A Galaxy Railways Story : Reiko

Chapitre 42 : Râ-Metal

6151 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/02/2024 21:21

Chap 42 : Râ-Metal


Derrière les larges vitres de la passerelle, Reiko discernait des traits lumineux, lointains, qui filaient vers l’espace intersidéral.


- L’Hiryu… Le Flame Swallow…


Elle enfonça ses ongles dans le cuir de l’accoudoir.


- Big1 !


Mortifiée, elle baissa la tête, le menton agité de tressaillements incontrôlables.

“C’est injuste. J’ai opté pour cette voie et tout le monde s’acharne à me mettre des bâtons dans les roues. Ils vont voir… Ils vont voir tous ces hommes si importants… Qu’on ne peut pas dompter si aisément la volonté… D’une femme !”


- Préparez-vous pour le saut !

- Destination enregistrée dans la navigation automatique : Andromède, claironna Yattaran.

- Andromède…, répéta Reiko dans un état second.


Tetsuro se pencha au-dessus de son épaule.


- La Galaxie Éternelle… Elle porte bien son surnom celle-là. Des tourments éternels pour tous les humains qui refusent de se transformer en robots dépourvus d’âme. Je plains sincèrement les habitants de Râ-Metal qui essaient encore et toujours d’échapper à ce sort funeste.


Reiko caressa sa prothèse, songeuse.

Si son corps avait accepté l’auto-mail, ce n’était pas tout à fait le cas de son esprit.

Certes, il lui était nécessaire pour piloter et lui facilitait énormément le quotidien mais…

Elle avait l’impression qu’il appartenait à quelqu’un d’autre. 

Elle ne le reconnaissait pas comme faisant partie intégrante d’elle-même.

“Si je le fixe trop longtemps, ça me donne la nausée. Et je suis sûre que ce n’est pas dû à la grossesse.”


- Dis, Tetsuro…

- Hum ?

- Tu penses que l’âme disparaît … Quand la chair est robotisée ?

- T’en fais pas, t’as conservé la tienne si c’est ce qui t’inquiète. Dans ton cas, c’est différent. Tu n’as pas altéré ton espérance de vie.

- Je ne parlais pas pour moi… Même si je me suis posé cette question… Plus d’une fois.

- Ce que je crois… C’est que lorsque l’on choisit l’immortalité, on finit fatalement par oublier les raisons pour lesquelles on existe. Les humanoïdes perdent de vue ce qui constituait leur humanité. Leur âme s'effrite à chaque seconde qui s’écoule… Jusqu’à totalement se consumer.

- Tu… Tu veux dire que…

- Cette longévité offerte par la mécanisation nous prive de notre essence-même. De notre éther.

- Nos… Sentiments ?

- La compassion, l’empathie, la pitié… Tout ce qui nous rend vulnérable… Et incroyablement tenace.

- C’est… Paradoxal ?

- Peut-être. Le cœur est l’une des faiblesses de l’Homme mais aussi…

- … L’une de ses plus grandes forces ?

- Tout juste. C’est comme ça que je vois les choses. Si on ne se bat pas pour ce que l’on a au fond du cœur, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue… N’est-ce-pas, Harlock ?


Un sourire se dessina sur le visage du pirate.


- Tu es plus sage que tu en as l’air, Tetsuro.

- C’est grâce à l’influence d’une certaine voyageuse, lâcha celui-ci en se grattant le cuir chevelu.

- D’après toi, Koko, l’éther est-il annihilé par un assemblage de boulons et de vis ?


La pilote prit le temps de réfléchir avant de répondre à l’interrogation de Maetel.


- Je… Je l’ignore. Je ne suis pas objective. D’un côté, les sbires de Promethium… M’ont arraché tout ce que j’avais. Mes parents. Sayuri et les enfants. Mon Commandant. L’unité Vega. Et Bruce… Ils ont bien failli l’avoir aussi.


Elle croisa les bras, soudain très fatiguée.


- Mais, d’un autre côté, il est arrivé que… Que certains d’entre eux se portent à mon secours quand j’en avais désespérément besoin, poursuivit-elle en pensant à Jeff de Tabito et à Marina Oki.


Elle fit pivoter son siège pour faire face à Tetsuro.


- Je serais tentée d’attribuer leurs méfaits à la perte de leur humanité mais la vérité c’est que… J’en sais foutre rien. Tout ce qui m’importe pour l’instant, c’est que l’on mette l’armée de cette sorcière hors d’état de nuire afin qu’aucun innocent n’ait plus à souffrir par sa faute.

