L'Ecrin des illusions

Le premier jour releva du parcours du combattant pour Sofia et Hazel. Victimes des escaliers farceurs, elles se trompèrent de couloir et ouvrirent la porte d'une toute petite pièce. Un homme au teint cireux polissait des chaînes, assis derrière son bureau. Un chat décharné s'avança vers elles, poils dressés.

- Que faites-vous là ?! s'écria l'homme en agitant ses chaînes. Fichez-moi le camp !

Hazel et Sofia s'excusèrent avant de filer hors du bureau. Elles apprirent plus tard qu'elles venaient de faire connaissance avec le concierge de Poudlard. Elles arrivèrent néanmoins à l'heure au premier cours de l'année et prirent place derrière leur pupitre. Le professeur McGonagall n'était pas encore là et seul un chat tigré se trouvait dans la salle de classe. Après quelques minutes de silence, les nouveaux élèves se mirent à bavarder dans un joyeux brouhaha.

Une petite toux sèche mit fin aux conversations. Le chat se dressa sur ses pattes et sauta du bureau ; en touchant le sol, il devint le professeur McGonagall.

- Bienvenue au cours de métamorphose. Ceux qui considèrent ce cours comme un simple amusement peuvent, dès à présent, prendre la porte. La métamorphose est un art qui requiert sérieux, discipline et travail.

Elle tapota sur le verre posé sur son bureau. L'objet se changea en une taupe rondouillarde. Elle lui rendit son apparence première avant de s'adresser à nouveau aux élèves.

- Ouvrez votre manuel et lisez attentivement la première leçon.

Bientôt, le bruit des plumes courant sur les parchemins remplaça les chuchotements. Concentrés, les élèves prenaient des notes, tout en écoutant les explications de leur professeur. Cette dernière, accompagnait sa leçon de schémas dessinés au tableau, qu'elle effaçait au fur et à mesure, obligeant les nouveaux sorciers à faire preuve d'attention. À la fin de sa démonstration, McGonagall fit apparaître une allumette sur chaque pupitre et donna une consigne simple à première vue : changer l'allumette en aiguille. De nombreux élèves se saisirent de leur baguette et tentèrent de s'exécuter, sans grand succès. Hazel fit de même et face à son échec cuisant, relut ses notes. McGonagall leur avait conseillé de bien réfléchir et d'imaginer la forme d'une aiguille dans leur esprit avant de lancer le sort. Hazel ferma les yeux et tenta de visualiser l'objet en question. Peu à peu, une aiguille se mit à briller devant ses yeux. Elle se saisit à nouveau de sa baguette. Un halo lumineux enveloppa l'allumette. Hazel ouvrit les yeux. L'allumette s'affina, son extrémité devint un brin plus pointue et elle prit une légère couleur argentée.

- Mes compliments, Miss Evans, déclara alors McGonagall en prenant l'allumette. Ce n'est pas encore parfait, mais c'est un bon début. J'accorde cinq points à Gryffondor pour vous récompenser.

La sorcière reposa l'allumette et passa ensuite entre les pupitres afin de vérifier le travail de ses élèves. Au grand regret de Hazel, le cours s'acheva. Pendant qu'elle aidait Jonathan à ranger ses affaires, McGonagall s'approcha d'elle.

- Miss Evans ? Je vous encourage à travailler afin de développer vos capacités en métamorphose. Je vous invite à cultiver prudemment ce grain de talent afin d'en user à bon escient.

Elle reprit sa place derrière son bureau. Hazel la remercia du bout des lèvres et rejoignit ses camarades dans le couloir.

- Seulement cinq points, grogna Charlie. McGonagall est vraiment sévère ...

- Elle n'est pas du genre à favoriser sa maison, fit Sofia. Contrairement à Rogue...

Le petit groupe échangea un regard entendu. La réputation de Rogue étant déjà connue des premières années, aucun nouvel élève de Gryffondor n'avait envie de se rendre au cours du potions. Ils durent pourtant s'y résoudre et descendirent dans les tréfonds du château. Le couloir menant aux cachots et au dortoir des Serpentad n'avait rien de bien accueillant. Hazel eut même un frisson quand le quatuor passa devant l'unique tableau décorant les murs : celui-ci représentait un manoir tout aussi sinistre que la figure revêche de Rogue. La salle de cours quant à elle, était à l'image de son occupant : glaciale et obscure. Une odeur fort peu agréable flottait dans les airs et dans le fond de la pièce, Hazel crut distinguer les vestiges d'une chaîne rouillée. Pour ne rien arranger, les Serpentard s'étaient arrogés les meilleures places et occupaient le lieu avec un air de conquérant.

