A Galaxy Railways Story : Reiko

Chapitre 27 : Mission royale - partie 2

5218 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/11/2023 18:29

Chap 27 : Mission royale - partie 2


- Qu’est… Qu’est ce que tu vas faire ?

- Je nous ménage une sortie. Cachez votre visage entre vos genoux. Les mains sous les cuisses. Voilà, maintenant vous ne bougez plus.

- Reiko…, sanglota-t-elle d’une voix étouffée.


La pilote contracta les mâchoires, ramassa chaque miette éparse de son courage puis, profitant du fait que Louise couvrait ses arrières, propulsa son poing dans le carreau vitré de la porte.

Une décharge électrique traversa son corps, manquant de peu de la faire tourner de l'œil. 

“Comme un air de déjà-vu…”

Des fragments de verre lacérèrent sa peau nue et son auto-mail émit un craquement inquiétant.

Elle grogna de douleur en faisant jouer ses articulations tandis que du sang perlait de la jonction entre son moignon et sa prothèse


- Y’a plus que deux doigts qui répondent, chuchota-t-elle.


“Le Doc va m’assassiner.”

Après avoir balayé du regard le magasin qui se révéla être vide de ses occupants, elle chercha à tâtons la poignée intérieure, puis la serrure, dans laquelle, par chance, une clef était insérée.


- Bingo.


Reiko la fit pivoter et un déclic retentit. Après une ultime vérification, elle leva le pouce et l'Officière radar interpréta cela comme le signal de départ.

Les deux partenaires s’adressèrent mutuellement le salut militaire de la SDF avant de se séparer. 

Titubante, Énide se mit debout, lorgnant sur la main mécanisée de Reiko dont les phalanges se tordaient dans des angles anormaux.


- Venez, on rentre là-dedans. Dépêchez-vous, lui intima-t-elle.


La fillette la fixa avec surprise.


- Pourquoi t’as pas tiré dessus avec ton arme ?


Un frisson parcourut l’échine de la jeune femme au moment où le battant claquait derrière elles.


- Je… C’est…

- Tu n’y as pas pensé, hein ?


La gamine marquait un point.

“Elle est beaucoup trop futée pour son âge.”


- Trop dangereux avec vous à proximité. On risquait le ricochet.

- Mais bien sûr. T’es du genre à agir et à réfléchir après, hein ?

- Je vois que vous avez récupéré votre langue, railla-t-elle. Allez, avancez.

- On va où ?

- Au fond de la boutique.


Elles avaient visiblement infiltré un magasin de prêt à porter dont la couleur prédominante était bien évidemment un camaïeu de violet. Reiko attrapa un blouson lavande qui avait été soigneusement disposé sur un cintre sur l’un des présentoirs.

“Pour se noyer dans la masse.”

Alors qu’elle l’enfilait précipitamment, des coups tambourinèrent contre la porte d’entrée qui ne tarda pas à voler en morceaux.


- On accélère la cadence, dit-elle en raffermissant sa prise sur son cosmo-gun.


“Heureusement que le pouce et l’index fonctionnent encore. Je peux tenir la crosse et tirer.”

Elle visa l’ouverture béante et plusieurs rayons lasers dispersèrent leurs poursuivants qui furent forcés de reculer ou de se jeter sur le côté pour éviter le sort peu enviable de passoire humaine.

La princesse poussa un glapissement aigu lorsqu’une paume moite appuya fermement sur son crâne pour l‘astreindre à progresser courbée.


- Ici !


Elles s’engouffrèrent dans une sorte de remise obscure.

“Il y a toujours une porte de service pour les livraisons. Pourvu que je ne me sois pas trompée…”

Reiko bascula une commode devant le battant ainsi que des caisses emplies d’étoffes pour ralentir les terroristes. Énide l’épaula de son mieux dans cette tâche en ajoutant un porte-manteau et des mannequins en plastique blancs. 

