Le Meilleur des mondes possibles (ancienne version)

Chapitre 5 : L'axiome des escaliers

7933 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 21:37

Chapitre IV ~ L'axiome des escaliers 

« Souvent, avec un escalier prévu pour la montée, on arrive à monterplus bas qu'on ne serait descendu avec un escalier prévu pour la descente. »

~ Les Shadoks

~ Parce que, finalement, un petit commentaire personnel ne vaut pas une citation bien choisie lorsque l'occasion est si belle.

« Mais qu'est-ce qui leur a pris ? »

Sa main gauche se tenait entre son front chaud et la table, tremblante. Il paraissait complètement désespéré, fixant obstinément le sol, les dents serrées, la voix faible et enrouée par l'angoisse. Son autre main collait avec peine un téléphone contre son oreille. Comme s'il n'avait même plus la force de porter un si petit objet.

« Connaissant Conan-kun, cette histoire a dû l'intriguer et votre fille l'aurait suivi pour l'en empêcher...

- Inspecteur Megure, vous croyez que...

- Je ne voudrais pas vous inquiéter, Mouri-san. Mais au vu de la situation, on ne peut être sûr de rien. »

La liaison directe entre l'agence de détective et le commissariat portait des paroles lourdes et dénudées d'espoir. Du moins, c'était ce que le père semblait remarquer.

« Nous sommes sur le point d'envoyer quelques agents dans le quartier nord ; Shiratori a remarqué en observant les déplacements de ces bestioles qu'elles provenaient de là-bas. Si vous voulez mon avis, s'ils sont encore vivants, il y a une chance pour qu'on les retrouve dans les environs.

- Mais pourquoi seraient-ils allés aussi loin ?

- Probablement pour la même raison que nous... Mais je ne peux rien affirmer. Je suis vraiment désolé, Mouri-san, mais la police a pour le moment d'autres priorités. »

Ce fut toutefois avec un certain regret que l'inspecteur raccrocha le combiné ; mais s'il avait pu faire quoi que ce fût d'autre, il l'aurait fait. Il fallait juste qu'il y eût quelque chose qu'il pût faire. Et justement, il n'y avait rien à faire. Ils pouvaient juste espérer qu'il y aurait le moins de victimes possibles à cette étrange invasion inexpliquée et, pour le moment, inexplicable. C'était tout.

Se levant de son bureau, il appela aussitôt Takagi ainsi que Sato. Étant avec lui les agents les plus proches des deux portés disparus, il jugea bon de les avertir ; si jamais ils étaient toujours en vie, il fallait se dépêcher de les retrouver avant qu'il ne fût trop tard.Shiratori avait vu juste ; après avoir brillamment déduit que les créatures ne se déplaçaient pas au hasard, mais agissaient en groupe et selon une logique impeccable, les forces de l'ordre nippones avaient pu confirmer par la pratique la véracité de cette hypothèse. Ce qui signifiait que ces êtres provenaient de quelque part, et étaient probablement dirigés par quelqu'un ; toutefois, quelles seraient alors les intentions de cette personne ? Comment aurait-on pu créer de telles choses ?

La police n'était même pas certaine de trouver les réponses à cet endroit. Même l'armée japonaise, qui évidemment était de la partie, n'allait peut-être pas aider à résoudre cette affaire. D'après ce qu'ils avaient pu voir, absolument rien ne pouvait détruire l'ennemi. Cela n'était qu'à peine ralenti par les balles. Cela traversait les murs si besoin était. Cela pouvait se faire lent, comme cela pouvait atteindre de grandes vitesses pour mieux cerner sa cible. Cela ne disparaissait que lorsque cela entrait en contact avec un être humain, mais cela entrainait instantanément la mort de ce dernier.

C'était tout ce qu'ils savaient. Qu'ils faisaient face à un ennemi indestructible et redoutablement vicieux. Quant à ses origines et ses motivations, ils n'avaient aucun moyen de le savoir.

C'était par ailleurs pour cela que la police municipale demeurait en retrait, loin derrière les forces militaires. Les simples agents avaient la chance de ne pas avoir à risquer leur vie pour rien, se contentant d'enquêter à l'abri.Toutefois, absolument rien ressemblant à un quelconque indice ne pointait le bout de son nez. La seule chose anormale était, çà et là, quelques tas de cendres témoignant que quelques personnes innocentes avaient perdu la vie à cet endroit, sans aucune raison.

« Inspecteur Megure ! »

C'était Takagi. L'homme tourna la tête, l'interrogeant du regard. Son acolyte n'attendit pas qu'il formulât sa question pour y répondre, exposant aussitôt sa requête :

« Vous n'auriez pas vu Sato-san ? Elle était juste là il y a encore quelques minutes...