Hazel s'installa avec ses amis, près des étagères recouvertes de bocaux en tout genre, et défit ses affaires en silence. Rogue se dressait devant eux, les bras repliés contre sa poitrine. Il n'eut pas besoin d'élever la voix pour réclamer le silence, sa seule présence suffisait. Il accueillit deux retardataires avec un petit sourire qui n'avait rien d'indulgent.

- Je vois que les petits nouveaux se permettent d'arriver en retard à mon cours. Fort bien : cela fera dix points en moins pour Gryffondor.

Quelques élèves voulurent contester mais un seul regard de la part de Rogue étouffa toute tentative de rébellion. À l'instar de McGonagall, nul n'osait remettre en doute son autorité. Les deux élèves voulurent se mettre l'un à côté de l'autre, mais Rogue n'en n'avait pas encore fini avec eux. Il les sépara afin de placer les élèves à sa convenance.

- Evans !

Hazel se leva. Rogue pointa son index vers la table située juste devant son bureau.

- Vous et votre ...

Il parcourut leur table d'un œil peu amène, jugeant les trois camarades de Hazel.

- Camarade boiteux, installez-vous là. Wilde et Doyle vous tiendront compagnie.

Hazel décocha un sombre regard au professeur et aida son ami à se rendre jusqu'à la place désignée. Obliger Jonathan à faire ce changement relevait de la cruauté pure, mais Rogue ne semblait en avoir cure ! La petite brune de Serpentard qui fut désignée comme la nouvelle voisine de Charlie, profita de cet échange pour donner un coup de coude à Jonathan. Celui-ci trébucha, ce qui déclencha un nouvel aboiement de la part de Rogue :

- Si vous n'êtes pas fichu de vous tenir sur vos maudites jambes, vous feriez mieux de les couper!

Un frisson d'indignation traversa les élèves de Gryffondor ; les Serpentard quant à eux, savouraient la scène avec délectation. Hazel se retrouva entre Jonathan et le géant. Ces deux heures de cours s'annonçaient fort peu agréables.

Rogue revint à son bureau et bras croisés sous le menton, fit son discours de bienvenue :

- Vous êtes ici pour apprendre l'art subtil et délicat de la confection des potions. Bien que je doute de l'intelligence de nombre d'entre vous, je vais devoir vous enseigner ma matière.

Il s'approcha de la table occupée par Hazel et s'empara de son manuel. Il le feuilleta d'un air distrait avant de le lancer devant elle.

- Je vais vous apprendre à mettre l'amour et la mort en bouteille, à fabriquer la malchance ou la fortune, les poisons et les antidotes. Chaque potion a sa particularité et chacune d'elle saura vous servir ou, au contraire, vous nuire.

Il attrapa une petite fiole posée sur son bureau et la leva devant la classe.

- Ce flacon contient du Veritaserum. Qui pourrait me dire ses effets ?

Quelques mains se levèrent , dont celle d'une Rain Stoker visiblement sous le charme des propos de Rogue. Ce dernier l'ignora superbement.

- Evans ?

Hazel secoua la tête, elle avait beau cherché dans sa mémoire, elle ne souvenait pas de sa lecture du manuel de potions. Elle n'avait pas retenu les schémas complexes et encore moins, le nom des différentes potions présentées.

- Auriez-vous perdu votre langue, Evans ?

- Je ne sais pas, professeur.

- Cela fait cinq points en moins pour Gryffondor.

Il se pencha vers elle, agitant la petite fiole sous son nez. Son haleine, légèrement rance, lui emplit les narines.

- Sachez que ce poison permet de dévoiler toutes les vérités. Trois petites gouttes de Veritaserum versées dans votre jus de citrouille et tous vos minables petits secrets, même les plus intimes, me seraient dévoilés.

Hazel acquiesça. Rogue fit passer la fiole une nouvelle fois devant elle avant de se redresser. Elle espérait que l'attention du professeur ne s'abatte sur un autre élève.

- Voilà une occasion de vous rattraper, Evans, déclara-t-il en posant la potion sur son bureau. Qu'est-ce que j'obtiens si j'ajoute de la poudre d'asphodèle dans une infusion d'absinthe ?

Une fois de plus, Hazel jugea plus prudent d'être honnête avec lui.

- Je ne sais pas, professeur.

- Votre incompétence crasse vous coûte encore dix points, Evans.

Il se retourna à nouveau vers elle, un sourire narquois flottait sur ses lèvres.

- Une dernière question, Evans, afin que la preuve de votre nullité ne soit plus à prouver. À quelle famille de fleurs appartient l'asphodèle ?

