A Galaxy Railways Story : Reiko
Chapitre 38 : Space Defence Force : Rassemblement !
5584 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 18/01/2024 18:28
Chap 38 : Space Defence Force : Rassemblement !
- Vous ne lui avez rien dit ?
- Mamoru… Je t’ai déjà demandé de me tutoyer…
- Oui, pardon. On ne refait pas son éducation.
Reiko racla le fond de sa tasse avec une cuillère.
- C’est pas le bon moment.
- Rassure-moi, tu vas lui annoncer avant l’accouchement ?
Elle remua son nez, songeuse.
- Hé ! Je plaisantais ! C’est absolument pas une solution.
- Il s’est réveillé il y a tout juste une semaine et le décès de Bulge est déjà difficile à digérer… Je ne peux pas lui infliger cette nouvelle immédiatement.
- “Infliger”... Pourquoi serait-il contrarié ?
- On n’en a…
- … Jamais discuté, je sais. Tu me l’as répété au moins trente fois. Ça ne signifie pas pour autant qu’il ne voudra pas de cet enfant. Ou de toi. Je suis certain qu’il s’entaillerait les veines avec les dents si ça pouvait te sauver.
- T’exagères…
- Honnêtement, je suis sans doute plus proche de la vérité que tu ne le crois.
La jeune femme se mordit les lèvres.
Le Commandant du Yamato était du genre persuasif et la tentation de céder à ses injonctions était forte mais Reiko ne pouvait s’empêcher de freiner des quatre fers.
Elle venait de retrouver son époux, le perdre une fois de plus était inenvisageable.
- Est-ce que ce n’est pas plutôt toi qui n’es pas prête ?
- Non… J’ai accepté la situation. J’ai simplement peur…
- Qu’il rejette ce bébé ?
Elle hocha la tête, la gorge nouée.
- Au vu des regards assassins qu’il me lance, cet homme est fou amoureux. Si, comme tu me l’as dit, il n’a pas eu de famille, je suis sûr qu’il voudra en fonder une avec toi.
- Ce sont des spéculations… Rien d’autre.
- Son monde c’est toi. Tu n’as aucune crainte à avoir.
- T’es encore dans l’excès.
- Non. Vraiment pas.
La pilote darda un œil vers l’horloge.
- Yûki ne va pas tarder, j’y vais.
- Je vais chercher mon paratonnerre et je t’accompagne.
- Hein ?
- Ses yeux décochent des éclairs. Il faut bien que je me protège.
- T’abuses. Encore.
- L’amour rend aveugle, marmonna-t-il en passant une main dans ses cheveux.
- Au fait, donne-moi un pass.
- Un pass ?
- Ou un badge. Tes équipes de sécurité veulent me faire la peau à chacune de mes visites.
- J’avais pourtant laissé des instructions.
- À croire que ton autorité n’est pas si respectée que ça, le charria-t-elle en riant.
Mamoru lui asséna une claque dans le dos, qui la fit bondir en avant avec un glapissement suraigu.
- On en reparlera quand tu dirigeras ta propre unité de cheminot de l’espace.
- Hé !, s’offusqua-t-elle.
- C’est toi qui as commencé, la taquina-t-il.
***
Reiko glissa un bras dans l’encadrement de la porte.
- Devine ce que j’ai ramené !, s’exclama-t-elle en agitant une canette. Ton immonde lait à la fraise !
Malgré le sourire qui se dessinait sur son visage, le sniper se pinça les narines, vaguement irrité.
- Trop sympa de penser à moi pendant tes tête-à-tête avec Kodaï.
- T’es pire qu’un gamin, le morigéna-t-elle.
- On m’a appelé ?, s’enquit la voix étouffée de Mamoru.
- Ah, il est revenu, maugréa Bruce. Pourquoi il est revenu ? Il n’a pas de travail ?
- Ma théorie c’est que son équipage essaie de se débarrasser de lui le plus souvent possible, répondit-elle en s’asseyant, hilare.
- Tu me blesses, répliqua le Commandant du Yamato. On dit de moi que je suis très compétent.
- Ben voyons, grommela l’artilleur. Allez donc raconter ça à quelqu’un que ça intéresse.