- Oh, si ce n'est que ça ; elle est allée me voir tout à l'heure pour me dire qu'elle allait examiner ce côté. », répondit-il naturellement en pointant du doigt une petite ruelle.

Cependant, lorsqu'il jeta un œil dans la direction qu'il montrait, il sursauta violemment : en effet, alors qu'ils devaient être encore capables de la voir, c'était loin d'être le cas. La jeune femme avait tout simplement disparu.

« Sato-san ! »

Sans réfléchir, le jeune agent se précipita en courant vers la petite venelle, comme persuadé qu'il lui était arrivé malheur. Cependant, aucune trace ni d'une de ces créatures, ni d'un quelconque tas de poussière ne fut visible. Ils n'avaient rien entendu qui ressemblât à un cri, ou bien à ce bruit caractéristique de ces êtres.Donc elle s'était tout simplement volatilisée.

« Takagi-kun, reprit son supérieur en avançant prudemment. Méfiez-vous, on ne sait pas ce qui peut— »

Sa voix avait été coupée, subitement. Seul le silence pourtant avait suivi à son conseil avisé. L'agent se retourna vers l'endroit où son interlocuteur s'était trouvé à ce moment, mais il ne vit personne. Son premier réflexe fut de l'appeler avec vivacité et, désormais, angoisse. Il regarda autour de lui avec attention, tout en marchant précautionneusement vers la sortie de la ruelle.

Toutefois, il ne l'atteignit pas. Un grand flash de lumière survint soudainement, ce qui le força à se couvrir instinctivement les yeux de ses bras, inclinant très légèrement la tête. Lorsqu'il put voir à nouveau ce qui se trouvait autour de lui, la première chose qu'il repéra fut les deux personnes qu'il recherchait. Il retrouva aussitôt le sourire, rassuré.

« Ah, vous étiez là... »

Il se stoppa soudainement et eut un petit mouvement de recul, écarquillant les yeux.

« Attendez une minute... »

Les deux autres policiers lui adressèrent un regard grave et désemparé en réponse. La Japonaise, sans ouvrir la bouche, se contenta de lever un doigt terrorisé et tremblant qui pointa quelque chose se trouvant derrière le jeune officier. Il se retourna d'un seul bloc, s'apprêtant à se retrouver nez à nez avec une de ces horribles créatures ; toutefois, il s'était trompé.

Les quelques oiseaux se trouvant dans les parages chantaient. En effet, bien qu'ils fussent en ville, ils s'étaient retrouvés dans un grand parc tout en longueur. Le ciel était bleu, la température agréable. Une température de printemps. L'herbe était parfaitement entretenue ; le chemin à quelques mètres d'eux était large et formé par du gravier fin et du sable brillant. S'élevait, loin devant eux, à peut-être quelques centaines de mètres, une titanesque silhouette de métal brillant au soleil, resplendissante malgré son vieil âge.

« Impossible... »

L'inspecteur Megure abaissa sa main droite sur le rebord de son couvre-chef, l'enfonçant sur son visage comme pour se plonger dans une profonde réflexion tentant d'expliquer ce qui venait de se produire. Toutefois, il fallait se rendre à l'évidence : même si cela n'avait aucune explication, c'était réel.Même si c'était la première fois qu'ils la voyaient, ils l'avaient reconnue au premier coup d'œil. Un tel monument était trop connu pour qu'une quelconque méprise fût possible. Il ne pouvait donc plus y avoir une seule trace d'hésitation.

Ils étaient à Paris. 

 

 

 

Bien que ses paupières fussent closes, une forte lumière semblait pouvoir passer cette fine couche de peau opaque. Jusqu'à ce moment, cela ne l'avait pas dérangée ; mais elle venait de trouver ces rayons aveuglants un peu trop gênants. Une seule solution lui vint en tête : elle devait se trouver inconsciente jusque-là. Et elle venait de se réveiller. Mais où était-elle ? Que s'était-il passé ? Quelle était cette étrange lumière ? Et quel était cet étrange bruit répétitif qu'elle commençait à entendre de plus en plus distinctement ? Cela ressemblait à un petit tintement mécanique qui retentissait régulièrement. Qu'est-ce qui pouvait bien en être l'origine...?

Ses paupières frémirent fébrilement, puis s'ouvrirent un peu. Ils se refermèrent aussitôt, à cause de cette lumière braquée sur son visage, à quelques pieds à peine de son visage. Elle était trop brillante. Elle ne verrait rien, même si elle ouvrait les yeux.