Des bruits sourds se firent soudainement entendre et le panneau en bois vibra violemment.


- On fiche le camp.


Fébrile, la militaire effectua le tour de la réserve en quelques secondes. Une sueur froide dégoulina le long de son dos quand elle constata avec horreur qu’il n’y avait pas d’autre issue.


- Putain, c’est pas vrai. Dites moi que c’est un cauchemar.

- Reiko…, commença la fillette d’une voix blanche. Reiko… Ils arrivent.


Les plaintes du vantail étaient de plus en plus fortes et elle en déduisit qu’il allait bientôt céder.


- Je sais, ça va aller, ânonna-t-elle, essoufflée, sans vraiment y croire. Je vais trouver une solution.


Un rai de lumière perça la noirceur ambiante et Reiko avisa un soupirail à environ un mètre cinquante du sol.

“Il semble être suffisamment large pour moi.”

Elle le déverrouilla à l’instant où le panneau se rompait. Son sang-froid mis à rude épreuve, elle happa sa protégée et l’aida à se faufiler dans l’espace exigu, pendant que leurs assaillants s’empêtraient dans le tas d’habits.

Une fois l’enfant dehors, elle grimpa sur une chaise et se hissa tant bien que mal à sa suite. Des cris furieux résonnèrent derrière elle et, avec l’énergie du désespoir, elle força sur ses bras pour s’extirper vers l’extérieur. 


- Putain… Putain…


Énide saisit les bretelles de sa garde du corps et la tira contre elle. Le tissu se déchira au moment où une main emprisonnait la cheville de Reiko. Elle asséna alors un coup de pied enragé dans le visage d’un homme qui hurla sous l’effet de la souffrance.

Puis, un dernier effort lui permit de rouler en sécurité sur les pavés en améthyste.

Cognant sèchement le soupirail au nez des partisans de Freheit, elle se releva en ahanant.


- Allez… On…Y va… 


La pilote glissa ses doigts dans ceux de la petite, l’entraînant dans une succession de venelles. Elles s’enfoncèrent toujours plus profondément dans la ville, renonçant à se diriger vers la gare dans l’immédiat.

Hors d’haleine, elles s’immobilisèrent sous un tunnel étroit à l’abri de grands containers. Reiko reprit son souffle en pianotant sur sa montre connectée pour essayer de déterminer leur localisation.

“On s’est éloignées. Je dirais qu’on a au moins un kilomètre jusqu’à Dignity. Et je n’ai aucun moyen de contacter le Commandant. J’espère… J'espère qu’ils vont tous bien.”

Elle se focalisa ensuite sur la cadette des sœurs Rosenwald.


- Merci de votre aide tout à l’heure.

- J’étais obligée. Sans moi tu te serais faite capturer. 

- Hum. Peut-être.


Énide la scruta en remuant ses narines de droite à gauche.


- Ta robe est en lambeau, tu devrais remonter la fermeture du manteau. 

- Hein ?


Reiko baissa les yeux et se rendit compte que son soutien gorge se dévoilait allègrement.


- Vous avez raison.

- J’dis ça pour toi, hein. Sauf si c’est une technique de la SDF pour amadouer l’ennemi.

- Énide-sama…

- Ben quoi ça aurait pu.


Des martèlements captèrent l’attention de la soldate. Sur ses gardes, elle s’embusqua derrière une poubelle tout en plaquant la princesse contre la paroi du passage souterrain.


- Comment ont-ils pu nous tracer si rapidement ? On les avait semés. C’est… Presque impossible.


“Nous… Nous tracer ?”

Prise d’un doute affreux, elle coula un regard suspicieux vers Énide.

Au loin, les éclats de voix et les bruits de courses se rapprochaient frénétiquement.


- Excusez-moi.

- Que… Qu’est-ce que tu fais ?


Reiko palpa les vêtements et le corps de la fillette jusqu’à tomber sur un objet rond dissimulé dans son col.


- Arrête !

