Redevenir une famille
Chapitre 1 : Redevenir une famille
5518 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour 26/05/2020 22:46
Cela faisait un moment que Zorro était nécessaire. Il avait d'ailleur déjà gagné une notoriété telle que sa tête avait été mise à prix par le Commandant Monastorio, qui ne souhaitait qu’une chose attrapait le renard.
Le retour de son fils aurait dû le satisfaire et le rassurer, mais pour Don Alejandro, le notable le plus influent de la région, il eut rapidement des désillusions. Son fils qui lui était revenu avait changé.
Don Alejandro soupira, le comportement de son fils lui était devenu plus qu'insupportable. Il fallait que cela cesse. Diego se devait de comprendre ses responsabilités, dans le cas contraire, les conséquences pourraient être dramatiques pour ses descendants.
Sa famille s'était battue pour en arriver à une telle aisance et à un tel confort de vie. Son fils devait s'en rendre compte et ne pas relâcher les efforts de tous ses ancêtres.
Alors, peu importait si la décision peinerait sans doute Diego, il ne voyait aucune autre issue possible.
Son fils allait travailler. Il allait enfin faire quelque chose de ses journées.
Le vieil hidalgo espérait que cette situation puisse durer seulement quelques semaines, au pire quelques mois. Il en avait parlé au Padre Felipe qui lui avait dit que au lieu de l'envoyer faire un travail physique, Diego pourrait l'aider en tant que copiste, s'il n'y avait pas d'autres options. Cela permettrait de faire travailler le jeune noble dans quelque chose qu'il apréciait. Alejandro, voulant que son fils soit conscient du devoir de travailler et voulant agir vite, avait immédiatement accepter l'offre du Padre. Après cela, il espérait que son unique enfant serait prêt à honorer son rôle de fils et descendant des De La Vega et ce tout en comprenant le monde dans lequel il vivait.
D'un pas lent, il se dirigea vers la chambre de son unique enfant. Il resta un moment devant la porte close ne sachant quelle attitude prendre. Il aurait voulu pouvoir parler à Diego de la décision qu'il venait de prendre. Il aurait aimé en discuter avec lui.
Il ne voulait pas être séparé de lui, il voulait le garder près de lui. Mais ses sentiments ne pouvaient pas être une priorité dans cette affaire. Il se devait d'imposer sa décision à son unique enfant.
Avec un geste ferme, il finit par toquer.
Il y eut d'abord un silence, il entendit ensuite :
« Un moment, je vous prie. »
Alejandro pinça les lèvres de mécontentement. La voix de son fils révélait curieusement la fatigue.
Au bout d'un moment, qui parut interminable au vieux don, la porte s'ouvrit dévoilant Diego en peignoir et les cheveux en bataille. Le notable crut qu'il allait devenir fou, il était presque midi et son fils venait tout juste de se réveiller !
C'était une situation plus qu'absurde.
« Je pensais que tu avais écourté notre partie de dames parce que tu étais fatigué, lança froidement Alejandro en guise de bonjour.
- En effet père, se justifia le jeunot, mais j'ai mis du temps à m'endormir.
- Peut-être que si tu faisais quelque chose de tes journées, le sommeil viendrait plus vite. » Répliqua sèchement Alejandro.
Diego resta un instant sans pouvoir parler. La mauvaise humeur de son père au saut du lit était quelque chose de particulièrement difficile à digérer.
« Oh mais j'ai écrit un poème puisque je n’ai pas réussi à m’endormir et c'est le troisième de la journée. Voulez-vous les lire ? » Sourit le jeunot en esquissant un petit sourire.
Alejandro bouillonnait, son fils s'était totalement ôté de la réalité. Il fallait qu'il fasse quelque chose. Et ce brève instant le conforta dans sa décision.
