L'Héritage des Ombres : Le Souffle de la Résistance

Chapitre 11 : Obscurité

7391 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/05/2024 12:44

Le lendemain de l'attaque, le QG de la Rose Fleurie était enveloppé dans un manteau de silence lourd et douloureux. Les apprentis étaient occupés à soigner les blessés et à consolider les défenses, mais une tristesse palpable pesait sur tous les cœurs.


Dans une pièce isolée, Claudia était assise seule, les yeux fixes, comme si elle essayait de donner un sens à l'événement tragique. La porte s'ouvrit doucement, et Ezio entra, le visage marqué par des heures de tension et de chagrin.


"Claudia," murmura-t-il, en s'approchant d'elle.


Elle leva les yeux vers lui, et pendant un moment, aucun des deux n'eut besoin de parler. La douleur était un langage en soi, un langage qu'ils partageaient dans le silence qui remplissait la pièce.


Finalement, Claudia prit la parole. "Je ne sais pas comment continuer, Ezio. Elle était le pilier de notre famille."


Ezio s'assit à côté d'elle, cherchant les mots justes. "Je sais. Maman était... elle était le cœur de cette famille. Et maintenant, nous devons trouver comment continuer sans elle. Mais nous ne sommes pas seuls, Claudia. Nous avons les enfants, Arianna, et la cause pour laquelle nous nous battons."


Claudia hocha la tête lentement, les larmes aux yeux. "Je le sais. Mais cela ne rend pas sa perte plus facile à accepter."


"Non, ça ne le fait pas," acquiesça Ezio. "Mais elle aurait voulu que nous continuions à nous battre, à vivre. C'est ce que nous devons faire, pour elle et pour nous-mêmes."


Claudia inspira profondément, comme si elle puisait dans ses dernières réserves de force. "Oui, tu as raison. Et je suis fière d'Isabella. Elle a été incroyable hier. Elle est... elle est comme toi, Ezio. Courageuse et forte."


Ezio sourit faiblement. "Elle est comme nous tous, Claudia. Elle est le produit de cette famille, de son amour et de sa force. C'est ce qui nous gardera unis, même à travers les épreuves les plus difficiles."


Claudia posa sa tête sur l'épaule de son frère, trouvant un petit réconfort dans le contact physique. "Je suis contente que tu sois ici, Ezio."


"Et je suis heureux d'être ici, avec toi, dans ce moment," répondit Ezio, enveloppant sa sœur dans une étreinte chaleureuse. "Nous traverserons cette épreuve, Claudia. Comme nous avons traversé toutes les autres. Ensemble."


Pour un bref instant, dans la chaleur de cette étreinte fraternelle, la perte et la douleur semblaient un peu moins accablantes. Et dans ce petit répit, ils trouvèrent la force de faire face à un autre jour.


-


Dans la solitude de sa chambre, Ezio se tenait debout devant une petite table en bois, sur laquelle étaient posés divers objets personnels. Au milieu, une vieille broche que sa mère aimait portait. Elle était simple mais élégante, comme Maria elle-même.


Il la prit dans ses mains et la fixa, comme si en la regardant assez intensément, il pouvait ramener sa mère à la vie. Son esprit était envahi par des souvenirs d'elle - son sourire, sa voix, la tendresse de son toucher. Pourtant, ces souvenirs étaient maintenant teintés de mélancolie, de l'incontournable réalité que jamais plus il ne verrait son visage ou n'entendrait sa voix.


La porte s'ouvrit doucement. Arianna apparut, son visage portant les marques de ses propres épreuves et de son inquiétude pour lui. "Ezio," dit-elle doucement, "puis-je entrer ?"


Sans un mot, il hocha la tête, encore perdu dans ses pensées. Elle s'approcha de lui, et lorsqu'elle vit la broche dans ses mains, son visage se remplit de compréhension.


"C'est plus difficile quand on est seul, n'est-ce pas ?" murmura-t-elle.


À ces mots, quelque chose en lui céda. Il s'effondra, les épaules secouées par des sanglots silencieux mais violents. Arianna s'avança rapidement et l'enveloppa dans ses bras. Il laissa la broche tomber sur la table et enlaça Arianna, cherchant refuge dans son étreinte.


"Je... Je ne sais pas comment porter ce poids, Arianna. Elle était tout pour moi, pour nous tous," gémit-il, sa voix brisée par l'émotion.


"Je sais, Ezio. Je sais," murmura-t-elle, les larmes coulant également sur ses joues. "Mais tu n'as pas à porter ce fardeau tout seul. Nous sommes une famille, et nous porterons cette douleur ensemble."


Ezio leva les yeux vers elle, ses yeux humides rencontrant les siens. "Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi," dit-il, la voix pleine de gratitude et d'un amour ineffable.


"Et je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi," répondit-elle, serrant Ezio plus fort contre elle. "Nous nous soutiendrons, comme nous l'avons toujours fait. À travers le bonheur et le chagrin, à travers la vie et la mort."


Il hocha la tête, trouvant un petit réconfort dans ses paroles, et dans la chaleur de leur étreinte. La perte de sa mère était un abîme dans lequel il craignait de tomber, mais dans cet instant, enlaçant la femme qu'il aimait, Ezio trouva la force de s'accrocher un peu plus longtemps.


-


Dans les jours qui suivirent le décès déchirant de Maria, Ezio s'enfermait régulièrement dans son bureau, se plongeant dans un labyrinthe de tâches et de responsabilités qui s'accumulaient sans fin. Les cartes et les plans qui tapissaient les murs semblaient se transformer en un sanctuaire de l'oubli, un lieu où chaque détail minutieux, chaque courbe et ligne sur le papier, devenaient une échappatoire, même si c'était fugace, de la douleur qui le consumait de l'intérieur.