- J’ai manqué de vigilance… Le Commandant m’avait pourtant prévenue, marmonna-t-elle, dépitée.


En son for intérieur, elle ne put s’empêcher de songer que le mouchard avait été placé là par l’un des invités lorsqu’elle était plongée dans sa discussion avec Bruce.


- Je suis vraiment une membre de la SDF en pacotille, dit-elle en l’écrasant sur le mur.


“Je me suis laissée distraire. J’ai failli à mes engagements. Si Louise et l’héritière sont blessées ce sera entièrement de ma faute. Même Big1 aurait honte de moi s’il était doté d’une conscience.”

Une œillade lui apprit que leurs poursuivants n’étaient plus qu’à quelques jets de pierres de leur position.

“La meilleure défense, c’est l’attaque, hein Bruce ?”

Sans plus de cérémonie, elle ouvrit le feu, s’appliquant à viser aussi précisément que son double handicap le lui permettait.

Si la plupart de ses tirs se perdirent en l’air, elle fut satisfaite de toucher une épaule et un thorax, contraignant Freheit à battre en retraite. 


- Maintenant !


Le binôme profita d’un instant de flottement parmi leurs adversaires pour vider les lieux en quatrième vitesse.

“Cette fois, ils ne nous auront plus si facilement.”

Elle guida l’enfant vers la gare, veillant à rester à couvert, inspectant le moindre renfoncement sans négliger les toits, points de mire idéaux pour les snipers.

“J’ai merdé à trois reprises. En ne repérant pas l’espion, en bousillant ma prothèse et en croyant qu’il y aurait une porte de service dans cette boutique. J’ai plus droit à l’erreur avec elle.”


- On va s’en sortir, jura-t-elle sans cesser de courir.

- Et Rosalie ?

- Elle est avec Louise. Et je ne connais personne d’aussi opiniâtre que mon équipière.

- Tu ne mens pas ?

- Jamais.


Malgré toute la bonne volonté de la pilote et la découverte du mouchard, leur fuite s’avéra ardue. Reiko évitait d’utiliser son arme au maximum pour ne pas donner l’opportunité au groupuscule de les situer. Durant cette cavalcade éperdue, elles croisèrent des badauds qui les observèrent passer, éberlués.


- Déguerpissez ! C’est dangereux ici !


Sans tergiverser, les citadins obéirent à cet ordre étrange, disparaissant dans les bâtiments violets translucides.

Dans une tentative désespérée de la militaire pour échapper aux individus qui les traquaient avec acharnement, elles descendirent une volée de marches qui menait au niveau inférieur de la ville.

Un coup d'œil fugace sur sa montre lui confirma qu’elles avançaient dans la bonne direction.

Des reflets métalliques attirèrent néanmoins son regard et, à l’instar de ses entraînements, elle s’abrita en zone sûre, en l'occurrence derrière des panneaux publicitaires.


- Ils vous en veulent, c’est le moins qu’on puisse dire, commenta-t-elle en décochant des traits laser vers les toits.


Aussi pâle qu'un cadavre, Énide ne répliqua pas, recroquevillée sur elle-même.

Reiko nota avec dépit que son score était encore moins efficient qu’en salle de simulation. Son auto-mail tremblait et 75% de ses tirs n’atteignaient jamais leur cible, au contraire de ceux de leurs assaillants qui transformaient peu à peu leur refuge en gruyère.


- Presque plus de munitions, grogna-t-elle.


Alors que le panneau menaçait à tout moment de s’effondrer, deux hommes surgirent des escaliers.

Le souffle court, elle s’obligea à patienter jusqu’à l’ultime seconde pour engager les hostilités. Par miracle, elle parvint à transpercer leurs points vitaux.

“Plus personne ne nous vise depuis là-haut. C’est mauvais. Je suis sûre qu’ils vont venir nous cueillir. ”

Prenant le risque de se montrer au vu et au su de tous, elle se hâta de récupérer l’un des fusils et un cosmo-gun qui jonchaient le sol.