- Et c’est ce que l’on fera, conclut le Capitaine.

- Paré pour le Warp !

- Accrochez-vous, nous partons.


Yattaran enclencha une manette et l’obscurité de la mer d’étoiles fut remplacée par une lumière blanche irisée, hypnotique, comme si le vaisseau avait plongé dans une étendue nuageuse et cotonneuse.

De manière intermittente, des arcs rouges électriques illuminaient le pont, rosissant ses parois et la peau de ses occupants.


- La traversée inter-dimensionnelle se termine dans une minute.

- Maintenez le cap.

- Le Yamato est devant nous !, les informa Kei Yûki.


Reiko s’avachit dans son assise, barbouillée.

“Je déteste ces sauts, je suis malade à tous les coups.”

Puis, après plusieurs secondes qui lui parurent durer un siècle, l’Arcadia émergea dans la Galaxie des Immortels.


- Nous y sommes. Voici… Râ-Metal !, annonça Tadashi.


***


- C’est donc ça… Râ-Metal ?

- Elle ressemble à Frosted… Toute aussi glaciale mais dotée d’un armement hautement technologique, fit remarquer Manabu.

- Est-ce qu’on peut dire qu’elle fait froid dans le dos ?

- La ferme, David, lancèrent Louise et Bruce de concert.

- Roh si on ne peut même plus plaisanter…


Le Commandant du peloton Sirius se leva du fauteuil central dans lequel Schwanhelt Bulge avait l’habitude de s’asseoir.

“Décidément, je ne m’y ferai pas…”

Il scruta le plafond de la “control room”, qui projetait une vue globale de la planète de Râ Andromeda Promethium.


- Nous y voilà. C’est une véritable forteresse.

- C’est exactement les termes employés par Koko, intervint l’artilleur.

- Les chances pour que la reine soit morte lors de l’explosion de son vaisseau amiral sont presque infimes, si ce n’est complètement nulles. D’ailleurs, une fois n’est pas coutume, je partage l’avis du vieux bandit. Elle n’a probablement jamais été à bord.

- Et si…

- Oui, Yuuki, c’est sûrement un piège mais on s’en tient au plan établi. 

- La SDF et le Yamato en couverture aérienne ?, le questionna l’Officière radar.

- Ouais, on se consacre à la destruction des installations militaires, tourelles et satellites.

- Et les pirates investissent les lieux ?

- C'est ça, Manabu. Ils vont débusquer le gibier.

- .. Promethium ?

- Hum.

- Reiko…?, demanda l’ingénieur.

- Elle se repose sagement sur l’Arcadia.

- Et… Après ça ? Elle va vraiment… ?


Bruce garda le silence.

Au fond, il avait conscience que la durée de la suspension de son épouse était exagérée en comparaison avec la gravité de son infraction.

Cependant, il ne pouvait se résoudre à la laisser reprendre du service étant donné son asthénie et les épreuves qu’elle avait endurées ces derniers temps.

“Si elle fait un recours, mes arguments ne tiendront pas une minute. Il faut que je réussisse à la convaincre d’une manière ou d’une autre. C’est une vraie tête de mule. Elle fait bien la paire avec Yuuki.”


- Quelle est la prochaine étape ?

- On guette le signal de Kodaï et le déploiement des équipes d’infiltration.


***


Harlock posa une main sur l’épaule de son fils adoptif.


- À toi le commandement, Tadashi. N’abîme pas mon navire.

- Compte sur moi, Otto-san, accepta-t-il avec le plus grand des sérieux et une pointe de fierté.


Reiko se mordilla les lèvres.


- Tu dois forcément y aller ?

- Je vais aider Maetel à achever ce qu’on a commencé il y a des années. Je n’ai jamais pardonné à ce monstre d’avoir enlevé et torturé ma petite fille à deux reprises.

- Mais…

- Je serai prudent, ne te fais pas de souci.


La jeune femme entortilla une mèche de ses cheveux, nerveuse.

“S’il vient, ça va être problématique.”


- Je vais me reposer, déclara-t-elle en bondissant sur ses pieds. De toute façon, je ne serai d’aucune utilité ici.

- Tu veux t’occuper des radars ?, proposa Kei Yûki.

- Non, tu le fais bien mieux que moi. Où est Mimeh ?

- Je ne sais pas, répondit Harlock. La dernière fois que je l’ai vue, elle était avec Tôchiro.

- Hum. J'espérais qu’elle me tienne compagnie.


Le hors-la-loi adressa une oeillade suspicieuse à Reiko.


