix d'Isabella. Ses yeux se posèrent sur la liste, puis rencontrèrent les siens, reconnaissant la gravité de la situation. Il laissa la liste glisser de sa main à une poche intérieure de sa veste, comme pour sceller l'importance de cette mission.


"Mon Dieu, les enjeux sont plus élevés que jamais, n'est-ce pas?" dit-il, son regard fixé sur Isabella comme s'il cherchait à évaluer la profondeur de la menace.


Isabella acquiesça, son visage tendu trahissant son inquiétude. "Oui, et nous n'avons pas de temps à perdre. J'ai déjà envoyé un message à Machiavelli. Il doit se charger de monter une équipe pour les mener en sécurité hors de la ville. Mais votre réseau peut faire la différence entre la vie et la mort pour ces hommes."


Paris prit une profonde inspiration, comme pour absorber la responsabilité qui lui était soudainement confiée. "Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, Isabella. Vous avez ma parole," déclara-t-il, son ton solennel.


Isabella sentit un poids se lever de ses épaules, bien que le danger soit loin d'être écarté. "Merci, Paris. Chaque seconde compte."


Sans attendre de réponse, elle se retourna et disparut dans la nuit, le comte la regardant s'éloigner avant de refermer la porte. Il savait ce qu'il avait à faire. Le réseau de contacts du comte Paris s'étendait à travers Rome et même au-delà; si quelqu'un pouvait prévenir ces hommes à temps, c'était bien lui.


À ce moment, chacun était un maillon d'une chaîne dont l'intégrité pouvait déterminer le sort de nombreuses vies. Et dans cette nuit chargée d'enjeux et d'incertitudes, Isabella avait rempli son rôle avec une efficacité désespérée, animée par l'espoir que chaque action comptait dans la lutte contre l'obscurité qui menaçait de tout engloutir.


Isabella s'arrêta enfin devant la porte en bois vieilli d’un appartement, situé dans un coin discret près du Tibre. Le froid de la nuit avait pénétré jusqu'à ses os, mais c'était la gravité de la situation qui faisait battre son cœur de manière irrégulière. Elle rassembla son courage et frappa trois coups secs contre la porte, chaque son résonnant à travers le calme de la nuit comme un écho de l'urgence qu'elle ressentait.


Elle attendit, la main encore levée, ses yeux se déplaçant nerveusement autour du cadre de la porte et du chemin qu'elle venait de suivre. Les secondes s'étirèrent en une éternité, chaque moment d'attente amplifiant le poids de la mission sur ses épaules. Enfin, le loquet cliqueta et la porte s'ouvrit, révélant Frédérico. Ses yeux étaient gonflés de sommeil, un signe clair qu'il avait été arraché brutalement d'un repos nécessaire.


Il fronça les sourcils, surpris de la trouver là, mais avant même qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, il aperçut l'expression sérieuse et tendue qui marquait le visage d'Isabella. Une expression qui laissait peu de place à l'ambiguïté : quelque chose d'important, peut-être même de dangereux, était en jeu.


Isabella regarda son frère dans les yeux, sentant une mixture complexe d'émotions la traverser. Malgré les tensions qui avaient séparé leur famille, en ce moment, elle avait besoin que Frédérico mette de côté son ressentiment et lui fasse confiance. Le temps n'était pas leur allié, et chaque seconde comptait.


"Isabella ? À quoi dois-je l'honneur de ta visite en plein milieu de la nuit ?"


Isabella, dans un mouvement d'impatience, coupa court à toute introduction. "Où est Antonio?" demanda-t-elle, sa voix tremblant légèrement sous le poids de l'urgence qui saturait l'air autour d'eux.


"Il est à l'intérieur, pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe, Isabella?" Frédérico insista, les sourcils froncés, une pointe d'inquiétude s'insinuant dans sa voix.


"Il n'y a pas de temps à perdre en explications. Vous devez quitter les lieux immédiatement. Je vous donnerai les détails sur la route," annonça-t-elle, le regard fixe et le ton empreint d'une gravité palpable.


À ces mots, la méfiance s'empara de Frédérico. Ses yeux se durcirent, la colère s'allumant en eux comme une flamme soudaine. "Tu débarques ici, au milieu de la nuit, après tout ce que tu as fait, et tu t'attends à ce que je te suive sans poser de questions ?"


"La vie d'Antonio est en jeu," rétorqua Isabella, son regard ne cillant pas sous l'intensité du sien. "J'ai des informations capitales."


"Ah, et depuis quand te préoccupes-tu de nos vies ? Pour qui te prends-tu, une putain de Borgia en mission caritative ? Et d’où tiens tu ces informations si capitales ? De ton amant ?" cracha-t-il, son visage exprimant un mélange de mépris et de fureur.