- Mon amour, l’avertit-elle, c’est…
- Ouais, ton ami. Je sais.
- J’allais dire “impoli”, mais oui, ça aussi.
Elle s’installa confortablement sur le lit de son mari, qui prit un malin plaisir à l'attirer sur ses genoux et à déposer un baiser dans son cou.
Yûki entra dans la chambre à l’instant où Mamoru prenait place sur un tabouret.
- Comment ça va aujourd’hui ?
Bruce fit la grimace.
- J’en ai encore pour combien de temps ? Je me sens déjà beaucoup mieux.
- Tes résultats se sont considérablement améliorés et tu n’as plus besoin de perfusion, ce qui est positif. Et si on continuait tes exercices ?, proposa-t-elle en avisant Kodaï. Nous pourrions ainsi évaluer l’état de tes muscles.
- Marcher ?
- Exactement. Commandant, est-ce que… ?
- Pas de problème.
- Non, pas lui, grogna-t-il, agacé.
- Bruce !
Face à l’oeillade réprobatrice de sa femme, il n’eut d’autre choix que de s’exécuter bon gré mal gré.
Yûki et Mamoru se positionnèrent donc de chaque côté de celui-ci, l’entourant par la taille, pendant qu’il passait ses bras autour de leurs épaules.
Reiko se leva et s’adossa contre le mur, soudain anxieuse.
- Tu es prêt ? À la une, à la deux…
Le patient se mit debout avec effort et avança en ahanant comme un bœuf. Ses piliers le soutinrent de leur mieux et il traversa la pièce en chancelant. Les semaines d’immobilisation avaient fait fondre sa masse musculaire et, pour la première fois de sa vie, il découvrit le sens du mot “infirmité”.
- Lâchez-moi, croassa-t-il. Je vais… Y arriver.
- Attends… C’est pas… Une bonne idée.
- Faites-le !
L'opiniâtreté dans le timbre de la voix du soldat était telle que ses aidants cédèrent à ses sollicitations et s’écartèrent précautionneusement.
Reiko, qui voyait la catastrophe venir de très loin, se précipita en avant, un brin alarmée par cette action un tant soit peu téméraire au vu de la condition physique de Bruce.
Courbé en deux, ce dernier effectua quelques pas en vacillant puis, prenant de l’assurance, se redressa et, alors qu’il tentait de se retourner, trébucha.
La jeune femme fut plus rapide que ses collègues et se plaça devant lui tandis qu’il tombait, menaçant de s’étaler de tout son long. Elle enlaça son ventre pour entraver sa chute. Cependant, sous le poids de son conjoint, ses articulations plièrent dangereusement.
- Chaton, sauve-toi ! Je vais te faire mal !
Le Commandant du Yamato eut le réflexe de l’attraper par le col avant qu’il ne s’effondre en entraînant sa compagne dans son sillage.
Malgré ses vives protestations, il fut reconduit jusqu’à son lit.
- Quelle tête brûlée vous faites…
- Bruce, c’était probablement un peu prématuré…
Le sniper fulminait, furieux d’être incapable de se mouvoir comme il le souhaitait.
- Putain de bordel de…
Reiko se lova contre lui, ce qui eut pour effet de le calmer instantanément.
- On réessaie plus tard, d’accord ?
Il soupira en embrassant son cuir chevelu.
- Oui, faisons ça.
Il serra les dents, retenant toutes les invectives qui essayaient de franchir ses lèvres. Il ne voulait pas déverser sa frustration sur son épouse, qui n’était pas responsable de son état. Qui plus est, épouse qui faisait tout son possible pour l’aider à traverser cette mauvaise passe.
Évidemment, l'inactivité le rendait fou, mais il était hors de question qu’il lui fasse payer son aigreur et son ressentiment.
La patience, ce n’était décidément pas son fort.
***
- Tu sors demain, si ça c’est pas une excellente nouvelle !
Une quinzaine de jours supplémentaires avaient été nécessaires pour que Bruce retrouve son intégrité physique.
Deux semaines de rééducation intensive, supervisées par l’équipe médicale de la SDF. Deux semaines durant lesquelles il n’avait pas ménagé ses efforts pour enfin parvenir à tenir sur ses jambes.
