Mes mémoires
Vi avait commencé son enquête sur Taric depuis quelques jours à présent. Elle était à bout de nerfs et c’était très dur de lui parler. Elle était sans cesse aux aguets, stressée et sur le qui vive. C’est dans ces moments-là que je voyais qu’elle tenait réellement à Cait. Moi… Que devais-je faire dans cette histoire ? Car lorsque Vi revenait parfois du lycée privé de la bleue, elle était tellement sur les nerfs qu’elle en devenait désagréable même avec moi et Caitlyn et… C’est tout ce que devait éviter la jeune femme hospitalisée. J'avais dû quelques fois déjà prendre ma sœur à part pour le lui expliquer.
Je venais souvent la voir, du moins lorsque je ne pouvais pas voir Ekko ou encore Claggor. Eux aussi venaient lui tenir compagnie, ainsi qu'Irelia et Morgana. Elle ne manquait pas de visites, bien qu’on sache lui laisser le temps de se reposer. Ayant terminé mes cours, je me dirigeais vers l’hôpital tranquillement. J’étais déjà venue la voir hier, mais elle était fatiguée, donc je n’avais pas forcé les choses. Sur le chemin, j’envoyais un message à Vi après être passée chez un fleuriste acheter un bouquet que j’avais composé de dahlias, de roses et d’immortelles.
«T’es où? Pas de traces du connard?»
« Aux abords du lycée. Cet enfoiré doit se cacher. Je vais essayer de chopper Darius et lui faire cracher le morceau. Je vais lui apprendre ce qu’est le mot aidé, d’une façon ou d’une autre...»
Darius… Mais oui ! Vi avait une excellente idée!
«J’arrive à l’hosto, je te laisse.»
«Dis-lui que je l’aime…»
«Ne t’en fais pas, elle le sait, mais je lui dirai oui. =) et puis, je lui ai pris des fleurs, ses préférées, elle comprendra le message. »
Je rangeais mon téléphone et pénétrais dans le grand bâtiment. Je ne l’aimais clairement pas et si je pouvais me passer d’y aller, je l’aurais fait, mais là... C’était presque une urgence. Tapant à la porte de la chambre de Caitlyn je rentrai avec mon bouquet en évidence, en entendant la bleue ricaner faiblement. Je n’allais très certainement pas rester longtemps.
« Comment ça ?»
« Bah, tu ne prends pas ton couple pour acquis. Ça te pousse à… Hmm… Comment dire… À donner le meilleur de toi pour qu’il fonctionne, je suppose que Ekko aussi?»
Et maintenant qu’elle le disait, je devais avouer qu’elle avait plutôt raison.
«Oui, nous donnons le meilleur de nous pour faire fonctionner notre couple. Même si…»
Caitlyn inclinait la tête sur le côté, devais-je lui dire ?
« Je fais de la merde en ce moment, je n’arrive plus à me contrôler. Je continue de tout gâcher…»
Ma voix tremblait.
« Tu n'arrives plus à te contrôler à propos de quoi? La drogue? Tes scarifications ?»
Ma bouche formait un «O» et je clignais plusieurs fois des paupières. Pourtant, j’étais incapable de m’énerver contre elle. Au contraire, c’est comme si ça m’ôtait d’un poids. Seulement…
« Attends... Elle t’a parlé de mes problèmes ? Pourquoi?» dis-je, la voix mal assurée.
« Elle doute Jinx… Pas de toi. De son statut de grande sœur. Elle a peur de ne pas être à la hauteur. Elle s’en veut terriblement pour t’avoir fait sombrer. »
« Pourquoi sombrer et sombrer dans quoi?»
Je savais déjà de quoi elle allait me parler, mais je voulais en être certaine et… Je ne leur en voudrais pas, si elles s’inquiétaient réellement, c'était sûrement normal.
« Sombrer à cause de Mylo, enfin de Lizzy, mais par le biais de votre ami. Elle m’a dit que tu prenais de la drogue et que tu te scarifiais. Je connais une autre personne, très proche de moi, qui se fait du mal elle aussi. Je sais à quel point c’est dur de résister, mais… Il faut que tu sois forte, Jinx. Vi m’a dit que tu dessines et peins. Ça ne t’aide pas ?»
Je secouai la tête. Alors, comme ça, elle me « comprenait » ? J’avais les larmes aux yeux, mais interdiction de pleurer devant elle, je ne pouvais pas m’y résoudre. Cependant, ma voix se voulait tremblante.
«Non, ça m’aide pas ou très peu. Je l’ai dit à ma sœur, la scarification est une drogue dure, incroyablement addictive et destructrice. J’ai réussi à m’en passer durant quelques mois, jusqu’à ma... Fugue.»
Cait hocha la tête doucement en fermant les yeux.
« Je sais, ta sœur m’en a parlé.»
Je fronçais les sourcils.
« Pourquoi? Tu n’as pas à le savoir… »
« Ta sœur et moi nous basons notre relation sur la parole. Elle est à l’aise pour parler avec moi de… Toi en particulier.»
