L'Ombre de Florence: Les mémoires cachées d'Arianna Valentini
Arianna était à cheval, laissant la mélodie du trot régulier l'accompagner sur la route poussiéreuse vers Monteriggioni. Le paysage était magnifique, mais elle ne le voyait pas vraiment, perdue dans le dédale de ses pensées et de ses souvenirs.
Elle se rappela de ses 14 ans, de cette nuit funeste où sa vie avait été bouleversée. Le massacre de sa famille, le sang, les cris, l'horreur. Elle se souvint de sa fuite désespérée, de la terreur qui la rongeait à chaque ombre dans les bois, de son soulagement étrange et déchirant quand elle avait atteint Florence. Elle était arrivée à la cité en ruine, mais elle avait trouvé une nouvelle famille, une nouvelle vie.
La maison Auditore l'avait accueillie comme l'une des leurs. Elle avait rencontré Ezio, et quelque chose en elle s'était réveillé. C'était subtil au début, une simple étincelle, une curiosité, une admiration peut-être. Mais au fil des années, ce sentiment avait grandi, s'était transformé, évoluant en quelque chose de plus profond, de plus complexe, de plus... dangereux.
Le visage de Giovanni Auditore se matérialisa dans son esprit, dur et impénétrable, alors qu'il lui annonçait qu'elle devait partir. Elle se rappela du déchirement qu'elle avait ressenti à cet instant, comme si on lui arrachait une part d'elle-même, comme si on la condamnait à une solitude éternelle.
Elle pensa à Ezio. A son sourire, à la chaleur de ses bras, à la douceur de ses lèvres. Et pour la première fois, elle prit pleinement conscience de l'ampleur de ses sentiments pour lui. C'était comme si chaque partie de son être aspirait à lui, le voulait près d'elle, le voulait à elle. L'amour, un mot si simple, semblait insuffisant pour décrire l'entrelacement complexe de désir, de besoin, de passion et de tendresse qui liait son âme à la sienne.
Mais elle était là, seule, sur cette route interminable, à nouveau déchirée loin de ceux qu'elle aimait. La douleur dans sa poitrine était presque insupportable, une souffrance qui lui rappelait sa propre fragilité, son propre manque de contrôle sur son destin.
Les larmes coulèrent finalement, libres et incontrôlables, alors qu'elle réalisait à quel point elle était perdue sans lui, à quel point il était devenu une partie d'elle-même. Et dans ce moment d'abandon total, elle sut qu'aucune distance, aucun mot, aucun acte ne pourrait jamais éteindre la flamme qui brûlait en elle pour Ezio Auditore. Elle aimait, profondément et inconditionnellement, et cette réalisation était à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse.
-
Arianna entra dans Monteriggioni avec une sensation mêlée de familiarité et d'étrangeté. Elle avait été ici plusieurs fois auparavant pour des missions et des entraînements sous la supervision de Giovanni, mais cette fois, elle venait en tant que réfugiée, une âme perdue cherchant un nouveau chez-soi.
Son cheval s'arrêta devant la villa majestueuse qui surplombait la cité. Elle mit pied à terre et fut accueillie par Mario Auditore, l'oncle d'Ezio. À la vue de Mario, un homme robuste avec des yeux scrutateurs mais chaleureux, elle sentit une vague d'espoir la traverser. Il l'accueillit avec une poignée de main ferme, ses yeux sondant les siens comme s'il cherchait à lire son âme.
"Je suis heureux de te voir, Arianna, même si les circonstances sont loin d'être idéales," dit-il en consultant une lettre scellée, visiblement envoyée par Giovanni. "Mon frère a été plutôt concis, mais il m'a fait comprendre que tu serais sous ma responsabilité."
Mario remarqua son air abattu, son visage marqué par les épreuves récentes. "Je ne vais pas prétendre connaître tous les détails de ce qui s'est passé à Florence, mais sache que tu es la bienvenue ici."
L'empathie dans la voix de Mario était palpable, mais elle était également teintée d'une certaine rigueur. "Je sais que tu es capable, formée par Giovanni lui-même. Nous avons des missions importantes ici, des enjeux qui dépassent nos vies individuelles. J'attends de toi le même dévouement et la même compétence que tu as montrés jusqu'à présent."
Arianna hocha la tête, reconnaissante pour l'accueil mais aussi un peu intimidée par les attentes. "Je ferai de mon mieux, Mario. Vous pouvez compter sur moi."
Mario la regarda avec un mélange de sévérité et de compassion. "Très bien, installe-toi. Repose-toi aujourd'hui. Demain, nous commencerons à parler des missions qui t'attendront. L'Ordre a besoin de toi, et tu as besoin de l'Ordre, surtout en ces temps difficiles."
Arianna acquiesça et suivit un serviteur qui la guida vers ses quartiers. Alors qu'elle entrait dans la pièce, elle se sentit envahie par un mélange de soulagement et de résolution. Monteriggioni serait son nouveau chez-soi, du moins pour l'instant, et elle était prête à prendre part à la cause qui avait donné un sens à sa vie tant d'années auparavant. Mais même alors, une partie d'elle ne pouvait s'empêcher de penser à Florence, à la maison Auditore, et surtout à Ezio. Ces pensées, aussi douloureuses soient-elles, étaient désormais une partie d'elle, une ombre qui la suivrait où qu'elle aille.
-
Le lendemain, sous le ciel bleu de Monteriggioni, Arianna se tenait dans la cour d'entraînement, sa respiration calme mais son cœur battait d'anticipation. Mario était devant elle, une lame à la main, ses yeux fixés sur elle comme s'il mesurait son âme.
"Prête ?" demanda-t-il, son visage restant de marbre.
Arianna hocha la tête et dégaina sa propre lame, son corps se tendant en position de combat.