Deux semaines durant lesquelles il avait dû regarder, impuissant, sa femme partir en mission avec le peloton Cepheus.
- C’est pas trop tôt.
- Je dirais plutôt que c’est un miracle que tu n’aies aucune séquelles.
- Mouais, si tu le dis.
Malgré le peu d’enthousiasme dont il faisait montre, il était de l’avis de Reiko.
C’était à peine croyable qu’il ait pu s’en tirer à si bon compte.
- Je ne t’ai pas raconté… Mais, quand j’étais dans le coma, j’ai fait un rêve super bizarre.
- Un rêve… Bizarre ?
- Ouais, c’est sans doute parce que tu l’as déjà mentionné mais j’ai vu ce… Tôchiro.
- Tôchiro Ôyama ?
- Celui-là même. L’ami du vieux bandit.
La pilote ne parut pas surprise outre mesure.
- Tu étais dans un sommeil parallèle, à la frontière du monde des morts. Pas étonnant que tu en aies croisé.
- Hein ? Non, c’était juste une hallucination.
- À quoi ressemblait-il ?, l’interrogea-t-elle abruptement.
- Il… C’était un nain avec un grand manteau brun troué, un large chapeau abîmé et…
- Des lunettes qui lui mangeaient le visage ?
Bruce ouvrit la bouche, interloqué.
- Oui… Oui, c’était ça.
- Si c’était une simple hallucination… Tu n’aurais pas pu l’imaginer tel qu’il était réellement.
- Pourquoi ?
- Parce que tu n’as jamais vu une seule photo de lui, benêt.
Perturbé par cette logique imparable, il ne réussit pas à formuler le moindre argument pour étayer son hypothèse.
- Et ce rêve ?
- C’était plutôt un cauchemar… Une série d’épreuves toutes plus horribles les unes que les autres, orchestrée par ce nabot fou.
- Oh le nabot fou c’était lui, pouffa-t-elle. Tu en avais parlé mais je n’y avais pas prêté attention.
- Ouais… À la fin il m’a transmis un message… Non, plusieurs.
- Hum ?
- Pour Harlock, un truc du genre “Tranquille avec la piraterie, tu te surmènes trop”.
- Sacré Tochi… Il s’est toujours préoccupé de ses semblables avant de s’occuper de lui-même.
Malgré la tournure irréelle que prenait leur conversation, Bruce poursuivit.
- Il m’a aussi dit qu’il… Qu’il veillait sur ta famille.
- Sur ma famille…?
Un voile de tristesse recouvrit les prunelles de Reiko, presque aussitôt remplacé par un fin sourire.
- Si les enfants sont avec lui…
Elle prit une profonde inspiration.
- Ils n’auraient pas pu trouver meilleur gardien.
- Et, enfin, il nous a sommés d’être heureux, lui souffla-t-il.
- Vraiment ?
Reiko se pelotonna contre le torse de son compagnon, battant des cils pour chasser les larmes qui embuaient ses yeux.
- Je me demande si ce n’est pas moi qui lui ai ouvert la porte ton esprit.
- Quoi ?
- Lorsque tu dormais je discutais souvent à voix haute et j’ai dû discourir en long, en large et en travers d’Harlock et Tôchiro.
- Tu ne crois pas que, d’une façon ou d’une autre, ça aurait pu influencer mes songes ? Si tu l’as décrit physiquement, je l’ai peut-être entendu.
- Ça se tient, mais je préfère penser que tu l’as rencontré.
Ils furent soudainement interrompus par des coups assénés sur le panneau métallique.
Une silhouette massive s’avança alors au milieu de la pièce et le couple partagea une œillade stupéfaite.
- Commandant… Tôdo ?
Vêtu du manteau des hauts-gradés, ses cheveux sombres coiffés d’une casquette, il s’inclina, solennel.
- Excusez-moi de vous déranger mais je voulais m’entretenir avec le lieutenant Speed d’une affaire urgente.
Devinant qu’il s’agissait de son mari plutôt que d’elle-même, Reiko bondit sur ses pieds.
- Je vous laisse. À ce soir. Je t’aime.
- Moi aussi. Sois prudente.
- Promis.
