Would've, Could've, Should've [Arcane]
Lorsque la porte s'ouvrit, elle hésita. Un chirean aux yeux verts se trouvait devant elle avec un jeune enfant dans les bras, la regardant de haut, puis ses yeux s'écarquillèrent. Elle l'avait rencontré une fois ou deux dans sa réalité : son nom était Scar. De toute évidence, il l'avait reconnue. Il recula d'un pas, comme déstabilisé.
"Toi ? Mais... comment c'est possible ?"
"Je suis là pour Ekko, il est là ?" répondit-elle, évitant sa question.
"Le boss ? Punaise, quand il va te voir, là, je ne sais pas comment il va réagir." Scar posa l'enfant au sol, qui partit en courant vers un groupe jouant avec une machine à bulles. "Tu sais, il n'était plus le même depuis que tu as disparu. Il n'a pas cessé de te chercher depuis qu'il a appris que ton corps n'avait jamais été retrouvé, tu sais comment il peut être."
"Oui, il est comme ça." Un léger sourire sur le visage. 'Je ne t'ai jamais vu abandonner quoi que ce soit, Ekko'. Elle lui avait dit, et elle le pensait. Que ce soit pour son Ekko ou celui qu'elle avait rencontré récemment.
"Mais depuis hier, il est très étrange. Il ne cesse de venir et de repartir aussitôt." Une seconde passa. "Vous vous êtes revus ? C'est pour ça qu'il est comme ça ?"
"Non, je le cherche justement. Je pensais qu'il serait ici."
Elle tourna son regard vers l'arbre au centre de la place. Cet endroit était tellement plus vivant ici. Des maisons, des ponts, une population vivaient ici. Des gens qui avaient créé une communauté autour d'un tronc solide pour les soutenir. Son regard glissa vers le cylindre métallique sous l'arbre, mais elle n'y trouva pas les portraits peints de Vi. Elle y vit des centaines de visages différents. Certains plus petits que d'autres, de styles variés, mais elle reconnut tout de suite ceux d'Ekko : Vander, Benzo, Clagger, Mylo, une version jeune de Vi, une version jeune d'elle-même, et plus haut, une version adulte d'elle-même.
Elle semblait tellement... forte, et triste à la fois. La main sur le cœur, un flambeau bleu à la main.
"Eh bien, tu as de la chance, il est encore là," dit le chirean, l'interrompant dans ses pensées.
"Vraiment ?" Ses yeux se mirent à briller. Elle avait l'impression d'avoir mis une éternité à le retrouver, alors que seulement quelques jours s'étaient écoulés depuis qu'il était rentré dans sa dimension.
"Il doit être dans son atelier, je pense. On a interdiction d'y entrer, mais je crois qu'il fera une exception pour une fille morte."
Il montra du doigt une porte en fer, encastrée dans le mur en béton.
Rapidement, elle se précipita à l'endroit indiqué et poussa la porte, qui grinça doucement. Dans la pénombre, elle pouvait à peine distinguer ce qui se trouvait là. La pièce était remplie d'objets en tout genre, des boulons et des papiers épars. Aucune fenêtre ne laissait entrer la lumière, et l'ombre de l'arbre conférait à l'endroit une atmosphère obscure.
Il lui fallut quelques secondes pour remarquer une porte entrouverte au fond de la pièce, à moitié cachée par une étagère. Seul un mince filet de lumière trahissait son existence. Elle referma la porte derrière elle et s'approcha lentement. Elle pouvait entendre le tic-tac régulier d'une horloge et le léger grincement du bois sous ses pieds.
Elle entra.
Il était là, dos à elle.
Il ne l'avait pas entendue entrer, trop absorbé par la toile qu'il peignait.
Elle resta immobile.
La pièce était remplie de peintures en tout genre. Plusieurs représentaient l'arbre et ses habitants, mais elle en reconnut une en particulier : celle de leur danse. La même que sur son mémorial.
Elle dût faire un bruit, car brusquement, il se retourna, en alerte, et ses yeux se posèrent sur elle. De nombreuses émotions traversèrent son regard : de la surprise, de la colère, de la tristesse, mais surtout, un immense soulagement.
