Elle s'apellera Lily

Chapitre 21

3081 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:42

Les jours qui suivirent, j’avais l’impression d’avoir deux gardes du corps collés à mes basques. C’était à la fois oppressant et rassurant. Un peu bizarre aussi. Les choses se tassaient, les élèves finirent par s’habituer à nous, surtout qu’à part la sortie de l’album, nous ne faisions plus grand-chose, notre contrat stipulant que nous devions privilégier les études. Peu à peu, nous nous fondions dans la masse. Seules quelques filles tournaient encore autour de Castiel et de Lysandre en groupies acharnées.Jack avait été bien amoché et il n’essayait plus de m’approcher. Il s’était probablement vanté de son exploit auprès de ses camarades puisque ceux-ci aussi me fichaient désormais la paix. J’essayais en cours de m’assoir le plus souvent à côté d’Alix. Elle était une jeune fille douce et agréable à vivre. Disons qu’elle coïncidait souvent avec mes humeurs de femme enceinte.

Aujourd’hui, elle était absente. Le professeur de musique nous mis par groupe deux pour le cours du jour. Je me retrouvais face à un grand échalas brun rébarbatif que j’avais déjà remarqué dans la classe. Les autres le fuyaient comme la peste puisqu’il avait, selon la rumeur, un caractère épouvantable.Je m’asseyais donc à ses côtés.

-Salut.

-Je suis pas là pour faire des politesses.

Ok…. Ça commence bien. Je sens que je vais me marrer durant cette heure de cours… Le but du travail d’aujourd’hui était d’adapter une partition de musique classique afin d’en faire une contemporaine. Un remix en quelque sorte. Je sortais une feuille de partition vierge et un crayon puis les posais sur la table.

-Ecoute, on doit bosser ensemble alors que ça te plaise ou pas c’est pas mon problème. Tu veux pas faire de politesses, très bien. On s’y met ?

-Je ne t’ai pas attendu et je n’ai pas besoin de toi. Comme si une starlette entendait quelque chose à la musique !

Effectivement, il avait commencé à recouvrir sa feuille de partition de notes. Je poussais un soupir exaspéré.

-Très bien ! On bosse chacun de notre côté et on voit qui c’est le meilleur.

Il eu un sourire sardonique.

-Y’a pas photo, tu ne fais pas le poids face à mon génie.

Super ! En plus d’être mal-élevé, il est mégalomane…. Je remplissais en silence ma propre partition, décidant que l’ignorer serait la meilleure chose à faire.

-Fini.

Hein ? Quoi ! Déjà ! Les bras croisés, il me regardait d’un air narquois pendant que je finissais de mon côté de remplir ma partition. Nous travaillions sur la même base, on ne devrait pas arriver à des résultats si différents.

-Fini !

Je lui tendais ma feuille qu’il prit d’un air dédaigneux puis attrapais la sienne. Je déchiffrais quelques lignes, imaginant ce que ça pourrait donner une fois joué et j’étais bluffée. Ce serait magique dans un répertoire de jazz ! Transformer du classique en ça, et en si peu de temps… Il avait raison de se vanter le bougre… Il était foutrement doué !Une moue boudeuse plaquée sur le visage je l’observais alors qu’il décryptait la mienne. Son expression dédaigneuse laissa la place à un vif intérêt. Il tapotait les mesures avec son crayon de papier sur la table.

-Pas mal du tout… Je ne m’attendais pas à ça.

Inconsciemment, j’avais modifié la partoche pour qu’elle colle au répertoire du groupe. Ça devenait une mauvaise habitude que j’avais prise et j’en ai pris conscience en lisant la sienne, plus proche de ce que j’aurais fait seule avant.

-On va travailler la tienne.

-Pourtant la tienne est originale.

-Oui, mais je préfère le jazz.

-Vraiment ? Alors pourquoi tu fais partit d’un groupe de rock ?

Je ne répondais pas, je n’avais pas vraiment la réponse à cette question. Pourquoi je jouais un style de musique qui ne me branchait pas plus que ça ? Parce que j’aimais être avec mes amis et que c’était ce qu’ils faisaient. Parce que je m’étais incrustée pour partager des instants privilégiés avec des gens que j’aimais. Je prenais peu à peu conscience que ce n’était peut-être pas vraiment ma place…

-Je jouerais du saxophone, tu joue quel instrument ?

-Du piano… Je ne savais pas que tu jouais aussi du saxo.

-J’ai plusieurs cordes à mon arc et il va falloir que j’en refasse travailler certaines. Il faut qu’on retouche deux ou trois trucs sur ta partition.

Il se renfrogna d’un air outré.

-Je ne vois pas pourquoi, elle est parfaite !

