Arthur: La Vraie Malédiction
Je t'en supplie réveille toi. Depuis plusieurs minutes Valentin ne cessait de se hurler ces mots dans sa tête dans l'espoir que cela fonctionne et qu’il se retrouve allongé dans son lit, dans son appartement à Paris. La peur était si intense qu'elle faisait naître un déni absolu pour tout ce qu'il avait pu voir. L'un de ses meilleurs amis venait de se faire trucider sous ses yeux, par des choses qui ne sont même pas censés exister. Non, ça ne pouvait pas être vrai. Valentin commençait vraiment à perdre pied, tandis que Lucie demeurait inconsolable et brisée, et que Caleb observait avec la plus grande terreur tout ce qui se passait autour et essayant de forcer sur ses liens pour se libérer, sans succès.
Sous les chants rituels malsains des Bogo Matassalai, la Sélénia monstrueuse, la bouche et les mains encore couverts du sang chaud de Sacha, s'approcha de l'autel sacrificiel ou était ligoté Valentin, bondissant dessus agilement et tout comme elle le fit avec Sacha, commença par l'examiner intensément, le touchant partout et le reniflant tout en émettant ces respirations et grognements profonds. Valentin voulut détourner le regard pour ne pas avoir à supporter cette vision d'horreur, mais la démone lui saisit brutalement la mâchoire inférieure entre ses doigts, l'obligeant à la regarder droit dans les yeux. Ces deux yeux noirs, sans fond et n'exprimant rien d'humain étaient la chose la plus déstabilisante.
Mais cette fois, contrairement à Sacha, la Sélénia ne fit rien à Valentin et bondit hors de la table de pierre, au grand étonnement de tous, puis se tourna vers les membres de la secte, désignant leur chef de son doigt ensanglanté et de sa voix féroce cracha un mot inconnu avec autorité. Le chef Matassalai se redressa aussitôt, mais gardant toujours sa tête baissée et le corps légèrement voûté en signe de soumission.
_ Oui. Tout de suite, vénérée maîtresse, dit-il humblement, avant de se tourner vers trois des adeptes. "Apportez les lianes, plus vite que ça!
Les trois individus désignés obéirent sans poser de question et se précipitèrent en direction de la vieille grange de la propriété, sous les regards des Seides qui n'avaient toujours pas bouger depuis leur arrivée et se contentaient d'attendre en silence. Pendant ce temps, le Bétamèche, le visage et les cheveux imbibés de sang, se désintéressa finalement du cadavre de Sacha alors qu'il venait de lui dévorer une partie du visage, les deux yeux, une partie de l'épaule et qu'il avait à peine commencer à lui déchirer l'estomac à mains nues pour en extraire les entrailles encore chaudes, qu'il laissa tomber négligemment dans l'herbe comme un enfant se désintéressait d'un jouet. L'odeur de sang et de mort était devenue atroce et Lucie ne réagissait presque plus à cause du choc. L’horrible Bétamèche se déplaça à quatre pattes comme un vrai animal, un sourire sanglant et malsain sur la bouche, venant se prendre d’intérêt sur ce qui se passait avec Valentin et émit un petit rire sinistre, strident et presque enfantin.
La Sélénia quant à elle, s'occupa d'arracher les cordes qui retenaient Valentin à la table de pierre, mais croire là une aide de sa part était se bercer d'illusions. D'une poigne ferme, elle attrapa le jeune homme par le cou et commença à le traîner comme une vulgaire proie, l'amenant vers le centre du rituel. Lucie n'étant plus apte à réagir car en état de choc, Caleb s'agitait de plus en plus à la vue de son pote d'enfance se faire emmener sous ses yeux et s'attela à encore plus tirer sur les cordages, quitte à s'entailler les poignets. Puis, il fut le seul à remarquer ce détail. Sur l'un des liens qui retenait ses poignets, il put remarquer un début d'usure sur la surface de la corde à forcer de frotter sans arrêt contre le bord tranchant de la table. Voyant que les créatures et la secte étaient bien trop concentrés sur le cas de Valentin, Caleb eut une idée, très risquée, mais décida de tenter le coup.
Valentin gémissait de terreur, ne pouvant absolument pas lutter alors qu'il était traîné. La force physique de cette créature était grande, et il pouvait sentir, rien qu'à sa poigne, qu'elle serait capable de réduire sa nuque en miettes rien qu'en serrant un peu plus fort. Finalement, la Sélénia s'arrêta à seulement deux mètres du bord du grand trou sombre, et d'un coup sec arracha la bande adhésif qui couvrait la bouche de Valentin. Le premier réflexe, désespéré, du jeune homme une fois sa bouche libérée fut d'hurler le plus fort possible.
_ AU SECOURS! A L'AIDE!
