♠ ♦ Alice in Wonderland ♥ ♣

Chapitre 25 : ♠ ♦ L'heure a sonné ♥ ♣

2938 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/01/2017 18:48

5h45. Nuit blanche, bien évidemment. Comment réussir à fermer l’œil quand on a la certitude de mourir dés le lever du soleil ? Quand on sait que l'on est en train de vivre ses derniers instants ? Aucun de nous cinq n'est parvenu à s'endormir ne serait-ce que dix minutes. Le Wonderland m'a prouvé plus d'une fois que rien n'est impossible. Il nous a pourtant été impossible de pioncer. Marshall, silencieux dans un coin de la cellule, frissonne violemment, se parlant à lui même en lâchant quelques ricanements nerveux. L, recroquevillé en boule comme à son habitude, mordille l'ongle de son pouce, ses yeux noirs cernés rivés sur l'horloge murale. Edge est toujours assis les jambes croisées, les mains derrière la tête et son chapeau dissimulant ses yeux, une larme brillante pouvant être aperçue sur sa joue. Hiruma, quant à lui, est installé à ma droite, sa joue appuyée sur mon épaule, son regard émeraude perdu dans le vide, sa main tenant la mienne en tremblotant. Le bas de mon dos me faisant atrocement mal, je caresse délicatement sa main avec mon pouce, les cils humides d'avoir passé ma nuit à chialer.

Mes yeux se posent sur l'homme-loir. À sa mine plus concentrée que désespérée, je devine qu'il est en train de communiquer par la pensée. Je ne sais pas trop avec qui, mais je suppose qu'il s'agit de Jumonji White, ou Blue Habashira. Il doit probablement leur demander si ils ont trouvé une manière de nous sortir de là. À la façon dont il a baissé les yeux vers ses pieds, remuant ses orteils frénétiquement, j'ai compris que leurs recherches n'avançaient pas trop, ou du moins qu'elles étaient floues. Je leur fais confiance, de tout mon être (puisque de toute façon je n'ai que ça à faire), mais j'ai tout de même peur. Trouver une solution en si peu de temps doit être très difficile. Ils ont une immense pression sur les épaules. Je comprendrais, si ils échouent, et de là où je serai, je ne leur en voudrai pas.

Devinez qui sera la première à se faire exécuter. Kotaro a avoué l'énorme plaisir que ça lui procurerait d'observer les réactions des Rebelz en me voyant mourir. Quel connard... Ce sera donc ma tête qui se retrouvera la première sur le sol. Avec un peu de chance, les Rebelz qui sont au Château de Pique trouveront une idée avant que mes quatre amis ne se fassent exécuter à leur tour. Si je dois mourir, j'aimerais au moins que les autres vivent. Impossible vous dites ? Quand il s'agit de l'entraide et de l'efficacité des Rebelz, ''impossible'' est un mot difficile à prononcer. Mes pensées s'emmêlent. Je ne sais vraiment plus où donner de la tête. Dans tous les cas, je vais bientôt la perdre. 




« On va pas s'ignorer jusqu'à c'que notre heure soit venue quand même ? »

J'ai osé dire ça, ayant la voix toute tremblante, rompant cet abominable silence. Marshall s'est tourné vers moi, tout comme les trois autres. Mais il est le seul qui approuve mon propos en s'approchant de moi comme il peut, traînant des genoux. Il s'assied à ma gauche, son dos contre mon bras. Il n'a certes rien dit pour me donner raison, mais le simple fait de se coller à moi m'a prouvé qu'il ne m'ignore pas.

« Okay, on profite d'nos derniers instants. » C'est Edge qui a lancé ça, en marchant vers nous, fouillant dans la poche de son pantalon. Il en sort un paquet de cigarettes, se débrouille pour en sortir une seule et la cale entre les lèvres de Marshall. Hiruma disparaît, pour faire immédiatement apparition devant l'homme-lièvre, un briquet à la main, allumant la cigarette. Marshall ferme les yeux, comme apaisé. Le tabac lui manquait visiblement. Il recrache la fumée, gardant la clope entre ses lèvres et murmure : « Merci les mecs. »

L tourne la tête vers nous, son chapeau décoré de friandises faisant de l'ombre à ses grands yeux noirs. Le boulet à sa cheville l'empêche de s'avancer vers nous.