Nuit après nuit, Ezio fuyait son lit comme s'il craignait que les draps de soie et les couvertures brodées ne se transforment en témoins mutiques de sa douleur insupportable. À chaque fois qu'il mettait le pied dans la chambre qu'il partageait avec Arianna, il sentait comme si les murs eux-mêmes pouvaient trahir sa solitude déchirante. Mais, inexorablement, chaque nuit, il se retrouvait là, guidé par un besoin viscéral de chercher un autre type de réconfort dans les bras d'Arianna.


Leur amour, jadis une danse passionnée entre deux âmes connectées, avait sombré dans une obscurité qu'il ne reconnaissait pas. Chaque étreinte se transformait en une explosion de désir presque animale, chaque baiser était moins une déclaration d'amour qu'un cri désespéré dans l'obscurité. Ses mains parcouraient son corps non pas avec l'admiration d'un artiste, mais avec l'urgence d'un homme en train de se noyer, cherchant à expulser les fantômes qui le hantaient jour et nuit, cherchant à combler le vide abyssal qui s'était creusé dans son âme.


Arianna, pour sa part, subissait cette nouvelle brutalité en silence, mais ce silence était lourd. Ses yeux, autrefois lumineux en sa présence, étaient maintenant ombragés par la reconnaissance d'une vulnérabilité dangereuse chez l'homme qu'elle aimait. Les marques qu'Ezio laissait sur sa peau étaient comme des mots muets écrits dans la langue de sa souffrance, des aveux silencieux de son impuissance face à la vie qui se désagrégeait autour de lui.


Elle accueillait ses avances ardentes, ses mouvements brusques et ses gestes impétueux, avec une patience empreinte d'une tristesse indescriptible. À chaque contact, elle se demandait où était passé l'homme qui la touchait comme si elle était une œuvre d'art à chérir. Elle se demandait combien de temps ils devraient naviguer dans ces eaux sombres avant de trouver un havre, avant que leurs âmes ne retrouvent la douceur qui leur avait été volée. Combien de temps leur faudrait-il pour guérir les plaies béantes qui s'élargissaient, menaçant de déchirer l'étoffe même de leur amour et de leur famille?


Ezio se jetait dans une quête de vengeance impulsive contre la famille Borgia, faisant de chaque mission un exutoire à son amertume et à sa colère.


Chaque coup d'épée, chaque mouvement furtif dans l'ombre devenaient des moyens de mettre à distance la douleur qui le dévorait. Mais cette fureur externe n'était rien comparée à la tourmente qui bouillonnait en lui. Sa passion pour Arianna, autrefois un réconfort dans les moments de détresse, se transformait maintenant en une sombre obsession.


Il commençait à la soupçonner d'avoir des liaisons avec d'autres hommes, et bien qu'il n'y ait aucune preuve pour étayer ces pensées, elles le rongeaient de l'intérieur. Il passait des heures à imaginer des scénarios dans lesquels elle le trahirait, chaque vision le plongeant plus profondément dans un puits de jalousie et de méfiance.


Il se sentait étrangement attiré par cette idée, comme si sa propre douleur pouvait devenir plus tolérable en imaginant qu'Arianna était aussi faillible, aussi capable de trahison. Et chaque fois qu'il la voyait, il cherchait des signes de cette supposée déloyauté, des indices qui pourraient justifier sa propre descente dans la noirceur.


Mais même dans ce tourbillon d'émotions contradictoires, une partie de lui savait que cette voie n'était pas soutenable. À chaque pas qu'il faisait sur ce chemin obscur, il s'éloignait davantage non seulement d'Arianna, mais aussi de lui-même. Le prix à payer pour cette vengeance et cette jalousie compulsive devenait de plus en plus lourd, et il sentait que s'il ne changeait pas de cap, il finirait par tout perdre : son amour, sa famille, et peut-être même son âme.


Un après-midi, dans une alcôve sombre, loin des chambres confortables et des salles communes où résonnaient les voix étouffées de leur famille, Ezio pressa Arianna contre le mur froid. Ses yeux étaient des abîmes de frustration et de colère, creusés encore plus profondément par une mission qui s'était soldée par un échec retentissant. Aucun mot n'effleura ses lèvres, aucun regard aimant ne croisa les yeux inquiets d'Arianna; il était comme possédé par une force obscure qui exigeait une libération immédiate.


Arianna fut d'abord saisie par la soudaineté et la rudesse de l'acte. Elle sentit ses muscles se contracter en réaction instinctive avant de céder, comprenant lentement que la brutalité d'Ezio n'était pas dirigée contre elle, mais était plutôt une extériorisation de la douleur qui le tourmentait. Chaque mouvement, chaque contact de sa peau avec la sienne, aussi brusque et presque douloureux qu'il soit, traduisait un cri silencieux, une litanie muette de sa propre souffrance et de ses angoisses intérieures.


Son visage affichait une grimace de douleur mêlée de compréhension. Alors qu'elle accueillait les avances brutales d'Ezio, elle se trouvait déchirée entre la triste réalité de sa détresse et l'impact que cette détresse avait sur leur relation. Elle savait que chaque marque laissée sur sa peau était comme un poinçon dans un morceau de cuir, une empreinte indélébile de la sombre période qu'ils traversaient. Et pourtant, elle endurait, se demandant silencieusement si cette obscurité serait un jour remplacée par la lumière qu'ils avaient autrefois partagée.