Hazel osa soutenir le regard du sinistre individu. Elle ne craquerait pas, ni face à lui, ni face aux Serpentard. Elle prit une profonde inspiration, cherchant la réponse dans sa mémoire afin d'éviter une nouvelle humiliation, quand elle aperçut un changement se produire en Rogue. Il paraissait moins assuré et ses yeux perdirent de leur éclat méprisant. Il se pencha à nouveau vers elle, ses yeux rivés aux siens.

- La famille des Liliacées, murmura-t-il d'une voix rauque, à laquelle appartient le lys ...

Hazel s'attendit à se voir retirer à nouveau des points, mais Rogue se contenta de brandir sa baguette vers le tableau noir. Des consignes de travail apparurent et il s'écarta de la table pour se placer à l'autre bout de la salle.

- Prenez vos instruments et votre manuel. Vous allez devoir préparer une potion anti-furoncles.

Il jeta un regard moqueur à un élève de Gryffondor au visage dévoré par l'acné.

- Faites en sorte d'en préparer une quantité suffisante pour votre ami Twist, il en a bien besoin.

Hazel décida de se faire discrète et commença à préparer la potion, aidé de Jonathan qui, contrairement à elle, avait mémorisé quelques pages de leur manuel de potions.

- Fais attention au temps de chauffe, lui recommanda son camarade, sinon ta potion sera ratée.

Elle le remercia et se mit à couper les feuilles de thé avec application. À ses côtés, l'échalas suait à grosses gouttes et avait du mal à suivre les instructions données au tableau. Sa voisine éprouvait également des difficultés à mener sa potion à bien et jetait un regard envieux à la potion de Jonathan émettant une bonne odeur de citron. Jonathan cessa de touiller sa préparation.

- Mince, il va me manquer des pétales de rose, ça te dérangerait d'aller m'en chercher ?

- Non, je vais en avoir besoin également.

- Je surveille ton chaudron, la rassura Jonathan.

Hazel quitta la table et gagna le fond de la salle où étaient rangés les ingrédients. Charlie lui glissa à l'oreille :

- Plus qu'une heure de torture ...

- Weasley ! Votre bavardage futile n'a rien à faire dans mon cours, retournez à votre place !

Charlie obéit, non sans avoir auparavant tirer la langue à un Rogue faisant à présent face à Hazel. Il se saisit de sa baguette et prononça un sort afin d'illuminer la réserve.

- Merci professeur, fit Hazel avant de se mettre à chercher les pétales de rose.

Elle avait beau chercher, les bocaux se ressemblant tous et les étiquettes étant indéchiffrables, elle ne parvenait pas à les trouver. Elle plissa des paupières, s'acharnant à trouver l'ingrédient convoité.

- En plus d'être ignare, seriez-vous illettrée, Evans ?

Il tendit le bras et se saisit d'un bocal qui se trouvait hors de sa portée. Il le fit descendre jusqu'à elle et lui remit d'un geste sec.

- Filez, siffla-t-il quand leurs doigts se frôlèrent.

Elle le remercia du bout des lèvres avant de retourner à son chaudron. Elle fut accueillie par une remarque perfide de la part de Misty.

- Alors Evans, on a peur du professeur Rogue ?

- Doyle, je vous prie de fermer la chatière vous faisant office de bouche, dit Rogue en passant devant leur table.

Jonathan réprima un fou rire, ce qui lui valut une sévère remontrance de la part de Rogue et un regard assassin de la part de Doyle.

Le silence se fit à nouveau dans les cachots, simplement brisé de temps à autre par les bulles éclatant dans les chaudrons et les couteaux ciselant les divers ingrédients. Hazel pencha la tête pour tenter d'apercevoir l'heure sur la montre de Jonathan.

- Plus qu'un quart d'heure.

Elle se retourna. Le géant s'était adressé à elle et paraissait presque amical. Il passa sa main sur son immense front pour essuyer les gouttes de sueur y perlant. Il n'avait pas prononcé un seul mot depuis le début du cours et bataillait avec la préparation de sa potion depuis deux bonnes heures. Il jeta un regard au chaudron de sa voisine.

- La couleur de ta potion se rapproche davantage de celle décrite dans le manuel ...

Hazel se hissa sur la pointe des pieds et observa celle de son voisin : celle-ci avait une couleur verdâtre peu attrayante alors que la couleur de la sienne se rapprochait davantage d'un vert amande. Rien à voir avec le « bel émeraude » décrit dans le manuel.

- Je crois que je ne suis pas douée pour les potions, admit Hazel.