-On se calme monsieur Mégalo. Regarde ici et là, ça ne vas pas…

Il se pencha sur la partition, pris son crayon de papier, corrigea deux ou trois arrangements que je trouvais étrange. Penché ensemble sur la feuille, presque tête à tête, j’appréciais son talent et je crois bien qu’il commençait à croire un peu au mien. Nous devions jouer ce que nous avions travaillé lors du cours de la semaine suivante. Je lui proposais de travailler un peu ensemble après les cours.

-J’amènerais mon saxo demain.

-Tu n’auras qu’à venir chez moi demain après les cours, on pourra bosser tranquillement.

Je me mordillais la lèvre inférieure, repensant à ce qu’il s’était passé la dernière fois et me demandant comment réagiraient les garçons.

-Je pensais qu’on pourrait bosser dans l’une des salles de musique…

-Non. Y’a toujours du monde qui joue n’importe comment.

Il n’avait pas tord.

-T’inquiètes pas, j’en ai rien à foutre de ton cul de star. Je veux juste avoir une bonne note puisque je suis obligé de bosser en équipe. Et je ne supporte pas de bosser à côté de tout ces ploucs qui rêvent de devenir star comme toi mais qui finiront tôt ou tard comme serveurs au Mac Do….

Je n’arrive pas à savoir si c’est insultant ou pas pour moi là…. Quoiqu’il en soit, la façon dédaigneuse qu’il a de me regarder depuis la rentré confirme ses dire. Et moi non plus je ne veux pas me craquer devant la classe.

-Vendu ! J’irais avec toi à la fin des cours de demain. Tu peux m’appeler Thèm si tu veux.

-Ethan.

-Bah tu vois. Tu peux être poli si tu veux.

Je lui faisais mon plus beau sourire.

-Pousse pas le bouchon starlette.

Je remballais mes affaires, le cours était fini.

-A demain !

-Ouais c’est ça. A demain.

Le soir, je rentrais avec Castiel qui m’avait attendu nonchalamment appuyé près du portail d’entré comme à son habitude. Nous marchions côte à côte en traversant le parc.

-Ce ne sera pas la peine de m’attendre demain, je vais bosser ma leçon de musique avec quelqu’un.

-Qui ça ? La fameuse Alix ?

-Non, Ethan, un garçon de ma classe.

-T’es sure que ça ira Thèm.

-Oui, il n’est pas comme les autres. Il a un caractère de merde, mais je ne pense pas qu’il soit mauvais. Y’a que la musique qui l’intéresse.

-Je n’aime pas que tu ailles toute seule chez lui.

Je souriais.

-Mon petit globule serait-il jaloux ?

-Je suis prudent c’est tout.

Nous étions arrivés à la maison, la porte d’entrée était fermée à clef, Marc et Elisa ne devaient pas encore être rentrés du travail. Je fouillais dans mon sac à la recherche de ma clé.

-Laisse.

Castiel sortit la sienne de sa poche, ouvrit la porte et la referma derrière moi. Il m’embrassa ensuite sauvagement.

-J’ai attendu ça toute la journée…

Il me serra très fort contre lui, je le serrais également contre mon cœur alors qu’il nichait son visage au creux de mon cou.

-Jouer les indifférents avec toi Thèm, c’est de plus en plus dur.

-Je sais. Ce sera bientôt fini, Nick nous fera enchainer les concerts durant les prochaines vacances. Il faut patienter encore 2 ou 3 semaines et ce sera fini. On se fêtera ça avec la première Echo…

-Mouais… ça fait vachement loin quand même.

-Arrête de bouder, viens, j’ai envie de jouer un peu…

Je l’entrainais dans la cave et sortais mon violoncelle alors qu’il passait la sangle de sa guitare autour de son cou.

                                                                                 ************************************************************************

Le lendemain, j’alpaguais Ambre dans la cours en lui faisant promettre de manger avec moi le midi. Ça faisait un bout de temps qu’on n’avait pas discuté ensemble puisque nos cours ne correspondaient plus. Je lui promettais une session shopping pour les week-ends à venir et passais une agréable journée dans l’ensemble. L’ambiance pesante de début d’année s’estompant.

Le soir, j’allais chercher mon saxo que j’avais réussie tant bien que mal à caser dans mon casier puis rejoignait Ethan et bouillait d’impatience en tapant du pied. Un autre trait de caractère exécrable à rajouter à sa liste. Pour la peine, je trainais des pieds histoire de le faire ronchonner un peu plus.Il me conduisit à son studio. L’espace déjà minuscule était complètement envahi par son superbe piano à queue. Je m’installais tant bien que mal dans un coin, poussant ça et là des affaires qui trainaient.

-On commence par se faire un bœuf , histoire de s’accorder?

-Certainement pas ! La musique, c’est sérieux, tu suis la partition, point à la ligne.