Isabella, cachée dans l'ombre du couloir, observa ses parents sortir de l'alcôve, leurs visages marqués par des émotions complexes qu'elle ne pouvait qu'imaginer. Ils ne remarquèrent pas sa présence, trop absorbés par leur propre tumulte intérieur. Lorsqu'ils s'éloignèrent, Isabella prit une grande respiration et alla trouver sa mère.


Lorsqu'elle entra dans la chambre d'Arianna, elle vit sa mère assise devant sa coiffeuse, ses yeux se rencontrant dans le miroir. "Maman, nous devons parler," commença Isabella, sa voix trahissant une maturité qui allait au-delà de ses années.


Arianna tourna son regard vers sa fille, ses yeux rencontrant ceux, intensément sérieux, d'Isabella. "Qu'y a-t-il, ma chérie ?"


"Tu ne peux pas continuer à le laisser te faire ça," dit Isabella, son regard descendant vers les marques sur la peau de sa mère. "Papa est en train de se perdre, et il t'emporte avec lui. Ce n'est pas seulement son fardeau à porter; c'est celui de toute la famille."


Arianna détourna le regard, son cœur se serrant. Elle savait que sa fille avait raison. "Je sais qu'il est en difficulté, Isabella. Nous le sommes tous. Mais c'est aussi mon mari, et je veux être là pour lui."


"Être là pour quelqu'un ne signifie pas que tu dois être son bouc émissaire," rétorqua Isabella, son ton ferme. "Si tu ne mets pas de limites, si tu ne lui montres pas le chemin, qui le fera ? Nous sommes sa famille, Maman, mais nous ne sommes pas ses punching-balls émotionnels."


Les mots d'Isabella frappèrent Arianna comme un coup de poing. Elle réalisa à quel point sa propre souffrance avait été minimisée, non seulement par elle-même mais aussi par Ezio. "Tu as raison, Isabella. C'est un poids que nous devons tous porter, mais pas de cette manière."


Pour la première fois, Arianna se sentit soutenue non pas comme une épouse, mais comme une mère. Elle savait qu'il était temps de redéfinir les limites au sein de sa propre famille, pour leur bien à tous.


Lorsqu'Arianna retrouva Ezio plus tard dans la soirée, la tension entre eux était palpable, l'air chargé d'électricité comme avant un orage. Arianna avait déjà discerné la tourmente dans les yeux d'Ezio dès qu'elle l'avait retrouvé. Son mari avait toujours été un homme de peu de mots quand il s'agissait de ses propres tourments, et elle savait que la conversation qui s'annonçait ne serait pas facile.


"Ezio, nous avons besoin de parler de ce qui s'est passé aujourd'hui... de la manière dont nous gérons notre douleur et notre colère," commença-t-elle, délibérément choisissant un ton doux pour ne pas attiser davantage les flammes de son irritation.


Son regard s'assombrit instantanément. "Qu'y a-t-il à discuter ? Nous faisons de notre mieux dans des circonstances difficiles," répliqua-t-il, sa voix prenant un timbre sec, comme s'il trouvait la discussion même inutile, voire insultante.


"Mais notre 'meilleur' n'est pas bon, Ezio. Nous nous faisons du mal, toi et moi. Nous devons trouver un autre moyen," insista Arianna. Elle voulait qu'il comprenne que leur douleur mutuelle était devenue un poison qui infiltrait chaque aspect de leur vie.


Il se redressa alors, sa silhouette grandissant comme s'il absorbait toute la lumière de la pièce. "Je ne te demande pas de porter mes fardeaux, Arianna. Si je suis dur, c'est parce que la vie est dure." Ses mots étaient presque tranchants, son visage un masque de défi.


Arianna ressentit un pincement au cœur. "Mais tu ne comprends pas, Ezio. Tu ne portes pas ce fardeau seul. Nous sommes une famille et—" Elle essaya de faire appel à l'homme qui, elle le savait, se cachait derrière le guerrier endurci.


C'était la goutte qui fit déborder le vase pour Ezio. "Tu crois que j'ai besoin qu'on me rappelle mes responsabilités ?!" Il explosa, la voix vibrant d'une fureur contenue. "Je sais ce que je dois faire, et je n'ai pas besoin de leçons de morale !"


Arianna prit une profonde inspiration, cherchant le courage de reprendre la parole. "Ezio, écoute, ce que je veux dire, c'est que nous--"


Ezio la coupa net, avançant vers elle et posant ses lèvres sur les siennes. Pour un moment, tous les deux se perdirent dans ce baiser, comme si cela pouvait faire disparaître la complexité de leurs émotions, la lourdeur des jours passés.


Arianna sentit son corps réagir avant même que son esprit n'ait le temps de décider, répondant au baiser avec une passion retenue. Mais en se détachant, les yeux dans les yeux, elle sut que ce n'était qu'une évasion momentanée, un soulagement éphémère dans un océan de problèmes non résolus.


Arianna sentit une tristesse profonde s'installer en elle alors qu'elle fixait Ezio, ses yeux remplis d'une vérité brutale qu'elle ne pouvait plus ignorer. "Ce n'est pas la solution, Ezio," dit-elle avec une douceur empreinte de résignation, cherchant à plonger son regard dans le sien, comme si elle pouvait ainsi lui transmettre la gravité de ce qu'elle ressentait. "Nous ne pouvons pas continuer à fuir ce qui doit être confronté, à nous réfugier dans ces moments éphémères pour oublier les défis réels qui nous attendent."