« Peu m'importe ta passion dévorante pour les arts, Diego. Je ne tolère plus que tu négliges la politique, le travail et la vraie vie. La vie est pénible, fils, si tu étais né ailleurs, peut-être l'aurais-tu compris. Quand tu es rentré d'Espagne j'ai pensé que tu avais seulement besoin de temps, que les actions de Zorro t'inspireraient... J'avais tort. J'ai parlé au Padre Felipe, dès demain tu iras travailler en tant que copiste au monastère Saint Gabriel. »
Diego pâlit à chaque mot prononcé par son père , bien que celui-ci ne semblait pas s'en rendre compte. Quand il eut terminé il voulut le contester mais aucun son ne sortit de sa bouche.
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Le lendemain matin.
« Tu m'as l'air bien fatigué fils. Etant ton premier jour à la mission, je pensais que tu irais te coucher à une heure raisonnable.
- J'ai eu une nuit agitée. Répondit simplement Diego. »
Et c'était la vérité. Zorro avait eu du travail ce soir-là.
« J'ai dit au Padre que tu seras là-bas à neuf heures, Benito a déjà sellé ton cheval.
- Bien père, je vous dis à ce soir, j'essayerai d'être de retour pour dîner.
- Diego, je crois que tu m'as mal compris, je viendrai te voir souvent mais je ne veux plus te voir chez moi tant que le Padre Felipe ne me dira pas que tu es prêt à revenir.
- Prêt... à revenir ? Balbutia le jeune don qui n'en croyait pas ses oreilles et pensa immédiatement aux problèmes que cela allait causer à son alter ego.
- Oui, je veux que tu prennes conscience que tout le monde n'a pas ton aisance. Quand ce sera le cas, je t'accueillerai à bras ouvert mais pas avant. »
Brisé et incapable de dire quoi que ce soit, le jeune don salua son père et voulut se rendre dans sa chambre mais Alejandro le retint.
« Il est temps de partir Diego, je refuse que tu sois en retard.
- Mais je dois prévenir Bernardo, tenta de se justifier le jeune homme en essayant de garder un visage et une voix neutre.
- Il m'accompagnera ce soir quand je viendrai te voir, tu pourras alors lui expliquer. Ce n'est pas un drame s'il passe une journée sans te voir. »
Diego baissa les yeux et tourna les talons se dirigeant maintenant vers les écuries.
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S'efforçant de dompter son flux de pensées, Diego fit accélérer son cheval, il n'avait aucune envie d'arriver en retard au monastère, si son père l'apprenait il passerait sans aucun doute un mauvais quart d'heure.
Le Padre Felipe accueillit le jeune don avec la bienveillance et la convivialité qui lui étaient propres. Mais malgré sa sympathie, le renard était abattu et en dépit de ses efforts pour le cacher, le Padre le remarqua.
« Ne te tourmente pas Diego, ton père est inquiet à ton sujet.
- Je l'ai déçu Padre. Avoua péniblement le renard.
- Un fils n'est pas là pour être la copie de son père. Cette séparation le fera sans doute réfléchir la dessus.
- Je l'espère de tout cœur. »
Le religieux accompagna ensuite Diego dans une petite pièce et lui présenta le secrétaire qui allait lui servir durant son séjour, il s'agissait d'un simple meuble de bureau en bois sombre. De ce fait, une petite table avait été installée juste à côté. Dessus était disposé du papier, de l'encre, une plume de corbeau particulièrement fine, parfaite pour le travail demandé et une pile d'ouvrages. Parmi eux le jeune don put distinguer des livres bibliques, liturgiques ainsi que des évangéliaires et des psautiers.
« La genèse a besoin de toi, Diego. Sourit doucement l'homme d'église en prenant le premier livre de la pile et en le tendant au jeune homme.
- Très bien Padre. Répondit le jeunot en s'asseyant.
- Je viendrais te chercher à l'heure du repas. »
Diego acquiesça puis ouvrit l'ouvrage, tandis que la porte se refermait dans son dos.
Le renard fit de son mieux pour se concentrer et refoula maintes fois ses sombres pensées.
Son père n'avait jamais précisé combien de temps allait durer cet éloignement. Quand il viendrait ce soir et après avoir communiqué avec Bernardo, il lui parlerait.