« Je dois admettre que tu as raison Alice... Je n'aurais pas dû me baser sur les statistiques, dit L en me lançant un triste regard, ses oreilles de loir se baissant lentement. Nos espoirs ne doivent pas s'envoler. Tout comme notre confiance en nos amis. Jusqu'à notre dernier souffle, nous devons croire en eux. »

Ses yeux sont humides. Ça me tue de le voir au bord des larmes, lui qui est toujours si blasé, si neutre, si indestructible. Ses sentiments sont habituellement si inaccessibles. Cet état de désespoir de L semble signer notre fin, comme si les Rebelz n'étaient plus rien, si ce n'est à bout de forces physiques et mentales. Mais bon, comme L l'a si bien dit, il est impératif que nous fassions confiance aux autres Rebelz.

Marshall tire une dernière latte en fermant ses yeux mouillés, Edge écrasant la cigarette sur le sol humide et froid. Hiruma chuchote, fixant l'horloge sur laquelle le temps court, en se replaçant près de moi : « On aura été ensemble jusqu'à la dernière... Que rêver de mieux ? »




« Regardez-moi ça, quel charmant tableau ! »

Je lève les yeux vers la sombre horloge. Il est très précisément 5h55. L'heure est venue.

Le Roi de Cœur est entré dans le cachot, suivi de Togano et de cinq Cavaliers Rouges. Il ricane avec cruauté, une main sur sa hanche et l'autre sortant la clef de notre cellule de la poche de son ''slim'' rouge. Avant d'ouvrir la porte, il appuie sa main droite aux barreaux, nous toisant avec un immense sourire, satisfait de nous voir si malheureux et affaiblis.

Assise au fond de la cellule, ne sentant plus mon dos et ayant la tête légérement penchée sur le côté, j'ai une mine désespérée. Hiruma, à ma droite, a sa joue posée contre ma tête et sa main dans la mienne, ses canines sortant de sa bouche, lui donnant ainsi un air triste et sérieux. Marshall, à ma gauche, a son dos contre mon bras, convulsant par moment à cause de sa camisole qui le gêne, ricanant seul, sombrant dans la démence. Edge est assis en face de lui la tête baissée, son somptueux haut-de-forme faisant de l'ombre à ses yeux, avec un sourire en coin, une jambe pliée et l'autre tendue. Et L, dos à Edge, est comme toujours accroupi sur ses talons, les genoux contre son torse et son pouce à la bouche, ses yeux cernés orientés vers Kotaro. Vous allez sûrement me trouver folle (de toute manière, c'est ce que je suis), mais je trouve réellement que c'est un magnifique dernier tableau que nous formons. Un tableau qui prouve que nous sommes nous cinq unis à la Vie à la Mort.

« Oh, et surtout voyez qui est là ! Le Chat du Cheshire ! »

Togano semble surpris de le voir. Kotaro, lui, rit vilement. Hiruma toise le Roi de Cœur, montrant ainsi qu'il ne se laisse pas marcher dessus malgré sa situation critique.

« -Ouais, j'veux crever avec les autres Rebelz, articule-t-il simplement, avec dédain.

-Mais tu ne le peux pas, répond Kotaro avec un mauvais sourire. Tu n'as commis aucun délit ici, rien qui pourrait me pousser à te condamner à mort. Donc je suis navré de t'annoncer que tu es toujours libre, et que tu assisteras à l'exécution de tes amis. »

Je baisse les yeux, le cœur lourd. Je suis heureuse qu'il puisse être sain et sauf, mais je sais qu'il va tout faire pour être également tué.

« -Vous êtes tellement naïf, Fuckin' Rouflaquettes, rétorque Hiruma avec une arrogance qui lui est propre. J'ai réellement le visage d'un innocent selon vous ? Il lâche un mauvais rire, sans pour autant décrocher un sourire. C'est pourtant moi qui ai récupéré les armes d'Unsui, Agon et Kuro, et qui les ai fais s'enfuir. Mais oups, peut-être n'aviez-vous même pas remarqué leur absence ! Alors que Kotaro serre férocement les poings, Hiruma disparaît, récupère la clef de ma ceinture de fer de la poche de Edge, et réapparaît. Et au fait ! J'ai aussi volé ça. »

Togano écarquille ses petits yeux d'ébène. Kotaro se tourne brusquement vers lui :

« Tu n'as même pas gardé la clef sur toi, incapable ?! »

Ce mot, même en étant adressé à Togano qui n'est pas dans notre camp, m'a fait énormément de mal. Et si j'en croit le regard faible que Edge a lancé au Valet de Coeur, lui aussi n'a pas apprécié ce terme. Pour sa défense, Togano parvient seulement à dire :

« Cheshire est-il alors encore apte à rester en vie ?