Cait me regardait en souriant, son air était bienveillant. Et même si je n’étais pas la plus heureuse que Vi parle de moi à sa petite amie… Je prenais ça comme une invitation à me rapprocher de la bleue.
« Et… Si je te parle, au lieu de parler à Vi?» Dis-je en hésitant, me triturant les doigts d’un air inquiet, bien que je savais qu’elle me dirait la vérité.
« Elle sera au courant, mais sache que… Elle ne t’en voudra pas. Elle est au courant de son inaptitude à parler avec autrui. Elle est sanguine et butée, mais elle veut toujours le bien de ses proches. »
C’était à mon tour de hocher la tête. Elle n’avait pas tort.
« Alors… Hm… Je peux tout te dire. »
Elle me fit un large sourire et de sa voix douce, elle prit la parole.
« C’est ça. Plus de secrets entre nous, devenons… Amies?»
Elle tendit son petit doigt, je lui souris et le pris pour qu’il enlace le mien.
« Nous le sommes dès aujourd’hui et pour de bon cette fois, plus de cachotteries… »
« Alors, s’il n’y a plus de secrets entre nous… J’ai parlé à Vi, du moins, elle m’a parlé de ses inquiétudes à ton propos. Par rapport à la Devil’s… Essaie de ne plus prendre cette merde. Tu sais aussi bien que moi qu’elle peut te mener à la mort. J’ai travaillé en tant que bénévole pendant des vacances scolaires dans une maison pour ado en état de dépendance à des substances toxiques. Tu te doutes que la Devil’s en faisait partie. Elle n’est pas chère et fait beaucoup d’effet, alors forcément… »
Je lâchais son petit doigt et me crispais à l’entente du mot de cette drogue. Durant un instant, je me perdis dans mes pensées. Si seulement je pouvais avoir quelques pilules…
« Jinx?»
Cait me regardait en souriant, son air était bienveillant comme toujours. Il semblait qu’elle ait vu que j’avais été déconnectée de la réalité l’espace d’un instant.
« Je… Pardon, j'étais perdu dans mes pensées…»
La bleue fit la moue comme si elle était au courant de quelque chose.
« Tu sais ce n’est peut-être pas lié, mais… Cette drogue a pour effet de parfois faire déconnecter son preneur de la réalité. Ton entourage m’a expliqué que tu pouvais faire des absences en dehors de ton épilepsie. Je ne suis pas médecin, mais… Ça peut être un symptôme de la maladie liée à cette drogue. J’ai beaucoup appris avec ces jeunes… Surtout, la façon dont la perte dans les pensées du drogué se fait. »
Mon corps se tendit à ses révélations. Connaissait-elle tout de ma vie alors que je ne la connaissais pas ? Avais-je vraiment le syndrome du spectre ? Mes yeux commencèrent à se remplir de larmes, me faisant voir flou. Je ne pleurerai pas devant elle !
« Je suis observatrice Jinx… Et le peu de fois où je t’ai vu… Écoute. À mes yeux, tu es quelqu’un qui crie la détresse. Qui respire le mal-être. Tes yeux… Regardent ton envie de mourir…»
Mais ces paroles-là, Caitlyn venait de m’achever, de me porter le coup fatal. Je fondis en larmes, serrant mon thorax avec mes bras et baissant la tête. Je me sentais honteuse.
« Viens par là. »
J’avançais et me lovais dans ses bras, ma tête enfouie dans son cou. Je sentis ensuite sa main qui me caressait les cheveux, c’était… Reposant, apaisant. Au final, elle venait de me prouver que je pouvais lui faire confiance et lui donner de l’affection sans me tromper à son propos. J’avais plusieurs spasmes à cause des sanglots. Il fallait que je lui avoue…
« J’ai… J’ai repris de la Devil’s… Quand… Quand j’ai. Fugué… J’a… J’arrive pas à m’en… Sortir… Ne le dis pas… Par pitié…»
J’étais à bout, elle était la première à le savoir, hormis Jacob, mais lui, c'était normal.
« Ne t’en fais pas, ça restera entre toi et moi.»
« Je… Pardon… Je me suis trompée sur toi… Je n’avais pas vu à quel point tu étais quelqu’un de bien.»
Dis-je d’une voix tremblante, essayant de ravaler mes sanglots. Après quelques minutes où j’arrivais enfin à me calmer, je me remettais droite en essuyant mes larmes.
« Désolée de te faire subir ça alors que tu dois te reposer… »
« Ne t’en fais pas, je suis contente que tu aies réussi à évacuer ! » elle me sourit et je le lui rendis.
« Je vais te laisser pour de bon cette fois !»
Et pour la première fois depuis notre rencontre, je lui faisais la bise.
« Merci et à bientôt ! »
Elle me fit un signe de mains et je quittai la chambre puis l’hôpital. M’allumant une cigarette, j'envoyai un sms à ma mère pour lui dire que je rentrais, puis ce fut au tour de Vi.