Sans un mot de plus, Mario attaqua, sa lame sifflant à travers l'air. Arianna para avec une rapidité qui le surprit légèrement. Il enchaîna avec une série de coups, cherchant à la déstabiliser, mais elle réagissait à chaque mouvement avec une précision et une grâce qui démentaient son jeune âge.
Ils échangèrent des coups, la tension montant avec chaque parry et chaque esquive. Mario augmenta l'intensité, utilisant des techniques de combat plus avancées, poussant Arianna à ses limites. Elle trébucha une fois, mais se reprit instantanément, son regard déterminé.
Finalement, avec une feinte rapide suivie d'une attaque éclair, Arianna désarma Mario, sa lame atterrissant sur le sol avec un bruit sourd. Ils se tenaient là, haletants, leurs yeux se rencontrant dans un moment de reconnaissance mutuelle.
Mario ramassa son épée et la rangea, un sourire apparaissant enfin sur son visage austère. "Je n'imaginais pas que tu étais aussi douée, Arianna. C'est un honneur de t'avoir à mes côtés."
Arianna sourit à son tour, mais son visage trahissait l'épuisement et la concentration de l'épreuve. "Merci, Mario. J'ai beaucoup à apprendre, mais je suis prête à donner tout ce que j'ai pour l'Ordre."
Mario hocha la tête, son regard sérieux une fois de plus. "C'est tout ce que je peux demander. Aujourd'hui, tu as prouvé que tu es une alliée d'exception, une que je serais fier d'avoir à mes côtés dans les batailles à venir."
Arianna sentit un mélange de fierté et d'humilité à ces mots. Elle savait qu'elle avait passé un cap important aujourd'hui, non seulement aux yeux de Mario mais aussi à ses propres yeux. Et même si elle n'était pas sûre de ce que l'avenir lui réservait, elle savait qu'elle était là où elle devait être, prête à faire face à tout défi qui se présenterait.
-
Arianna avait trouvé une routine à Monteriggioni, une qui semblait lui convenir. Du matin au crépuscule, elle s'entraînait avec Mario et ses mercenaires, pratiquant des techniques de combat complexes et des stratégies de guerre. Malgré les liens qui se tissaient lentement entre eux, elle restait distante, solitaire, comme une louve perdue loin de sa meute.
Lorsqu'elle n'était pas sur le terrain d'entraînement, elle se trouvait dans la bibliothèque du château, ses yeux plongés dans des manuscrits anciens et des parchemins récents. Les langues étrangères, les mathématiques, les arts militaires; rien n'était hors de portée pour son esprit avide de connaissance. Mais c'était le codex des Valentini, héritage de sa propre famille, qui retenait le plus son attention. Des heures entières étaient consacrées à décrypter ses pages mystérieuses, chaque mot et chaque symbole disséquant ses pensées jusqu'à ce que le monde extérieur s'efface complètement.
C'était une forme d'évasion, une manière de se perdre pour ne pas avoir à faire face à la réalité. La réalité de son cœur brisé, de son âme en deuil. Elle cherchait l'oubli dans la sueur et l'encre, dans le fer et le parchemin. Et pour un temps, cela semblait marcher. La douleur s'atténuait, reléguée au second plan par la rigueur physique et mentale qu'elle s'imposait.
Pourtant, même dans ces moments de concentration intense, le visage d'Ezio s'immisçait dans ses pensées, comme une ombre insaisissable. Elle pouvait ignorer sa présence, repousser le souvenir dans les coins les plus sombres de son esprit, mais il était là, persistant, indélébile.
Arianna savait qu'elle ne pouvait pas fuir éternellement. Tôt ou tard, elle devrait affronter la vérité de ses sentiments, de ses regrets, de ses désirs. Mais pour l'instant, elle se contentait de ce semblant de paix, même si elle savait au fond d'elle-même qu'il s'agissait d'une trêve temporaire dans une guerre qui était loin d'être terminée.
-
Un soir, le crépuscule avait jeté son voile sombre sur Monteriggioni, laissant place à une pénombre feutrée. Les dernières lueurs du jour vacillaient, pareilles à des braises mourantes. Dans ce crépuscule à mi-chemin entre le jour et la nuit, Mario Auditore observait depuis l'ombre d'un porche la jeune Arianna s'exercer sur le terrain d'entraînement.
Son regard vieilli mais toujours acéré suivait chacun de ses mouvements. Elle maniait sa lame avec une précision et une vitesse qui pouvaient rivaliser avec les assassins les plus expérimentés. Chaque frappe, chaque coup tranchait l'air avec une détermination farouche, chaque mouvement était un poème de force et d'agilité. C'était le travail d'une artiste, d'une guerrière.
Mais sous cette assurance, cette force presque indomptable, Mario discernait quelque chose d'autre. Une sorte de fragilité, une faille presque imperceptible dans l'armure d'acier qu'elle avait forgée autour d'elle-même. Ce n'était pas tant dans ses gestes, qui étaient fluides, mais dans ses yeux. Ils trahissaient une mélancolie profonde, une douleur qu'aucune lame ne pouvait toucher.
Après un moment qui sembla s'étirer, la décision prit forme dans l'esprit de Mario. Il marcha en silence vers elle, ses pas délibérés, mais discrets. Comme si elle était guidée par une intuition, Arianna s'arrêta en plein mouvement. Lentement, elle se tourna vers lui. Avant même qu'il ne puisse dire un mot, elle se laissa aller dans ses bras ouverts, laissant tomber ses défenses pour la première fois depuis qu'elle avait franchi les portes de Monteriggioni.
"Ezio," murmura-t-elle, si bas que ce fut à peine plus qu'un souffle. Ce seul mot résonna dans le silence environnant, rempli de toute l'émotion et de toute la complexité que les discours et les déclarations ne pouvaient rendre. C'était un nom, mais aussi une confession, un regret et une prière en une seule syllabe.