La jeune femme effectua le salut de la SDF et quitta la chambre, intriguée.
Bruce l’observa s’éloigner dans le corridor, mécontent qu’elle soit ainsi éconduite et que les précieuses minutes qu’ils passaient ensemble, avant la prise de son service, soient gaspillées de la sorte.
- Tôdo, que me vaut l’honneur de votre visite… ?, lança-t-il, taciturne.
***
Reiko empoigna la canette de thé de Tabito qui avait glissé dans le dévidoir et la décapsula en sifflotant.
Depuis le réveil de son époux elle se sentait légère comme une plume et ce, malgré l’affrontement imminent contre l’armée de Râ-Andromeda Promethium.
Évidemment, la disparition de Bulge lui pesait sur la conscience, mais cette souffrance était apaisée par le processus de récupération de Bruce qui, bien que compliqué, s’était achevé plus vite que prévu.
- Quand tout sera terminé, on partira en voyage de noces. Pourquoi pas sur Robunte Roldo ? Je séjournerais volontiers chez les parents de Murase. Il paraît qu’il y a des lacs et des maisons sur pilotis…
- Reiko !
La militaire sursauta, brutalement arrachée à ses rêveries champêtres.
- Manabu ?
- Il faut que tu vois ça !
- Hein ?
- Allez, suis-moi !
Son ami l’attrapa par le poignet et la tira en direction des quais, à travers les couloirs du Quartier Général.
- Qu’est-ce qui se passe ?, haleta-t-elle, hors d’haleine.
- C’est… Incroyable !
- Mais… Mais quoi ?
- Regarde par toi-même !
Reiko hoqueta, choquée, tout en dérapant sur l’asphalte.
- Big… BIG1 ! Ils l’ont entièrement…
- Réparé ! Oui !
David et Louise étaient déjà sur les lieux, béats d’admiration devant “le Chien de Garde de la Galaxie”, flambant neuf.
- Ils ont récupéré la loco, les informa David. Elle n’était pas aussi endommagée que ce que l’on craignait.
- Akatsuki et les mécaniciens ont bossé sans interruption pour que Big1 soit opérationnel pour… Pour…
- La bataille ?
L'Officière radar acquiesça.
- Oui, Koko. Pour la bataille.
La pilote balada ses doigts sur la carlingue du train avant de faire volte-face, soucieuse.
- Il reste… Un problème.
L'Officier navigateur fit une pichenette dans sa pièce porte bonheur sur laquelle se dessinait un visage bien connu de Reiko.
- Nous n’avons plus personne pour nous diriger, hein ?, déclara-t-il en la saisissant au vol et en la plaquant sur le dos de sa main.
***
- Vous dites que Big1 a été réhabilité et que… Vous m’offrez son commandement sur un plateau doré ?
Bruce eut un rire narquois.
- À moi, l’ex-mercenaire ?
- Le règlement de la SDF spécifie que cette position revient au lieutenant le plus qualifié de la section. En l'occurrence, il s’agit de vous.
- C’est ridicule.
Tôdo s’approcha de la fenêtre, observant les Galaxy Express qui décollaient et atterrissaient au sein de l’immense gare de triage de Destiny.
- Vous possédez un très grand nombre de missions réussies à votre actif. Vous êtes tout à fait compétent pour occuper cette fonction.
- Vous n’avez pas de postulants plus appropriés sous le coude ?
Gardant les yeux résolument rivés vers l’extérieur, le Commandant ne répondit pas.
Le sniper se redressa dans son lit, dubitatif.
Il n’avait jamais envisagé une telle évolution de carrière puisque son poste actuel lui convenait parfaitement.
Après tout, les armes avaient toujours été son unique outil de travail.
Quant à cette offre inattendue…
- Cette opportunité ne se représentera pas de sitôt. Alors… Qu’en dites-vous ?
***
- Il a refusé ? Tu plaisantes ?
Reiko s’attabla avec ses ex-équipiers dans la cafétéria, bruyante à l’heure du déjeuner.
- Tu n’as pas essayé de le faire changer d’avis ?, insista David.
- Pourquoi faire ? C’est son choix.