Isabella prit une grande inspiration, sachant que la révélation qui allait suivre serait l'élément déclencheur. "Ces informations viennent de Cesare en effet," dit-elle, sa voix tremblante mais déterminée. "Il m'a aidée à les obtenir."


Avec un rire amer, mélange de dégoût et de dérision, Frédérico s'exclama : "Cesare ? Tu t'abaisses à coucher avec ce monstre pour sauver Antonio ? Quelle noble cause, vraiment !"


C'est à ce moment qu'Antonio apparut derrière Frédérico, les yeux alertes. "Isabella n'aurait pas pris le risque de venir ici sans une bonne raison, Frédérico. Tu connais les dangers auxquels elle s'expose?"


Frédérico jeta un regard amer à Antonio, puis à sa sœur "Peut-être qu'elle se soucie de toi simplement parce que tu partages mon lit. Après tout ce qu'elle a fait, pourquoi devrais-je lui faire confiance ?"


Isabella coupa court aux arguments de son frère, l'urgence vibrant dans sa voix. "C'est précisément parce qu'Antonio partage ta vie que je suis ici. Les Borgia planifient une rafle contre les homosexuels, et Antonio est sur la liste. Nous devons agir immédiatement."


Frédérico fronça les sourcils, sa méfiance initiale cédant la place à une préoccupation immédiate. "Les Borgia ? Mais tu couches avec Cesare, comment puis-je savoir que ce n'est pas un piège ?"


Isabella soutint le regard de son frère. "Cesare m'a donné ces informations, c'est vrai. Je sais ce que vous pensez de lui, mais il m’a aidé."


Le regard de Frédérico se durcit. "Alors c’est ça ton excuse. Tu t'es associée à ce monstre pour nous sauver ?"


Antonio s'interposa alors. "Frédérico, Isabella est ici malgré tout. Les querelles familiales peuvent attendre."


La tension était palpable, mais la gravité de la situation l'emportait sur tout le reste. Frédérico inspira profondément, puis acquiesça lentement. "D'accord, qu'est-ce qu'on fait ?"


Isabella hocha la tête. "Nous devons partir. Suivez-moi."


Ils se mirent en route, chaque seconde comptant désormais plus que jamais, non seulement pour leur propre sécurité, mais aussi pour tous ceux qui étaient en danger. 


Isabella pressait le pas, son regard scrutant les alentours pour éviter les patrouilles ennemies qui sillonnaient les rues de Rome à cette heure. Derrière elle, Antonio et Frédérico la suivaient, leurs pas hésitants mais accélérés par la gravité de la situation. Ils franchirent des ruelles étroites, des cours intérieures silencieuses, passèrent sous des arches de pierre où les ombres semblaient se cacher. La nuit, telle une cape, offrait un semblant de protection contre la menace imminente.


Ils arrivèrent enfin à une porte en bois massif, presque indétectable dans le mur de pierre qui formait la limite extérieure de la cité. Deux hommes vêtus de capuches sombres, leurs visages dissimulés dans l'obscurité, se tenaient là comme des sentinelles muettes.


"Qu'est-ce que c'est ?" demanda Frédérico en observant les gardiens silencieux, son cœur tambourinant à mesure qu'il prenait conscience de la complexité de la situation.


"C'est une opération d'exfiltration que j'ai organisée avec la confrérie. Ces Assassins sont là pour aider à évacuer tous ceux qui sont en danger hors de Rome," expliqua Isabella, son ton mêlant fierté et urgence.


Un des hommes encapuchonnés s'approcha et échangea un signe discret de la main avec Isabella, confirmant que tout était en place pour l'opération. Les portes s'ouvrirent lentement, révélant un passage secret qui menait hors des murs de la ville.


Frédérico la dévisagea, et pour la première fois depuis des semaines, son expression n'était pas empreinte de méfiance ou de colère. Ses yeux s'élargirent, comme s'il voyait vraiment sa sœur pour la première fois. C'était une prise de conscience, une réalisation profonde et soudaine de l'ampleur des actions que Isabella avait entreprises. Elle avait non seulement risqué sa vie, mais elle avait orchestré un plan complexe pour sauver ceux qu'elle aimait et des inconnus, sans attente de reconnaissance ou de récompense.


"Tu as fait tout ça ?" murmura-t-il, sa voix tremblante d'une émotion indéfinissable.


"Oui," répondit-elle simplement, mais le poids de ce simple mot résonna entre eux, comblant silencieusement les abîmes qui les avaient séparés pendant si longtemps.


Sans un mot de plus, ils traversèrent la porte, pour cette nuit au moins, unis dans un objectif commun et dans une nouvelle compréhension silencieuse de ce que signifiait réellement être une famille.


Isabella observa les hommes encapuchonnés vérifier leurs armes et communiquer entre eux avec des signaux discrets. Son cœur était un mélange de fierté pour l'opération qu'elle avait aidé à orchestrer et d'angoisse pour ceux qu'elle aimait. Ses yeux se posèrent sur Antonio et Frédérico, et elle se rendit compte que le moment des adieux était arrivé.