Mario resserra son étreinte, enveloppant la jeune femme dans ses bras massifs. "Je sais, Arianna, je sais," répondit-il doucement. Ses mots étaient chargés d'une empathie qu'il n'avait que rarement eu l'occasion ou le besoin de montrer. Dans ce simple échange, tous deux avaient touché quelque chose de fondamental, quelque chose de profondément humain.
Il la tenait comme s'il pouvait absorber une partie de sa douleur, comme s'il pouvait lui offrir une fraction du réconfort ou de la paix qu'elle cherchait désespérément. Et même si ce n'était pas suffisant, même si cela ne pouvait pas guérir les blessures qu'ils avaient tous deux subies, c'était un début. Un premier pas vers quelque chose de nouveau, quelque chose de différent, dans ce monde où la confiance était une denrée rare et où chaque instant pouvait être le dernier.
Cet instant de vulnérabilité et de partage marqua un tournant indélébile dans leur relation. La nuit silencieuse autour d'eux semblait presque sacrée, un temple invisible où ils avaient mutuellement offert des fragments de leur âme. Mario Auditore, un homme habitué à la solitude du commandement et au fardeau des secrets, se sentit inexplicablement lié à cette jeune femme qui avait tant souffert, tant enduré.
Après ce moment, il lui était clair qu'il ne serait plus simplement son mentor. Il devenait, progressivement, la figure paternelle qui avait manqué à Arianna depuis la tragédie qui avait frappé sa vie. Ce n'était pas un rôle qu'il avait recherché, mais c'était un rôle qu'il embrasserait avec toute la gravité et le dévouement que cela impliquait. Il sentait que c'était une responsabilité qui allait au-delà de l'Ordre, au-delà de la mission; c'était une connexion humaine, pure et simple.
Arianna, avec une honnêteté qui venait du plus profond d'elle-même, se mit à lui confier des éléments de son passé. Elle parla de son enfance, de la perte dévastatrice de sa propre famille, des épreuves qu'elle avait traversées pour arriver là où elle était. Elle parla aussi de ses aspirations, de sa quête de sens, et des douleurs qui la hantaient encore.
Tandis qu'elle s'ouvrait à lui, Mario la considéra sous un jour complètement nouveau. Il ressentit une profonde affection pour elle, une tendresse qu'il n'avait pas ressentie depuis longtemps. Il l'adopta dans son cœur, de la même manière qu'il aurait adopté une fille perdue, trouvée au milieu des champs de bataille et des intrigues politiques qui constituaient son quotidien.
La dynamique entre eux changea alors de manière subtile mais significative. Mario, bien sûr, demeura l'instructeur exigeant qu'il avait toujours été. Les jours suivants virent Arianna poussée à ses limites, testée dans ses compétences, formée à devenir la meilleure version possible d'elle-même. Mais désormais, il y avait une nouvelle couche d'interaction entre eux. Une tendresse sous-jacente, une compréhension mutuelle qui n'avait pas besoin de mots pour être exprimée.
Arianna, pour la première fois depuis longtemps, sentit qu'elle avait trouvé un véritable allié, un véritable protecteur. Quelqu'un qui serait à ses côtés à travers les nombreuses épreuves qu'elle savait devoir encore affronter. Et alors qu'elle s'entraînait sous le regard approbateur de Mario, sous le ciel infini qui s'étendait au-dessus de Monteriggioni, elle réalisa quelque chose de profondément réconfortant : elle n'était plus seule dans ce vaste et dangereux monde. Elle avait trouvé une famille, même si ce n'était pas celle de son sang, c'était une famille de cœur et d'âme, et en cet instant, cela lui suffisait amplement.
-
Le crépuscule embrasait le ciel au-dessus de Monteriggioni, transformant les murailles de la cité en silhouettes dorées. Dans la grande salle de la villa Auditore, Mario était assis à son bureau, perdu dans ses pensées et dans les papiers devant lui. Arianna entra discrètement, une pile de livres à la main. Depuis son arrivée, elle avait trouvé refuge dans la bibliothèque, absorbant toutes les connaissances qu'elle pouvait trouver, comme si chaque mot pouvait l'aider à échapper aux douleurs de son passé.
Voyant son entrée, Mario leva les yeux et sourit légèrement. "Je vois que tu as trouvé de quoi occuper ton esprit," dit-il, en posant sa plume.
Arianna sourit en retour. "Je trouve toujours du réconfort dans les livres. Ils offrent des échappées que la réalité ne peut pas toujours donner."
Mario hocha la tête, puis son regard devint plus sérieux. "Je sais que ces dernières semaines n'ont pas été faciles pour toi, Arianna. Tu as beaucoup appris, mais il y a encore des fardeaux que tu portes secrètement."
Arianna baissa les yeux, ressentant un pincement au cœur. Elle s'était attachée à Mario, à cette nouvelle famille, mais il y avait toujours un fossé, une distance qu'elle n'arrivait pas à franchir.
Mario se leva et s'approcha d'elle. "Viens, asseyons-nous." Ils s'installèrent sur deux chaises près de la grande cheminée où brûlait un feu chaleureux.
"J'ai vécu longtemps, Arianna. Et si j'ai appris une chose, c'est que les blessures du cœur prennent plus de temps à guérir que n'importe quelle blessure physique," commença Mario. "Mais elles ne guérissent que si nous leur donnons une chance."
Arianna regarda le feu, les flammes dansant comme pour illustrer les émotions tumultueuses qu'elle ressentait. "Je ne sais pas si je suis prête, Mario. Tout ce que j'ai connu, tout ce que j'ai aimé a été pris de moi. Deux fois."