Il espérait néanmoins que son père et le Padre ne resteraient pas trop longtemps avec lui, et qu'il parviendrait à rentrer à l'hacienda. Bernardo apprendrait sa situation et penserait à lui ramener le costume de Zorro, ce qui faciliterait grandement les choses. Mais, il restait tout de même à prier pour que le renard accomplisse ses missions sans éveiller les soupçons.
Malgré les émotions qui le tenaillaient, Diego faisait preuve d'une grande précision dans chacun de ses gestes. Mais il stoppa soudain tout mouvement en lisant la phrase qu'il s'apprêtait à recopier : …La terre était remplie de violence. Le jeune renard soupira, posa sa plume et se perdit un moment dans ses pensées. Oh oui la terre en était rempli et Zorro était crucial.
Ainsi, lorsque la porte s'ouvrit derrière lui, Diego tressaillit.
« Excuse moi, Diego, j'aurais dû frapper.
- Ce n'est rien Padre. »
Le religieux s'avança et s'approcha du secrétaire, observa le travail du jeune don et étouffa une exclamation de surprise.
« Eh bien, je ne m'attendais pas à ça ! Je te félicite, autant d'application me ravit.
Il marqua une pause puis s'exclama :
- Pardon, je suppose que tu as faim. Viens avec moi, nous bavarderons à table, cela sera plus agréable. »
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« Padre, j'aimerais vous posez une question si vous me le permettez, commença le jeune renard en posant sa fourchette.
- Je t'en prie, mon fils.
- Je voudrais savoir comment se passera la nuit ici.
- Eh bien, répondit le Padre légèrement surpris, tu seras dans une chambre, je te la ferai voir tout à l'heure. Votre père désire que pendant cette période vous soyez loin de votre confort habituel, vos promenades au clair de lune sont proscrites. Vous serez donc enfermé dans votre chambre. Et puis, termina-t-il, je viendrais personnellement te chercher le lendemain matin. »
Diego avala péniblement sa salive, pâlissant légèrement.
Avec cette règle-là, le renard ne pourrait pas sortir, il ne pourrait plus aider le peuple, il ne pourrait plus se battre contre l'injustice.
A cause de son père, Zorro allait disparaître, au moins durant un temps.
Mais il s'avérerait que le temps était beaucoup trop précieux pour qu'il puisse se le permettre, Monastorio était capable des pires folies. Il fallait qu'il trouve une solution.
Il allait devoir se confier.
« Padre... Je sais que c'est difficile à croire mais...
- Mais quoi, mon fils ? Encouragea le religieux devant l'hésitation du jeune homme.
- Je suis... Zorro. »
Le jeune De La Vega qui avait d'abord baissé les yeux, scrutait à présent le visage impassible du Padre appréhendant sa réaction. Mais l'homme en face de lui sourit doucement.
« Je te remercie pour ta confiance, Diego. Pour tout te dire ce n'est pas complètement une surprise. »
Devant l'incompréhension du jeune homme il compléta son propos :
« La date de ton retour en Californie et celle de l'apparition de Zorro concordaient. Et puis, ajouta-il malicieusement, tu étais le seul capable de tels exploits. »
Le concerné fit un léger sourire, gêné d'un pareil compliment.
« J'espère que Bernardo aura pensé à ton costume, il est vraiment nécessaire à la survie de Zorro marmonna le Padre s'égarant très légèrement, mais dans le cas contraire j'occuperais ton père pour qu'il puisse faire l'aller-retour. Tu diras à Bernardo qu'un cheval l'attendra derrière l'église, ce sera plus discret, en supposant qu'Alejandro prendra la calèche. A moins que prendre ta jument soit plus simple pour lui. »
Il marqua une pause.
« D'ailleurs, sourit le Padre Felipe, je suppose qu'il entend aussi bien que toi et moi ?
- En effet, avoua Diego encore plus gêné. Je vous remercie de votre aide.
- C'est Los Angeles et moi qui te remercions, mon fils. »
Il y eu un instant de silence. Le religieux reprit alors la parole, un large sourire sur les lèvres :
« Néanmoins, tu es un bon copiste pour le moment, j'espère que je peux toujours compter sur ton aide ?
