La volte-face mélodramatique
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10 mars, 10h45
Théâtre Wasabi
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J’avançais sur le lieu du crime à pas de velours. Quelques policiers menaient encore l’enquête ici et là, mais la majorité avait quitté les lieux, m’offrant tout l’espace nécessaire pour investiguer… Je devais d’abord vérifier l’objet de toutes les interrogations : le panneau de commandes. Je passai à droite de la salle, contournant l’emplacement des chaises qui avaient été retirées et montai le petit escalier donnant sur l’arrière de la scène. De la marche la plus haute, une vue panoramique de la loge jusqu’au plancher scénique s’offrait clairement à moi. De cet endroit, il n’y avait aucun doute qu’Alice disait la vérité lorsqu’elle affirmait avoir observé Maya. Mais ce qui m’intéressait en priorité, c’était le panneau…
Je me rapprochai du bloc de commandes qui ressemblait, pour un néophyte, à une sorte de placard métallique avec six ou sept boutons sur le dessus. Rien ne semblait sortir de l’ordinaire… Je m’empressai de me pencher (sans difficulté grâce à mes années de récurage de toilettes) pour ouvrir les portes du meuble. A l’intérieur, un amas de câbles traversait l’espace d’un coin à l’autre, et de l’autre coin à l’extrémité la plus éloignée, certains s’entremêlant au centre et d’autres filant droit vers les trous de chaque côté… Pour faire simple, je n’y comprenais pas grand-chose. Cependant, tout semblait en place et, surtout, aucun des fils n’était sectionné ou abîmé. Je refermai le placard doucement, mais sûrement, me relevant rapidement en évitant un lumbago… Il fallait croire que mes années de récurage ne suffisaient pas.
Au moment de me relever, les boutons me sautèrent aux yeux. Un reste de fine poudre blanche stagnait dessus, révélant avec suffisamment de netteté une empreinte digitale. Il s’agissait a priori de celle de Maya. J’en conclus donc qu’il devait s’agir de l’œuvre de la police, conclusion qui, par anticipation, me couvrait déjà de sueurs à l’approche du procès… Pourtant, l'un d'eux était presque immaculé. Un oubli des inspecteurs ? Quoi qu'il arrive, ils n'avaient sûrement pas besoin de relever la même empreinte à de multiples reprises.
Je notai ce détail et décidai de progresser méthodiquement vers le second point de mon entrevue avec Alice… à savoir, la loge. Pendant que j’avançais vers la porte ancrée dans le mur de l’arrière-scène, l’un des policiers me remarqua et m’interpella sans attendre.
« Eh, vous !
Je me retournai, surpris.
— Que je ne vous prenne pas à voler des preuves ou vous aurez affaire à moi ! me menaça-t-il d’un ton assuré.
Pour qui me prenait-il ? Moi, emprunter des preuves d’une scène de crime ?! Ah, ah… Jamais de la vie ! Enfin, de mémoire...
— Je vous ai à l’œil, l’avocat ! D’ailleurs, vous pouvez entrer dans la loge, mais je viens avec vous. Je ne suis pas aussi dupe que l’inspecteur Tektiv…
Bon sang Tektiv, votre réputation est-elle si mauvaise que ça ?!
— Oui, bien sûr, faites votre boulot, me permis-je de répondre sans plus de choix. »
Dans le silence, j’attrapai la poignée et fis lentement balancer la porte jusqu’à son point de support, ce qui nous permit à tous les deux d’entrer dans la pièce. Directement à ma gauche se tenait une longue table de bois jeune qui longeait le mur sur la largeur du lieu. Une machine à coudre et tout l’arsenal nécessaire se promenaient sur la table de façon désordonnée… Un ensemble d’étagères et de penderies ouvertes décoraient le reste de la pièce de la même façon, mêlant bazar et organisation personnelle d’une multitude de tenues et costumes. Dans les faits, il semblait difficile d’y trouver quoi que ce soit et j’étais aussi désemparé que le policier, hagard quant à l’étendue de la tâche. Mais j’avais mes petites astuces, durement acquises par l’expérience…
Point d’attention numéro un : la poubelle !... Et je parle bien de mon expérience d’avocat et non de nettoyeur de toilettes ! En général, on trouvait dans ce conteneur les objets dont les gens avaient voulu se débarrasser, comme les traces d’un quelconque crime par exemple. Je jetai un œil discret sous la table où se trouvait le sésame : il y avait au fond de nombreuses chutes de vêtements aux multiples couleurs : argentées, noires, azures… Il paraissait bien difficile d’en tirer une quelconque conclusion. Après tout, Alice était en premier lieu la couturière du théâtre et, de ce fait, une coupable de choix à toutes ces découpes malencontreuses.