Mario prit une profonde inspiration. "Et tu crois que tu es la seule à avoir perdu?" Sa voix était douce, mais portait une gravité qui la fit regarder en haut. "Nous avons tous nos croix à porter, Arianna. Le vrai courage, c'est de savoir quand demander de l'aide."
Prenant sa main dans la sienne, Mario continua, "Je ne peux pas remplacer ce que tu as perdu. Mais je peux t'offrir quelque chose de différent. Une place dans cette famille, non pas comme un élève ou une alliée, mais comme une fille."
Les yeux d'Arianna se remplirent de larmes, mais elle ne les retint pas. "Est-ce que je mérite une telle place, après tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai échoué à faire?"
Mario serra sa main plus fort. "C'est précisément parce que tu as survécu à ces épreuves que tu mérites cette place. Et c'est en te battant que tu honores ceux que tu as perdus."
Il fit une pause, cherchant ses mots. "Je t'offre la chance d'être une Auditore, Arianna. Non par le sang, mais par le choix. Par l'amour."
Arianna sentit une chaleur se répandre en elle, dissipant le froid qu'elle avait ressenti pendant si longtemps. Elle regarda Mario, ses yeux rencontrant les siens, et pour la première fois, elle vit non seulement un mentor, mais un père.
"J'accepte, Mario. J'accepte de faire partie de cette famille, de devenir une Auditore," répondit-elle enfin, sa voix tremblante d'émotion.
Mario sourit, un sourire profond et authentique, et la prit dans ses bras. "Bienvenue dans la famille, ma fille."
Et dans cet instant, sous le ciel crépusculaire de Monteriggioni, Arianna trouva enfin quelque chose qu'elle avait cru perdu à jamais : une maison, une famille, un père. Mario, quant à lui, découvrit quelque chose de tout aussi précieux : la joie d'un amour paternel qui ne connaissait pas de frontières, pas même celles du sang.
-
Les semaines qui suivirent furent comme une renaissance pour Arianna et Mario. La villa Auditore, jadis remplie d'ombres silencieuses et de murs impassibles, semblait désormais briller d'une nouvelle lumière. Les mercenaires, même les plus endurcis, remarquèrent le changement dans leur commandant. Mario souriait plus souvent, ses ordres étaient livrés avec une sorte de confiance renouvelée. Et Arianna, bien qu'encore un peu réservée, commençait à s'épanouir, telle une fleur tardive en fin de printemps.
La formation de la jeune femme prit un nouveau tournant, désormais guidée non seulement par l'exigence d'un mentor, mais aussi par l'attention d'un père. Mario s'assura de lui donner des leçons plus approfondies sur l'histoire de la Confrérie des Assassins, leur philosophie et leur rôle dans le grand schéma de l'histoire humaine. Les entraînements physiques étaient toujours aussi rigoureux, mais il y avait désormais une douceur sous-jacente, comme si chaque épreuve était conçue non pour la briser, mais pour la forger en une version plus forte d'elle-même.
Et pour Arianna, chaque jour apportait une nouvelle opportunité de grandir, d'apprendre, de se reconstruire. Elle étudiait le codex des Valentinis comme si c'était une extension de son propre être, découvrant des facettes cachées de sa famille qu'elle n'avait jamais connues. Dans ces moments de solitude studieuse, elle sentait presque la présence de ses parents disparus, les imaginant à ses côtés, partageant ses découvertes, lui offrant des mots de consolation et de sagesse.
Mais ce n'était pas seulement dans la formation ou l'étude qu'Arianna et Mario trouvèrent leur nouveau rôle. C'était dans les petites choses, les moments inattendus qui surgissaient dans la routine quotidienne. Un soir, ils se trouvèrent à partager une bouteille de vin dans le jardin, parlant de tout et de rien jusqu'à ce que les étoiles illuminent le ciel nocturne. Une autre fois, Mario prit Arianna avec lui pour négocier avec un marchand ambulant, et ils passèrent l'après-midi à marchander et à rire comme s'ils l'avaient fait toute leur vie.
Et chaque fois que l’homme revenait de l'une de ses missions, il trouvait la villa un peu plus chaleureuse, un peu plus vivante. Les sourires étaient plus fréquents, les rires plus forts.
Pour Mario, pouvoir avoir ce qui ressemblait à une vie de famille était une bénédiction qu'il n'avait jamais osé espérer. Il avait été témoin de trop de pertes, de trop de douleurs pour prendre ce bonheur pour acquis. Mais chaque soir, quand il se retirait dans ses appartements, il prenait un moment pour remercier les forces invisibles qui avaient guidé Arianna vers eux. Elle était la fille qu'il n'avait jamais eue, le dernier morceau du puzzle qui rendait leur maison vraiment complète.
Bien sûr, les défis ne manqueraient pas. La menace des Templiers était toujours présente, et les intrigues de la cour de Florence ne faisaient que s'épaissir. Mais désormais, ils feraient face à ces épreuves en tant que famille, armés non seulement de leurs lames, mais aussi de l'amour et de la foi qu'ils avaient les uns envers les autres.
Et dans ce fort intérieur, sous ce ciel toscan qui avait vu tant d'histoires se dérouler, Arianna et Mario trouvèrent quelque chose qui était bien plus rare et bien plus précieux que tout l'or ou les trésors du monde : ils trouvèrent un foyer.
-
Alors que les premières neiges de décembre recouvraient les collines de Toscane, la villa Auditore vibrait d'une tension palpable. La nouvelle du message crypté de Giovanni avait jeté un voile d'incertitude sur le foyer qui s'était si durement battu pour retrouver un semblant de paix. Le parchemin, déchiffré avec soin, évoquait des complots et des dangers imminents à Florence.
Mario parcourut les lignes du message encore une fois, son visage creusé par la gravité de la situation. Giovanni était un homme prudent, il ne sonnerait pas l'alarme sans raison valable. Néanmoins, Mario savait aussi que son frère avait tendance à sous-estimer la portée de la menace templière. Des sources externes, fiables, avaient confirmé que quelque chose de bien plus vaste se tramait.