- Bien sûr, Padre. » Répondit Diego éclatant de rire et dévoilant ses dents blanches, les yeux à nouveau pétillant de malice.
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En fin d’après-midi, Diego n'avait pas cessé de recopier méticuleusement le début de l'ouvrage et ce malgré le début de crampe dans sa main droite.
Des bruits caractéristiques d'un attelage interrompirent sa tâche. Au même instant, on frappa à sa porte de nouveau, c'était le Padre Felipe qui venait le prévenir de l'arrivée de son père.
Le jeune renard se leva, détendant ses doigts et son poignet douloureux.
« Je vais essayer de raisonner ton père, Diego, mais je ne suis pas sûr d'y parvenir ce soir. Néanmoins tu as ma parole que je ferais de mon mieux.
- Gracias, Padre. »
Et il suivit le religieux à l'extérieur.
Alors qu'ils longeaient l'église, Diego aperçut son père et Bernardo patientant devant la carriole à laquelle deux mulets étaient attelées.
Ne sachant comment réagir il décida d'éviter les embrassades, salua les deux visiteurs d'un signe de tête, tout en restant près du Padre Felipe.
Ce dernier s'approcha du notable avant même qu'il ne puisse parler.
« Je suis ravi de vous voir, Don Alejandro ! Venez avec moi, nous avons beaucoup de choses à nous dire. »
Alejandro jeta un regard à son fils et accompagna le Padre à contrecœur.
« Ne vous inquiétez pas, vous aurez également du temps pour lui parler. » Ajouta le religieux en s'éloignant.
De son côté, Diego s'était rapproché de Bernardo, attendant à l'écart. Ce dernier le tira vers l'attelage et avec un grand sourire qui éclaira son visage, il lui dévoila un sac qu’il ouvrit.
« Bravo ! S'exclama le renard en apercevant ses vêtements noirs de justicier dans la besace. J'ai dû mettre au courant le Padre Felipe mais ne t’en fais pas, le secret sera bien gardé comme avec toi, Bernardo, l'informa-t-il, que s’est-il passé dans ton côté ? »
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Bernardo avait à peine terminé ses explications que don Alejandro revint, suivi du Padre Felipe. Le vieil hidalgo marchait vite. Cela ne présageait rien de bon.
« Diego, je dois te parler ! » S'exclama le notable avant même d'arriver à la hauteur de son fils.
Le jeune renard aperçut le regard empli d'excuse du prêtre et, sans un mot, suivit son père jusqu'à ce qu'ils se trouvent assez loin pour parler librement.
« Écoute-moi bien Diego, tant que tu ne seras pas digne d'être mon fils, tu ne remettras plus les pieds à l'hacienda. Le fait que tu ne sois pas un combattant me désole, mais que tu refuses tes responsabilités et tes obligations, il en est hors de question ! »
Diego resta un moment sans pouvoir parler. Jamais son père n'avait été aussi blessant. Il tenta de garder une voix égale, lorsqu'il put enfin se reprendre assez pour lui répondre.
« Je suis désolé de ne pas être le fils dont vous rêviez. »
Le jeune dût faire une pause pour calmer sa voix qui tremblait malgré ses efforts.
« J'espère de tout cœur pouvoir vous rendre fier.
- Tu es ici pour cela. Répliqua sèchement le notable. Il se fait tard, Bernardo et moi allons rentrer. »
Diego acquiesça les lèvres serrées et laissa son père s'éloignait.
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Un peu plus tard
La nuit tombée, dans son lit, Don Alejandro ne cessait de se retourner dans tous les sens, il ne parvenait pas à trouver le sommeil. Il regrettait amèrement la conversation qu'il avait eue avec son fils.
Le Padre avait peut-être raison, son fils ne pouvait pas être une copie de lui-même. Il ne pouvait pas lui en vouloir d'être un pacifiste et ainsi de rejeter la violence. Après tout, cette dernière était loin d'être une solution à tout.