- Mais…
- C’est à lui de décider quelle voie il désire emprunter. Ce n’est pas à moi de lui dicter sa conduite.
L’ingénieur s’affala dans son fauteuil, exaspéré.
- Dieu seul sait qui va être muté à la tête de notre peloton.
- Nous avons le temps de voir venir, intervint Manabu.
- Il semblerait que Akiro Nakara de Altair et Cho Haneul d’Orion sont pressentis, les avertit Louise.
La pilote tapota sur la table, troublée.
“Commandant Speed… Cette responsabilité n’est pas anodine. Je comprends sa décision.”
Très égoïstement, elle était presque soulagée qu’il n’ait pas accepté cette promotion.
“Déjà que notre emploi nous accapare énormément… S’il prenait du galon, on n’aurait plus une minute à nous.”
- Peu importe qui nous rejoindra. Ça ne nous empêchera pas de protéger les passagers, non ?
- C’est vrai, Manabu, entérina Reiko. Râler et se plaindre, ce n’est pas rendre hommage à Schwanhelt Bulge.
***
- Il a rejeté votre proposition ? Pour quelle raison ?
- Il n’a pas jugé utile de me la donner, expliqua Tôdo en saluant des Officiers croisés au hasard des corridors.
- Bruce a pourtant la trempe nécessaire pour disposer d’une section.
- Un manque d’ambition ?
Murase haussa les épaules.
- Peut-être. D’après moi, c’est plutôt un sentiment de culpabilité.
- La mort de Bulge ? Il aurait l’impression de spolier son poste ?
- Le connaissant, c’est fort probable.
- Il se reprocherait son décès ?
- Au vu des antécédents avec ses partenaires, il y a de quoi s’interroger.
Contrarié, Tôdo accéléra le pas.
- Par égard pour Bulge, je voulais déléguer le commandement à l’un de ses soldats, mais au vu des circonstances, je pense nommer Cho Haneul. Il est vital que Big1 participe au combat à venir.
- Ce train a quelque chose de spécial. Il serait préférable que ce ne soit pas une personne étrangère à cette unité qui la supervise.
- L’âme du Galaxy Railways, n’est-ce-pas ?
- C’est mon avis.
Murase eut un sourire en coin.
- Si vous y tenez, je crois savoir comment le convaincre.
- Je ne suis pas certain que le forcer soit la bonne solution. Néanmoins… Il reste le candidat idéal. Il est au fait des compétences de chaque membre de cet équipage sans compter qu’il maîtrise toutes les fonctionnalités de Big1. Le fait que son épouse fasse partie de ce peloton est potentiellement problématique mais, ceci mis à part, il coche toutes les cases.
- Dans ce cas, laissez-moi vous exposer mon idée.
***
Trois jours à peine après sa sortie de l’infirmerie, Bruce avait tenu à retourner travailler. Respectueuse de sa volonté de ne pas reprendre le commandement de la section Sirius et malgré la pression exercée par leurs coéquipiers, Reiko n’avait pas tenté de le persuader de faire quoi que ce soit.
Lorsqu’il avait évoqué sa discussion avec Tôdo et le refus qui s’était ensuivi, elle n’avait exigé aucune explication.
“Nous sommes tous libres de choisir notre chemin.”
Puis, elle avait changé de sujet, estimant que celui-ci était clos.
- J’ai de la chance qu’elle ait été élevée par cet anarchiste, marmonna-t-il.
- Hein ?
- Non rien, chaton. T’es prête ?
- Oui, dit-elle en enfilant sa veste. Est-ce qu’ils t’ont envoyé ton affectation temporaire ?
- Non.
- Je vois, dit-elle en insérant une clé dans la serrure de leur appartement. Tu le sauras bien assez tôt.
Le trajet jusqu’au Quartier Général fut rapide et Bruce pénétra dans la salle de pause avec une émotion presque palpable.
“J’ai la sensation d’être parti il y a une éternité.”
Malgré l’éclatement de leur peloton, ses membres avaient pour rituel de se retrouver dans leurs anciens locaux avant de prendre leur service.
David, qui marchait depuis quelques semaines, avait été muté chez Rigel. Reiko, Manabu et Louise avaient quant à eux conservé leurs assignations chez Cepheus, Vega et Spica.