Il appela Arianna dans son bureau, la pièce éclairée seulement par la lueur vacillante de quelques chandelles et la lumière mourante du jour d'hiver qui filtrait à travers les fenêtres. Elle entra, remarquant immédiatement l'expression sérieuse de son mentor et père adoptif.
"Arianna, il faut que tu ailles à Florence. Giovanni et Frédérico sont isolés, et la menace templière est plus grande que ce qu'il imagine. J'enverrai des renforts, mais j'ai besoin que quelqu'un que je peux entièrement faire confiance soit sur place. Tu es cette personne," dit Mario, fixant ses yeux dans ceux d'Arianna.
La jeune femme sentit une bouffée de doutes et de craintes l'envahir. Florence. C'était là-bas qu'Ezio se trouvait. Son cœur, déjà en proie à tant de conflits et de tourments, ne savait pas s'il pourrait supporter une telle épreuve. Mais la perspective de voir ceux qu'elle avait considérés comme sa famille en danger éclipsa toute autre hésitation.
"Je partirai à l'aube," répondit-elle finalement, un mélange de détermination et de vulnérabilité transparaissant dans sa voix.
Mario hocha la tête, soulagé mais également conscient du poids émotionnel de sa demande. "Merci, Arianna. Tu ne sais pas à quel point cela signifie pour moi... pour nous tous."
La nuit fut courte et agitée pour Arianna. Elle passa des heures à affûter ses lames, à vérifier et revérifier son équipement. À un moment, elle s'arrêta pour regarder par la fenêtre, les flocons de neige flottant doucement à travers le ciel. Son esprit alla à Ezio, et elle se demanda ce qu'il faisait à cet instant précis. Serait-il heureux de la revoir ? Ou avait-il déjà tourné la page, comme elle avait essayé si désespérément de le faire ?
Quand l'aube brisa enfin l'obscurité, Arianna était prête. Elle enfourcha son cheval, le visage masqué par une capuche pour se protéger du froid mordant. Avant de partir, elle se tourna vers Mario qui l'accompagnait jusqu'aux portes de la villa.
"Prends soin d'eux, Mario. Et de toi-même," dit-elle, sa voix empreinte d'une solennité rare.
Mario posa sa main sur l'épaule d'Arianna, la pressant légèrement comme pour transférer une part de sa force en elle. "Et toi, prends soin de toi, ma fille. Que la fortune te soit favorable."
Sans un autre mot, Arianna lança son cheval au galop, disparaissant bientôt à travers les portes ouvertes. Mario resta là, regardant la silhouette de la jeune femme s'éloigner jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'un point à l'horizon, une ombre parmi les ombres de ce monde en constante évolution.
Et pendant ce temps, à Florence, les pièces du puzzle continuaient à se mettre en place, un engrenage silencieux de conspirations et de trahisons qui attendait seulement le bon moment pour révéler sa terrible mécanique. Mais maintenant, au moins, ils auraient un atout de plus, une lame affûtée dans l'obscurité qui pourrait peut-être faire toute la différence.
Arianna pressa les flancs de son cheval, accélérant encore davantage. Elle avait une mission, une famille à protéger, et rien, pas même la complexité de son propre cœur, ne l'empêcherait de l'accomplir.
-
Ezio Auditore déambulait à travers les rues animées de Florence, le visage perdu dans l'ombre de sa capuche. Autrefois, ces ruelles et ces places étaient le théâtre de son insouciance, un terrain de jeu où il jouait le rôle d'un séducteur insouciant. Aujourd'hui, elles n'étaient qu'un labyrinthe de pierre où chaque coin semblait lui rappeler ce qu'il avait perdu.
Le départ d'Arianna l'avait laissé vide, un creux dans son âme que même la compagnie de ses amis les plus proches ne pouvait combler. Ses frictions avec Frédérico étaient allées de mal en pis; leur relation, autrefois fraternelle et pleine d'amour, était maintenant une blessure ouverte, infectée par la trahison et le ressentiment. Son père, Giovanni, était absorbé par des affaires dont il refusait de parler, et sa mère et sa sœur, Maria et Claudia, étaient des spectatrices impuissantes de la décomposition de leur famille.
La seule échappatoire d'Ezio était de revenir à ses vieux travers, une vie de débauche qui lui offrait, du moins temporairement, un oubli bienvenu. Les tavernes et les bordels de Florence le connaissaient bien; ils étaient ses alliés dans sa quête d'auto-destruction, ses complices silencieux dans son refus de faire face à la réalité.
Un soir, alors que la lueur des lampes à huile peignait les rues de teintes dorées et orangées, Ezio se retrouva dans une bagarre de rue. Les poings volaient, les jurons fusaient, et pendant un instant, la douleur physique éclipsa la douleur émotionnelle qui le tourmentait. Mais alors qu'il renversait un adversaire après l'autre, il se rendit compte qu'il cherchait en vain quelque chose qu'il ne pourrait jamais retrouver dans ces combats futiles.
Il se retira de la bagarre, s'adossant contre un mur de pierre froide, son souffle irrégulier brisant le silence de la nuit. Un groupe de jeunes femmes passa près de lui, jetant des regards curieux et parfois admiratifs en sa direction, mais il les ignora. L'attention féminine, autrefois sa principale source de validation, avait perdu tout son éclat.
Ezio rentra chez lui, les épaules voûtées, le pas lourd. La villa Auditore était plongée dans l'obscurité, une métaphore trop parfaite de son état d'esprit. Il monta dans sa chambre, s'évitant le regard de quiconque, et s'effondra sur son lit. Ses pensées vagabondèrent vers Arianna, et il se demanda où elle était, ce qu'elle faisait, si elle pensait à lui comme il pensait à elle.