J’attrapai la poubelle et jetai mon bras au fond pour une enquête plus minutieuse, tandis que le policier me fixait d’un air à la fois inquiet et méprisant. Une espèce de vieux mouchoir m’agrippa soudain la main. Je fus pris d’un frisson de dégoût… Mais rien qui ne valait ce que j’avais pu voir dans les toilettes. Je m’éloignai du morceau de papier, me rapprochant du bord intérieur, lorsqu’un minuscule objet métallique heurta ma peau. Je le plaçai entre mon pouce et mon index. Il ne manqua pas de faire rougir ma peau en plusieurs lignes fines pendant que je le faisais tourner entre mes doigts puis, d’un coup, vint piquer entre les marques fraîches. Je ne pus m’empêcher de signaler mon inconfort en ravalant un cri de douleur. Mais l’objet devint une source de joie peu après… Il s’agissait d’une vis ! Une vis au fond d’une poubelle, était-ce le fruit du hasard ?... Puis, petit à petit, une seconde vis se découvrit sous le tissu et, encore plus profondément, un tournevis au manche azur, anti-dérapant, fit son apparition. Mes petits tours d’avocat ne m’auront pas été complètement inutiles…
Sans hésiter, je commençai à enfouir mes trouvailles dans ma poche. A quoi pouvaient bien se rapporter ces vis ?... Deux vis et un tournevis, ce n’était plus le fruit du hasard… C’était une preuve. Quelqu’un avait sciemment jeté ces outils dans la poubelle pour s’en débarrasser… Il me parut évident qu’ils étaient liés aux projecteurs, à la rampe, ou même au panneau, qui étaient quasiment les seules parties métalliques dans tout le théâtre. Le policier était apparemment du même avis que moi…
« Et vous, qu’est-ce que vous êtes en train de mettre dans votre poche ?! intervint-il sans prévenir.
— Moi ?!... Rien d’incroyable, deux-trois vis pour réparer mes lunettes…
— Vous n’avez pas de lunettes, monsieur l’avocat, rétorqua sèchement le jeune policier.
Ah. Il n’avait pas tout à fait tort. Même si son ton condescendant commençait un peu à m’énerver.
— Ah oui, c’est vrai… dis-je en riant maladroitement. Même si sa coupe au bol et son regard impassible me tapaient sur les nerfs.
— Montrez-moi ce que vous avez trouvé.
Il s’approcha de la table sur laquelle je déposai les affaires dans mes poches, selon ses ordres… Même s’il m’agaçait ! Puis il observa le butin avec attention…
— Un tournevis ! Si ce n’est pas une preuve, je ne sais pas ce que c’est ! M. Wright, vous n’aviez pas l’intention de les embarquer ?!
— Oh non, euh… Je ne voyais pas vraiment le rapport avec l’affaire pour tout vous dire… ajoutai-je sans savoir si je gagnais des points ou si je m’enfonçais.
— Hm…
Son regard de biais révéla beaucoup de choses, avant même qu’il n’ouvre la bouche.
— Bon, comme vous voulez. J’embarque tout ça. Vous pourrez réparer vos lunettes après l’enquête… »
Sale type ! La seule preuve que j’avais trouvée s’envola aussi vite qu’elle était apparue. Je quittai la pièce avec ce sale voleur… Je veux dire, ce policier, défenseur du peuple, qui fila aussitôt déposer les pièces fraîchement récupérées au commissariat, me laissant (enfin) seul. La dernière étape de mon investigation se présentait immédiatement à ma droite, sans me laisser le temps de souffler. Les lignes blanches déposées sur l’escabeau bas dessinaient en effet parfaitement le corps de Mme RETOU, qui avait été emmené pour l’analyse mortuaire. Je devais m’avancer sur le devant de la scène pour observer les alentours, même si la plupart des objets avaient déjà dû être étudiés par les forces de police.