Il fut rapidement réduit au silence par un revers de la main magistrale que lui infligea la Sélénia dans le visage, le renversant au sol et lui paralysant la mâchoire de douleur. Il sentit même qu'une de ses dents avaient volée hors de sa bouche, une douleur lancinante se faisant sentir. Elle se pencha pour le saisir aussitôt par le t-shirt et l'obligea à se redresser et rester là ou il est, le regardant avec menace et lui faisant comprendre que s'il recommençait, il allait le regretter. Valentin aurait été tenter de la défier, mais la terreur qui le dévorait de l'intérieur comme un parasite et cette gifle de forin qu'il venait de recevoir l'incita à ne rien faire. De toute façon, qui pourrait l'entendre au milieu de ce domaine perdu dans les champs et la ville la plus proche se trouvant à plusieurs kilomètres? Il resta là, se tenant la mâchoire, sous l'étroite surveillance de plusieurs membres de la secte, et aussi la Sélénia qui s'écarta cependant et s'éloigna pour aller se placer juste à côté du trou obscur.
_ T'as vraiment de la chance mon p'tit gars. La princesse en personne t'a choisi, commenta alors le gendarme psychopathe en soufflant à l'oreille de Valentin, toujours avec ce même sourire dément.
_ De quoi tu parles, putain de taré? gémit Valentin avec peur, son corps tremblant et les larmes aux yeux.
_ La princesse Sélénia a lue en toi, et elle a décidée de t'accorder l'insigne honneur de devenir l'un des nôtres. Bientôt, tu seras notre frère à tous, mais ça, c'est si tu survis à l'épreuve des lianes bien sûr, expliqua l'homme avec un rire démentiel.
_ Plutôt crever, sale enflure, grogna Valentin, la colère se mêlant à son désespoir, comme s'il n'avait plus rien à perdre.
Aucunement outré par l'insulte du jeune homme, le gendarme rit une fois de plus avant de se reculer et retourner à sa place. Les trois autres adeptes envoyés il y a quelques minutes, finirent par revenir, leurs bras chargés de grands rouleaux de cordes tressés et épaisses, ces fameuses "lianes" dont le chef parlait plus tôt. En voyant ça, Valentin se rappela alors de cette scène dans le deuxième film, quand Arthur, pour retourner chez les Minimoys, avait eu recours à une sorte de rituel à la con, en se faisant littéralement momifier dans des lianes pour se faire compresser et écraser, et apparemment, cela causerait une douleur des plus atroces. Le coeur de Valentin bondit haut dans sa poitrine, devinant avec horreur ce qu'ils comptaient lui faire. Il voulut fuir, mais fit à peine volte-face qu'il fut attrapé et immobilisé par les adeptes autour de lui.
_ Commencez, ordonna alors le chef Matassalai en frappant un coup de son bâton sur le sol.
_ Non, arrêtez! Bordel, lâchez moi, tas de connards! hurlait Valentin avec l'énergie du désespoir, mais encore une fois en vain.
Les trois rouleaux d'épaisses cordes furent déroulés pour être ensuite enroulés complètement autour de lui, le momifiant et l'immobilisant totalement, seul sa tête dépassant à l'air libre. Il ne pouvait plus rien faire, même pas bouger ses petits doigts. Trois parmi les fanatiques, tous trois des hommes très grands et bien trapus, tenaient fermement chacun une extrémité de "liane" afin de maintenir le jeune homme en place. Une fois la première étape terminée avec succès, le chef Matassalai se tourna vers la Sélénia et le Betamèche et s'inclina avec respect. La Sélénia dégaina alors son épée, venant la brandir en l'air et poussa un rugissement strident, comme un appel. Immédiatement, les Seides s'avancèrent, venant former un grand cercle tout autour du trou géant, et dans un unisson des plus parfaits, dégainèrent leurs armes. La Sélénia et le Bétamèche se joignirent à eux, tandis que les Bogo Matassalai, plus à l'écart, se remirent à genoux, hormis ceux tenant Valentin.
Ce fut la Sélénia qui ouvrit le bal de l'horreur, se détachant du rang formé par les créatures, toujours son épée en main et avec un sourire carnassier, entonna des paroles puissantes, féroces et incompréhensibles, clamant avec tant de puissance que sa voix résonnait.
_ R'aal ghu'mayg! Khll'o makash y'zdla!
_ KHLL'O MAKASH Y'ZDLA! clamèrent ensemble les voix monstrueuses des Seides sous leurs casques, frappant leurs pieds sur le sol dans un unisson toujours impeccable.
Le Bétamèche s'agitait avec frénésie, riant de plus en plus dans une jubilation effrayante. Bien plus sérieuse, mais entrant comme dans une sorte de transe, la Sélénia continuait de se déplacer le long des rangées de Seides, et telle une chef de guerre galvanisant des troupes avant une féroce bataille, continua de proclamer et rugir ces paroles dans cette langue abominable. Puis, après avoir fait un tour complet autour du trou, elle vint s'entailler profondément la paume de la main avec le tranchant de sa propre épée et laissa tomber des gouttes sur le bord terreux du trou tout en continuant de psalmodier.
_ W'alna Que'zaor Bdor'goro! N'ga kotor !