Mais pour la première fois, ces questions restèrent sans réponse, se perdant dans l'écho de sa solitude. Et tandis qu'il se tournait et se retournait dans son lit, Ezio Auditore se rendit compte qu'il était véritablement, inéluctablement, seul.
-
Le lendemain, Ezio monta l'escalier de bois en direction de l'étage supérieur de la villa Auditore, ses pas résonnant lourdement dans le silence oppressant. Chaque marche le rapprochait un peu plus de l'endroit qu'il avait évité depuis le départ d'Arianna. Sa main s'arrêta sur la poignée de la porte, une hésitation soudaine le saisissant, mais il la poussa finalement et entra dans la pièce.
L'ancienne chambre d'Arianna était presque exactement comme il se souvenait, comme si le temps s'était arrêté au moment de son départ. Les murs étaient décorés de tissus colorés, d'étoffes et de peintures qui reflétaient son goût pour l'art et la beauté. Son bureau était toujours là, surchargé de livres, de parchemins et d'outils d'écriture. Ezio ne put s'empêcher de sourire tristement à la vue d'un croquis inachevé; c'était un portrait de lui, esquissé d'une main habile, mais laissé incomplet.
Le sourire se transforma en une grimace de douleur, et il sentit soudain comme un poids énorme dans sa poitrine. En un élan de fureur et de désespoir, il balaya le contenu du bureau, envoyant les livres, les parchemins et les instruments d'écriture s'éparpiller sur le sol. Il arracha les étoffes des murs, sa rage incoercible détruisant tout ce qui restait d'Arianna dans cette pièce.
Puis, aussi soudainement qu'elle était venue, la colère se dissipa, laissant place à une tristesse écrasante. Ezio s'effondra à genoux, ses épaules secouées par des sanglots qu'il ne pouvait plus retenir. Il laissa enfin éclater sa douleur, sa tristesse, son chagrin, tous ces sentiments refoulés qui avaient empoisonné son âme depuis si longtemps.
Il ne savait pas combien de temps il resta ainsi, agenouillé sur le sol de la chambre dévastée, mais lorsqu'il se releva enfin, il se sentit vidé, épuisé jusqu'à la moelle, mais aussi étrangement libéré. Il se releva lentement, son regard fixé sur l'horizon invisible au-delà des murs de la chambre. Son père avait raison; il avait été irresponsable, impulsif, peut-être même égoïste. Mais il ne serait plus cet homme. Il se changerait non pour prouver quelque chose à son père ou à quiconque, mais parce qu'il se rendit compte qu'Arianna méritait quelqu'un de meilleur.
"Eh bien, si c'est un homme que tu veux, c'est un homme que tu auras," murmura-t-il, presque comme une promesse, à la femme qui n'était pas là pour l'entendre.
À partir de ce moment, Ezio devint un homme transformé. Il retourna à ses études avec une vigueur renouvelée, absorbant le savoir comme une éponge. Il obéit à son père en toutes choses, mettant de côté son orgueil et ses désirs pour se concentrer sur ses devoirs. Dans la cour et sur le terrain d'entraînement, il travailla dur, affinant sa force et son habileté jusqu'à ce qu'il devienne un adversaire redoutable.
Mais sous cette discipline de fer, un feu brûlait toujours, une détermination farouche alimentée par l'amour et la perte. Un jour, il le savait, le temps viendrait où il serait mis à l'épreuve, où tout ce qu'il avait appris et tout ce qu'il était devenu serait mis en balance. Et quand ce jour arriverait, il était prêt à prendre d'assaut Monteriggioni s'il le fallait, à braver mers et montagnes, à affronter les légions du destin juste pour la ramener à ses côtés.
Car en cet instant d'épiphanie, au milieu de la pièce dévastée qui servait de miroir à son âme, Ezio Auditore da Firenze comprit enfin que son cœur avait déjà choisi, et qu'il était irrévocablement, inconditionnellement, éperdument amoureux d'Arianna Valentini.
Et armé de cette connaissance, de cette vérité brute et indéniable, Ezio se sentait invincible. Car il savait maintenant que pour l'amour, pour son amour, il serait capable de tout. Et ainsi, en se relevant de la chute, en rassemblant les pièces brisées de son cœur et de son passé, il trouva la force de marcher vers un futur incertain, mais plein de promesses.
-
Giovanni Auditore da Firenze n'était pas un homme qui laissait facilement transparaître ses émotions, mais il était impossible pour lui de ne pas remarquer le changement qui s'était opéré chez son fils. Ezio avait toujours eu cette étincelle dans les yeux, cette vigueur indomptée qui le faisait vivre à cent à l'heure, mais quelque chose était différent à présent. Cette flamme jadis sauvage semblait maintenant canalisée, dirigée vers un but que Giovanni pouvait presque deviner mais dont il ne pouvait être certain.
Marchant à travers la demeure des Auditore, Giovanni entra dans la chambre d'Ezio un jour et vit les traces indéniables de la présence persistante d'Arianna. Les détails étaient subtils - une boucle de cheveux, une note griffonnée, un tissu finement brodé - des reliques silencieuses mais éloquentes d'un amour qui refusait d'être oublié.
"Ces jeunes gens, ils pensent pouvoir dissimuler leurs secrets," pensa Giovanni avec une pointe de mélancolie. Mais il savait aussi que ce n'était pas un caprice juvénile qui guidait son fils. La transformation d'Ezio était bien trop profonde pour être attribuée à la simple impulsivité de la jeunesse.
Le patriarche des Auditore se rendit alors à son propre bureau, où il déverrouilla un tiroir contenant des parchemins et des sceaux de l'Ordre des Assassins. Ses doigts effleurèrent doucement les emblèmes, et son esprit vagabonda vers des pensées de rites d'initiation, de serments et de destins entrelacés.