Il laissa échapper un rire étouffé, comme si l'air lui avait manqué. Il fut le premier à bouger, se jetant sur elle et l'entourant de ses bras.
Son odeur lui était tellement familière qu'elle ne put s'empêcher d'en inspirer profondément, le serrant contre elle avec une intensité désespérée, comme si sa vie en dépendait.
"Je t'ai sentie arriver," chuchota-t-il doucement.
"Attends." Elle le relâcha et posa ses mains sur sa poitrine pour le repousser légèrement. "Je ne suis pas..." Il la coupa, la serrant encore plus fort.
"Je sais."
"Comment ?" souffla-t-elle.
"Je l'ai senti, la magie, la distorsion..."
Elle comprit. Elle avait ressenti la même chose lorsqu'ils avaient activé le portail dans son monde, comme si la magie les avait liés.
Avant qu'elle puisse dire quoi que ce soit, une larme roula sur sa joue, puis une deuxième, une troisième. Bientôt, elle éclata en sanglots.
"Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?" demanda Powder, le visage trempé de larmes.
Assis sur un vieux banc en bois, Ekko lui raconta tout. Le braquage, la mort de Vander, Silco, l'emprisonnement de Vi, leurs combats sur le pont, l'explosion, le shimmer, et tous les crimes qu'elle avait commis.
"Je l'ai abandonnée tellement de fois. Je n'ai pas su être là pour elle au moment où elle avait le plus besoin de moi. Je n'ai pas su être l'ami qu'elle méritait." Sa voix était pleine de remords, chaque mot empreint d'une douleur vive.
Elle posa sa main sur la sienne.
"Tu as su être là au bon moment. Elle, ce corps, ne serait plus là si tu n'avais pas été présent pour elle."
Il hocha la tête, prenant une profonde inspiration.
"Je ne serais pas là sans toi. Elle ne serait plus là sans toi. Tu as chassé des fantômes assez longtemps."
Lentement, il retourna sa main pour prendre la sienne, entrelaçant leurs doigts. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle répondit par un sourire à son tour.
"Combien de temps s'est écoulé pour toi ? Depuis que je suis partie ?" demanda-t-il.
"Oh, hm, un peu plus d'une semaine, je dirais ?"
"Une semaine ? Tu as réussi à recréer la machine toute seule en une semaine ?"
"Oh, tu sais, c'est toi 'monsieur idée géniale,' mais c'est moi qui reste le cerveau du groupe."
Il rit, un son qui réchauffa le cœur de Powder, comme une mélodie familière.
"Et puis, les notes d'Heimerdinger étaient particulièrement précises," avoua-t-elle.
"Ah, voilà la vraie raison," répliqua-t-il en cognant son épaule contre la sienne dans un geste joueur. Ils rirent ensemble.
Pour la première fois depuis qu'elle était arrivée, elle se sentit enfin plus légère, moins seule.
Un coup à la porte les fit sursauter. Ekko se leva d'un bond, lâchant sa main, et alla ouvrir. Scar se tenait là, les bras croisés. De là où se trouvait Powder, elle eut l'impression qu'il analysait Ekko, puis un sourire en coin étira ses lèvres.
"Je venais juste m'assurer que vous ne vous étiez pas entretués," dit-il. "Mais vous avez l'air... cozy."
"C'est bon, garde ton sarcasme pour ta femme. Qu'est-ce qu'il y a ?" Un léger rougissement apparut sur les joues brunes d'Ekko.
"Le dîner est prêt, tout le monde est déjà réuni." Il jeta un coup d'œil vers Powder. "Mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée qu'elle nous rejoigne. Sans offense, la morte," ajouta-t-il en s'adressant à elle avant de tourner les talons, les laissant seuls.
La porte encore entrouverte, Ekko sembla réfléchir un instant, puis la referma.
"J'imagine que tu dois mourir de faim. Je vais nous chercher des provisions."
"Tu me proposes un dîner en tête-à-tête ?" dit-elle en se levant, une note de taquinerie dans la voix. "Tu sais, j'embrasse toujours avant le premier rencard."
La remarque immobilisa Ekko, qui fut pris d'une quinte de toux gênée.
"Ah oui ? Comme si tu en avais eu beaucoup !" répliqua-t-il, le poing devant la bouche.