-Bien sûr que non, murmure Kotaro. Mais il mourra en dernier, pour voir ses amis crever. »




Togano ouvre la porte de la cellule et entre à l'intérieur avec les autres Hommes de Cœur. Hiruma a jeté la petite clef rouge à Togano, en chuchotant avec malice :

« C'est ça que tu cherches ? ». Un garde a alors accouru vers Hiruma pour lui passer les menottes, craignant qu'il ne se téléporte hors de la cellule maintenant ouverte. Tout comme Edge, et à présent L, les menottes sont attachées devant lui.

Accroupi devant moi, Togano détache la ceinture de fer, sans un mot, sans me regarder. Les autres Cavaliers Rouges retirent la camisole de Marshall, qui ricane toujours, en balbutiant quelques phrases à peine compréhensibles. Je ne quitte pas Togano des yeux, les miens étant pleins de larmes. Il finit par lever son regard vers moi, et murmure sèchement :

« Me regarde pas comme ça, Alice. Ça changera rien... »

Il menotte également mes mains, puis me soulève avec force, me poussant hors de la cellule. Je suis toute tremblante. J'arrive à peine à me déplacer. La douleur de mon dos est atroce. Une fois que chaque Rebelz est menotté et sorti de la cellule, Kotaro s'écrie, pendant que le Valet de Cœur referme la porte :

« Bon, je vais sur mon balcon. Tâche de ne pas traîner, Togano. Je n'aime pas attendre.

-Pourquoi est-ce à Togano que vous dites cela ? Demande L d'un ton neutre.

-Parce que c'est lui qui vous mènera jusqu'à votre lieu de mort, continue le Roi de Cœur. Et j'ai établi un petit changement, qu'il doit impérativement vous expliquer avant de vous y conduire. C'est pourquoi c'est à lui que je dis de se dépêcher, misérable rat.

-Je suis un loir...

-Peu importe ! Kotaro se calme aussitôt après avoir gueulé ça. Bref, la petite modification que j'ai apporté est celle-ci : vous ne mourrez finalement pas sous le tranchant d'une guillotine, mais sous celui de la hache d'un bourreau.

-Ah, quelle différence ! S'exclame Marshall avec un rictus fou et incontrôlé.

-Et votre bourreau sera le Valet de Cœur lui-même ! »

À ce moment précis, j'ai eu l'impression de me recevoir une flèche empoisonnée en plein cœur. Les quatre autres Rebelz et moi nous sommes directement tournés vers Togano, qui garde son calme, mais semble respirer plus fort, sa main droite tremblant nerveusement.

« T'es sérieux là ? » C'est ce que Edge est parvenu à lui dire, sous le choc.

Kotaro Red, satisfait du petit effet qu'a produit cette nouvelle sur nous, éclate de rire et lance en s'en allant avec tous les autres Cavaliers Rouges, laissant Togano avec nous :

« Je savais que cela vous enchanterait ! Je vais m'installer. J'ai vraiment hâte que la cérémonie commence. J'adore les exécutions matinales ! »




Je pleure à chaudes larmes. Je hoquette sous le chagrin, par moments, sans le vouloir. Nous voici tous les cinq alignés, alors que Togano nous lie tous ensemble, à l'aide d'une chaîne en or. Marshall est le premier de la file, tout tremblant et se parlant à lui-même, mais tout-de-même plus calme depuis que nous savons que Togano sera notre bourreau. Plus calme dans le sens où il est moins agité... mais sa haine a bien sûr redoublée. Edge, le suivant, n'a pas quitté le Valet de Cœur des yeux, le foudroyant du regard. Ensuite, il y a moi, la pleurnicheuse du groupe. Hiruma, derrière moi, pose son menton sur mon épaule en ronronnant, sa main caressant ma hanche pour m'apaiser. L ferme la marche, fixant Togano avec rage. Lui, il se contente de gueuler : « Alice, arrête de chialer, ça t'aidera pas ! »

Hiruma se tourne vers lui avec hargne, les cheveux encore plus hérissés sous la colère, et s'écrie : « Laisse-la faire ce qu'elle veut, sale traître ! 