La première chose qui me frappa en foulant du pied le plancher fut cette impression de petitesse. La salle s’étendant devant moi semblait plus grande et plus imposante, même vidée de ses spectateurs. Qu’avait bien pu ressentir Ophélie avant de mourir ?... Les lignes replaçant la position de son corps sur la scène du crime pendaient de part et d’autre de l’escabeau, qui manquait de place pour en accueillir l’entièreté. Affalée sur la dernière marche, c’était comme si elle avait accepté sa mort avant qu’elle ne survienne… Je m’agenouillai avec précaution sur le plancher pour mieux enquêter.
L’objet le plus en évidence était le projecteur en morceaux. Du verre s’était dispersé aux quatre coins du plancher, s’insinuant entre les planches. Le métal distordu reflétait clairement la puissance du choc qui avait tué l’actrice. Il n’y avait par conséquent aucun doute qu’il s’agissait bien de l’arme du crime. En y jetant mon regard d’avocat, je constatai sans attendre qu’il n’y avait plus les accroches à l’arrière du projecteur. Les deux petits trous en évidence correspondaient apparemment avec un support, comme celui de la rampe plus en hauteur par exemple... En y regardant d’encore plus près, il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que les vis que j’avais découvertes précédemment étaient parfaitement à la taille des trous. Quelqu’un avait donc trafiqué l’appareil. Mais de quelle manière ? Si les vis avaient été retirées dès le début, le projecteur serait tombé immédiatement. Et surtout, le coupable aurait fait ça à la vue de tous… Dans ce cas, comment aurait-il pu se délester des vis après coup ? Une découverte pour mille questions… que je ne pourrai résoudre qu’au tribunal.
Je décidai de sortir du théâtre, ayant exploré toutes les pistes… avec peu de résultats. Au moment de franchir la porte, un grand gaillard surgit de l’extérieur, me collant son long manteau crasseux dans la figure. Je reculai, hébété.
« Que ?!
— Oh, excusez-moi ! Alors mon gars, comment vous allez ?
Je pris le temps de me remettre, un peu sonné, mais j’avais immédiatement reconnu cette voix si distinctive.
— Tektiv ?! Maya a été arrêté pour meurtre, j’ai fait le tour du théâtre sans trouver une preuve décisive et je commence à avoir faim... Donc je suppose que ça pourrait être pire.
— Oh, ouais… Peut-être pas le meilleur moment pour poser cette question ! rit-il chaleureusement. Bon, écoutez mon gars, pour la faim il y a le sachet de nouilles instantanées que je vous ai filé. J’en ai eu pour mon argent ! Et pour les preuves, désolé, l’un de nos enquêteurs vient de faire une découverte capitale !
Croyez-moi Tektiv, je n’avais aucun doute que l’un de vos inspecteurs avait ramené quelque chose de « capital » récemment… Comme un tournevis, par exemple. Mais j’allais garder ça pour moi.
— Merci pour les nouilles, mon gars… soulignai-je avec ironie. Dites, vous auriez autre chose que des nouilles pour moi ?
— Hm, j’ai croisé la p’tite Maya ‘taleur, son interrogatoire est terminé. Vous pourrez passer la voir. Oh, et que ça reste entre nous, mais le procureur de l’affaire est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir, donc tout devrait bien se passer. Même si ça me plait moyen, c’est mieux que de voir votre assistante en prison ! s’exclama-t-il avec affection.
Bon sang, même l’inspecteur considérait que le procureur n’était pas bon ?! Est-ce que le charlatan en question appartenait seulement au barreau ?!
— Merci de l’info Tektiv, je vais passer la voir en suivant. Au fait, vous n’auriez pas le rapport d’autopsie ?
— Pour être franc, vous étiez là au moment de la mort et vous savez de quoi elle est morte. Ça vous avancerait pas à grand-chose. rétorqua intelligemment l’inspecteur… même si je ne pensais pas placer un jour ces deux mots côte à côte.