- Je précise, au cas où l’idée te traverse l’esprit, que l’ID de chaque pilote est vérifiée lorsqu’il s’installe dans un Space Wolf. La tienne a été désactivée donc les moteurs resteront éteints. Le recel de chasseur n’est pas une option. C’est clair ?

- Très clair, grimaça-t-elle. Fais attention à toi, Otto-san, lui enjoignit-elle en le serrant dans ses bras. Vous aussi, Maetel, Tetsuro-kun.

- T’inquiète pas pour nous, on est coriaces !

- Aniki, à tout à l’heure.

- Essaie de dormir un peu. S’il se passe quoi que ce soit, je te préviens.

- Merci, Captain.


Sans un regard en arrière, elle quitta la passerelle.

“Est-ce que… J’ai été persuasive ?”

Elle rejoignit sa cabine dans laquelle elle s’enferma en veillant à claquer bruyamment le battant.

“Maintenant, patience.”, songea-t-elle en s’allongeant sur le lit.


*** 


Des coups retentirent contre la porte et la pilote ouvrit les yeux.

“Je me suis… Assoupie.”

Elle se mit debout en titubant et actionna la poignée. 

Une silhouette s’insinua alors dans la chambre en quatrième vitesse.


- T’es prête ? Il faut qu’on se dépêche.

- Ouais. Harlock est déjà parti ?

- Dans le même jet que Maetel. Et avec une quinzaine de rebelles.

- Ils n’ont pas été surpris que tu diffères ton départ ?

- J’ai prétexté…

- Quoi ?

- Une grosse commission. Ils se sont envolés il y a moins de cinq minutes et attendent en vol stationnaire. Si je tarde, ils vont trouver ça bizarre.

- T’as dit que t’allais faire caca ? Et ils ont gobé ça ?

- Oui, ça n’a pas eu l’air de les étonner.

- Pose-toi les bonnes questions, se moqua Reiko en riant sous cape.

- On y va, madame la rigolote, ordonna Tetsuro.

- Et t’as aucun problème avec ça ?

- Avec quoi ?

- Ta contribution à l’évasion d’une prisonnière enceinte triplement confinée ?


Il fit mine de réfléchir avant de sourire de toutes ses dents.


- J’aime pas qu’on m’impose des trucs alors ça m’a donné envie de te filer un coup de pouce. 

- Je ferai de mon mieux pour ne pas te gêner.

- T’en fais pas, j’ai ça, dit-il en désignant son cosmo-dragoon. C’est suffisant pour assurer notre protection.

- Hum, moi je ne vise pas très bien, donc je m’en remets à toi.

- Je te ramènerai entière et après je me ferai désintégrer par ton père, ton frère, ton mari et ton copain le Commandant beau gosse.

- Désolée pour ça. 

- On s’en préoccupera plus tard.


Ils vidèrent les lieux furtivement et, guidés par Reiko, prirent la direction des hangars.


- Quelqu’un… !


Les deux acolytes se tapirent dans l’ombre d’un renfoncement et retinrent leur souffle jusqu’à ce que le membre d’équipage s’éloigne.


- On a eu chaud, marmonna le jeune garçon.

- Hum.

- Allez, go, go, go !


Ils s’enfilèrent dans un dédale de corridors qui les mena devant les entrepôts..


- Tout le monde est à son poste... Sans ça, on ne serait jamais arrivés ici, chuchota Reiko.

- Tu es sûre que ça va fonctionner ?

- En théorie.

- En théorie ?

- Tu te doutes bien que j’ai pas eu l’occasion de l’expérimenter.

- Tadashi ne nous ratera pas si on foire.

- On ne va pas foirer. On réquisitionne celui-là, décida-t-elle en pointant un appareil tout proche.

- Okay.


Ils coururent au travers du hangar, attrapant un escabeau sur roulettes au passage. Ils apposèrent celui-ci contre la carlingue, revêtirent casques et combinaisons, avant de sauter à l’intérieur du cockpit. 


- Tu pilotes. Puisque je suis passagère et que mon ID a été désactivée, je suis, en toute logique, indétectable.

- Et l’ordinateur principal ? Il ne va pas nous arrêter ?

- Je… J’espère qu’il comprendra mais je n’en suis pas certaine.

- C’est le moment de prier.


Reiko, qui prit ses paroles au pied de la lettre, joignit les mains.


- Décolle, Tetsuro-kun.

- Ouais. Pas de retour en arrière. Tu n’as pas changé d’avis ?

- Non. De toute façon, Bruce ne peut pas me sanctionner davantage. Et, comme je ne suis plus en service, je suis libre de mes mouvements.