« Janice... »

Elle reconnaissait cette voix. Cela faisait quelque temps qu'elle ne l'avait plus entendue... Non, elle avait vu son propriétaire récemment, elle s'en souvenait bien. Il était venu l'encourager avant qu'elle n'entrât en scène, avant le début du concert. Et ensuite elle avait chanté, comme à son habitude. Mais que s'était-il passé ensuite ? Elle ne parvenait pas à s'en souvenir. C'était tellement flou...Sa mémoire ne lui offrait que la vision d'hommes en uniformes étranges, qui étaient venus s'emparer d'elle, puis elle s'était évanouie. Mais elle ne parvenait pas à se rappeler quand ni comment ces hommes étaient arrivés sur scène. C'était comme s'ils étaient sortis de nulle part... mais cela n'avait aucun sens. Cela violait les lois de la physique. Rien ne pouvait naître du néant.

Elle entendit encore cette voix. Elle s'adressait à quelqu'un, mais ce n'était pas elle. C'était une voix grave, chargée de reproches, dans le ton. Même si le contenu de ses paroles était en réalité un ordre.Il avait vu qu'elle s'était réveillée. Mais il avait surtout remarqué que la lumière l'aveuglait. Il avait demandé à quelqu'un de l'éteindre. Et en effet, cette puissante lumière perdit en intensité, de telle sorte qu'elle put enfin rouvrir les yeux ; d'abord lentement et doucement, puis totalement. Sa vue demeura floue quelques secondes. La lampe braquée sur son visage était encore aveuglante ; mais elle tourna lentement sa tête sur le côté, vers l'endroit d'où provenait cette voix, et elle le vit enfin.

« P... Professeur... »

Il parut soulagé, mais ne s'adoucit pas pour autant.

« Janice, est-ce que ça va ? Comment te sens-tu ? »

Elle maintint le silence un instant, mais esquissa un faible sourire tentant de le rassurer. S'il était là, alors c'était qu'elle ne risquait rien. Donc elle pouvait se permettre de sourire.

« Tout va bien. Ne vous inquiétez pas pour moi. »

Il se redressa, plissant légèrement les yeux et fronçant les sourcils. Non, sa réponse ne lui avait pas convenu.

« Janice. Sais-tu où nous nous trouvons actuellement, et ce qui t'est arrivé ? »

Elle écarquilla les yeux, lui présentant deux pupilles innocentes et interrogatrices.Tout lui indiquait autour d'elle qu'elle était dans une chambre d'hôpital, ou plutôt d'opération – il n'y avait que là qu'une telle lampe pouvait être visible. Si elle était couchée et que c'était de son état que l'on s'inquiétait, alors cela voulait dire qu'elle avait eu un accident. Qu'elle s'était blessée.

Mais elle ne ressentait aucune douleur.

Elle tenta de se relever, mais elle était encore trop faible ; ses bras succombèrent vite au poids de son corps, et l'archéologue la rattrapa de justesse, l'aidant aussitôt à reprendre sa position de départ.

« Professeur... Il m'est arrivé quelque chose ? Je ne sens absolument rien... »

Il baissa le regard. Puis il se tourna vers les infirmiers qui, à l'autre bout de la salle, ne réagissaient pas et se contentaient de regarder distraitement l'appareillage devant eux. Un seul se contentait de les observer, comme attendant un signal de la part de l'homme au haut-de-forme.Ce dernier se redressa à nouveau, se tournant vers lui en fronçant les sourcils.

« Vous permettez que je me charge de tout lui expliquer ? Je pense que vous avez été suffisamment clairs avec moi, il y a quelques heures. » 

 

 

 

« Alors, il était donc juste là !

- Oui ; nous l'inspections pour vérifier qu'il n'avait subi aucun dommage. Il n'y a absolument pas de quoi s'inquiéter, tout va bien. »

Flora demanda s'il leur était possible de reprendre le violon de la jeune Française, et sa requête fut rapidement obtenue. Un franc sourire sur ses lèvres, elle se vit remettre l'instrument qu'elle tendit avec précautions à sa propriétaire ; cette dernière se plaignit encore une fois du problème que posaient les langues, s'excusant d'avoir eu besoin de recourir à la Londonienne pour pouvoir maintenir une conversation avec tous les Japonais qui les entouraient. Ne maîtrisant que peu l'anglais, la pauvre adolescente était totalement perdue lorsqu'elle ne se trouvait pas à proximité de Raphie ou de quelqu'un ayant eu la chance de s'être trouvé dans le TARDIS au bon endroit et au bon moment.

« En tout cas, merci beaucoup de m'avoir aidée à le retrouver !

- C'est normal. Ça fait plaisir d'aider les gens qui ont des problèmes. », répondit tout naturellement la jeune fille en haussant les épaules, lui échangeant un sourire simple, mais chaleureux.