- Salut mon vieux, ça fait plaisir de te voir à la verticale.
- Tu peux parler, imbécile.
L’ingénieur eut un rire moqueur.
- Si le mariage ne t’a pas adouci, j’espérais que ta convalescence le ferait.
- La ferme.
Reiko dénicha des briquettes de jus de fruits dans le réfrigérateur et entreprit de servir une collation générale.
- Nous sommes tous réunis maintenant, argua Manabu. Vous croyez qu’ils vont enfin reformer notre unité ?
- Rien n’est moins sûr, signifia Louise.
- Buvez tant que c’est frais, ordonna Reiko, peu désireuse que Bruce se fasse harceler de si bon matin
- À vos ordres, madame Speed !, s’exclama David.
- J’aime mieux ça.
Bien qu’il ne l’aurait avoué pour rien au monde, le sniper était heureux de revoir les visages familiers de ses coéquipiers.
Ici, il se sentait dans son élément.
La porte coulissa et Murase entra, la mine sérieuse. Manabu se leva alors, paré à gagner l’Iron Berger au pas de course. Le nouveau venu lui fit cependant signe de se rasseoir.
- Pardon pour l’intrusion mais j’ai plusieurs informations à vous communiquer.
Les uns et les autres s’adressèrent des regards tantôt angoissés, tantôt optimistes.
- Une série de directives a été prise concernant Big1 et son peloton. La première d’entre-elle est que le train reste à quai tant qu’un Commandant n’a pas été désigné par le QG. La seconde a attrait à vos affectations. Même si cette section se reconstitue un jour, vous n’en ferez plus partie. Vega a besoin d’un pilote. De ce fait, le gamin cède sa place à la stagiaire. Définitivement. Bruce, tu collaboreras avec Lawrence. Il souhaite le renfort d’un agent de terrain. Louise et David, pas de changement pour vous. Quant à toi, Yuuki, le Capitaine Johansson renouvelle sa demande de te voir rejoindre les SPG. Tu feras donc des essais dès cette après-midi. Des questions ?
Un silence ahuri succéda à ce discours, bientôt suivit d’un torrent de protestations.
- Vous dissolvez… Notre unité ?, balbutia l’Officière radar.
- Mais c’est impossible !, lança Manabu. Vous n’avez pas le droit !
- Le Haut Commandement a tous les droits, rappela Murase.
- Chez… Vega ?, s’étouffa Bruce en lorgnant sur sa compagne. Mais c’est quoi ce bordel ? Vous vous foutez de nous ?
En état de choc, Reiko demeura immobile, la bouche ouverte.
- Avons-nous le moindre recours ?, se renseigna David.
- Aucun. Bon, pas de temps à perdre, hein ? Au boulot !
Il se rua vers la pilote et l’empoigna énergiquement par la manche de sa veste.
- Toi, tu viens avec moi.
- Je… Attendez… Une minute !
Elle essaya de se défaire de l’emprise de son ravisseur mais ce dernier l’entraîna dans le couloir en ignorant ses objections.
- Bruce !, cria-t-elle, désespérée par la tournure que prenaient les événements.
L’artilleur se mit debout, écumant de rage.
- Lâchez-la, rugit-il. Il n’est pas question qu’elle vous suive.
- Désolé mais ce n’est plus de ton ressort.
- Pardon ?
- T’as très bien entendu.
Des larmes coulèrent sur les joues de Louise et Manabu l’étreignit maladroitement pour la consoler.
Les traits indéchiffrables, David s’enfonça dans son fauteuil.
- Ça ne se passera pas comme ça, mugit le sniper en quittant la pièce, tel un ouragan.
***
- Commandant Murase ! Arrêtez-vous !, lui intima-t-elle en secouant son poignet.
Celui-ci fit la sourde oreille, poursuivant sa route à grands pas.
- Pourquoi… ? Pourquoi…? Ce n’est pas… Ce n’est pas ce que voudrait le Commandant Bulge !
- Ce qu’il voudrait importe peu à présent.
- Écoutez… C’est prématuré… Il faut… Solliciter Tôdo. Peut-être qu’il peut…
Murase la poussa dans la salle de pause de Vega.