Ezio soupira lourdement, son visage un tourbillon de résignation, de frustration et peut-être même, à sa manière, de tristesse. "Je sais," murmura-t-il, comme s'il avouait un péché. "Mais il y a des jours où l'instantanéité de la passion, de la connexion, même superficielle, semble être le seul baume pour des âmes blessées. C'est comme si pour un court instant, cette douleur insupportable pouvait être apaisée."


En le regardant, Arianna ressentit un déchirement intérieur. Elle voyait la vérité de ses mots se refléter dans son propre cœur, mais elle savait aussi que ces instants de soulagement étaient trompeurs. Ils étaient des pansements placés sur des blessures béantes, des masques que l'on porte pour éviter de voir la laideur de la réalité.


Et alors qu'elle s'apprêtait à redoubler d'efforts, à insister pour qu'ils trouvent un terrain d'entente, elle sentit sa propre résolution fléchir. Quelque chose en elle céda, un mécanisme de défense peut-être, ou la lassitude d'une lutte continuelle. "Très bien, Ezio. Faisons-le à ta façon," concéda-t-elle, sa voix baissant presque en un murmure, comme si en disant ces mots, elle acceptait non seulement sa proposition, mais aussi la complexité déchirante de leur amour.


Ezio la regarda, visiblement surpris par sa soudaine concession. Il s'approcha d'elle, l'air toujours aussi lourd, mais teinté maintenant d'une étincelle de soulagement, comme s'il venait d'éviter un combat qu'il ne voulait pas mener. Il posa ses mains sur ses épaules, resserrant doucement son étreinte comme pour s'assurer de sa présence.


"Tu es sûre?" demanda-t-il, cherchant dans son regard une confirmation.


Arianna hocha la tête, bien que son cœur battait rapidement dans sa poitrine, en proie à un mélange de résignation et de tristesse. "Oui," répondit-elle simplement, "je suis sûre."


Il l'embrassa alors, un baiser chargé de tout le poids de leurs non-dits, de leurs souffrances mutuelles et de la complexité de leurs âmes. C'était un baiser de compromis, mais aussi d'acceptation, comme si, pour cet instant, ils pouvaient mettre de côté la douleur et la complexité de leur relation, pour s'immerger dans la simplicité d'un amour qui, malgré ses failles, demeurait intact.


Ezio la guida ensuite vers leur chambre, chacun de leurs pas semblant alourdir l'atmosphère déjà tendue. Ils passèrent la porte, et comme Ezio la refermait doucement derrière eux, Arianna sentit un frisson la parcourir. Pour le meilleur ou pour le pire, ils avaient fait un choix, et les conséquences de ce choix, quelles qu'elles soient, étaient maintenant inévitables.


Ce n'était pas une victoire, mais une reddition — un repli stratégique dans une guerre émotionnelle sans fin. Ezio prit son consentement silencieux comme une validation, une approbation tacite de ses méthodes. Ce qu'il ne comprenait pas, c'était que chaque geste de cette nature creusait un fossé encore plus grand entre eux, un gouffre rempli de non-dits, de frustrations et de regrets.


Arianna le savait bien. Elle percevait ce fossé se creuser sous leurs pieds, sentait les terres instables de leur relation se dérober un peu plus à chaque instant de ce genre. Ce n'était pas une solution; c'était une fuite, un pansement placé hâtivement sur une blessure qui nécessitait une chirurgie délicate et attentive. Mais pour l'instant, elle était à court d'options, à court de mots, à court de façons de briser le cycle toxique dans lequel ils étaient emprisonnés.


La tension dans leur mariage n'était pas un événement isolé; elle était un fil de plus dans le tissu complexe des défis auxquels ils faisaient face. Ils étaient des Assassins dans une époque déchirée par la guerre, les intrigues et la trahison. Ils avaient des responsabilités envers leur Ordre, envers leur famille, et surtout envers eux-mêmes. Chacun de ces fils tirait sur eux, mettant à l'épreuve la solidité du tissu qui unissait leur vie.


Ce soir, dans la douce lumière tamisée de leur chambre, il semblait plus facile de céder que de lutter. Plus facile de se perdre dans l'éphémère confort d'un amour imparfait que de s'affronter pour quelque chose de plus authentique, de plus durable. Alors, Arianna céda, s'abandonnant à la gravité de ce choix, même si une partie d'elle savait qu'elle serait obligée, tôt ou tard, de payer le prix de cette capitulation.


-


Isabella était debout à l'extérieur de la chambre de ses parents, un sentiment d'inquiétude nouant son estomac. Elle avait entendu les voix élevées, les silences lourds, les soupirs de frustration. Même si elle ne comprenait pas tout, elle savait que quelque chose n'allait pas. Les murs de la maison étaient comme du papier pour ses sens affûtés d'Assassin; ils lui racontaient des histoires que ses parents ne partageraient jamais ouvertement.


Elle se sentait impuissante, une enfant prise au milieu d'une tourmente qu'elle ne pouvait ni contrôler ni comprendre complètement. Et pourtant, alors qu'elle se tenait là, elle sut que le moment était venu de changer quelque chose, de prendre plus de responsabilités.


Isabella avait toujours admiré ses parents pour leur courage et leur force, mais elle commençait à comprendre que même les plus grands héros avaient leurs failles, leurs moments de faiblesse. Et si elle voulait aider sa famille à survivre à cette période difficile, elle devrait être prête à combler les vides que ses parents laissaient parfois ouverts.