— Pas faux… Et puis, je me passerais bien d’un de vos énièmes rapports d’autopsie expirés…
Il s’insurgea à cette remarque. L’inspecteur avait une dent très acérée contre les rapports d’autopsie qui lui avaient valu plusieurs fois des renégociations salariales… musclées, pour ainsi dire. Nous nous saluâmes sur son discours portant sur les inégalités sociales et autres problèmes de fonctionnaires fauchés, puis je me dirigeai impatiemment vers la prison pour voir comment Maya allait… sans anticiper la seconde rencontre inattendue que j’allais faire en sortant du théâtre.
Un camion de burgers à la couleur verte et aux motifs de… burgers trônait le long du trottoir, à côté de l’entrée. Son propriétaire imposant me repéra presque avant que je ne le voie.
« Mon bon m’sieur ! Un p’tit burger pour vous ravitailler à cette heure du jour ?!
— Oh, monsieur Astrit, bonjour. Je ne serai pas contre mais mes finances ne sont pas au meilleur… Et ce n’est pas avec l’affaire que je traite que ça va s’arranger, remarquai-je calmement pendant que mon for intérieur pleurait de dépit.
— Oh, mais oui, la petite Maya ! Elle était tellement heureuse de manger mes burgers et de participer à la pièce ! Oh, la pauvre petite…
— Hamburg, si ce n’est pas trop indiscret, pourquoi stationnez-vous encore votre camion ici ? Ce n’est pas la clientèle qui se bouscule…
A cette question, les yeux marron du cuistot s’obscurcirent et, vidés de leur gaieté, plongèrent vers le sol. Une fraction de seconde plus tard, il retrouva son expression habituelle.
— Eh bien, vous n’avez pas l’commerce suffisamment aiguisé, mon p’tit Phoenix ! Vous n’avez pas vu tous ces policiers faire des allers-retours ? C’est l’endroit rêvé ! s’esclaffa-t-il d’un rire honnête… mais quelque peu malicieux.
— Ah ah, vous n’avez pas tort… Ecoutez Hamburg, je dois aller voir Maya, on se croisera plus tard.
— Oh non, ne partez pas ! Ou plutôt, attendez dix minutes que je vous prépare deux burgers. Je suis sûr que vot’ protégée va adorer !... Et ceux-là sont offerts !
En assistant à la proposition de monsieur Astrit qui gesticulait les bras avec tant d’énergie, je ne pus m’empêcher de mimer son sourire si communicatif.
— Très bien, je lui apporterai sans faute, promis-je sans difficulté. Merci, Hamburg. »
J’attendais avec calme la préparation des burgers et, malgré l’impatience qui me tenait, je ne pouvais que reconnaître coupablement que l’arôme qui se dégageait du camion me mettait également en émoi. Alors qu’en serait-il pour Maya ?... Je suis sûr que le cadeau du commerçant allait la ravir autant qu’il faisait grogner mon estomac.
« Aaaah… Monsieur Wright, vous savez, j’adore entendre les estomacs qui s’expriment et voir la joie sur les visages lorsqu’on les comble. Cela me rappelle toujours des souvenirs… lâcha-t-il soudainement, arborant à nouveau son regard perdu dans le vague.
— Monsieur Astrit ?...
Il revint à lui aussi sec, comme s’il venait de réintégrer son propre corps.
— Oh pardon, où avais-je la tête, ah ah ! Tenez, voilà vos burgers ! Je suis sûr que vous serez ravis de les manger en tête-à-tête, avec la p’tite Maya !
— Merci, monsieur Astrit… répondis-je, faisant une fois de plus fi de sa remarque. Portez-vous bien et à la prochaine. »
Je quittai le grand gaillard qui me salua sur ces mots et emportai avec moi les deux repas encore fumants, pressant le pas pour qu’ils soient toujours chauds au moment de les déguster.
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10 mars, 12h
Centre de détention
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Je devais bien avouer que le centre de détention n’était pas un lieu qui m’avait déjà manqué dans ma vie… Particulièrement lorsqu’il s’agissait de rendre visite à un proche. Mais, contre toute envie, je m’immisçai dans le bâtiment lugubre, enchevêtrement de couloirs murés de béton brut et, comme son nom l’indiquait, parsemé de cellules. Présenter mon badge d’avocat et une pièce d’identité me suffit à accéder à la salle des visites pour voir Maya.