- Il va être fâché.

- Je sais.

- C’est toi qui vois, conclut le voyageur du 999.


Le moteur ronronna et les propulseurs mugirent.


- Ça marche !

- Emprunte le tunnel sur ta gauche.

- Bien reçu.


Ils fusèrent dans le large boyau métallique qui menait à l’extérieur et parvinrent bientôt devant un immense volet.


- Ouvre-toi… Ouvre-toi…, répéta Tetsuro.


La pilote lança une ultime prière aux dieux de l’univers.

“Tôchi… Au nom de la liberté, je te supplie de nous laisser sortir.”


- Putain… ! J’ai l’impression que c’est coincé !


La jeune femme ferma ses paupières.

“Je dois à tout prix y aller. C’est nécessaire… Non, vital.”


- C’est bon, Koko !, se réjouit son compagnon.


La porte s’étira lentement pendant que le Space Wolf pivotait sur son axe de roulis, pour se retrouver avec les ailes à la verticale.


- On est dehors !


Reiko soupira, soulagée, tandis que la tension s’évacuait de ses muscles.

“Merci, Tôchiro…. Vraiment, merci !”


***


- Ils sont là ! Regarde.

- Hum, agis normalement.

- Planque-toi sous le siège.

- Et je fais ça comment petit malin ? Je suis attachée, je te rappelle !

- Baisse la tête !


Du coin de l'œil, la militaire aperçut la dizaine de jets qui les entourait. Puis, l’émetteur du chasseur grésilla.


“- Tu crois qu’on a toute la nuit, Hoshino ?”, s’agaça Harlock.

- Mes excuses, j’avais mal au bide.

“- Pire qu’un gosse. Bon, maintenant que nous sommes réunis… Au travail et respectez les consignes, vu ?”


Reiko, qui avait bloqué sa respiration tout au long de la communication, éteignit le microphone.


- Otto-san doit être sacrément tracassé pour croire à une histoire pareille.

- Plus c’est gros, plus ça passe, rétorqua son équipier en pouffant.

- Je l’ai aussi tenté celle-là mais sans succès. Enfin… J’ai quand même réussi à dérober un Eagle, mais il a fallu que je le boucle dans un wagon pour l’empêcher de me poursuivre.

- Qui ? Bruce ?

- En personne.

- J’aurais aimé voir ça !


La pilote plissa les yeux avant de se redresser, tendue comme un arc.


- Esquive !, se récria-t-elle.

- Je suis un pro, pas de stress, s’exclama Tetsuro en manoeuvrant pour éviter un rayon laser rougeoyant.

- Ils n’ont pas perdu de temps !

- Tu m’étonnes, ils savent qu’on vient pour en finir.

- Pourvu qu’on ne soit pas jetés dans la gueule du loup…

- Cette attaque n’est sûrement pas une surprise pour la reine. Si elle nous a fichu la paix à Gun Frontier, c’est pas sans raison.

- Elle voulait qu’on rapplique ici ?

- Précisément.


Un sourire narquois se forma sur les lèvres de Reiko.


- Elle nous sous-estime alors même qu’on a exterminé son armada et sa station auto-régénérante.

- Elle est convaincue que les humains sont des êtres inférieurs.

- Tu m’en diras tant.


Le Space Wolf zigzaguait entre les traits ennemis avec habilité.


- Je vois que mes leçons ont porté leurs fruits.

- Je me suis entraîné depuis, m’dame.

- Mais…

- Ouais, t’étais pas une si mauvaise prof.

- Tadashi m’a tout appris et… La SDF après lui.

- À propos de ça… Pourquoi t’as choisi les cheminots du Galaxy Railways, Koko ?

- Pour… Ou plutôt grâce à un type du nom de Wataru Yuuki.

- Maetel l’a mentionné au cours de l’une de nos conversations. Le Commandant qui s’est sacrifié pour endiguer une invasion ?

- Oui, on a tous besoin d’un héros, non ? Et Harlock était déjà pris donc…

- C’est le père de Manabu, non ?

- Hum, une drôle de chose que le hasard, non ?

- S’il est d’accord de partager son héros…

- Et je lui ai même volé sa mère, le pauvre.

- Hein ?


Tetsuro pulvérisa une batterie de pulsars peu avant que le Yamato et l’Arcadia ne déclenchent les hostilités, très rapidement suivis par Big 1 et les pelotons encore opérationnels.


- La bataille est engagée. Faut que tu descendes ou on va être pris entre deux feux. 

- Compris !


Reiko montra du doigt une plateforme à l'extrême sud-est des installations râ-metaliennes.