"Ohhh, tellement." Elle avançait vers lui d'un pas de velours, un sourire en coin illuminant son visage. "Tu n'imagines même pas."
Lorsqu'elle arriva devant lui, il avait le souffle court et la regardait avec intensité.
"Allons, le rêveur, ne fais pas attendre une demoiselle affamée." Elle posa une main sur son épaule et le poussa légèrement.
"J'y... j'y vais," bredouilla-t-il avant de sortir précipitamment, trébuchant sur une babiole au sol.
Elle éclata de rire, puis se pencha pour ramasser l'objet et le déposa sur une table à proximité.
En attendant Ekko, elle en profita pour explorer les lieux. La pièce principale était remplie de bibliothèques croulant sous des livres poussiéreux, de plans griffonnés, et de matériel de biologie. Une porte menait à une chambre, et une autre à une salle de bain où se trouvaient une bassine et des produits pour le corps. Elle rêvait de pouvoir enfin se laver. L'odeur de vieille vinasse lui collait encore à la peau, et elle aurait donné n'importe quoi pour des vêtements propres.
Lorsqu'Ekko revint, les bras chargés de fruits et de tentacules grillés, le bruit strident de l'eau chauffant dans une marmite résonnait dans la pièce. Powder sortit de la chambre, les bras chargés de vêtements.
"Euh, je peux savoir ce qu'il se passe ?" demanda-t-il.
"Je me suis permis de me servir dans tes vêtements. Les miens sont totalement ruinés, et l'eau, c'est pour me laver."
"Tu fais bien, tu sens vraiment bizarre," dit-il en posant les provisions sur la table près d'elle.
Elle se pencha pour regarder, et la salive lui monta à la bouche. "Je ne peux pas te contredire."
Elle l'observa tandis qu'il disposait deux assiettes et partageait la nourriture, prenant soin de remplir généreusement son assiette avant de la lui poser devant elle. Elle attrapa un tabouret et s'assit. Elle continua de le regarder s'activer, nettoyant un verre avant de le remplir et de le poser à côté de l'assiette, puis s'asseoir à son tour, en face d'elle.
"Merci," dit-elle. "Pour tout."
"Merci à toi d'être venue," répondit-il.
Après un repas partagé dans un silence confortable, Powder emporta l'eau chaude dans la salle de bain et prit le temps de se frotter entièrement. Elle se sentit revivre. Les vêtements qu'elle avait pris à Ekko étaient bien trop grands : le pantalon tenait à peine sur ses hanches, malgré le nœud solide qu'elle avait fait, et le haut lui tombait à mi-cuisse. Ses cheveux dégoulinaient le long de son cou.
Lorsqu'elle sortit, le garçon s'était déjà changé dans des vêtements plus confortables. Il était affairé à préparer un lit au sol, dans la pièce principale.
"Je te laisse mon lit, je vais dormir ici. Tu devrais te reposer, j'imagine que tu n'as pas eu une bonne nuit de sommeil depuis un moment. Et n'essaie même pas d'argumenter, je ne te laisserai pas dormir par terre." Il la poussa doucement vers la chambre avant qu'elle n'ait le temps d'ouvrir la bouche et referma la porte derrière elle.
"Bonne nuit !" cria-t-elle.
"Bonne nuit, Powder," répondit-il plus doucement.
Elle éteignit la lumière et se jeta sur le lit. Il était confortable, et l'odeur du garçon était omniprésente, suffisant pour faire s'emballer son cœur. Elle se glissa sous les draps et ferma les yeux.
Powder fut réveillée par une sensation étouffante. Elle réalisa rapidement que quelqu'un était sur elle, bloquant ses bras et son corps. Elle cria et se débattit de toutes ses forces.
"EKKO !"
"Powder ?" demanda la voix au-dessus d'elle.
C'était Ekko. Il se releva rapidement, la libérant de son emprise. Il alluma la lumière, révélant son visage ensanglanté.
"Qu'est-ce qui s'est passé ?" demanda Powder, incrédule.
"Jinx," répondit-il simplement.
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Voilà les retrouvailles tant attendu ! N'hésitez pas à me dire si ça vous a plu !