- Ça m'étonnerait puisqu’il est à l’origine de vos assignations respectives.
- Q… Quoi ?
Le panneau claqua au nez de Reiko sans que ses interrogations n’obtiennent de réponses.
***
- Tôdo !
Bruce avait dégondé la porte du bureau sans daigner frapper.
Littéralement furibond, il lui était difficile de garder son self-control alors que sa femme était à l’instant même en présence de ces imbéciles de Vega et en particulier de Moritz Schneider.
- Soldat Speed. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
Celui-ci écrasa son poing sur la table, la fissurant au passage.
- Mettez un terme à cette mascarade. Je ne suis pas dupe de votre petit jeu… Vous utilisez mon épouse pour m’obliger à accepter cette promotion.
- Vous vous méprenez. Nous n’avions pas d’autre alternative après votre refus.
- Reiko… Chez Vega… Vous êtes… Vous êtes…, bégaya-t-il, hors de lui.
- Comment ça ? Y’a-t-il quelque chose que je devrais savoir ? Ses aptitudes sont-elles limitées ?
- Elle n’est pas… Limitée… Vous la jetez simplement au milieu d’une fosse aux lions, gronda-t-il en tremblant sous l’effet de la colère.
- Ne vous inquiétez pas pour ça, Murase saura… Tempérer les ardeurs de ses hommes.
Bruce se figea, proche de l’apoplexie.
Il contracta les mâchoires si fort que ses dents crissèrent.
“Cette manipulation est répugnante.”
Malgré tout… Quelle option lui restait-il ?
- Vous avez le pouvoir de stopper tout ça.
- Hum.
Bruce baissa la tête et ses phalanges se délièrent en craquant.
- C’est assez. Vous avez gagné.
- Hum ?
- Ne faites pas l’innocent. Revenez sur vos ordres et rassemblez la section Sirius. Toute la section. Sans exception. Et… J’en prendrai le commandement.
- Dès aujourd’hui ?
- Dès maintenant.
Un léger sourire flotta sur les lèvres de son supérieur.
- Soit. Tenez votre parole.
- Comme si j’avais d’autres choix.
- Votre nouvel uniforme est déjà dans votre casier.
La main du militaire se suspendit au-dessus de la poignée.
- Nous ne sommes que des pions pour vous ?
- Ne le prenez pas personnellement.
Le battant claqua et Tôdo eut un soupir fatigué.
- Vous avez supporté ça pendant toutes ces années. Bulge… Votre mérite est indéniable, conclut-il en ingurgitant le verre de cognac qu’il s’était versé.
***
Assise sur l’une des banquettes de la salle de repos, Reiko tentait de contrôler sa respiration.
“Si un mot résumait cette situation ce serait sans doute “gênant”.”
- Ça fait longtemps, la bleue, l’interpella Edwin. Félicitations pour ton mariage.
- Merci.
Elle détourna les yeux pour éviter de croiser le regard de Schneider.
- T’as finalement atterri chez nous, continua José. Chez les champions de l’univers !
- Faut croire, murmura-t-elle, dépitée.
- Je suis sûr que c’est provisoire.
Contre sa volonté, elle riva ses prunelles sur son ancien ami.
“Il a maigri. Et son teint est aussi pâle que celui d’un cadavre.”
- D’après Murase, c’est plus définitif que provisoire.
- T’en fais pas, on s’occupera bien de toi, ricana Silver.
- Edwin !, le rabroua Schneider. Commence pas à la mettre mal à l’aise.
La porte s’ouvrit alors à la volée, dévoilant une silhouette nerveuse aux traits tendus.
- Ouais pas la peine de commencer.
- Bruce !
- Viens, on s’en va, dit-il en glissant ses doigts dans les siens.
- Mais… Je ne peux pas…
- Si, ta mutation a été annulée.
- Hein ? Comment c’est possible ?
L’artilleur se mordit l’intérieur de la joue.
- Le peloton Sirius reprend du service.
- Je… Je ne comprends pas. Murase…
Il attira sa femme vers lui, pressé de vider les lieux.
- Tu nous l’enlèves si vite ? C’est pas drôle, dit Silver en s’étirant.