Avec un peu de recul, il ne devrait être rassuré de la non-violence de son fils. Il ne risquait pas de mettre en danger sa vie en fonçant tête baissée et les armes à la main.
Il se remémora alors une des phrases que le Padre lui avait dites plutôt dans la soirée, juste avant qu'il ne vienne disputer son unique enfant : « Mieux vaut préférer les conseils aux critiques. ».
Sa décision était prise. Demain, il irait parler à son fils. Il était à présent certain de pouvoir concilier la passion de Diego avec ses devoirs, en tant que son successeur. Il l'aiderait dans les tâches qu'il attendait de lui et le conseillerait comme un père se devait de le faire.
Et peut-être qu'en étant plus attentif à ses occupations, ils pourraient retrouver et recréer le lien père-fils qu'ils avaient connu par le passé. C'était son souhait le plus cher.
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Le visage caché sous son masque noir, Zorro patientait, couché à plat ventre sur le toit de chaume des prisons, observant les alentours.
Plutôt dans la soirée, Bernardo avait eu le temps de prévenir son maître que Monastorio avait fait enfermer un simple peón, qui n'était pas parvenu à rassembler l'argent nécessaire pour payer les impôts dans les temps. Il n'en savait pas plus. Habituellement, il suffisait de parler avec le sergent Garcia pour connaître le plan de ce tyran mais cette fois-ci, cela lui était impossible. La seule chose qu’il savait c’est que la pauvre victime avait donc du délaisser femme et enfant, dans l’angoisse et la peur de ne pas retrouver leur mari et père.
Tout était silencieux. Trop silencieux.
L'instinct de Zorro lui criait qu'il s'agissait d'un piège, malgré cela il décida de descendre de son perchoir. Il ne tolérait pas que le jeune père de famille reste en prison plus longtemps.
Mais une fois sur la terre ferme, il ne se passa rien. Un silence de mort régnait sur toute la caserne. Zorro resta méfiant et après avoir à nouveau parcourut des yeux son environnement, il se dirigea vers les cellules.
Après l'affaire du señor Torres, il avait précieusement gardé le double des clefs et ce fut donc sans difficulté qu'il libéra le prisonnier.
« J'étais certain que vous viendriez señor Zorro.
- Gracias, répondit-il en souriant. Mais vous devez rentrer chez vous à présent et rassurer votre famille et vos amis.
- Je ne peux pas señor, je ne pourrais jamais trouver assez d'argent pour payer, soupira-t-il.
- Ne vous en faites pas. Oubliez cet impôt et laissez-moi m'en charger.
- Gracias señor.
- Grimpez sur ce mur, il y a un cheval qui vous conduira jusqu’à chez vous et ensuite laissez-le partir, il retrouvera son chemin seul.
- Muchas gracias ! »
Et sur ces mots, le peón salua son sauveur et partit.
Attendant qu'il soit en sureté, Zorro patienta un moment, toujours sur ses gardes. Il se dirigea vers les quartiers de Monastorio. Il entra sans faire de bruit et posa doucement son épée contre le buste du commandant, juste au moment où Garcia allait donner l'alarme.
« Pas un bruit, sergent, ou vous le regretterez. Capitaine, je suis certain que vous mourez d'envie de payer ses fâcheux impôts à la place de votre ancien prisonnier n'est-ce pas ? Après tout, vous êtes tellement généreux. »
Le concerné hocha la tête faisant un petit geste du menton pour que Garcia aille chercher l'argent. Le justicier sourit.
« Excellent commandant ! Maintenant je vous laisse un choix. Soit vous stoppez immédiatement ses taxes grossières, soit je me ferai un plaisir de vous gravez un Z dans l'estomac. » Menaça le hors la loi.
« Je choisis la première option. » Marmonna le militaire tandis que Zorro souriait et que Garcia rouge de s'être autant dépêché réapparaissait avec l'argent.
Le bandit qui tenait à distance l'officier grâce à son épée, reculant pour se retrouver dans la cours extérieur. Mais à peine avait-il fait un pas hors du baraquement qu'un bruit sec se fit entendre le faisant sursauter.