Le lendemain, elle prit la décision d'aller voir Machiavel. Il était un ami proche de la famille et quelqu'un qui pourrait lui donner des conseils sur comment gérer la complexité des relations humaines, même parmi les Assassins. Elle voulait aussi s'impliquer davantage dans les missions de l'Ordre, pas seulement pour prouver sa propre valeur, mais aussi pour alléger le fardeau que ses parents portaient sur leurs épaules.


Alors que Isabella marchait dans les rues de Rome, elle sentait la gravité de sa décision peser sur elle. Elle savait qu'elle franchissait un seuil, qu'elle n'était plus seulement la fille de Arianna et Ezio, mais aussi une femme prête à assumer ses propres responsabilités.


Cette réalisation la rendait nerveuse, mais aussi étrangement libérée. Pour la première fois de sa vie, elle sentait qu'elle pouvait contribuer à écrire le chapitre suivant de leur histoire familiale, et peut-être même à réparer certains des fils déchirés de leur tissu familial complexe.


Isabella arriva devant la demeure de Machiavelli, un bâtiment sobre mais élégant qui tranchait avec l'opulence ostentatoire des palais des Borgia. Elle prit une profonde inspiration avant de frapper à la porte. Un serviteur l'accueillit et l'informa que Machiavelli serait heureux de la recevoir.


Une fois installée dans le salon de Machiavelli, entourée de livres et de parchemins, Isabella aborda la raison de sa visite.


"Machiavelli, j'ai besoin de conseils," dit-elle, son ton traduisant à la fois sa détermination et son incertitude. "Je suis inquiète pour mes parents. Je sens qu'il y a une tension croissante entre eux et je ne sais pas comment aider."


Machiavelli la regarda attentivement, comme s'il pesait la maturité et la gravité dans ses yeux. "Les relations sont complexes, Isabella. Même les plus fortes d'entre elles sont mises à l'épreuve. Mais sache que l'unité est ce qui fait la force d'une famille, et par extension, de notre Ordre."


Isabella acquiesça. "C'est pourquoi je suis ici. Je souhaite prendre plus de responsabilités au sein de l'Ordre pour, peut-être, soulager un peu le fardeau de mes parents. Ils ont tant fait et continuent de le faire. C'est mon tour de participer."


Un sourire énigmatique se forma sur les lèvres de Machiavelli. "Ah, la jeunesse. Toujours si désireuse de changer le monde. Très bien, je pense qu'il est temps pour toi de te plonger plus profondément dans nos opérations."


Isabella se redressa, ressentant à la fois de l'excitation et un certain poids s'ajouter à ses épaules. "Je suis prête," déclara-t-elle.


"Alors, commençons," dit Machiavelli, ouvrant un parchemin qui détaillait plusieurs missions en cours. "Ton apprentissage n'a fait que commencer, et je crois que tu trouveras ta place non seulement au sein de l'Ordre mais aussi dans le cœur de ta famille."


Isabella quitta la demeure de Machiavelli avec un nouveau sens de la direction et une détermination renouvelée. Elle ne pouvait pas résoudre tous les problèmes de ses parents, mais elle pouvait contribuer à alléger leur charge et, ce faisant, peut-être à guérir certaines des blessures qui s'étaient ouvertes entre eux.


En rejoignant la foule des rues de Rome, Isabella se sentait différente, transformée. Elle était toujours la fille de Arianna et Ezio, certes, mais elle était aussi autre chose : une Assassin prête à forger son propre destin, et peut-être même à réparer les liens fragiles qui tenaient sa famille unie.


-


Frédérico se tenait au milieu d'un groupe d'apprentis Assassins, l'air rieur et les verres levés. Ils étaient dans une taverne discrète, loin des yeux indiscrets. Les rires et les histoires d'aventures récentes remplissaient la pièce, mais Frédérico sentait son esprit vagabonder.


"Tu as entendu parler des tensions entre Ezio et Arianna?" murmura l'un des apprentis à un autre, pensant que Frédérico ne l'entendrait pas. "Il paraît que c'est assez sérieux."


Le visage de Frédérico se crispa, son attention revenant brusquement à la conversation. Il était habitué aux rumeurs qui circulaient dans les milieux clandestins de Rome, mais entendre de telles spéculations sur ses propres parents était autre chose.


"Je ne pense pas que ce soit l'affaire de quiconque ici," dit-il, sa voix prenant un ton plus dur que prévu. Les autres apprentis échangèrent des regards mal à l'aise.


Frédérico se leva, excusant abruptement, et sortit de la taverne. L'air frais de la nuit semblait coupant alors qu'il marchait à grands pas dans les rues, ses pensées tourbillonnant dans sa tête.


Frédérico marchait à travers les rues pavées de Rome, l'esprit en ébullition. Les murmures qu'il avait entendus dans la taverne ne le quittaient pas. Sa mère, Arianna, avait toujours été une figure de force et de résilience dans sa vie. Elle était une femme qui avait survécu à tant de choses, une femme qui avait combattu et qui avait géré d'innombrables crises. La voir céder face à son père le déconcertait.


"Ma mère n'est pas le genre de personne à reculer devant un défi," pensait-il, les poings se serrant inconsciemment. "Alors pourquoi céderait-elle maintenant ? Est-ce une preuve d'amour, ou quelque chose de plus sombre, quelque chose que je ne comprends pas ?"


Son père, Ezio, avait également toujours été un homme de principe et d'action, mais il avait un côté sombre que Frédérico ne pouvait ignorer. Un côté durci par des années de combat, de perte et de sacrifice. "Est-ce que c'est ça qui pèse sur ma mère ?" se demandait-il. "Est-ce que le poids de son propre héritage l'a finalement attrapé ?"