- Si la stratégie est de quadriller le secteur pour extraire la sorcière de son trou…

- Hum, faisons ça !


La radio crachota des sons inaudibles pendant quelques instants jusqu’à ce que la voix d’Harlock ne se clarifie.

“- À tous les chasseurs. On rompt la formation. Atterrissez à bonne distance des zones armées pour éviter les dommages collatéraux.”

- On y est. Prépare-toi, ça risque de secouer !

- Hum !


Le jeune homme n’avait pas menti et sa copilote dû se cramponner de toutes ses forces. L’appareil se posa alors sur un minuscule plateau et, lorsque les moteurs se coupèrent, elle respira un peu plus librement.


- La seconde partie du plan commence… Maintenant !, annonça-t-elle en déverrouillant le cockpit.

- Ouais, approuva Tetsuro en dégainant son cosmo-dragoon. On n’a même pas à chercher une entrée.

- Hum tout droit dans la fosse aux lions, lâcha Reiko en détaillant le volet blindé percé dans la forteresse de Promethium.


***


- Tourelles numéro deux et trois, feu à volonté !

- Oui !

- Yuuki, torpilles anti-aériennes !

- À vos ordres, Commandant !


Big1 encaissa une violente décharge et Bruce dû s’agripper à une console pour ne pas s’étaler au sol.


- Râ-Metal riposte !, s’alarma Manabu.

- Cette planète est une base imprenable surarmée, répondit le sniper en grinçant des dents.

- Harlock nous avait prévenus, fit remarquer Louise.

- Bien sûr… Ce vieux loup de mer a la science infuse, c’est bien connu.

- En attendant, une infiltration sur place c’est du suicide.

- Pas mes oignons ça, David.


L’écran sur le plafond de la “control room” diffusait les images des combats au dehors. De même que l’Arcadia et la flotte de la SDF, le Yamato, dont le canon ondulatoire était encore et toujours ingérable, jouait de ses pulsars.


- Les satellites ont tous été supprimés, les informa l’Officière radar.

- Une bonne chose de faite. Et les infrastructures militaires ?

- Détruites à 30%.

- Nos avaries ?

- Les wagons neuf et douze sont touchés tout comme nos hangars de lancement. Le circuit principal est à 95% de ses capacités, énuméra l’ingénieur. 

- On maintient notre position. Sortez tout ce qu’on a. Je veux qu’on en finisse au plus vite.


Louise fit tourner son siège, intriguée.


- Une communication sur notre canal privé en provenance du vaisseau pirate.

- Autorisée.


Le visage de Tadashi remplaça les scènes de bataille. Une ride soucieuse barrait son front et ses cheveux étaient plus emmêlés que d’ordinaire.


“- Speed, on a un problème.”


***


- J’y vais en premier.

- Entendu.

- Tu restes derrière moi.

- Hé ! Je ne suis pas handicapée, je suis un membre de la Space Defence Force à part entière... Bon, une cadette… Pas encore diplômée, mais j’ai validé la plupart de mes unités et…

- Peut-être mais tu tires comme un pied. J’ai pas envie d’avoir ton décès sur la conscience.

- Tetsuro !

- Ose nier cette vérité !


Reiko se mordit la muqueuse de la joue.


- J’ai progressé…

- Écoute… Tu es une excellente pilote, sûrement la meilleure de la SDF…

- N’exagère pas !

-... Mais tu es un pistolero encore plus désastreux que Tôchiro. Et lui, il était bigleux.

- J’ai compris, vas-y, soupira-t-elle.

- Si je te dis de t’enfuir, tu t’enfuis. Si je te dis de partir et de m’abandonner à mon sort, tu obéis. C’était la condition pour laquelle j’ai accepté de t’emmener avec moi. 

- Je sais.

- Tu es mon amie et, même si je respecte ton souhait de défier ces tas de boulons, tu n’es pas seule dans la balance. Okay ?

- Hum. Message reçu, je ferai gaffe.

- T’as intérêt sinon on se fera écorcher vif tous les deux par tes chiens de garde. Et, si je suis persuadé de pouvoir échapper à Kodaï et à Speed, Harlock c’est une autre histoire.


Tetsuro pointa son pistolet devant lui et tira dans le volet, le réduisant aussitôt en cendre.

La jeune femme força sur ses pupilles, scrutant l’intérieur du bâtiment.


- C’est désert.

- C’est notre chance, rectifia-t-il en s’enfonçant dans le tunnel obscur. 