Les deux amies se dirigèrent vers l'endroit d'où elles venaient, c'est-à-dire celui où elles s'étaient rencontrées et où, désormais, chaque personne en provenance d'un autre monde se retrouvait. Il avait été aisé d'en faire une sorte de point de rendez-vous, dans cet immense sous-marin que les Japonais avaient baptisé l'Abyss. Le vaisseau était tellement grand qu'il était difficile de s'y retrouver ; étant donné qu'il s'agissait de l'une des salles les plus faciles d'accès et les plus repérables, il était normal de le transformer en point de rendez-vous et de repère. Si quelqu'un était perdu, il s'agissait du meilleur endroit pour être certain de trouver quelqu'un apte à rendre service.Lorsqu'elles arrivèrent, en effet, il y avait déjà du monde : Raphaël n'était pas présent, probablement occupé avec cet agent nommé Ogawa à repérer les lieux ; toutefois, se trouvaient déjà sur les lieux l'avocat américain et sa compagne, ainsi que Luke et les deux jeunes Japonais qui n'étaient pas originaires de cet univers. Tous furent évidemment surpris de voir la jeune blonde arriver un violon dans les bras, aussi les questions auxquelles elles s'étaient attendues ne tardèrent pas. Marie raconta tout naturellement que, lorsqu'elle avait été enlevée, elle portait son instrument dans son étui, et qu'il avait donc été amené avec eux.

« Hé, c'est peut-être pour ça que vous avez été enlevés, Raphaël et toi. »

La Française fronça légèrement les sourcils d'incompréhension, aussi Luke n'attendit-il pas longtemps avant de répéter les paroles de Phœnix Wright ; toutefois, elle n'en parut pas moins étonnée et demanda aussitôt à la jeune Londonienne de lui demander pour elle la raison pour laquelle il songeait à cela.

« Je ne sais pas, je dis ça comme ça mais... La chanteuse d'opéra que ces types ont kidnappée, c'était parce qu'elle pouvait être candidate. Alors s'ils n'ont pas encore expliqué pourquoi ils s'en sont pris à vous, c'était peut-être pour le violon. Après tout, ça fait de la musique, et ça expliquerait pourquoi ils l'ont gardé avec eux.

- Ça voudrait dire que ce violon a quelque chose de spécial ? » tenta Ran.

Lorsque cela fut traduit à Marie, elle répliqua qu'elle n'avait rien remarqué d'étrange dans la structure de son instrument ; tout ce qu'elle pouvait affirmer était qu'il était très vieux et avait probablement, dans son univers, un lien direct avec ce qu'elle nommait Tiamat sans pour autant savoir réellement de quoi il s'agissait. Elle raconta qu'en effet, à quelques reprises lors d'une affaire ayant eu lieu plus tôt, alors qu'elle jouait d'une certaine manière, son violon avait réagi avec une ancienne relique des temps babyloniens, le bracelet de Tiamat. Tout ce qu'elle put préciser à ce sujet fut que son violon portait une certaine marque à son côté gauche, exactement la même que cette fameuse relique, et que cette marque avait brillé sans aucune raison alors qu'elle avait joué à ce moment ; mais cela ne s'était jamais reproduit par la suite.À ce propos, on lui demanda alors d'en jouer afin de tenter de voir de quoi il retournait ; sans hésiter, elle l'enfourcha aussitôt sur son épaule et, posant son archet sur ses cordes, commença d'entonner une petite mélodie à la fois calme et gracieuse. Comme chacun s'y attendait, rien de particulier ne se produisit ; la marque foncée demeurant visible sur le côté gauche de la table du violon ne se mit pas à luire, toutefois le jeune adolescent à casquette bleue fronça les sourcils, au fur et à mesure qu'il écoutait. Lorsque la Parisienne eut fini, il ne manqua pas de faire part de ce qui le dérangeait :

« Ce n'est rien, mais j'ai l'impression que ce violon ne sonne pas de la même manière que tous ceux que j'ai entendus auparavant... Mais ça n'arrive que lorsque tu joues dans les graves ; dans les aigus, je n'ai pas du tout cette sensation, c'est étrange...

- C'est peut-être parce que les cordes sont en métal. »

Silence. Tout le monde se tourna avec curiosité et étonnement vers le petit Conan. Flora en oublia par ailleurs de traduire à Marie, mais elle semblait avoir compris que le petit gamin avait dû dire quelque chose de peu banal.

« Idiot, répliqua aussitôt Maya en se penchant vers lui. Tout le monde sait de toute façon que les cordes de violon sont faites en métal. C'est de l'acier, non ? ajouta-t-elle en tournant sa tête vers Phœnix.

- Ah, c'est ça ! répliqua toutefois Luke en s'illuminant soudainement. En fait, chez nous, les cordes sont toutes en boyaux sauf la corde de mi, la plus aiguë : on a rapidement arrêté de la fabriquer en boyaux, parce qu'elle était trop fine et cassait donc trop facilement. C'est pour ça que ça sonne différemment...