Il se sentait perdu, comme s'il ne reconnaissait plus les deux piliers qui avaient toujours soutenu sa vie et celle de sa sœur Isabella. Il ne pouvait plus se permettre d'être le jeune homme insouciant qui évitait les problèmes familiaux en se noyant dans des activités avec ses amis et ses apprentissages.


Frédérico savait qu'il devait agir, qu'il devait s'engager plus activement dans les réalités de sa famille. Peut-être pourrait-il être un pont entre ses parents, peut-être pourrait-il aider à guérir certaines des blessures qui semblaient s'être ouvertes entre eux. Ou peut-être avait-il besoin de cela pour comprendre sa propre place dans ce monde complexe, entre loyauté familiale et responsabilités envers l'Ordre des Assassins.


Ce qu'il savait, c'était qu'il ne pouvait plus rester en marge. La situation exigeait plus de lui, et il était prêt à répondre à cet appel. Avec une détermination renouvelée, il ajusta la capuche de son manteau et se dirigea vers la demeure familiale, prêt à affronter les vérités inconfortables qui l'attendaient.


Frédérico marcha d'un pas rapide jusqu'à la demeure familiale, avant de bifurquer vers l'arrière du bâtiment où se trouvait l'atelier de sa tante Claudia. Elle avait toujours eu une oreille attentive et un avis sage, et il avait désespérément besoin de ces deux choses maintenant.


Il la trouva en train de vérifier l'inventaire, une plume à la main et une série de registres ouverts devant elle.


"Claudia," commença-t-il, mais sa tante leva la main pour l'interrompre.


"J'ai déjà entendu les rumeurs, Frédérico," dit-elle en posant la plume. "Assieds-toi."


Il s'exécuta, le cœur lourd. Claudia le regarda, ses yeux scrutant son visage comme s'ils pouvaient lire les mots qu'il avait du mal à trouver.


"Je ne comprends pas, tante Claudia. Maman a toujours été une force dans notre vie. Elle ne cède pas, elle ne faillit pas. Alors pourquoi maintenant? Et pourquoi avec papa?"


Claudia soupira et ferma le registre devant elle. "Ton père et ta mère sont deux êtres humains très compliqués, Frédérico. Ils portent tous les deux des fardeaux que même toi, en tant que leur fils, pourrais avoir du mal à comprendre complètement."


"Mais ce n'est pas une réponse," insista Frédérico.


"Non, ce n'est pas une réponse, mais c'est une réalité," dit Claudia. "Ton père et ta mère sont dans une bataille perpétuelle, pas seulement avec le monde extérieur et les Templiers, mais aussi entre eux. Parfois, même les personnes les plus fortes atteignent un point où elles doivent choisir leurs batailles."


Frédérico regarda sa tante, les mots résonnant en lui. "Alors que dois-je faire?"


Claudia sourit doucement. "Tu fais déjà ce que tu dois faire. Tu te poses des questions, tu cherches à comprendre. C'est plus que ce que la plupart des gens de ton âge feraient."


"Je veux aider, tante Claudia. Je ne peux pas simplement regarder ma famille se désagréger."


"Alors ne regarde pas," dit Claudia en se levant pour poser une main réconfortante sur son épaule. "Agis. Parle à ta mère, à ton père. Sois la voix raisonnable au milieu du chaos. Qui sait, tu pourrais être surpris par ce que tu découvres. Et ils pourraient l'être aussi."


Armé de ces mots et de cette nouvelle perspective, Frédérico hocha la tête, se sentant soudainement plus léger. Il se leva, embrassa sa tante sur la joue, et sortit de la pièce, prêt à aborder les défis qui l'attendaient, quels qu'ils soient.


Frédérico quitta l'atelier, son esprit bouillonnant de pensées et d'émotions conflictuelles. Le poids des responsabilités familiales commençait à se faire ressentir de manière plus intense qu'auparavant. Sa marche le conduisit inconsciemment vers une partie isolée du domaine familial, un endroit où il avait souvent trouvé refuge pour réfléchir.


Là, adossé contre un arbre centenaire, il laissa son esprit vagabonder. Les mots de Claudia résonnaient toujours en lui. "Sois la voix raisonnable au milieu du chaos."


Est-ce que ça suffirait? Se demanda-t-il. Avec des parents si intensément passionnés et des enjeux si élevés, pouvait-il vraiment faire une différence? Mais alors, une autre pensée lui traversa l'esprit. Il ne s'agissait pas seulement de ses parents; il y avait aussi sa sœur Isabella, qui semblait prendre de plus en plus de responsabilités. Et il y avait l'Ordre des Assassins, une cause plus grande que toute querelle familiale.


Son visage se durcit. Si chacun avait un rôle à jouer dans ce drame complexe, alors il devait trouver le sien, et vite. Peut-être que le moment était venu de parler ouvertement à ses parents, de leur faire comprendre que leurs actions avaient des conséquences bien au-delà de leur relation complexe. Peut-être était-il temps de leur montrer qu'ils n'étaient pas seuls dans leur lutte, que leurs enfants étaient prêts à prendre le flambeau, à porter une partie du fardeau.


Animé d'un sentiment renouvelé de détermination, Frédérico revint vers la demeure. Il trouverait le moment et le moyen de parler à ses parents, d'aborder les problèmes qui les divisaient et, espérait-il, de les résoudre. Mais d'abord, il devrait peut-être en parler à Isabella. Après tout, ils étaient dans le même bateau, tous les deux enfants de parents compliqués, tous deux destinés à un héritage lourd de sens et de sacrifice.