***


L’écran explosa en mille morceaux et Bruce abaissa son poing dans lequel s’étaient plantés des éclats tranchants, tandis que son gant immaculé se nappait d’une auréole rosée. La rage déformait ses traits et son cœur battait comme un tambour fou.

“Elle a osé. Elle a osé. Je peux pas croire qu’elle m’ait fait ce coup là, cette imbécile. A ce stade c’est plus de l’insouciance, c’est de l’inconscience.”


- Il n’y a donc que des chiffes molles sur ce fichu rafiot pour que vous soyez tous incapables de surveiller une femme enceinte !?, vociféra-t-il.

“- Elle a rusé, maugréa le Capitaine par intérim. Elle s’est servie d’un défaut dans notre système pour se carapater, probablement avec l’aide de Tetsuro.”

- Tu veux dire, reprit-il d’une voix blanche, que son unique renfort dans cet enfer est un… môme mal élevé ?


L’absence de réponse de Tadashi fut assez éloquente pour glacer le Commandant de la section Sirius. 


- J’y vais.

“- J’ai averti Harlock. Il est déjà à sa recherche.”

- Peu importe. C’est de mon épouse dont il s’agit.

“- Et de ma soeur, gronda-t-il. Otto-san fera ce qu’il faut. “

- Ce qu’il faut… ? Vous n’avez pas été foutus de l’empêcher de s’évader alors qu’elle est complètement apathique. Permets-moi de remettre en question vos compétences en la matière. Louise, fin de l’émission.

- Mais…

- Exécution immédiate !

“- Speed, il…”


L’appel prit fin dans un silence de mort.


- Tu ne peux pas t’en aller. S’il n’y a personne pour assurer la coordination, on fonce droit dans le mur.

- Et donc ? Tu proposes quoi, David ? Que je reste ici jusqu’à ce qu’on me la ramène dans un cercueil ?

- Que tu fasses confiance aux autres pour une fois !

- Les autres ? Un équipage de rebelles soûls, un gosse arrogant et… Une femme enceinte exténuée ?

- Tu oublies Harlock. Il aura tôt fait de la retrouver.


Bruce s’affala dans son fauteuil.

La fureur provoquait des tressaillements dans ses épaules et sa peau était si translucide qu’on y devinait ses veines.


- Elle va me tuer, marmonna-t-il.

- Accorde-lui le bénéfice du doute, intervint Manabu. Tu devrais savoir qu’il y a certains combats devant lesquels il est impossible de reculer…

- Et toi tu devrais savoir que j’ai le pouvoir de te clouer à quai si l’envie m’en prend. Donc tes belles leçons de morale, fourre-toi les où je pense.


Louise tapota distraitement sur son clavier.


- C’est cruel d’enfermer un oiseau en cage.

- Elle n’est pas en cage, martela Bruce, hors de lui. Sa santé est critique et le médecin lui a prescrit un repos impératif.

- Vous lui avez coupé les ailes. Tous autant que vous êtes. Personnellement, je comprends qu’elle ait saisi le premier courant d’air pour s’envoler.

- Ben voyons, madame la philosophe. Quel ramassis de conneries.... Vous roupillez ou quoi ? Au boulot. Moins de papote, plus d’action.

- Oui !


Appuyé sur l’accoudoir de son siège, le menton niché au creux de la paume de sa main, le sniper fulminait.

Et désespérait.

“Quelqu’un va-t-il enfin m’expliquer pourquoi le ciel m’inflige toutes ces épreuves ?”

Il serra les doigts si fort que le cuir de ses gants craqua.

“Elle ne fera rien pour me préserver, hein ?”


- Allez, arrosez ces fumiers.


“ Par pitié chaton, ne fais pas n’importe quoi. Ne m’oblige pas à vous enterrer tous les deux. Ça, je n’y survivrai pas.”


***


- Il fait sombre ici… 

- C’est pas plus mal pour nous, rétorqua Tetsuro.

- Hum, cet endroit me file la chair de poule et me rappelle… Beaucoup trop de mauvais souvenirs.


Le jeune garçon s’aplatit contre une paroi, inspectant un large corridor.


- Tadashi me l’a raconté. Quand t’étais gamine ils t’ont emmenée ici, c’est ça ?

- Un kidnapping en bonne et due forme sur le Death Shadow.

- Le vaisseau d’Harlock avant l’Arcadia ?

- Exact. 

- Et c’est… Maetel qui t’a récupérée la première ?

- Hum. Elle a coiffé Wawa et Otto-san au poteau.

- C’est la plus redoutable des trois.

- Carrément.


Le binôme se tut un bref instant.


- Et si on ferre le poisson ?

- La reine ?