-Traître ? Murmure Togano en serrant les liens. Nous ne sommes même pas dans le même camp...

-Mais on était amis ! S'exclame Edge.

-Et je te rappelle qu'avec L on vous a tous élevé comme des grands frères, en tant qu'aînés du Wonderland, lâche Marshall avec un sourire dément, sa voix douce contrastant avec ce regard haineux. On vous a tout donné, pour que vous soyez loyaux et bons, et tu nous laisses crever ?! Pire, c'est toi qui va nous tuer ! L'homme-lièvre s'agite, faisant tinter la chaîne. Tu oublies vite tout ce qu'on a fait pour toi !

-Ça on en parle hein... lance Togano avec rage. Mais le fait que vous m'ayez laissé tomber, que vous m'ayez laissé partir sans même savoir pourquoi... ça on oublie ! C'est moi le méchant dans l'histoire !

-Nous savons tous très bien pourquoi tu es parti comme un voleur, murmure L. Tout simplement par jalousie et par admiration pour Kotaro. Les pires des motivations.

-Ouais... crois-le... dit Togano entre ses dents, si doucement que je pense être la seule à l'avoir entendu. Il continue, plus fort, s'adressant à nous tous. Quoiqu'il en soit, vous n'avez jamais tenté de me faire revenir, signe que je n'étais pas si important que ça à vos yeux ! Vous vous êtes contentés de me faire du mal, tous autant que vous êtes, que ce soit physiquement ou psychologiquement ! Seule Alice ne m'avait pas fait souffrir... Il se tourne vers moi avec un regard plein de rage. Mais bon, elle s'est bien rattrapée.

-Okay, on a tous fait des erreurs, toi autant que nous, dit-je entre deux sanglots. Mais tu ne peux pas balayer toute cette amitié d'un revers de main !

-Certes, on est dans les camps opposés maintenant, continue Edge pour appuyer mon propos, mais personne ne peut effacer ce lien qui nous unissait !

-Et surtout, murmure Hiruma entre ses canines pointues, Kotaro ne t'apportera jamais l'amitié que l'on a partagé...

-Ça ne vous regarde absolument pas ! Hurle Togano en arrangeant ses lunettes.

-C'est bien lui qui t'a traité d'incapable il y a quelques minutes, lance Marshall avec un rire nerveux et sarcastique. Malgré notre rivalité, aucun Rebelz ne t'aurait parlé de la sorte... surtout en sachant tout ce que tu fais pour lui.

-Il n'éprouve aucune amitié à ton égard, et tu le sais, conclut L posément. À ses yeux, tu n'es rien qu'un pion dans son jeu d'échec. Peut-être le pion le plus fort, mais sûrement pas le plus important dans son cœur.

-Va savoir si il en a un qui bat dans sa poitrine... lâche Hiruma avec ironie.

-Tout ça pour dire, Togano, que nous sommes tes vrais amis au fond de nous, malgré nos différends ! Tu dois nous sortir de là ! Je m'exclame soudainement, désespérée. »

Le Valet de Cœur, qui nous tournait le dos quelques instants en passant ses mains frissonnantes dans ses cheveux, se retourne brutalement vers nous tous et hurle à pleins poumons, une pointe de tristesse se mêlant à la haine de sa voix :

« -Putain ! Si c'était si facile !

-Tu peux toujours le convaincre... parvient à chuchoter Edge, surpris de la brusque réaction de Togano, disant cela sans savoir quoi dire d'autre.

-Non ! Je peux rien faire pour vous ! Si je vous aide, il me tuera ! Je peux rien faire... pardonnez-moi, mais je ne suis rien que le Valet de Cœur, je n'ai aucun pouvoir... »

Suite à cette phrase, Togano empoigne le début de la chaîne, devant Marshall. Il la tire vers lui, forçant chacun de nous à avancer. Comprenant qu'il est sur le point de nous conduire sur le lieu de notre exécution, chaque Rebelz s'est mis à lui crier d'arrêter, de nous aider... Mais, en gardant le silence, il continue de tirer sur la chaîne pour nous faire marcher. Peut-être suis-je la seule, mais je l'ai vu. Cette larme couler sur la joue creuse de Togano, jusqu'à sa mâchoire carrée contractée, pour enfin s'écraser sur son épaule. Je l'ai vu. 


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