La Sélénia, le Bétamèche, les Seides, puis les membres de la secte, tous se mirent à scander ces paroles avec de plus en plus d'insistance, leurs regards tournés sans exception vers le trou obscur au milieu de la clairière. Valentin tremblait de tout son être, redoutant pas dessus tout ce qu'il allait voir sortir de cette bouche de l’enfer. La transe de certains membres des Matassalai fut si forte que leurs yeux se révulsèrent complètement et certains tombaient même dans les pommes, leurs corps continuant de convulser et leur nez et leurs yeux se mettant à saigner.
Puis, un silence total retomba sur la clairière. Les Seides, épées en main, s'agenouillèrent tous autour du trou, têtes inclinées et poings frappés contre les plastrons de leurs armures. Puis ce fut au tour de la Sélénia et du Bétamèche, qui côte à côte, s'agenouillèrent à leur tour vers le trou. Les Bogo Matassalai encore conscients et intacts après cette transe reprirent leur position soumise, visages dans la poussière. Même ceux tenant les lianes s'étaient agenouillés avec respect, têtes baissés mais continuant de tenir avec force les cordes.
Rien ne se passa durant les premières secondes, mais tout à coup, une sorte de souffle puissant et glacial surgit des ténèbres hors du trou béant, faisant frémir les flammes des torches. Une brume inquiétante se mit à remonter hors de la cavité, rampant sur le sol comme une gigantesque nappe faites de milliers de serpents de fumée. Et finalement, une première main, noire et griffue émergea très lentement du trou, agrippant avec force le rebord, suivi par une tête et un corps. Valentin, Caleb et Lucie furent de nouveau sous le choc de ce qu’ils contemplaient.
Entouré de tous ses fidèles, se dressant de sa stature atteignant aisément plus de deux mètres de haut, la créature qui venait de sortir du puits s’avança de plusieurs pas. Cette peau pâle comme la mort, ces yeux noirs sans fond et inhumains… Cette tête étirée avec ce visage monstrueux sans nez et ses oreilles fines, tombantes et tordues… Et ce corps grand et tordu, vêtu entièrement de noir et paraissant littéralement être nécrosé de partout, une cape en lambeaux traînant dans le dos… Un petit bras atrophié, et un autre bien plus grand, massive et lui aussi couvert de pourriture noirâtre, et arborant d’énormes griffes acérées… C’était bien lui, encore plus monstrueux qu’il ne l’était dans les films … Maltazard !
Les Bogo Matassalai restèrent prostrés le nez dans la poussière, n’osant lever leurs regards vers le grand démon dont la simple présence suffisait à provoquer un sentiment d’écrasement chez les autres. Celui-ci fit craquer sourdement ses phalanges putréfiées, émettant un profond souffle inhumain de sa bouche carnassière. La Sélénia et le Bétamèche se redressèrent et vinrent à sa rencontre. La monstrueuse princesse sembla lui parler quelques secondes, puis désigna de son doigt le jeune Valentin en bien mauvaise posture, solidement emprisonné dans les lianes rituelles.
Le jeune homme pâlit d’épouvante à la vue du Maltazard s’approchant de lui, le dominant de toute sa taille et le scrutant minutieusement, le touchant avec ses griffes abjectes. Les secondes parurent durer une éternité durant laquelle Valentin s’attendit à chaque instant à finir comme Sacha et servir de repas à cette abomination. Mais le Maltazard n’en fit rien. Après avoir examiné l’humain, le démon commença à régurgiter et à vomir quelque chose volontairement dans son énorme main griffue. Un liquide gastrique de couleur boue s’écoula à flot, et une chose, comme une sorte de ver gris immonde fut expulsé de la bouche de Maltazard, venant tomber dans sa paume et se tortillant avec frénésie. Valentin crut qu’il allait gerber et s’évanouir tant cette vision était répugnante.
D’un simple regard du grand démon, la Sélénia approcha à son tour, un sourire féroce sur ses lèvres et vint saisir fermement la tête de Valentin pour l’immobiliser et lui força à ouvrir la bouche en grand. Tenant le parasite gesticulant entre deux de ses doigts griffus, le Maltazard s’apprêta à venir le déposer dans la bouche de Valentin pour lui faire avaler. Les yeux exorbités par la terreur et totalement à la merci de ces choses, Valentin ne pouvait que regarder et pleurer toutes les larmes de son corps sans savoir ce qui allait lui arriver par la suite. La simple pensée qui le traversa fut une prière pour que cela s’achève rapidement et sans douleur.
Mais la chose dont Valentin fut témoin ensuite avant de fermer les yeux, fut tout d’abord le bruit sourd et caractéristique d’une détonation de fusil, accompagnée par la vision du Maltazard dont l’épaule fut violemment touché par un tir, lui faisant lâcher le parasite et le faisant reculer d’un pas, l’air consterné, le tout sous le regard d’une Sélénia tout aussi surprise et provoquant un choc général parmi les fanatiques.