Reiko hocha la tête, raffermissant sa prise autour de son cosmo-gun.


- On tire et on n’hésite pas à donner le coup de grâce car elle, je suis sûr qu’elle ne s’en privera pas.

- Et si elle ne meurt pas ? Elle est pire qu’un cafard. Elle revient encore et toujours à la vie. Combien de fois faudra-t-il la massacrer ?

- Une seule fois suffira, grogna Tetsuro.

- Chut !


La pilote pointa une ombre qui progressait doucement dans le couloir. Elle dessina une série de signes avec ses doigts en utilisant le code des pirates, que son ami connaissait parfaitement.


“- Attendre. Pas attirer l’attention. Pas bouger.”


Son compagnon fit la moue. Sa grimace ne laissait aucun doute sur la stratégie qu’il avait élaborée et qui se résumait ainsi : foncer dans le tas.

Il se rangea toutefois à l’injonction de sa partenaire et suivit son exemple en se tapissant dans un renfoncement.

L’humanoïde, qui était armé d’un fusil d’assaut, s’approcha en tapant des pieds.

Immobiles, Reiko et Tetsuro patientaient, le souffle court.

Le soldat mécanisé les dépassa alors sans les remarquer.

Quelques minutes plus tard, ils sortirent de leur léthargie et se remirent en mouvement.


- Pourquoi l’épargner ?

- T’as besoin que je t’explicite la signification du mot “infiltration” ?

- Depuis quand t’es subtile, toi ?

- Depuis quand t’es débile, toi ?, répéta-t-elle en l’imitant.


Il lui tira la langue et ils marchèrent plus en avant au sein du repère de Promethium.


- C’est drôlement tranquille ici… Où sont-ils tous ?, s’interrogea Reiko.

- À leurs postes de combat ?

- C’est bizarre, ça devrait être une vraie fourmilière.

- Ouais je suis d’accord, ça pue du cul.

- Continuons.


Tendus par l’atmosphère étrange qui régnait en ces lieux, ils redoublèrent de vigilance, évitant des robots isolés à plusieurs reprises.

“J’ai l’impression que quelqu’un se joue de nous… On dirait que nos gestes sont épiés et anticipés, que les obstacles mis sur notre chemin ont pour objectif de nous rabattre comme du gibier.”


- Hé… Je crois… Je crois qu’on est manipu…

- À terre !


Tetsuro se jeta sur Reiko et le duo roula pêle-mêle sur le sol lisse et froid.


- Mets toi à l’abri, lui intima-t-il en tirant droit devant lui.


Une dizaine d’humanoïdes avait surgi des deux côtés du corridor. 

“Bordel, on s’est fait avoir comme de la bleusaille.”

La pilote s’accroupit et, à son tour, ouvrit le feu sur leurs assaillants.

Qu’elle soit douée pour viser ou non n’avait pas d’importance puisque chaque ennemi qu’elle abattait était aussitôt remplacé par l’un de ses semblables.

Agenouillée contre une console, elle couvrait les arrières de son ami et inversement.


- Un piège, croassa-t-elle.

- C’était prévisible.

- Ils sont trop nombreux ! On va se faire… Submerger.

- Parle pour toi.


Cette assurance de façade ayant clairement pour but de la rasséréner, la pression de la jeune femme grimpa en flèche.

“On t’a appris à conserver ton sang-froid en toutes circonstances. Pas de panique. C’est pas plus compliqué que de shooter avec un Space Eagle. On regarde dans le viseur, on ajuste et on appuie sur la gâchette. Comme aux entraînements avec Bruce et Manabu.”

Elle s’y employa tant bien que mal, luttant de son mieux pour garder la tête hors de l’eau. 

L’un de ses traits perfora un œil rose et globuleux, un second transperça un torse et un troisième se ficha dans une poitrine.


- Tetsu… Tetsuro…

- Va-t-en, Koko, ! Je vais gérer ici et je te rejoins.

- On peut effectuer une percée et…

- Non, je fais diversion et toi tu t’enfuis, ordonna-t-il depuis l’autre côté du couloir.

- Hors de…

- T’as promis !


Elle déglutit difficilement et ses doigts se resserrèrent sur sa crosse.

Oui, elle avait promis. Mais abandonner un proche à son sort n’était pas dans ses habitudes.

Son équipier lui renvoya une œillade farouche.


- La balance, insista-t-il. T’es pas toute seule dans la balance.


Elle acquiesça à contrecœur.


- Au compte de trois, tu files là bas, dit-il en désignant une coursive latérale. Ils ne te suivront pas, je te le jure.