Ce soir, il y aurait une conversation, une de ces conversations sérieuses qui pourraient changer le cours des choses. Et pour la première fois depuis longtemps, Frédérico se sentait prêt à y faire face.


Frédérico prit une grande inspiration et rentra dans la demeure, les pas plus décidés que jamais. À peine avait-il franchi le seuil qu'il croisa sa sœur, Isabella. Leur regard se rencontrerent, et il vit dans ses yeux la même inquiétude, la même soif de résolution qui l'habitait.


"Isabella, il faut qu'on parle," dit-il, la gravité dans la voix.


Elle hocha la tête, consciente de l'importance de l'instant. "Je sais, Frédérico. Cela ne peut plus durer ainsi."


Ils se dirigèrent vers une petite salle de lecture, un lieu plus intime, où ils avaient souvent partagé leurs pensées et craintes les plus profondes. S'asseyant en face de sa sœur, Frédérico ne perdit pas de temps.


"As-tu également ressenti cette tension croissante entre nos parents ?"


Isabella soupira. "Bien sûr, comment pourrait-on l'ignorer ? C'est comme si les murs eux-mêmes se resserraient autour de nous."


"Je pense qu'il est temps pour nous d'intervenir. Ils ne sont peut-être pas conscients des répercussions de leur comportement sur la famille, sur l'Ordre, ou même sur eux-mêmes."


Isabella leva les yeux vers lui, son regard exprimant un mélange de soulagement et d'appréhension. "Je suis d'accord. Mais comment comptes-tu t'y prendre ?"


Frédérico réfléchit un instant avant de répondre. "Je pense qu'une conversation directe s'impose. Pas d'intermédiaires, pas de secrets. Juste la vérité."


"Tu sais que ce ne sera pas facile. Ils ont tous les deux des caractères forts, et ils ne cèdent pas facilement."


"C'est vrai, mais quel autre choix avons-nous ? Si nous ne faisons rien, les choses ne vont faire qu'empirer. Nous devons agir, pour leur bien et le nôtre."


Isabella acquiesça. "Alors, faisons-le ensemble. Affrontons cette tempête en tant que famille. Après tout, c'est ce que nous sommes censés être, non ? Une famille."


Frédérico sourit, sentant une vague d'espoir monter en lui. "Exactement. Préparons-nous, demain nous parlerons avec eux. Quoi qu'il en coûte, nous trouverons un moyen de ramener la paix et l'équilibre dans notre maison."


Ce soir-là, Frédérico et Isabella s'endormirent avec un mélange d'appréhension et d'optimisme. Ils savaient que le chemin serait difficile, mais pour la première fois, ils se sentaient unis dans leur détermination à changer les choses. Le lendemain serait un jour décisif, et ils étaient prêts à y faire face.


-


Frédérico et Isabella se levèrent tôt ce matin-là, leur détermination affûtée comme la lame d'un assassin. Après avoir échangé un bref regard complice, ils trouvèrent Ezio dans le bureau, plongé dans des cartes et des documents. Il semblait déjà en proie à ses démons, les sourcils froncés et la mâchoire serrée.


"Père, nous devons parler," commença Frédérico, la voix aussi stable que possible.


Ezio leva les yeux, d'abord surpris, puis légèrement irrité. "N'est-ce pas un peu tôt pour des discussions familiales ?"


"Nous pensons que c'est le moment parfait, car c'est urgent," insista Isabella.


Il soupira, replaça les documents sur son bureau et croisa les bras. "Très bien, parlez."


Frédérico prit une profonde inspiration. "Nous avons senti une tension croissante entre toi et Maman. Cela affecte tout le monde, et nous pensons que—"


"Vous pensez ? Vous êtes des enfants. Vous ne comprenez pas les complications de la vie adulte," coupa Ezio.


"Père, nous ne sommes plus des enfants, et oui, nous comprenons," rétorqua Isabella, "peut-être plus que tu ne le penses."


"Arianna et moi gérons les choses à notre manière. Ce n'est pas votre place de vous en mêler," dit Ezio, l'irritation montant dans sa voix.


Au même moment, Arianna entra dans la pièce, comme attirée par la tension palpable. Elle analysa rapidement la situation. "Que se passe-t-il ici ?"


"Tes enfants se sont pris pour des médiateurs familiaux," gronda Ezio.


Arianna jeta un regard aux jeunes gens. "Et pourquoi ne le seraient-ils pas ? S'ils voient que quelque chose ne va pas, ils ont le droit de s'inquiéter."


Ezio sembla perdre patience. "Nous n'avons pas besoin de leur inquiétude. Ce sont nos affaires, Arianna."


"Mais elles affectent tout le monde, Ezio," dit-elle, le ton doux mais ferme. "Ne vois-tu pas ça ?"


Il s'apprêtait à répondre, mais quelque chose dans le visage d'Arianna le stoppa. Après un instant tendu, elle céda, comme elle l'avait toujours fait. "Très bien, Ezio. Comme tu l'as dit, ce sont nos affaires. Les enfants, laissez-nous."


Isabella et Frédérico échangèrent un regard de déception. Ils avaient essayé, mais leur tentative pour briser le cycle de tension et de ressentiment avait échoué. Tandis qu'ils quittaient la pièce, Frédérico ne put s'empêcher de penser à la force incroyable de sa mère, une force qui, à ce moment-là, semblait fléchir sous le poids de l'amour et des obligations. Et il se demanda, avec une pointe d'angoisse, quel serait le coût de ce sacrifice continu.