- Nous sommes à deux-cent mètres de Dignity. On n’a plus qu’un petit effort à fournir. D’accord ?


La princesse acquiesça et le duo se lança à nouveau dans une course effrénée. Reiko ne s’était pas trompée car, peu de temps après leur départ, une douzaine de mercenaires quitta l’immeuble, bientôt rejoints par leurs attaquants initiaux.

“J’y arriverai pas avec la gamine à protéger. C’est impossible.”, paniqua-t-elle.

Sa montre annonçait cent-cinquante mètres jusqu’à leur destination.

Elles pénétrèrent dans une ruelle parallèle devant laquelle les terroristes passèrent sans s’arrêter. Comprenant qu’elle avait quelques instants de répit pour élaborer un plan, elle posa un genou à terre pour se retrouver à hauteur d’Énide.

Celle-ci était dans un état émotionnel alarmant, en proie à une crise d'angoisse fulgurante. 

“Y’a pas moyen de continuer si elle ne se reprend pas.”

Malgré son jeune âge, elle comprenait que leur situation était des plus précaires.

Si elle ne se calmait pas, l’issue de cette mission pourrait se révéler catastrophique.


- Un rêve, hein ?, commença Reiko, hésitante. Je crois que tout ce que je désire c’est mon bonheur et celui de mes proches.


Elle marqua un silence et reprit avec un rire forcé.


- Et devenir un membre de la Space Defence Force un peu moins épouvantable.


L’enfant la contempla avec de grands yeux écarquillés, ne comprenant pas de prime abord où elle voulait en venir.


- Vous m’aviez posé la question tout à l’heure.

- Je… Je ne sais pas… J’ai peur…

- Et vous ? C’est quoi votre rêve ?, insista-t-elle sans relâcher sa vigilance.


Il fallut une dizaine de secondes à Énide pour réussir à formuler une phrase cohérente.


- J’aime manger.


La pilote haussa un sourcil amusé.


- J’avais remarqué.

- Je veux cuisiner des pâtisseries qui rendront le peuple de l’Empire heureux.

- C’est un beau projet.

- Mère l’ignore mais je sais qu’elle ne sera pas d’accord.

- Vous devrez la faire changer d’avis. C’est votre vie et vous n’en avez qu’une. Il ne faut pas la gaspiller.

- Elle est têtue.

- Je parie que vous l’êtes davantage.


Énide médita sur ces paroles, se tranquillisant au fur et à mesure de la conversation.


- Et maintenant je veux aussi me marier avec le Champion !


Reiko éclata de rire en se levant.


- Bon courage avec lui. C’est pas un cadeau.


Durant tout le temps qu’avait duré leur échange, elle avait retourné le problème dans tous les sens, cherchant une solution pour conduire la fillette en sécurité.

Cependant, elle n’en voyait aucune.

Enfin, ce n’était pas tout à fait exact. Elle avait bien une idée mais elle était persuadée qu’elle ne serait ni du goût du Commandant ni de celui de la princesse. 

Mais, c’était sa seule alternative.

Elle ôta sa montre et l’attacha autour du poignet de sa protégée.


- En appuyant ici, un hologramme du quartier s’affiche. Le point rouge c’est nous, le vert notre train. En empruntant cette rue, vous y serez presque immédiatement.

- Tu… Tu ne viens pas avec moi ? Tu avais promis que tu ne m’abandonnerais pas !

- Je vais concentrer les tirs ennemis pour vous laisser une opportunité de vous enfuir.

- Mais… Mais…

- Rasez les murs, cachez vous dans l’ombre. Vous êtes minuscule, ils ne vous verront pas.


Reiko arracha plusieurs couches du jupon de la fillette, beaucoup trop exubérant, puis elle paracheva son ouvrage en masquant la chevelure rousse sous l’écharpe violine que Bruce lui avait donnée un peu plus tôt.