« Babosos ! Abattez-le ! » S'époumona le militaire désarmé en s'écartant du bandit masqué qui se dirigeait vers le toit passant entre les balles comme par miracle.
Son unique épée ne faisait pas le poids face à autant de soldats possédant tous des armes à feu. Il devait rapidement sortir de ce guet-apens.
Alors qu'il grimpait sur le toit, une vive brûlure le fit gémir et il manqua de lâcher prise. Il fit de son mieux pour faire abstraction de la douleur. On avait réussi à le toucher. Les balles sifflaient toujours autour de lui mais, malgré cela, il parvint à se hisser sur la toiture et sauta avec une agilité réduite du côté opposé.
Par chance, sa jument était docilement restée là où il l'avait laissée. Bien qu'elle ne soit pas aussi adroite que Tornado, elle devina la douleur de son maître et se coucha pour l'aider à se mettre en selle.
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Le voyage de retour fut pénible pour l'homme en noir et ce, même si sa monture avançait à présent au pas, puisque les lanciers avaient abandonnés la course-poursuite nocturne. Chacun de ses moindres mouvements étaient un calvaire. La balle frottait contre sa hanche envoyant des vagues d'agonie dans tous son corps. Il dût faire un effort surhumain pour maintenir sa prise sur les rênes et éviter de chuter.
Lorsqu'il aperçut au loin la forme du clocher du monastère, il soupira de soulagement. Dans quelques minutes il pourrait se reposer.
Juste avant qu'il ne parte du sanctuaire, le Padre lui avait fait promettre de venir le voir à la fin de sa mission. Il avait d'abord décliné poliment l'offre du religieux mais face à son insistance, il avait finalement cédé. A présent, cela allait lui être d'une aide précieuse.
Il serra les dents, la douleur devint de plus en plus insupportable, à mesure que le temps s'écoulait en même temps que son sang.
Arrivé devant le monastère, Zorro se traina jusqu'à la chambre du Padre. Il descendit lourdement de sa monture en gémissant. Il faillit tomber mais l'animal plaça son encolure dans son dos pour le soutenir.
« Gracias. » Souffla le renard d'une voix rauque, en s'appuyant sur sa jument d'une main et en pressant sa blessure de l'autre.
Diego remarqua que sa jument piaffait d'impatience, désireuse qu'une aide arrive pour prendre en charge son cavalier et ami.
« Doucement ma belle. Tout va bien. »
L'homme derrière le masque lui sourit, rassurant quelque peu son destrier, malgré sa vision qui tournoyait.
Il ne voulait pas réveiller quelqu'un d'autre que le Padre Felipe, cela aurait été trop risqué. Lorsque l'animal fut plus calme, le duo avança avec lenteur jusqu'à une petite porte.
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L'homme d'église ne dormait pas. Il avait depuis le début prié pour le justicier masqué, mais cette nuit, ses prières avaient été faites avec plus de ferveurs. Des coups à la porte le coupèrent dans sa méditation. Il se releva en se demandant qui pouvait être son visiteur nocturne.
Il n'eut pas le temps de comprendre la situation.
Un corps tomba dans ses bras.
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Le lendemain matin.
« Je suis navré don Alejandro, mais votre fils n'est pas disposé à vous voir.
- Padre, je sais que je lui ai fait du mal et qu'il m'en veut terriblement, mais j'ai besoin de lui parler.
- Je regrette, croyez-moi, mais c'est impossible.
- Il faut qu'il me pardonne. Je m'en veux Padre, je vous en conjure...
- Ne me blâmez pas, don Alejandro, mais j'ai promis à Diego qu'il ne sera pas dérangé. Néanmoins, revenez dans quelques jours, je suis certain que la situation sera différente. »
Le religieux soupira de soulagement en voyant le père de son protégé se diriger vers l'attelage. Il était abattu et tout son visage exprimait un chagrin profond.
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« Votre père reviendra dans quelques jours, vous pourrez parler et tout s'arrangera Diego. »
Le Padre tentait de réconforter le jeune don mais il semblait que c'était peine perdue.