"Je suppose que c'est maintenant," dit Antonio, son regard verrouillé sur Frédérico, comme s'il essayait d'immortaliser ce moment dans sa mémoire.


"Oui," répondit Frédérico, sa voix trahissant un sentiment de tristesse profonde mêlée à un regret palpable.


Les yeux d'Antonio rencontrèrent ceux de Frédérico, et il posa sa main sur l'épaule de son amant. "Tu dois comprendre, ce que ta sœur a fait ce soir est extraordinaire. Elle a risqué sa vie pour moi, pour tous ceux que la menace des Borgia met en péril."


Frédérico ouvrit la bouche, cherchant les mots pour exprimer les émotions contradictoires qui l'assaillaient. "Je sais qu'elle a pris des risques, mais—"


"Mais rien," coupa Antonio, l'intensité de son regard comme un projecteur sur les failles émotionnelles de Frédérico. "Il est temps d'abandonner la colère et les ressentiments, au moins pour ce soir. Ta sœur a mis en jeu sa propre vie pour nous sauver. C'est ce que signifie être une famille."


Un silence lourd s'installa entre eux. Finalement, Frédérico soupira, ses épaules s'affaissant sous le poids d'une réalisation qui semblait libérer une partie de son âme. "Tu as raison," admit-il, les mots sortant comme une confession.


Sans un mot de plus, Antonio s'approcha et enlaça Frédérico. L'étreinte était brève mais intense, chaque seconde semblant contenir toute l'histoire, les luttes et l'amour entre eux. En se séparant, Antonio murmura à l'oreille de Frédérico, "Prends soin de toi, je t'en prie."


"Et toi, sois prudent," répliqua Frédérico, les larmes menaçant de déborder.


Antonio acquiesça, puis se tourna vers les Assassins qui l'escorteraient. Mais avant de s'éloigner, il jeta un dernier regard à Isabella, ses yeux porteurs d'une gratitude silencieuse mais intense et d'un adieu déchirant. Isabella lui rendit son regard, une lueur de fierté et de tristesse mêlées colorant ses propres yeux.


Et puis il partit, disparaissant dans l'obscurité de la nuit, emportant avec lui une part du cœur de ceux qui restaient.


Se tournant vers sa sœur, Frédérico la contempla, ses yeux parcourant chaque trait de son visage. Ce n'était plus le regard accusateur ou soupçonneux qu'il lui avait souvent lancé ces derniers mois. Non, c'était quelque chose de bien différent. Ses yeux étaient emplis d'une douceur qu'il avait rarement montrée, une vulnérabilité qu'il avait longtemps refusé de révéler, même à lui-même. C'était un regard qui parlait d'amour et de reconnaissance. Les mots restaient bloqués dans sa gorge, mais ses yeux... ses yeux disaient tout.


En réponse, Isabella hocha la tête, ses yeux se remplissant de larmes qu'elle refusait de laisser couler. Elle ne dit rien, n'ayant pas besoin de mots pour comprendre ce que ce moment signifiait pour eux deux. Le poids des semaines de tension et de conflit semblait enfin commencer à se lever, même si ce n'était qu'un tout petit peu.


Isabella se détourna ensuite, un sourire timide mais sincère éclaira son visage. Oui, il y avait encore beaucoup à faire, beaucoup de dangers à affronter et de cœurs à guérir, mais ce moment avec son frère représentait un début. Des ponts étaient en train d'être reconstruits, des liens renoués, des plaies en voie de guérison.


Dans un monde où chaque jour pouvait apporter de nouvelles tragédies, où la menace constante rendait difficile de distinguer amis et ennemis, ce petit moment de réconciliation, aussi bref soit-il, était une victoire en soi. Et pour Isabella, une femme habituée à mesurer le succès en vies sauvées et en ennemis vaincus, ce fut peut-être l'une des victoires les plus précieuses de toutes.


-


Isabella franchit la porte du quartier général des Assassins, la lueur tamisée des chandelles enveloppant la pièce d'une atmosphère chaleureuse et accueillante. Le hall était presque vide à cette heure. Ses yeux se posèrent immédiatement sur la table en bois où ses parents, Ezio et Arianna, étaient penchés sur des cartes et des parchemins. La tension dans la pièce semblait s'être momentanément dissipée, remplacée par un sentiment de soulagement tangible.


"Papa, tu es de retour !" s'exclama Isabella, ses yeux brillant de joie alors qu'elle courait vers Ezio.


Le visage d'Ezio s'éclaira à la vue de sa fille, et il se leva pour l'accueillir dans ses bras. "Isabella, ma fille," dit-il en la serrant contre lui. "Je suis tellement heureux de te voir."