- Sauf que, justement, vers la fin du vingtième siècle on a commencé à fabriquer les autres cordes en métal aussi, reprit Conan. C'est plus résistant et ça sonne généralement plus ; et puis, ça dure beaucoup plus longtemps, aussi.

- Mais dans ce cas, je ne vois pas le problème... répéta la jeune medium, sceptique. Qu'est-ce que ça peut faire, que les cordes soient en métal ou pas ? »

Le visage du petit gamin s'illumina soudainement d'un petit sourire qu'il était généralement très inhabituel de voir chez quelqu'un d'un tel âge.

« Vous ne voyez vraiment pas ? Si tout ce que Marie a dit est la stricte vérité, alors cela veut dire que ce violon a été créé, lui et ses cordes, bien avant la fin du vingtième siècle, à une époque où normalement elles auraient dû être constituées de boyaux.

- Bah. Elle a pu les changer après, non ?

- Dans ce cas, il y a peu de chances que le violon ait réagi comme elle l'a décrit, lorsqu'elle avait joué. La particularité de ce violon ne peut pas être seulement liée à sa marque, ce n'est pas logique.

- Et ça signifie donc que, si elles sont en métal, c'est qu'il y avait une raison toute particulière. C'est ça ? » déduisit aussitôt l'avocat.

L'enfant acquiesça, posant aussitôt son index au-dessus de son menton et fronçant légèrement les sourcils. Il demanda soudainement, sans prévenir, s'il pouvait essayer lui-même d'en jouer. Après que cette requête fût traduite, Marie ne vit aucun inconvénient à lui prêter son instrument quelques instants, s'amusant de voir un si petit garçon jouer les experts.Conan inspecta avec minutie les moindres détails du violon et de son archet, puis l'enfourcha après une rapide hésitation, commençant aussitôt de jouer. Ses yeux fermés et ses paupières plissées témoignaient de son extrême concentration au son qu'il produisait, ce qui invita les autres personnes présentes à un grand silence à la fois stupéfait et admiratif. En effet, il fallait avouer par-dessus le marché que le petit génie était, en plus de cela, incroyablement talentueux en tant que violoniste, pour son âge. Bien que la taille du violon parût parfois un handicap certain pour de si petits doigts, quasiment chacune de ses notes fut jouée avec aisance et justesse. L'archet caressait les cordes, les faisant vibrer avec très peu d'irrégularités, preuve d'une grande maîtrise.Lorsqu'il eut fini, il n'eut pas le temps de se concentrer sur le violon, car tous le félicitèrent aussitôt pour sa prestation. Marie était également très douée, connaissait son morceau avec exactitude et le jouait avec une aisance qui était loin d'être donnée à tout le monde ; mais donner un talent similaire à un enfant de moins de dix ans relevait de l'exploit.

« Dis, gamin, tu joues du violon depuis combien de temps ?

- Ben, j'en joue depuis que je suis tout petit et j'ai beaucoup travaillé, vous savez...

- Mais plus exactement, ça fait combien d'années ? Tu es quand même très jeune... »

Un vif éclat de surprise transperça soudainement son regard. Ce fut bref, furtif, totalement invisible pour quasiment tout le monde autour de lui.

Toutefois, le verrou-psyché qui reparut de suite n'échappa pas au regard de l'avocat ; et il n'eut échappé au regard de personne, si jamais il pouvait être visible de tous.

« Enfin, je veux dire qu'en fait, je viens de commencer, ça ne fait qu'un ou deux ans que je travaille, mais je m'acharne beaucoup alors c'est pour ça que...

- C'est quand même un grand talent que tu as là, répliqua Luke en souriant. Tu en as, de la chance, d'avoir ce niveau à cet âge-là.

- Tu ne serais pas un peu jaloux, par hasard ? » plaisanta Flora en esquissant un léger sourire en coin.

Les deux Londoniens entrèrent dans une petite dispute peu violente, se contentant de s'échanger de légères taquineries. De son côté, Conan poussa un soupir de soulagement invisible ; il lui suffisait de changer habilement de sujet pour clore complètement cette histoire, et donc l'écarter de tout doute de la part de qui que ce fût.

« Mais en revenant sur ce violon, je crois avoir compris quelle est sa plus grande particularité. »

L'enfant redevint soudainement le premier centre d'attention, mais cette fois pour une toute autre raison ; lorsque l'avocat se pencha sur un genou pour se mettre à sa hauteur et lui demander, tout naturellement, ce qu'il avait trouvé, le jeune garçon se contenta de placer l'instrument à l'horizontale, regardant dans l'une de ses fentes tout en bougeant légèrement l'inclinaison du violon.

« Quand je jouais, il avait une manière étrange de résonner ; mais ça, seul le violoniste peut s'en rendre compte. En tout cas, ça veut dire que quelque chose qui se trouve à l'intérieur est différent par rapport aux autres violons.