- Ne vous montrez à personne sauf à mes collègues. Vous vous rappelez de ce à quoi ils ressemblent ?

- Oui.

- Et si vous apercevez des hommes avec un uniforme vert et jaune dont le blason représente une lyre, manifestez-vous. Il s’agit du peloton Vega.

- Je… Je ne suis pas certaine…

- Bien sûr que si. Vous êtes Énide Rosenwald, princesse de l’Empire d’Astoria. Vous allez vivre une longue et heureuse vie remplie de pâtisseries allégées en calories. Vous survivrez pour accomplir votre rêve. Oui ou non ?

- Oui, c’est ce que je veux, dit-elle en serrant les poings.

- À la bonne heure. Prenez ça aussi, ordonna-t-elle en lui fourrant un cosmo-gun entre les mains.

- Le… Le pistolet ?

- Oui. Ce truc, c’est la sécurité. Vous l’enlevez avant de tirer. Faites attention à ne pas vous blesser. À utiliser en cas d’urgence. Si votre vie est en jeu, vous n’hésitez pas. Tuer avant d’être tué. C’est la loi fondamentale de l’espace.


“C’est ce que Tôchiro m’a enseigné.”

N’importe qui aurait attesté que remettre une arme à un enfant était une erreur de jugement monumentale mais Reiko ne voyait pas les choses ainsi.

Dans son esprit, elle offrait une chance à Énide.

Une chance de survivre.

Des bruits de pas résonnèrent dans leur dos et le jeune femme se mordit l’intérieur de la joue.

“On y est.”


- N’oubliez pas. Soyez invisible et courez sans vous retourner. Ils ne vous attraperont pas. Faites moi confiance.

- Reiko….

- Je ne compte pas mourir non plus. Je vous rejoindrai quand j’en aurai terminé ici. Allez-y !

- Je…

- Vite !


À regrets, la petite s’exécuta pendant que Reiko s’approchait à tâtons de l’angle de la venelle. Leurs attaquants avaient fait demi-tour et vérifiaient chaque recoin sur leur chemin.

“Dorénavant, c’est moi le comité d’accueil.”, pensa-t-elle en empoignant un fusil.

Elle ajusta sa visée et ouvrit le feu.


- Soyez brave, Votre Altesse Royale et j’essaierai d’en faire autant.


*** 


Une fois n’est pas coutume, et n’ayant surtout pas d’autres choix, Énide décida de se plier aux ordres de sa garde du corps.

Elle fila aussi rapidement que ses jambes le lui permettaient vers son objectif.

90 mètres.

Des coups de feu retentirent au loin derrière elle.

Longer les bâtiments.

Se fondre dans l’obscurité.

Prendre une inspiration.

75 mètres.

Elle aperçut le fronton de la gare.

60 mètres.

La vrombissement d’un moteur lui glaça le sang.

55 mètres.

Elle se précipita sur le côté, se dissimulant entre deux poubelles.

“Vous survivrez pour accomplir votre rêve. Oui ou non ?”


- Oui, je suis Énide Rosenwald et je n’ai pas peur… De vivre.


“Ce truc, c’est la sécurité. Vous l’enlevez avant de tirer.”

Elle déverrouilla maladroitement la gâchette.

“Tuer avant d’être tué. C’est la loi fondamentale de l’espace.”


- La loi… De l’espace.


Elle pointa le cosmo-gun devant elle, tremblotante mais résolue.


***


Bruce James Speed enfonça la pédale de l'accélérateur, faisant rugir le moteur et dessinant de longues lignes noires sur les pavés en améthyste.


- Tu devrais ralentir, tenta Manabu.

- Et puis quoi encore ?


Une bonne heure s’était écoulée depuis l’attentat durant le discours royal. Ils avaient difficilement appréhendé les tireurs et, une fois le calme revenu, ils s’étaient lancés à la recherche de Louise, de Reiko et des princesses astoriennes.