« Je n'en suis pas sûr, Padre. » Soupira le concerné allongé dans son lit, le visage pâle et préoccupé.
En effet, le jeune don doutait que son père soit assez patient pour attendre. Et si le Padre repousser à nouveau son père, il craignait que leur relation se coupe totalement et ce sans forme de rédemption possible.
Alors, c'était certes fâcheux que son père l'aperçoive dans cet état de faiblesse mais c'était préférable. Sans cela, Diego sentait qu'il risquait de ne plus jamais le revoir. Et il refusait d'en arriver à un tel extrême.
« Padre, je sais que je vous ai demandé de le faire partir tant que je ne serais pas rétabli, mais cela risque de me coûter le peu d'amour qu'il a encore pour moi.
- Ne dites pas une chose pareille !
- C'est un fait, Padre. Je lui ai caché trop de chose et ce pendant trop longtemps. Je mérite ce qu'il pense de moi. »
Le religieux resta muet face à cet aveu aussi dur à faire qu'à entendre. Il s'était douté que des tensions existaient entre le père et le fils et que ces dernières n'étaient pas dérisoires, mais que cela aient autant affecté le jeune homme, il l'ignorait.
« Padre... Il faut que Zorro se démasque devant mon père. Des paroles ne lui suffiront pas. J'irai le voir ce soir.
- Diego, c'est de la folie ! Vous tenez à peine sur vos jambes avec tout le sang que vous avez perdu.
- Tout ira bien, Padre, faites confiance à Zorro.
- Je lui fais confiance, malheureusement je te rappelle qu'il s'est effondré dans mes bras pas plus tard que cette nuit.
- Tout ira bien, Padre, répéta le jeune homme.
- Veux-tu que je t'apporte ton travail, que tu puisses le continuer ? plaisanta le plus vieux.
- Avec grand plaisir, Padre. » Lui répondit sérieusement Diego en souriant, voyant dans cette activité un moyen de calmer ses pensées négatives.
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Le jeunot passa l'après-midi à recopier lettre après lettre, la suite de l'épais ouvrage. La plume glissait presque machinalement sur le papier traçant des arabesques d'un noir profond.
Il allait moins vite que les fois précédentes, mais s'appliquait tout autant. De temps à autre, les mots dansaient devant ses yeux, mais il réussissait presque toujours à se reprendre. Cependant, il lui arrivait de somnoler, la fatigue l’envahissant malgré son envie de rester éveillé.
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Quand la nuit commença à tomber, il se leva lentement et émit un gémissement sourd alors que la douleur augmentait. Sa sortie allait être difficile et éprouvante, mais il devait le faire.
Il attrapa ses habits couleur d'ébène. Son sang avait séché sur ses vêtements. Ralenti par sa blessure, il se vêtit et sortit de la pièce.
Attachée devant le monastère, sa jument semblait l'attendre. Elle fixa son maître comme pour s'assurer de son état. Si la détermination n'avait pas été pas gravée sur son visage, elle l'aurait repoussé.
« Alors vous partez ?
- Je ne me pardonnerai jamais si mon père... Sa voix se brisa, il se tut incapable de continuer.
- Soyez prudent. »
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Jamais le trajet entre le monastère et l'hacienda ne lui avait paru aussi long.
Après avoir attaché sa monture, il se glissa dans la maison.
Le salon était vide, mais le jeune don doutait que son père soit déjà dans sa chambre. Alejandro était sans doute en train de travailler dans la bibliothèque. Il prit une des épées accrochées sur le mur et se dirigea vers la bibliothèque.
Lorsqu'il fut devant la porte, il hésita. Il n'était pas encore certain de prendre la bonne décision. S'il avait, depuis le départ, caché sa double identité à son père, c'était uniquement pour le protéger.