- Tu veux dire qu'il y a quelque chose à l'intérieur qui ne devrait pas y être ? »

Il hocha négativement la tête, tout en souriant avec assurance.

« Pas exactement. Ça veut dire que ce qui se trouve normalement à cet endroit n'est pas fabriqué de la même manière que d'habitude. Et ça, on peut le voir tout de suite en regardant l'intérieur d'une certaine manière, à travers l'une des ouïes. »

Il invita l'avocat à se placer à ses côtés, montrant que la lumière du plafond allait jouer en sa faveur uniquement depuis l'endroit où il était ; puis il lui tendit l'instrument avec précaution, tandis que l'adulte tentait de l'orienter de manière à apercevoir quelque chose d'inhabituel.

Un petit éclat de lumière surgit soudainement, alors qu'il le bougeait. Il eut un léger sursaut accompagné d'une petite interjection de surprise, puis il tenta d'orienter de nouveau le violon de la même manière, comme pour s'assurer qu'il n'avait pas rêvé. Mais il ne s'était pas trompé : quelque chose d'à peu près cylindrique, à la verticale, était fixé à peu près au centre, reliant le haut au bas du violon, et miroitait parfaitement la lumière du plafond comme l'eut fait du cristal.

« On appelle ça l'âme du violon, reprit Conan une fois certain qu'il l'avait vue. C'est un petit bout de bois qui permet de transmettre les vibrations des cordes dans tout le violon, et donc d'améliorer la résonnance et la puissance du son produit.

- Mais attends, le bois ne brille pas comme ça à la lumière. Ce qui voudrait dire... »

Le sourire en coin de l'enfant s'intensifia. Il s'était retourné, l'air assuré, les mains dans les poches, fixant l'une des trois candidates qui, au loin, traversait le couloir avec Brice et les poneys. Assurément, il était plus que certain d'avoir tout compris.

« Ce qui m'a le plus frappé, quand je l'ai regardé, c'est que cette âme-là a exactement la même forme que ces ‘fragments de reliques' que les candidates portent. Donc je pense que vous avez compris où tout ceci mène...

- Et comment tu as remarqué tout ça, déjà ?

- La forme de l'âme n'est pas parfaite, parce qu'il est – surtout à l'époque babylonienne – très difficile de polir avec perfection de la pierre. Donc ça ne résonnait pas de façon complètement uniforme dans le violon, et ça déformait un peu les harmoniques, ce qui donnait l'impression de jouer très légèrement faux. C'est ça qui m'a mis la puce à l'oreille. »

Encore une fois, il parlait comme si tout ce qu'il disait était tout à fait évident. Comme s'il était normal que quelqu'un de son âge fût si lucide. Phœnix Wright le laissa repartir, rendant au passage le violon à sa propriétaire, mais il continua de le regarder s'éloigner, avec Ran qui le suivait de près.Décidément, ce gamin était vraiment étonnant.

« Dis, Conan... »

Le jeune garçon se tourna vers son amie, lui envoyant un regard interrogateur.

« Ce morceau, c'était Amazing Grace, non ? »

Il se sentit rougir légèrement, se souvenant en effet du poids sentimental qu'avait ce morceau tout particulier dans la relation entre Ran et Shinichi ; mais il se contenta de répliquer qu'il n'avait décidé de le jouer que parce qu'il s'agissait d'un morceau lent, ce qui lui permettait d'écouter chaque note avec précision.Toutefois, cette sorte de réponse axée sur la défensive eut pour effet d'ôter à la jeune lycéenne un petit rire amusé.Même si elle ne se doutait pas de ce que signifiait exactement cette réaction. 

 

 

 

La côte se rapprochait désormais à vue d'œil. Un immense port, au-devant de la belle cité nippone, dominait l'ensemble du littoral visible et resplendissait par sa grandeur et son organisation, qui étaient preuves d'une certaine prospérité. Le sous-marin avait fait surface environ dix minutes auparavant ; désormais, il s'agissait d'un simple bateau navigant tranquillement, à vitesse lente et constante, vers le port de Tokyo.Cette fois-ci, il n'y avait aucune exception à la règle : tous ceux qui étaient en provenance d'un autre monde, ainsi que le commandant et les trois candidates, étaient présents dans un couloir du plus haut étage, regardant la ville approchant à travers les hublots. Seuls les poneys regardaient le superbe paysage avec déception : ils savaient qu'ils ne poseraient pas un seul sabot sur la terre ferme. Du moins, pas en public. Elles effraieraient les gens, qu'on leur avait dit.D'un autre côté, la même information avait été révélée à Carmache, qui avait au bout du compte terminé de lutter contre tous ces scientifiques qui avaient tenté désespérément de comprendre qui il était exactement. Ce qu'il avait le plus de mal à comprendre d'ailleurs était cette manie chez les humains de tout classer dans des tableaux ou des arbres généalogiques incompréhensibles. Pour lui, il était un carmache. Point.De toute manière, tout ce qu'il voulait était rentrer chez lui ; à part – bizarrement, d'ailleurs – le pégase nommé Fluttershy et le petit humain Luke, personne ne comprenait ce qu'il disait, de toute manière. Il n'y avait strictement rien qui lui plût dans ce monde, ni même ailleurs. Son dresseur n'avait jamais été capable de le comprendre, ça ; certes, il venait d'être capturé, mais il aurait quand même pu comprendre que quand on aimait la liberté, on l'aimait vraiment. Mais cet idiot l'avait quand même poursuivi jusqu'à enfin l'attraper. Jusqu'à se perdre, d'ailleurs, aussi. Mais ça, c'était moins important.