- Elles peuvent être n’importe où, s’impatienta Manabu. 


Le sniper frappa son volant.


- Elles sont tout à fait capables de s’en sortir indemne, marmonna-t-il.

- Oui…, souffla le jeune homme.

- C’est quoi ça ?


Bruce désigna du menton une silhouette frêle qui venait de bondir sur le bas-côté.

Il pila au milieu de la route en effectuant un dérapage en règle. Puis, il sauta souplement hors de la jeep de la SDF sans daigner se servir de la portière.

Bien qu’il s’avançât prudemment, ce furent ses réflexes aiguisés qui lui sauvèrent probablement la vie.

Il se rejeta sur le côté à l’instant où un trait rougeâtre fusait droit sur sa tête. Il roula au sol en dégainant un cosmo-gun de son holster.

Puis, il se figea, médusé. 

“Ce foulard, c’est celui…”


- La morveuse.

- Le champion ! 


*** 


Submergée.

C’était le mot qui définissait le mieux la situation actuelle.

Reiko balança son fusil au loin, devenu inutile puisque complètement déchargé.

Elle récupéra son pistolet sur lequel deux barres écarlates clignotaient.

“Plus que 20% de sa réserve énergétique.”


- Je suis foutue.


L’ennemi gagnait toujours plus de terrain et elle peinait à le contenir.

“J’en ai abattu laborieusement une petite dizaine. Et il en reste autant.”

Elle tendit le bras pour viser le plus proche mais elle ne fut pas assez diligente.

Un rayon lumineux perfora son auto-mail, faisant par là-même voler le cosmo-gun hors de sa portée.

“Je vais fuir, je suis désarmée.”

Il ne fallut pas longtemps aux terroristes pour comprendre qu’elle était à leur merci.

Ils se ruèrent en avant dans un ensemble presque parfait et les yeux de Reiko s’agrandirent de terreur.

Elle se releva vaille que vaille, chancelante. 

“Je vais me faire canarder comme du gibier.”


- Quelle… Merde.


Alors qu’elle s’apprêtait à s’enfiler dans la ruelle, deux voitures surgirent à pleine vitesse de l’autre côté de l’avenue, faisant face aux assaillants.


- Ils veulent me prendre… En tenaille. Oh mon dieu…


Elle plissa les paupières, examinant les véhicules avec attention.


- J’hallucine…


Une mitraillette se riva alors sur les opposants de l’Empire d’Astoria.

Reiko eut tout juste le temps de se mettre à couvert lorsque des tirs en rafales balayèrent la rue.

La première jeep fonça dans le tas tandis que la seconde se stoppait à sa hauteur.


- Qu’est ce que vous feriez si le section Vega n’était pas là pour vous sauver la mise ?

- Je dois avouer que je suis contente de te voir, Silver, lâcha-t-elle en s’appuyant contre le mur.


Murase ouvrit la portière.


- Grimpe, fil de fer. Où sont les autres ?


La militaire se mordilla les lèvres.


- En sécurité, j’espère.


***


Une fois que Schneider et José eurent achevé de disperser les membres du groupuscule Freheit, le Commandant écouta attentivement le récit de Reiko pendant que Silver conduisait en direction de la gare.


- Si j’ai bien compris, tu as ordonné à la princesse de s’échapper alors que tu retenais les rebelles ?

- Oui, c’est ça.

- Et tu lui as donné un cosmo-gun ?

- Exactement.

- Fais-moi une faveur, préviens-moi quand tu expliqueras tout ça à Bulge. Je ne raterais sa tête pour rien au monde.


La jeune femme grimaça.

Murase avait raison. Pas besoin d’être devin pour savoir que le sermon du Commandant allait être sacrément corsé.


- Mes options étaient limitées.

- Si tu t’es fiée à ton instinct, cette décision était sûrement la bonne.

- Pensez à lui préciser, je vous prie.