Lorsque je pénétrai dans ladite salle, la première chose qui me fit face fut une vitre blindée et quelques barreaux de métal. Des caméras disposées aux quatre coins poussiéreux surveillaient les faits et gestes des occupants.
« Attendez ici monsieur Wright, la détenue arrive. »
Le garde connaissait mon nom. Après tout, cela n’avait rien d’anormal. Cela faisait maintenant plusieurs années que j’officiais en tant qu’avocat dans la circonscription… La porte de l’autre côté de la vitre s’ouvrit, dévoilant une silhouette svelte dans un habit de prêtresse peu commun.
« Maya !
— Nick ! répondit-elle en chœur.
— Je vous laisse le temps qu’il faut, mais pas de bêtise, monsieur l’avocat. Prévint le policier avant de refermer la porte et d’en assurer la garde.
Ignorant à moitié sa vigilance justifiée, je sortis du sac en plastique que m’avait confié Hamburg les deux burgers qui dégoulinaient de fromage et de poivrons.
— Oh, Nick… Donne-m’en un… »
Je venais à peine de revoir ma chère assistante après presque une journée, mais j’avais déjà un peu peur… Ses lèvres dégoulinant de bave et ses yeux exorbités ne semblaient avoir qu’une seule idée en tête (ou en bouche). Je m’empressai de mettre le burger dans ses mains avant qu’elle ne préfère me manger moi plutôt que le repas que j’avais apporté... Mais je devais bien avouer que la première bouchée dans cet océan de saveurs ne me déplaisait pas non plus. Ce qui ne m’empêcha pas, contrairement à la goinfre assise devant moi, d’engager une vraie conversation.
« Alors Maya, comment te sens-tu ?
— Hm, cha va, cha va ! répondit-elle en postillonnant du fromage à divers endroits.
— Ecoute, l’enquête a un peu avancée. Je vais te sortir de là aussi vite que je peux.
— Hm, oui, bien chûr. Je compte chur toua !
Le quart du steak mélangé à la sauce au poivre dans sa grande bouche, le monstre en train de se repaitre m’écoutait à moitié… « Sacré Maya… » pensai-je naturellement. Ses petites mains reposèrent le morceau restant, puis elle leva le visage vers moi.
— Je sais que tu vas me sortir de là, Nick ! Tu sais, cette nuit, j’ai… Ses lèvres se recroquevillèrent soudain, puis elle reprit. J’ai rêvé du temple Hazakura, dans la grotte…
Je compris sans plus de précision. Avant cette affaire, nous avions participé à une autre enquête, dans un endroit isolé du monde. Le lieu austère avait été le théâtre d’une nuit dramatique, qui avait vu mourir sa mère, et qui lui avait fait approcher plus que jamais auparavant la terrible odeur du sang. Durant ce long séjour, Maya était restée enfermée dans une grotte étroite, scellée par de puissants sceaux, seule et sans moyens de subsistance. Il n’y avait donc rien d’anormal à ce que la prison lui rappelle ce souvenir choquant…
— Maya, je…
Avant même de pouvoir commencer ma phrase, ma jeune assistante rattrapa ses mots à peine échappés.
— Mais cette fois, c’est différent ! J’ai plus confiance en tes compétences d’avocat que de médium ! me confia-t-elle d’un sourire vrai et chaleureux.
— Oui, tu peux... J’ai plusieurs pistes à explorer, même si je ne suis pas le mieux parti… »
Je lui expliquai ma journée et mes découvertes, requérant son avis sur l’affaire. Pour le moment, elle n’avait cependant pas plus d’idées que moi. Elle exprima malgré tout de la sympathie pour l’ensemble de la troupe, qui lui paraissait difficilement coupable. Et je ne pouvais qu’approuver… Mais Alice me cachait visiblement quelque chose et ce n’était pas forcément la seule. Des secrets inavoués semblaient planer sur la troupe du théâtre Wasabi et sur l’ensemble de l’affaire comme un voile occultant. Les derniers instants d’Ophélie n’avaient rien d’anodins… Et je comptais bien le prouver au tribunal, demain.