« C'est drôle, marmonna Ran en regardant pensivement les lointains bâtiments. J'ai l'impression de reconnaître un peu... Comme si je rentrais vraiment chez moi... Et pourtant, il y a comme quelque chose qui a l'air d'avoir changé. C'est vraiment bizarre. »

Yukine Chris, qui se trouvait juste à ses côtés, garda son regard impassible, et pourtant toujours aussi froid. Elle fit la moue, pour aussitôt répliquer que c'était normal.

« T'habites à Tokyo, alors je vois pas le problème. C'est normal que ça soit pareil. »

La jeune Japonaise haussa légèrement les épaules.

« Je ne sais pas... Quand on regarde les poneys ou encore Brice et son ‘pokémon', on voit qu'il y a des univers qui sont complètement différents. Pour moi, c'est quand même bizarre qu'il y ait des points communs entre certains univers, et pas entre d'autres.

- Vraiment, je crois que tu te creuses beaucoup trop la tête, soupira son interlocutrice en enfonçant sa joue dans sa main, qui reposait sur le rebord du hublot. Si j'étais toi, je me casserais pas la tête à essayer de comprendre ça. »

Elle marqua un léger temps de silence où elle se redressa, puis elle reprit :

« De toute façon, c'est pas en restant là à réfléchir sur des questions existentielles inutiles qu'on va régler le problème. Pas d'accord ? »

Ran baissa le regard, rêveuse, songeant probablement à toutes ces énigmes qui obnubilaient si souvent l'esprit de son meilleur ami. Elle poussa soudainement un soupir inaudible ; mais elle finit par acquiescer lentement.

« Si... Tu dois avoir raison. »

Le silence régna, jusqu'à ce qu'enfin la côte fût accessible. Alors les passagers descendirent, se laissant guider jusqu'à ce fameux hôtel qui, désormais, serait leur lieu de résidence tant qu'ils seraient sur les lieux. L'après-midi se déroula rapidement, car la journée avait exténué tout le monde : la plupart demeura dans leur chambre à se reposer et tenter de se remémorer tout ce qu'ils avaient appris durant la journée ; à part les candidates, en réalité, personne ne franchit de nouveau la porte d'entrée de l'établissement.Personne ne se serait aperçu que la nuit aurait inéluctablement fini par tomber, si le dîner n'avait pas été suffisamment tardif pour coïncider avec le coucher de soleil, accompagné de ses nuées de filaments orangés. 

 

 

 

« Conan... »

Il lui semblait qu'il entendait vaguement quelque chose. Une voix qui lui murmurait un nom à l'oreille...

« Hé, Conan ! »

Il lui semblait qu'on l'appelait. Mais il somnolait toujours. Il devait rêver. Qui pouvait l'appeler à une heure pareille ? Ce n'était même pas la voix de Ran...

« S'il te plaît, réveille-toi ! »

Secoué de toutes parts par une force invisible, le jeune homme ne demeura pas beaucoup plus longtemps dans les bras de Morphée. Il ouvrit d'abord un œil, puis l'autre, tous deux à moitié. La lumière mauve qui l'entourait et qui provenait de la corne de la licorne violette qui lui faisait face lui fit vite comprendre l'origine de cette invisible force qui voulait le tirer de son sommeil malgré lui.

« T-Twilight, q-qu'est-ce qui se pa-â-sse...? »

À cause de tous ces à-coups, sa voix tremblait ; mais peut-être était-ce aussi dû au fait qu'il était toujours à moitié au royaume des songes.

« T-Tu peux me rep-poser, tu sais... Je-e suis réveillé, maintenant... »

Le poney sursauta légèrement, puis s'excusa en reposant en effet au sol le jeune homme, l'asseyant sur le bord de son lit. Celui-ci bâilla muettement avant de rajuster ses lunettes qui avaient glissé au point qu'elles tenaient à peine sur son nez, non sans demander à son amie pourquoi elle le tirait du lit à une heure si tardive – et aussi brutalement, qui plus est. L'interrogée fronça aussitôt les sourcils, redevenant sérieuse et approchant son museau de manière à bien présenter son regard ombrageux face aux deux yeux endormis de l'enfant.