De quel droit pouvait-il imposer à son père une angoisse, une appréhension et une terreur constante ? Son père ne devait pas se faire du souci pour lui. C'était un adulte et il ne voulait pas être un poids. Mais, en même temps, il savait, au fond, que son père avait le droit de savoir qui il était réellement. Evidemment, il ne cherchait pas la gloire, mais plus le temps passait, plus il ressentait le besoin d'avoir son père à ses côtés.
Il fut pris d'un soubresaut, lorsque la porte s'ouvrit sur son père, qui malgré l'heure tardive portait encore ses vêtements du jour.
L'étonnement apparut sur le visage du notable alors que se dévoilait devant lui, le célèbre défenseur de la justice.
« Señor Zorro, s'exclama le vieux don surpris. Que faites-vous ici ?
- Je suis venu vous parlez. »
Le De La Vega hocha la tête et, ayant toute confiance en l'homme devant lui, il le fit entrer dans l'immense bibliothèque.
« Je vous écoute, señor Zorro. » Annonça le plus vieux en s'asseyant et en invitant son visiteur à faire de même.
Mais le justicier resta silencieux un long moment avant de lui répondre et resta debout au milieu de la pièce.
« Je veux que vous soyez certain que je suis le véritable Zorro.
- Je ne comprends pas, avoua Alejandro confus. »
Il n’avait pas douté une seule seconde de l'identité de l'homme en face de lui.
« Vous comprendrez bientôt, le rassura-t-il, mais avant cela j'aimerais avoir le plaisir de me battre avec vous.
- C'est tout à mon honneur, confia Alejandro en se relevant.
- Tenez. » Fit Zorro en lui tendant l'épée qu'il avait récupéré.
Le notable s'en saisit et le renard ôta sa cape, la posant sur une chaise. Les deux hommes se saluèrent. Leurs rapières s'entrechoquèrent, laissant entendre un bruit métallique résonner dans la pièce. L'échange ne dura pas longtemps, bien que le plus vieux soit tenace.
A la suite d'un habile mouvement de poignet de la part de l'homme en noir, un son strident se fit entendre alors que l'épée d'Alejandro tomba à terre.
Zorro rengaina son épée et, porta ses mains à l'arrière de sa tête en fixant intensément son père.
Le masque tomba au sol.
« Je n'ai jamais voulu vous décevoir, père. » Murmura le jeune homme.
Le père et le fils s'observèrent quelques secondes, bouleversés. Puis, alors que Diego chancelait dangereusement, Alejandro le rattrapa de justesse.
« - Diego tu es blessé ? S'inquièta Alejandro en le soutenant.
- Ce n'est rien, père, je vais bien. Répondit Zorro dont la réaction de son père lui redonnait des forces.
- Je t'aime, mon fils. Je t'aime tellement. »
Ils s'enlacèrent tendrement.
Lorsque son fils perdit connaissance, Alejandro prit son enfant dans ses bras, le porta et l'allongea doucement sur le fauteuil. Il posa une main sur son front, il était brûlant. Il remarqua que sa chemise était tâchée de sang frais et plus ancien. Il l'ouvrit rapidement constatant avec horreur la blessure de son fils. Il ôta la chemise noire. Il aperçut Bernardo et l'envoya chercher un médecin tandis qu'il retournait auprès de son fils.
" Diego..." Chuchota le vieil homme en passant un linge humide sur son front tentant de l'apaiser.
Afin de le persuader qu'il était le renard masqué admiré de tous, Diego avait donc défié son propre père, prouvant au passage qu'il était son digne fils.
La culpabilité le dévorait. Il avait été injuste et tellement aveugle.
Son regard mélant tendresse et inquiètude ne se détachait plus de Diego.
Le médecin et Bernardo entrèrent dans la pièce.
En quelques mots, Alejandro expliqua l'état de son fils au docteur qui s'occupa de sa blesure et lui donna immédiatement un médicament pour lutter contre la fièvre .
Il repartit, promettant de revenir tôt le lendemain.
Après son départ, Alejandro et Bernardo montèrent Diego et l'installèrent le plus confortablement possible.
Ils veillèrent à tour de rôle auprès de Diego, toute la nuit, jusqu'au petit matin ou ils cèderent au sommeil.