- Ne te fais pas tuer.

- Aucun risque. À la une… À la deux… À la…


Alors qu’elle s’apprêtait à bondir, des faisceaux brûlants frôlèrent ses boucles brunes, illuminant soudainement le champ de bataille.

Les rayons se multiplièrent et fauchèrent aisément les sbires de la reine.

“Il y a un… Non, deux tireurs embusqués derrière le groupe qui nous a pris en tenaille.”

Tetsuro profita de la pagaille ambiante pour annihiler l’autre escadron militaire avec son édition limitée de cosmo-dragoon, fabriqué par Tôchiro.

Reiko tendit le cou pour tenter de repérer la provenance de cette assistance providentielle mais, à peine eut-elle sorti son visage de sa cachette, qu’une main puissante la plaqua contre le mur recouvert de tuyaux. 

Une odeur chaude lui monta aux narines.

Une odeur familière, mêlant le cuir usé et les vapeurs d’alcool.

Réconfortante.


- Otto… !

- Idiote ! Ne me dites pas que j’ai élevé une idiote durant toutes ces années ?


Reiko se raidit, surprise par ce ton véhément, qu’elle n’avait jamais entendu dans la bouche de son père.


- Je ne pouvais pas…, commença-t-elle avec une voix suraiguë, Je ne…

- Tu ne pouvais pas quoi ?, s’étouffa-t-il, furieux. Ne pas mettre en danger ta vie et celle de ton bébé ? Si tu n’en voulais pas à ce point, il ne fallait pas…. 

- Écoutez, dit Tetsuro en s’interposant, elle n’a rien fait…

- Toi, tu la mets en veilleuse. Je vais aussi m’occuper de ton cas. Je briserai chacun de tes os et Bruce broiera ce qu’il en reste.

- Harlock ! Assez !


Maetel s’avança dans la lumière en abaissant son gravity saber. 

Ses longs cheveux blonds flottaient derrière elle, cascade jaune et scintillante qui tranchait avec la noirceur de son manteau.


- Harlock, ça suffit maintenant, lança-t-elle.

- Papa… Je…

- Plus tard, dit-il en l’agrippant par le bras pour l’obliger à se lever.


Bien que cet accès de colère soit légitime, c’en fut trop pour Reiko. 

Il fut la goutte d’eau qui fit exploser le vase de ses émotions, libérant le torrent de sentiments qu’il contenait depuis la mort du Commandant Bulge.

Elle se détacha brutalement de l’emprise du hors-la-loi et recula comme si de l’huile bouillante l’avait éclaboussée.


- Tu ne comprends donc pas… Que le venin de Promethium me ronge ? Tu ne comprends donc pas que si je n’affronte pas toute cette peur qui me paralyse, je n’arriverai jamais à m’en débarrasser ? La station ce n’était que la première étape. Avant de donner naissance à mon enfant, c’est de ma propre renaissance dont je dois me préoccuper !


Elle marqua un silence, haletante.


- Et, que ça te plaise ou non, j’ai choisi de le garder. Oui, il était imprévu. Pour autant, ça ne fait pas de moi une irresponsable et ça ne signifie pas que je l’aimerai moins. Mais sois tranquille, l’idiote ne t’imposera pas son morveux à bord de ton précieux Arcadia !, cracha-t-elle, profondément touchée par les paroles du pirate.


L’ire du Capitaine fut radicalement douchée et il demeura debout, sidéré.


- Usagi… Ce n’était pas… Ce que je voulais dire.

- Au contraire, c’est exactement ce que tu voulais dire. Et ne t’en prends pas à Tetsuro. C’est le seul qui a accepté de m’aider alors même que vous aviez tous décidé de me boucler contre mon gré dans votre prison dorée ! Visiblement, quand il s’agit de magouiller dans mon dos, toi et Bruce trouvez facilement un terrain d’entente.


Elle se tut, soulagée d’avoir réussi à formuler ses pensées.

Ébranlé par l’emportement et les mots de sa fille, Harlock se rembrunit.


- Il faut nous éloigner d’ici, les rappela à l’ordre Maetel. D’autres vont venir.

- Elle n’a pas tort, répondit Tetsuro.


Le rebelle grommela quelque chose pouvant s'assimiler à un assentiment.


- Très bien, entérina la voyageuse du Galaxy Express 999. 


Tandis qu’elle prenait place au milieu du quatuor, une voix s’insinua dans l’esprit de Reiko.

Affectueuse et mutine.

Claire et pure.

Enfantine.


“- Onee-san, tu es enfin venue me chercher ?”

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