Murase rit à gorge déployée.


- T’es toute seule sur ce coup, fil de fer.


“Pourvu qu’Énide aille bien… Pourvu… Pourvu qu’elle soit saine et sauve.”

Elle scruta les abords des trottoirs sans discerner une trace de la fillette.


- Dignity !


Le sifflement du train s’amplifia en un écho interminable entre les immeubles.

La pilote remarqua plusieurs silhouettes qui se tenaient à proximité de la gare et elle soupira de soulagement en reconnaissant l’une d’entre elles.

Le véhicule s’immobilisa et elle leva le bras.


- Énide-sama !

- Reiko !


Bruce voulut retenir l’enfant mais celui-ci se faufila telle une anguille hors de son emprise.


- T’es pas morte !

- Je suis coriace.


La petite entoura les jambes de Reiko qui lui caressa tendrement les cheveux.


- Je suis très fière de vous. Qu’en est-il de Rosalie ? Et de Louise ?

- Déjà revenues, l’informa Manabu en pointant Dignity. Le Commandant et David les ont secourues.

- Je vois. Tant mieux.


Elle redressa la tête et croisa le regard de son amant.

Son cœur rata un battement et son souffle s’emballa.


- Bruce…


La princesse libéra sa garde du corps qui marcha tel un robot vers son tireur d’élite de petit-ami.

Il la rejoignit en deux enjambées, les nerfs en pelote.


- Dans quel état tu t’es encore mise… Pourquoi t’es toujours aussi amochée après chaque mission ? Hein ?


Il la serra dans ses bras de toutes ses forces, respirant un peu plus librement. Puis, il nota l’auto-mail abîmé qui pendait à son poignet.


- Mon amour… Enlève ta veste que je vois ça.

- Oui.


Elle retira son manteau et, innocemment, tendit sa main à Bruce.

Ce dernier marqua un temps d’arrêt et le rire goguenard d’Edwin Silver troubla le silence.


- Sympa la vue !, railla-t-il alors que la mâchoire de Schneider menaçait de se décrocher.


Le feu monta aux joues de Bruce qui s’empressa de rhabiller sa fiancée tout en fusillant du regard quiconque avait osé poser les yeux sur elle.

“Elle ne fera rien pour m’épargner. Strictement rien. Je dois constamment lutter contre l’univers tout entier.”


- Putain, chaton. Tu nous fais quoi là ?

- J’avais… J’avais oublié…, balbutia-t-elle aussi rouge que le Flame Swallow.

- Tout le monde à bord de Dignity ! On décolle ! Murase, toi aussi.

- Vous avez entendu Bulge ! On bouge !

- Reiko, au vu de ton état, tu embarques sur l’Iron Berger.

- Co… Commandant !

- Exécution. Tu me feras ton rapport plus tard.

- Mais je… 

- Je vais avec elle !, hurla Énide depuis l’intérieur du train.

- Pas question. Yûki, tu te charges d’elle.

- Compris. 

- C’est pas toi qui décide le grand ! C’est pas toi qui décide ! Je reste avec elle ! Je le dirai à père et il te fera mourir !


Tandis que l’infirmière traînait la fillette hystérique dans les voitures adjacentes, l’artilleur plaça un bras sous les genoux de Reiko et la fit basculer contre lui.


- Hé !

- Je t’y emmène. 

- Je peux marcher !

- T’as pas de chaussure et t’es à moitié nue. Je prends aucun risque.

- Je… T’es fâché ?

- Bien sûr que non. J’ai juste eu la frayeur de ma vie. Encore, dit-il en lui déposant un baiser sur le front. C’est comme ça chaque fois que tu n’es plus dans ma ligne de mire.

- Vocabulaire de sniper ?

- Tu peux te moquer, dit-il en entrant dans l’Iron Berger. Te laisser avec tous ces imbéciles me rend malade.

- On t’entend, “la gâchette facile”, rétorqua Silver.