"Il pourrait être prêt," murmura-t-il pour lui-même. Oui, si Ezio continuait sur ce chemin, s'il continuait à faire preuve de cette maturité nouvelle et de ce sens accru des responsabilités, alors il serait prêt. Prêt à être initié aux secrets de l'Ordre, à la cause qui dépassait les ambitions de n'importe quel individu.
Et qui sait? Avec un sourire ténu, Giovanni songea que si son fils réussissait à se montrer digne, alors peut-être, juste peut-être, il serait également prêt à revoir Arianna. Peut-être même que leurs destins, entrelacés par les fils fragiles du temps et de la circonstance, pourraient enfin trouver une forme de réunion.
Ce n'était pas un espoir à prendre à la légère, car dans le monde d'équilibre précaire qu'ils habitaient, même les plus petits rêves pouvaient avoir un prix élevé. Mais pour la première fois depuis longtemps, Giovanni Auditore se prit à espérer, non pas en tant que Mentor ou père de l'Ordre des Assassins, mais simplement en tant que père.
-
Frédérico Auditore ne pouvait pas ignorer la tension qui existait entre lui et son frère cadet. Depuis la révélation de la relation entre Ezio et Arianna, une fissure avait creusé leur lien fraternel, une ombre dans la lumière qui les avait toujours unis. Pourtant, malgré la culpabilité qui le rongeait, Frédérico sentait que le moment était venu de réparer les torts.
Il observait Ezio, ce frère autrefois impulsif et insouciant, métamorphosé par l'amour et la séparation. Lui aussi ressentait le poids de l'absence d'Arianna, et cette douleur commune créait une ouverture, une opportunité pour renouer les liens.
Un soir, ils se retrouvèrent seuls dans leur maison familiale, une ambiance lourde emplissant les pièces autrefois joyeuses. Frédérico saisit cette occasion pour approcher Ezio, qui était plongé dans une contemplation silencieuse, ses pensées sûrement tournées vers la femme qu'il aimait.
"Ezio, nous devons parler," commença Frédérico avec hésitation.
Ezio leva les yeux, et Frédérico y vit une mélange de colère et de mélancolie. Mais il vit aussi de la curiosité, un signe que son frère était peut-être prêt à écouter.
"Je sais que j'ai fait une erreur, une grave erreur. Je ne peux pas changer le passé, mais je peux essayer de corriger mes torts," déclara Frédérico, les mots sortant dans un flot rapide, comme s'il craignait que le courage lui échappe.
Ezio resta silencieux un moment, pesant les mots de son frère. Puis, lentement, il acquiesça. "Je t'écoute."
C'était un petit geste, mais pour Frédérico, il signifiait le monde. "Je vais t'aider à la retrouver, Ezio. Nous trouverons un moyen de ramener Arianna."
Le visage d'Ezio s'éclaira, comme si un voile avait été levé. Le ressentiment et la colère semblaient avoir disparu, laissant place à une lueur d'espoir. "Tu ferais vraiment ça pour moi ?"
Frédérico sourit, sentant pour la première fois depuis longtemps le poids de sa culpabilité se dissiper. "Nous sommes frères, Ezio. Et les frères se tiennent toujours côte à côte, surtout dans les moments difficiles."
Ezio sourit à son tour et s'avança pour étreindre son frère. "Merci, Frédérico. Merci."
Dans cette étreinte, les deux frères trouvèrent quelque chose qu'ils avaient perdu depuis longtemps : une unité, une complicité qui allait au-delà des erreurs et des malentendus. Et pendant que leurs cœurs battaient à l'unisson, chacun savait que cette alliance renouvelée serait la première étape vers le chemin qui les mènerait à Arianna.
-
La transformation qui s'opéra dans la maison des Auditore était presque palpable. Là où le silence morne et la tension avaient régné, l'air s'emplissait à nouveau de rires et de conversations, comme si les murs eux-mêmes reprenaient vie. Giovanni et Frédérico, voyant la résolution nouvelle d'Ezio, prirent la décision silencieuse de commencer à le préparer à son futur rôle au sein de l'Ordre des Assassins.
Giovanni, avec la ruse d'un stratège expérimenté, commença à l'intégrer dans des discussions sur la politique, la philosophie et la nature de la justice. Chaque conversation était un exercice déguisé, conçu pour aiguiser l'esprit d'Ezio, pour le pousser à penser de manière critique et indépendante.
"Ezio, qu'est-ce qui différencie un bon gouvernement d'un mauvais gouvernement ?" Giovanni demanderait pendant le dîner, transformant un repas en famille en une séance de formation intellectuelle.
Et Ezio, qui autrefois aurait détourné ces questions pour éviter un débat sérieux, s'engageait maintenant pleinement, son intérêt piqué par un désir d'apprendre, de s'améliorer.
De son côté, Frédérico emmenait Ezio dans des sessions d'entraînement qui allaient au-delà des jeux et des compétitions frivoles de leur jeunesse. Ils pratiquaient des mouvements complexes, des techniques de combat raffinées qui étaient bien plus que de simples bagarres de rue. Frédérico remarquait avec satisfaction comment Ezio absorbait chaque leçon, comment il progressait avec une rapidité qui témoignait de ses talents naturels.
"Tu apprends vite," complimenta Frédérico un après-midi, après qu'Ezio eut réussi une série de manœuvres particulièrement difficiles. "Tu as un vrai don pour ça."
Ezio sourit, mais il y avait de la profondeur dans son expression, une gravité qu'il n'avait pas montrée avant. "Je veux être à la hauteur, Frédérico. Pas seulement pour toi ou pour père, mais pour moi-même."
