Histoires colorées de l'île Panorama

Chapitre 2 : Concours de muscles

670 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/10/2020 15:43

Concours de muscles


« Eh, vise-moi ça ! »


La voix de Reynald perçait au-delà des arbres qui bordaient le petit terrain de basket que l’on trouvait au nord de l’île, non-loin d’une ribambelle de poiriers – arbres natifs de l’île – ; mais par « terrain de basket » il fallait comprendre plutôt « panier de basket au bout d’une petite allée dallée sur laquelle rebondissait facilement le ballon ». Ce n’était pas faute d’avoir demandé au bureau des résidents la possibilité de construire plusieurs complexes sportifs, mais à chaque fois la direction s’y était opposée.

Et ainsi, Reynald et Napoléon, les deux plus grands sportifs qu’ait pu voir cette île – à vrai dire, ils étaient les seuls qui s’y fussent rendus, mais il ne fallait pas gâcher leur enthousiasme –, s’affrontaient lors d’un concours de force.

D’abord ils avaient tiré au panier, mais tous deux faisaient un sans-faute et le ballon finissait inévitablement par glisser à travers l’anneau avant d’être ralenti dans sa chute par le filet. Il leur fallut alors trouver une nouvelle discipline qui les départagerait et prouverait lequel des deux était incontestablement le meilleur, alors ils se mirent mutuellement au défi de faire une centaine de pompes, puis une deuxième centaine, puis une autre centaine. Face à l’endurance incroyable de l’adversaire, ils ne purent se départager, et abandonnèrent l’idée de prouver la supériorité de l’un ou de l’autre par les pompes. Il en fut de même pour les abdominaux ; plusieurs séries plus tard, l’égalité restait parfaite.

Ils auraient bien pu s’affronter sur un cent mètres crawlé, mais Napoléon jugeait que d’une part l’eau était trop froide, et d’une autre que Reynald, de par sa carrure de pingouin, était bien plus à l’aise dans l’eau que lui-même.


« Ce serait comme t’affronter sur un cent mètres vol libre ; tu sais même pas voler, tu partirais avec un gros handicap ! » justifia-t-il en bombant son torse de fierté.


Ils se chamaillèrent quelques instants, incapables de trouver un terrain d’entente, jusqu’à ce qu’ils vissent une mine familière se faufiler par là. La déléguée insulaire, seule humaine de l’île, qui plus était, faisait sa ronde matinale afin de s’assurer que tout allait bien. Branches et feuillages échoués au sol, mauvaises herbes en prolifération, et fleurs assoiffées passaient toutes un examen minutieux.

Ils se ruèrent vers elle, puis lui expliquèrent rapidement la situation et leur problème. Comme à son habitude, elle gardait ce sourire niais collé à ses lèvres ; c’était à se demander s’il lui arrivait de comprendre quoi que ce fût à leurs paroles.


« Et du coup, on se demandait si t’avais pas une idée pour qu’on se départage. »


Elle sembla réfléchir quelques secondes, et parut avoir une idée, à en croire l’illumination de son visage dissimulé par une paire de lunettes à épaisse monture. Les deux volatiles se penchèrent un peu plus vers elle, impatient de découvrir l’épreuve ultime, celle qui les départagerait pour de bon, et assurerait la supériorité de l’un ou l’autre auprès de tous ceux présents sur l’île.


« Faites un concours de muscles ! lança-t-elle avec un large sourire.

– Un concours de muscles !? »


Ils s’étaient exprimés d’une seule et même voix, surpris de cette réponse évidente et en même temps surprenante. Mais n’était-ce pas déjà ce à quoi ils s’adonnaient depuis quelques heures maintenant ?

Qu’à cela ne tienne ! Ils reprirent leur rythme effréné de pompes, abdos et tirs au panier. Le premier à flancher serait le perdant de ce concours !

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