- Pareil, déclara le Serpentard en se grattant le crâne d'un air penaud.

Jetant un coup d'œil par-dessus son épaule et s'assurant que Rogue, occupé à houspiller trois élèves de Gryffondor, ne s'insinue dans leur début de conversation, il murmura d'un ton précipité :

- Je m'appelle Seren Wilde.

- Je sais ...

Son beau regard vert s'assombrit d'un coup. Il grommela des paroles indicibles et croyant l'avoir vexé, la jeune sorcière s'empressa d'ajouter :

- J'ai assisté à la cérémonie de répartition, je te rappelle.

Ses yeux s'éclairèrent à nouveau. Il esquissa un sourire gêné et passa une main dans sa tignasse débraillée.

- Ah oui, c'est vrai ... pardon. Grand-mère Morrigan dit toujours que j'ai l'esprit aussi vif que celui d'un Boursouf.

- Un Boursouf ?

- Tu ne connais pas les Boursoufs !? Attends, je vais te montrer.

Il prit son crayon à papier, tourna une page de son manuel de potions et esquissa la petite silhouette d'un curieux petit animal, ressemblant à une peluche toute ronde, possédant de grands yeux pétillant de malice.

- Tu es doué pour le dessin, le complimenta Hazel. Meilleur que moi dans ce domaine, en tout cas !

Elle vit ses oreilles prendre une jolie teinte pourpre. Il lui apparut de suite, beaucoup moins antipathique. Éloigné des deux harpies, il semblait plus enclin à montrer son bon côté.

Seren fut le point de parler quand une explosion mit fin à leur début de conversation. Hazel sursauta et vit avec horreur que le visage de Jonathan se couvrir de furoncles. Rogue accourut et fusilla les deux Gryffondor d'un regard meurtrier .

- Vous êtes complètement demeuré, Harker !

Il se pencha vers le chaudron et en renfila le contenu.

- Pourquoi avez-vous ajouté des pétales de soucis à votre préparation ?!

- Professeur, intervint Hazel, Jonathan était occupé à ...

- Quant à vous Evans, vous auriez dû le surveiller !

Hazel aperçut Misty Doyle revenant de la réserve du cachot. Elle arborait ait un air très satisfaisait d'elle-même. Elle souleva sa main, agitant un petit bocal de fleurs orange : des pétales de soucis, devina Hazel. Doyle s'empressa de faire disparaître le bocal dans sa poche quand Rogue se redressa. Hazel en vint à soupçonner le Serpentard d'avoir accaparé son attention pour permettre à sa complice de gâcher la potion de son ami ! Elle repoussa le manuel décoré du petit Boursouf et refusa de se tourner à nouveau vers Wilde.

Rogue administra un antidote à Jonathan, tout en maudissant sa descendance et celle de Hazel sur six générations. Il invita ensuite les élèves à ranger leur matériel.

- Evans, Harker, vous resterez ici pendant votre pause déjeuner afin de nettoyer cette salle. Les autres, vous pouvez disposer.

Les élèves quittèrent les cachots sans un mot. Rogue fit apparaître un seau, une serpillière ainsi que des tissus imbibés de produit nettoyant. Charlie et Sofia adressèrent un regard désolé à leurs amis avant de suivre le petit groupe d'élèves. Rogue, laissant les deux punis attaquer le ménage, s'installa à son bureau et se plongea dans la lecture d'un ouvrage au cuir vieilli. Le temps s'écoula, silencieux, à peine perturbé par les reniflements discrets de Jonathan chargé de laver les tables.

Une fois la salle nettoyée, Rogue fit disparaître les outils ménagers.

- Approchez, ordonna-t-il sans lever le nez de son grimoire.

Les deux Gryffondor s'exécutèrent. Rogue daigna enfin interrompre sa lecture.

- L'antidote a fait son effet, commenta-t-il en scrutant le visage rouge de Jonathan. Estimez-vous chanceux.

Il tapota le bureau de sa baguette, une assiette contenant deux sandwichs apparut.

- Prenez-les et disparaissez.

Jonathan ne se fit pas prier davantage. Il prit le sandwich et le croqua avec avidité ; Hazel, méfiante, hésita à le prendre.

- Evans, soupira Rogue, je n'ai, pour le moment, aucun intérêt à vous empoisonner ...

Hazel se saisit du sandwich et précédée de Jonathan, sortit des cachots. A la grande surprise de son camarade, elle se débarrassa du sandwich dans le heaume d'une armure. Celle-ci émit un bruit de déglutition, acceptant l'offrande de bon cœur. Hazel se promit alors de ne plus rien accepter de la part de Rogue.