Les deux jeunes gens s'éloignèrent, chacun absorbé par ses propres pensées, mais unis dans un sentiment de frustration et de préoccupation croissantes pour l'avenir de leur famille.


Arianna ferma la porte derrière elle, assurant un semblant d'intimité face à une situation déjà assez tendue. Elle retourna auprès d'Ezio, qui se tenait toujours près du bureau, le visage fermé et les bras croisés.


"Ezio, tu vois bien que cela ne peut plus continuer comme ça," dit-elle, choisissant ses mots avec soin. "Nous nous éloignons l'un de l'autre et cela affecte les enfants. Ils ressentent cette tension, cette distance entre nous."


Ezio soupira, ses épaules tombant légèrement, comme s'il abandonnait une partie de sa défensive. "Je sais qu'ils ressentent quelque chose, Arianna. Mais comprends-tu la charge qui pèse sur moi ? Sur nous ? Les dangers qui nous entourent ?"


Arianna hocha la tête, s'approchant de lui. "Je sais que nous avons des ennemis, que la situation est difficile, mais c'est précisément pourquoi nous avons besoin d'être forts ensemble, et non pas divisés."


Il la regarda, et pendant un instant, elle vit la fissure dans son armure, un bref moment de vulnérabilité. "Tu as raison," admit-il, "mais Arianna, chaque fois que je baisse ma garde, chaque fois que je permets à l'émotion de prendre le dessus, j'y vois une faiblesse, une brèche que nos ennemis pourraient exploiter."


Elle posa sa main sur son bras, sentant la tension dans ses muscles. "Ton humanité n'est pas une faiblesse, Ezio. C'est ce qui fait de toi l'homme que je... que j'ai aimé. C'est ce qui fera de nos enfants des personnes fortes et compatissantes."


Ezio fixa sa main sur son bras, puis leva les yeux pour croiser son regard. "Je souhaite que ce soit aussi simple."


"Rien de ce que nous avons fait ou enduré n'a jamais été simple. Mais nous avons toujours trouvé un moyen de surmonter les épreuves," dit-elle insistante.


Après un moment qui sembla durer une éternité, Ezio prit finalement sa main entre les siennes. "Je ne peux pas faire cela, Arianna. Pas maintenant. Il y a trop en jeu."


Le cœur d'Arianna se serra, mais elle ravala la douleur, la transformant en une façade de résilience. "Très bien, Ezio. Faisons-le à ta façon. Encore."


Elle se tourna pour partir, ses épaules trahissant une fatigue qu'elle n'aurait jamais avouée. En quittant la pièce, elle sentait plus que jamais le poids de leurs années de douleur et de malentendus.


Tout en s'éloignant, Arianna ne pouvait s'empêcher de penser à leurs enfants, à la manière dont ils étaient affectés par cette distance croissante entre leurs parents. Elle pensait à Isabella et Frédérico, et à la confusion et à la douleur qu'ils devaient ressentir, des sentiments qu'ils étaient trop jeunes pour devoir porter.


Elle arriva dans sa propre chambre, ses pas lourds comme si chaque partie d'elle était tirée vers le bas par des chaînes invisibles. Alors qu'elle se tenait là, seule dans l'obscurité, Arianna se promit qu'un jour, elle trouverait le moyen de réparer ce qui avait été brisé. Mais pour l'instant, elle savait qu'elle céderait, encore et encore, à cet homme torturé qu'elle aimait malgré tout. Espérant, priant, que l'homme qu'elle avait autrefois connu réapparaîtrait du brouillard épais dans lequel il s'était perdu.


-


Plus tard dans la soirée, la porte de la chambre d'Arianna s'ouvrit doucement. C'était Ezio, son visage toujours marqué par les conflits intérieurs qui l'habitaient. Il se tenait à l'entrée, comme s'il hésitait à franchir ce seuil, ce point de non-retour.


Arianna leva les yeux, son cœur battant dans sa poitrine. Elle le regarda pendant un instant, cherchant dans ses yeux une lueur de l'homme qu'elle avait autrefois aimé sans réserve.


"Fais-tu cela pour eux ?" demanda-t-elle enfin, sa voix basse mais forte.


Ezio fit quelques pas vers elle, son expression difficile à lire. "Je le fais pour nous tous. C'est tout ce que je sais faire."


Elle le regarda, les yeux emplis d'une tristesse qu'elle ne pouvait plus cacher. "Et si cela ne suffit pas ? Et si, en essayant de nous sauver, tu nous perds tous ?"


Ezio semblait sur le point de dire quelque chose, mais ses mots moururent sur ses lèvres. À la place, il s'approcha d'elle et la prit doucement dans ses bras. Arianna resta rigide un instant, mais finalement, elle céda à l'étreinte, laissant sa tête reposer sur l'épaule d'Ezio.


Ils restèrent ainsi pendant un long moment, deux âmes perdues cherchant du réconfort dans un monde qui en offrait si peu. Et même si Arianna savait que ce n'était pas une solution, ce soir, c'était tout ce qu'ils avaient.


Ezio rompit finalement le silence, ses mots à peine audibles. "Je suis désolé, Arianna. Je souhaite... je souhaite être l'homme que tu mérites."


"Et moi, je souhaite que tu retrouves l'homme que tu étais," répondit-elle doucement, les yeux toujours fermés, sentant le poids des années et des erreurs entre eux. "Mais pour l'instant, ceci devra suffire."


Sans un mot de plus, Ezio l'embrassa sur le front puis sur les lèvres, son besoin se fit plus urgent, et une fois de plus Arianna céda.

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