Décidément, ce type a un caractère de merde, moi qui voulais détendre l’atmosphère, c’est raté. Il me sortit un chevalet pliable de dessous une pile de linge pour que je puisse mettre la partition à la bonne hauteur. Je sanglais mon saxo, ajustais le bec et une nouvelle anche, laissant l’étui sous le piano pour ne pas être trop encombrée.Je teste le rendu du son, sort quelques notes.

-C’est pas bientôt fini ton tintamarre ?

-Pour votre information, monsieur le mégalo, un Saxo doit s’accorder et se tester avant chaque jeux, sinon, rien de bon n’en sort. Surtout que ça fait un moment que je n’en ai pas joué, je dois me familiariser avec.

-Tu n’avais qu’à faire du violoncelle à la place, puisque tu es plus douée la dedans. Je suis sure que tu as choisi de faire du saxo juste pour l’esbroufe !

-Pas du tout ! J’ai choisi le saxo parce que c’est ce qui collait le mieux à ta partoche, crétin ! En plus j’avais envie d’en jouer.

-Pfff ! Bah nous voilà bien partis…

-Comme tu dis. Pianote donc sur ton clavier et laisse-moi faire mon réglage tranquille !

-Très bien ! Comme tu veux, je vais dans la cuisine faire chauffer du café.

-Je préfèrerais un chocolat chaud.

-J’ai pas dit que ce serait pour toi !

-T’es qu’un abruti mal élevé et imbus de sa personne !

-Peut-être, mais toi t’es qu’une starlette de bas étage !

-Pff ! File donc te planquer dans ta cuisine, la starlette sait très bien ce qu’elle fait !

Il me laissa donc toute seule pendant que je fignolais les réglages. Je sortais quelques sons biens désagréables juste pour le faire se hérisser tout seul dans sa micro cuisine. Quand enfin j’eu fini, je me faisais un micro solo, histoire de m’assurer que je savais encore en jouer. Heureusement, la musique, c’est comme le vélo, ça ne se perds pas !

Il revient de la cuisine avec un mug en main et pose sa tasse à la délicieuse odeur de café sur une table basse à côté de son piano avec un sourire narquois. Je le fusille du regard en prenant conscience qu’il ne plaisantait pas en me disant qu’il ne préparait pas quelque chose pour moi.

-C’est bon starlette ? Prête à jouer de la vrai musique ?

-Prête !

On travaillait la partition pendant deux bonnes heures au moins, à la fin, j’avais la bouche et les doigts engourdis. Il fallait se résigner. Ensemble, on n’arrivait à rien.

-C’est pas possible ça ! Jamais on arrivera à faire quoique ce soit de correcte ! Tu joue n’importe comment !

-C’est toi qui fait n’importe quoi, on a l’impression que tu lis la partition de façon bête et méchante, que tu ne te laisse pas porter par la musique. Tu te contente de lire et d’appliquer la partition, et c’est tout ! Ripostais-je, furax et assoiffée.

-Si on veut faire quelque chose de bien à deux, il faut lire et jouer la partition telle quelle ! Toi tu prends des libertés avec comme si elle t’appartenait ! Ce n’est pas comme ça qu’on joue en équipe !

-Comme si tu savais quelque chose du jeu en équipe !

-Oh ? Alors parce que mademoiselle fait partie d’un groupe, elle sait tout mieux que tout le monde peut-être ?

-Je ne sais pas tout mieux que tout le monde ! Je sais juste que ça saute aux yeux que t’a jamais joué avec quelqu’un ! J’ai beau essayer de te suivre, si on en reste à appliquer bêtement la partition, aucune émotion n’en ressort.

-Alors quelle est la solution Miss je sais tout ?

-J’en sais rien, et de toute façon il est tard et je suis naze. Je me casse !

Je remballais mon saxo dans mon étui.

-Tu vas pas partir comme ça ? On doit réussir ce duo ! Il n’est pas question que je me tape une sale note par ta faute !

-Et c’est toi qui vas m’en empêcher peut-être ! Salut !

J’ouvrais la porte et la claquais derrière moi. Décidément, ce type me mettait hors de moi. Je m’accoudais à la balustrade et observais la vue que donnait un 4ème étage sur la ville, le soleil commençait à se coucher. J’étais complètement HS. Je prenais un grand bol d’air puis attrapais mon étui sur le sol, prête à partir quand des notes s’élevèrent derrière moi. Je stoppais mes mouvements et écoutais attentivement à la porte. Ce type était peut-être irritable au possible mais il deviendra surement un grand soliste s’il se laisse aller comme ça à chaque fois.

J’attendais les dernières notes puis descendais les escaliers pour rentrer chez moi.

 

Laisser un commentaire ?