- Au vu du comportement de certains d’entre-vous, j’ai déjà trop traîné, grogna-t-il en fixant Moritz. D’ailleurs, y’en a qui ont eu de la chance que j’aie dû piquer un somme après la bataille.
- Bruce… C’est pas l’endroit ou le moment pour régler…
- Je suis le nouveau Commandant de Sirius, déclara-t-il en haussant le ton. Je récupère donc ma pilote, que ça vous plaise ou non.
- Hein ?
Un silence médusé suivit cette annonce.
- C’est pas vrai…, lâcha Edwin en sifflant.
- Mais tu ne voulais pas…
- J’ai changé d’avis, confirma-t-il en la poussant hors de la pièce.
Il tira le vantail derrière eux, désireux de mettre de la distance entre les soldats de Vega et sa compagne.
- Bruce !
- Chaton, j’ai dit oui. Il n’y a rien à ajouter.
- Pourquoi ?
Il ne répondit pas immédiatement, conscient que la vérité n’allait pas être du goût de Reiko.
- Je ne peux pas me résoudre à ce que mon peloton se désagrège. C’est tout.
- Mon amour… Est-ce ta décision a un lien avec… Mon transfert chez… Vega.
- On va dire que c’était une sorte de déclic.
- Je… Je ne veux pas que tu t’imposes des tâches qui te répugnent… À cause de moi !
Il s’immobilisa.
- C’est bon. Je crois que c’est ce que Bulge aurait souhaité de toute façon. Et puis, je n’ai pas menti. Cette unité est notre famille. Si j’ai la possibilité d’empêcher sa dissolution, je dois le faire. C’est mon devoir.
- Tu en es… Certain ?
- Oui.
Une sonnerie s’échappa alors de la poche de Reiko et elle fouilla dans sa veste à la recherche de son émetteur.
- C’est… Le communicateur d’Otto-san…
- Le pirate ? Qu’est-ce qu’il veut ?
- Je l’ignore.
Elle appuya sur un bouton et un hologramme d’Harlock se matérialisa.
- Usagi… Usagi, tu me reçois ?
- Papa !
- Je te vois. Bonjour lapin… Et… Speed. Content de te voir réveillé.
- Otto-san, il y a un problème ?, demanda Reiko, anxieuse.
Le hors-la-loi fronça les sourcils.
- Je voulais te le dire de vive voix.
- Quoi… Quoi donc ?
- Promethium s’est mise en mouvement. Pour de bon cette fois-ci. Fini les attaques isolées contre le Galaxy Railways. Elle va déployer son armada et… Elle détruira tout sur son passage.
- La coalition…, intervint Bruce. Qu’en est-il ?
- Nous devons être réactifs et mettre un terme à ces agissements pour que l’Humanité ne soit pas éradiquée de l’univers.
- La SDF…
- Elle est déjà prévenue, Koko. C’est une question d’heures ou de minutes avant que vous ne soyez mobilisés.
Une alarme vrilla alors les tympans du couple Speed.
“Alerte générale ! À tous les pelotons ! Lancement de l’opération code rouge ! Je répète : début de l’opération code rouge !”
- Papa…
- Rendez-vous au point de ralliement. Soyez prudents. Je t’aime lapin.
- Moi aussi.
La communication s’acheva et Bruce écarta les bras pour que Reiko puisse se blottir contre lui.
- Tout se passera bien, il est temps qu’on en finisse avec cette histoire.
- Je suis terrorisée. Tu n’imagines même pas…
- Je suis là. Je suis revenu. On vengera ensemble ta famille et ces pauvres gosses. Et, par-dessus tout, on protégera les passagers. On ne le fera pas pour la Compagnie ou pour ces tocards de la Direction mais pour tous ces gens qui voyagent à bord de nos trains, remplis d’espoir et de rêves. Ces personnes, nous ne les trahirons pas car elles comptent sur nous.
- C’est ce qu’on a toujours fait, compléta-t-elle en chuchotant. C’est ce pourquoi Wataru, Mamoru Yuuki et … Le Commandant Bulge sont morts.
- Ouais, on ne les décevra pas. Et si… On allait chercher les autres ?
- Big1 nous a attendus… Beaucoup trop longtemps !