- J’essayais pas particulièrement d’être discret, dit-il en installant Reiko sur l’un des fauteuils du wagon de commandement.


Il lança une œillade d’avertissement à Schneider qui regagnait son poste de combat. Les lèvres pincées, ce dernier l’ignora délibérément.


- Je vous la confie, Commandant Murase.

- Compte sur nous.

- Sois sage, dit-il en l’embrassant. Je reviens vite te chercher.


Reiko l’observa vider les lieux, le cœur gros.

“Je préférerais être près de toi.”


- Iron Berger, stand by !

- Circuit principal connecté !

- Pression de la chaudière interne, okay !

- Valves en position !

- Armement opérationnel !

- Radars calibrés !


Murase se leva et ordonna d’une voix tonitruante : 


- Iron Berger, décollage immédiat !


***


Le train de combat s’envola à la suite de Dignity et, pour la première fois, Reiko eut l’occasion de voir le peloton Vega en pleine action. 

“On ne dirait pas les mêmes personnes. Ils sont… Professionnels. C’est impressionnant.”


- Activez les détecteurs à large spectre. Je veux savoir si on est suivi et par qui.

- Oui, Commandant !

- Filez notre cible à la trace, cinquante degrés bâbord.


Murase se tourna vers son invitée.


- Va dans nos vestiaires, y’a des fringues propres dans le placard blanc. Sers-toi.

- Tu peux aussi garder les tiennes. Si t’as un peu trop chaud on te débarrasse de ta veste !, se gaussa Silver.

- Je suis volontaire pour t'aider, poupée, renchérit José sur le même ton.


“J’ai parlé trop vite.”


- Bouclez-la !, les morigéna Schneider. On se passera de vos commentaires graveleux.

- Et toi, t’en as pas marre de courir après une fille qui se fout de ta gueule ?, le rembarra l’artilleur.

- Les gars, c’est assez. Vas-y, Reiko. Quand tu reviendras, je te garantis qu’ils seront calmés, gronda le Commandant.


Sans demander son reste, elle acquiesça et quitta la “control room”.

Lorsque la porte se referma, Murase s’adressa à son unité.


- À la prochaine allusion, je sanctionne, vu ? Et en prime, je vous donne en pâture à tronche de fraises.


*** 


La jeune femme ouvrit l’armoire et attrapa des habits qui étaient, de toute façon, trois fois trop larges pour elle. Elle ôta le blouson violet et la robe réduite en charpie, qui ne tenait plus que par quelques bandes de tissus autour de sa taille.

Elle fixa le miroir, dubitative de l’image que lui renvoyait son reflet.

“Malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à me débarrasser de ces kilos en trop.”, songea-t-elle en pinçant la peau de son ventre.

“Et si on ajoute à ça ma mutilation… Ma cicatrice sur le menton… Je ne sais pas ce que Bruce ou Moritz peuvent bien trouver d’attirant en moi.”

Elle revêtit un pantalon blanc qu’elle fit tenir grâce à une ceinture épaisse. Puis, elle passa ses bras dans un pull gris qui tombait en bas de ses fesses.

“Et c’est sans compter mon incompétence notoire.”

Elle renonça aux bottes qui étaient toutes trop grandes et se contenta d’une paire de chaussettes molletonnées qui réchauffa ses pieds glacés.

Puis, après réflexion, elle ôta son auto-mail.


- Il est cassé, c’est un poids plus qu’autre-chose.


Elle l’abandonna sur un banc et reprit le chemin du wagon de commandement, masquant son moignon dans sa manche.

Alors qu’elle approchait de la porte, une secousse agita l’Iron Berger.

Elle s’écrasa contre l’une des parois avec un gémissement étouffé.

Le vantail coulissa devant elle et elle se mit debout en vacillant.


- Dignity est attaqué, on riposte les gars !

- Compris !

- Montrons leur de quoi sont capables les champions de l’univers !

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