Ce fut un moment de révélation pour Frédérico. Il vit, en cet instant, non pas le petit frère qu'il avait toujours voulu protéger, mais un homme en devenir, quelqu'un qui serait un jour son égal - voire plus. Et cette pensée le remplit non pas de jalousie, mais de fierté.
Dans les semaines qui suivirent, les entraînements s'intensifièrent et les conversations devinrent plus profondes. A l'insu d'Ezio, il était lentement mais sûrement initié aux valeurs et aux compétences de l'Ordre, préparé pour le jour où il serait appelé à jouer son rôle dans le grand théâtre de la lutte entre les Assassins et les Templiers.
Et pour la première fois depuis longtemps, les pièces de la maison des Auditore résonnaient d'espoir et de possibilité, alimentées par la transformation silencieuse mais significative d'Ezio. Une transformation qui, ils le savaient tous, ne faisait que commencer.
-
L'air était léger ce soir-là, rempli du doux parfum du printemps qui approchait. Frédérico avait invité Ezio à sortir, insistant pour qu'ils prennent une pause dans leur entraînement intense et leur préparation. "Un peu de divertissement ne nous fera pas de mal," avait-il dit avec un sourire espiègle.
Ils étaient assis à une table à la terrasse d'une taverne, Frédérico aux côtés de sa nouvelle petite amie, Lucia, et Ezio face à une chaise vide. Lucia avait insisté pour qu'une de ses amies, Isabella, les rejoigne, promettant à Ezio qu'il ne serait pas déçu.
Lorsque Isabella arriva, elle était toute sourires, les yeux brillant à la lumière des lanternes. Elle était incontestablement belle, avec des traits délicats et une manière enjouée qui aurait captivé la plupart des hommes. Mais lorsque ses yeux rencontrèrent ceux d'Ezio, il y eut un moment inconfortable de non-réaction.
Ezio fut courtois, mais distant, répondant à ses tentatives de flirt par des réponses courtes et formelles. Sa politesse ne pouvait masquer son indifférence.
Frédérico observait la scène en silence, son regard passant de son frère à Isabella. Il vit la déception dans les yeux de la jeune femme, mais aussi la résolution dans ceux d'Ezio. Et à ce moment-là, il comprit à quel point l'amour de son frère pour Arianna était indélébile, comme une marque gravée dans son cœur.
Plus tard dans la soirée, après que les femmes les eurent laissés, Frédérico rompit enfin le silence.
"Ezio, tu sais que tu peux aimer plus d'une personne dans une vie, n'est-ce pas ?"
Ezio regarda son frère, puis détourna le regard. "Je le sais, Frédérico. Mais ce n'est pas ce que je veux. Mon cœur a fait son choix, même si ce choix m'a éloigné de ce que je désire le plus."
Frédérico soupira, posant sa main sur l'épaule d'Ezio. "Je comprends, petit frère. Et je promets de parler à notre père. Si ton amour pour Arianna est si fort, alors il doit le savoir. Peut-être qu'il y a quelque chose que nous pouvons faire."
Ezio hocha la tête, un mélange de soulagement et de gratitude dans son regard. "Merci, Frédérico."
C'était une petite victoire, mais une victoire tout de même. Et pour la première fois depuis longtemps, Ezio se prit à espérer que l'amour, tout comme la vie, trouverait son chemin.
-
Dans le salon aux teintes sombres de la maison Auditore, baigné par la lumière douce des chandelles, Giovanni et Frédérico étaient plongés dans une discussion sérieuse. Les deux hommes se tenaient près de la cheminée, où un feu crépitant offrait une chaleur bienvenue en cette soirée d'automne.
"Je t'assure, père, l'amour qu'Ezio porte à Arianna est profond, presque tangible," déclara Frédérico, l'inquiétude dans les yeux. "Je n'ai jamais vu mon frère aussi résolu, aussi changé."
Giovanni arqua un sourcil, la main posée sur le rebord de la cheminée, ses pensées visiblement ailleurs. "Je vois. Et tu penses que cet amour est la clef pour le préparer à entrer dans l'Ordre ?"
Frédérico hocha la tête. "Oui, père. S'il est prêt à aimer si profondément, alors il est prêt à comprendre ce que nous défendons."
Après un moment de réflexion, Giovanni soupira. "Ton argument a du mérite, Frédérico. Mais tu sais aussi bien que moi qu'Arianna est dédiée à l'Ordre. Et jusqu'à ce qu'Ezio soit prêt, il serait imprudent de les laisser se retrouver. Les émotions peuvent être aussi dangereuses que n'importe quelle lame si elles ne sont pas maîtrisées."
Frédérico ouvrit la bouche pour protester, mais Giovanni leva la main pour l'arrêter. "Je vais commencer à initier Ezio. Il est temps pour lui de connaître notre héritage, notre combat. Et si tout se passe bien, qui sait ce que l'avenir pourrait leur réserver, à lui et à Arianna."
Le visage de Frédérico s'illumina. "Alors, qu'est-ce que nous allons faire ?"
Giovanni sourit. "Nous allons commencer petit. J'ai une lettre qui doit être livrée à un contact à la basilique Santa Croce. C'est une tâche simple, mais cela donnera à Ezio un avant-goût de ce que signifie travailler dans l'ombre."
"Je suppose que c'est un début," dit Frédérico, rassuré.
"Nous devons tous commencer quelque part," répondit Giovanni en replaçant sa cape. "Le moment est venu pour Ezio de faire ses premiers pas sur le chemin que nous avons tous deux parcouru. Et qui sait ? Peut-être qu'en marchant sur ce chemin, il trouvera plus que le simple but de la mission. Peut-être trouvera-t-il un but à sa propre vie."
Avec un dernier regard partagé, père et fils se séparèrent, unis dans l'espoir que cette première mission serait le début d'une nouvelle vie pour Ezio, une vie où l'amour et le devoir ne seraient pas en conflit, mais marcheraient main dans la main.