Isabella se blottit dans l'étreinte de son père, un sentiment de sécurité et de contentement l'envahissant. "Et moi donc, Papa. J'étais si inquiète."


Ezio la regarda, ses yeux exprimant un mélange de fierté et de préoccupation. "Arianna m'a dit ce que tu as fait ce soir, sauver ces hommes des griffes des Borgia. Tu as fait preuve de grand courage."


"Merci, Papa," répondit Isabella, touchée par ses mots. "Mais je n'aurais pas pu le faire sans l'équipe que tu as aidée à monter."


A ce moment, Arianna se leva et se dirigea vers eux, sa démarche légèrement alourdie par la grossesse de plus de six mois qu'elle portait avec élégance. "Tu as raison," dit-elle en souriant, enlaçant tendrement sa fille. "Nous sommes tous fiers de toi. Et nous sommes tous heureux que cette journée se termine sur une note positive."


Isabella se tourna vers sa mère, remarquant le ventre toujours plus arrondi qui portait le signe évident de la nouvelle vie à venir. "Maman, comment te sens-tu ?" demanda-t-elle, déplaçant légèrement sa main pour caresser le ventre d'Arianna.


"Je vais bien, ma chérie, ne t'inquiète pas pour moi," répondit Arianna, ses yeux pleins de tendresse. "Je suis surtout heureuse de voir que cette famille peut encore se retrouver et être ensemble, même dans des moments aussi difficiles."


Ezio regarda sa femme et sa fille, une sensation de plénitude le remplissant. "Nous sommes une famille, et rien ne pourra changer cela," dit-il doucement. "Quel que soit le danger qui nous guette, nous le surmonterons ensemble."


Isabella regarda ses parents, et dans ce moment de calme, elle ressentit une profonde gratitude. Malgré les épreuves, les luttes et les incertitudes, ils étaient une famille unie, et pour elle, c'était tout ce qui comptait. Elle savait que les défis à venir étaient nombreux, mais avec le soutien de sa famille, elle se sentait invincible.


Tandis qu'Ezio, Arianna et Isabella partageaient ce moment d'unité familiale, le grincement des charnières de la porte d'entrée rompit la sérénité. Des pas s'approchèrent, et Frédérico fit son entrée. Il semblait épuisé, ses yeux portant les marques du doute et de la solitude qu'il avait endurés ces dernières semaines. Cependant, en posant son regard sur Isabella, ses yeux se teintèrent d'une nouvelle chaleur, comme si les flammes d'un feu longtemps éteint avaient été ravivées.


"Je dois parler à ma sœur," déclara-t-il, sa voix trahissant un mélange de résolutions et de vulnérabilité.


Isabella sentit son cœur se contracter, comme saisi par une main invisible. "Frédérico..."


"J'ai été un idiot," l'interrompit-il, choisissant ses mots avec soin. "Je t'ai insultée, je t'ai repoussée, parce que je n'étais pas sûr de ce que je ressentais. Ce que tu as fait ce soir, comment tu as aidé Antonio et tous ces gens... c'était incroyable. Tu avais raison, et je me suis trompé."


Les yeux d'Isabella se remplirent de larmes, comme si chaque mot de son frère lavait une partie de la douleur qui s'était accumulée en elle. "J’accepte tes excuses," dit-elle d'une voix tremblante. "Et je suis désolée aussi, pour toutes les fois où j'ai pu te blesser, pour tous les non-dits entre nous."


Frédérico fit quelques pas vers elle et la prit dans une étreinte puissante mais tendre, comme s'il essayait de réparer des semaines de distance et de tension en un seul geste. "Je suis fier de toi, Isabella. Et je suis tellement désolé."


Isabella sentit un mélange de soulagement et de tension se dissiper, enveloppée dans l'étreinte de son frère. C'était un début, peut-être pas une réparation complète, mais un début.


Ezio, observant la scène, échangea un regard mesuré avec Arianna. "C'est un bon signe," dit-il doucement, "mais nous avons encore du chemin à faire. Une famille n'est pas simplement unie par le sang, mais par les choix qu'elle fait ensemble."


Arianna, la main posée sur son ventre arrondi, acquiesça. "L'unité est fragile, surtout en ces temps. Nous devons la chérir, mais aussi être prêts à travailler pour la maintenir."


Frédérico, se détachant légèrement de sa sœur, regarda ses parents et hocha la tête. "Je suis d'accord. Et je suis prêt à faire ce travail, même si ça ne sera pas facile."


Isabella essuya discrètement une larme et sourit à son frère. "Nous le ferons ensemble."


Dans cette atmosphère chargée d'émotion, ils étaient tous conscients de la précarité de leur union, mais aussi de son importance cruciale. Des défis les attendaient, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de cette salle. Mais pour l'instant, ils étaient ensemble, et c'était déjà quelque chose.


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