« Shinichi. On a un gros problème. »

La mention de son véritable nom n'avait pas été un hasard. La manière dont elle l'avait prononcé ne laissait passer qu'une seule chose : que ce problème avait un rapport direct avec sa double-vie. Il écarquilla les yeux de stupeur, enfin complètement réveillé.

« De quoi tu parles ? Ran est au courant ?!

- Pire que ça. »

Il eut voulu répliquer quelque chose comme « C'est possible, ça ? », mais il n'eut pas le temps de demander quoi que ce fût que l'équidé avait déjà fait luire sa corne. Il y eut un grand flash aveuglant qui l'obligea à fermer les yeux, se les protégeant instinctivement de ses bras. Lorsqu'il put les rouvrir, il vit que le paysage avait changé : ils se trouvaient là où ils avaient tenté, quelques heures plus tôt, de lui rendre sa véritable apparence. La bibliothèque du sous-marin. La chambre de la ponette. Car, visiblement, les cinq autres n'étaient pas sur les lieux.

« Dis, Twilight. Elles sont où, les autres ?

- On leur a trouvé une salle à côté. Je comptais passer une nuit blanche à étudier ici, alors je les aurais empêchées de dormir. »

Sans dire un mot de plus, Twilight avança vers le mur du fond, là où s'entassaient quelques étagères remplies de livres. Elle s'arrêta à mi-chemin, l'air grave, continuant de regarder dans cette même direction.

« Tu ne vas probablement pas me croire si je ne te le montre pas en face, mais le sort temporel a été un échec encore plus cuisant que ce qu'on avait pensé tout à l'heure ; j'ai réfléchi au problème, et puis j'ai fini par me rendre compte que lorsque j'ai manqué de puissance pour achever le sort qui te rendrait ton apparence normale, quelque chose qui était dans cette pièce a dû interférer en canalisant toute l'énergie du sort avant qu'elle ne s'échappe, ce qui a fait que quelque chose de totalement imprévu est arrivé ; je crois qu'il faudra peut-être même chercher la réponse dans la physique quantique en plus de mes grimoires de magie, car je n'ai pour le moment trouvé aucune explication à ce phénomène...

- Et en résumé ? » s'impatienta-t-il en fronçant les sourcils, lassé.

Sans lui expliquer quoi que ce fût, elle se retourna d'un air désintéressé, s'éloignant vers ce qui était vraisemblablement le rayon Physique quantique. Il fronça les sourcils d'incompréhension et voulut naturellement lui demander pourquoi elle agissait ainsi ; toutefois, il fut interrompu avant même que la première syllabe de sa phrase ne retentît.

En effet, il avait senti, soudainement, sans prévenir, un léger poids venir s'appuyer sur son épaule. Une main.Une main d'adulte. Mais pas encore complètement. Une main appartenant plus à quelqu'un de la carrure d'un lycéen.

« En résumé, ce n'était vraiment pas une blague... »

Il eut un vif frisson qui lui parcourut l'échine entière, du bas vers le haut du dos. Il connaissait parfaitement bien cette voix. Mais c'était... Il devait en avoir le cœur net. Twilight ne semblait pas du genre à plaisanter en manigançant des farces d'aussi mauvais goût, mais on ne sait jamais.

 

Il tourna la tête.

Il leva le regard.

Et il le vit.

 

Ses yeux abasourdis étaient fixés sur lui. Il faisait de même, demeurant silencieux. Ses cheveux noirs voilaient totalement ses yeux qui, de toute évidence, fixaient le bas. Il avait un air grave, ne bougeant pas, n'ôtant pas sa main droite de l'épaule du petit garçon. Il attendait la réaction du gamin, qui ne tarda pas ; bien qu'il eût tout de même marqué un temps de pause d'au moins cinq secondes, figé comme une statue face à lui.

« Bon sang... C'est pas possible ! » murmura-t-il en écarquillant les yeux, s'échappant aussitôt de cette emprise qui n'insista pas et s'en éloignant à reculons de quelques pas nerveux.

Le jeune adulte le regarda d'un air grave, mais non surpris. Il avait dû être mis au courant par Twilight avant qu'elle ne le fît venir. Ce qu'il venait d'affirmer, d'ailleurs.

Le silence s'installa dans la salle. Finalement, au bout de longues minutes, l'aîné retint de peu un rire bien plus nerveux qu'autre chose.

« J'ai eu exactement la même réaction... Mais d'un certain point de vue, c'est logique... Hein, Shinichi ? »

 

 

Oui. Il était possible que quelque chose de pire arrivât. Il venait d'en avoir la preuve.

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