Entre Tigres
Et voilà. Après un long voyage, Takashi se trouvait maintenant devant la patinoire de l’équipe russe. Son coeur battait la chamade dans sa poitrine alors qu’il contemplait le bâtiment où il allait dorénavant s’entraîner. Enfin, seulement s’il arrivera un jour à dépasser son traumatisme… Nous étions au mois de novembre, alors l’air se faisait de plus en plus froid et la pluie était souvent au rendez-vous. Néanmoins, aujourd’hui était une journée où le soleil était bien haut au-dessus des têtes, et, grâce à ses chaleureux rayons, toutes les personnes autour du jeune irradiaient de bonheur. Il ferma les yeux quelques secondes, se remémorant les longs mois où il avait dû s'exercer à reprendre confiance en lui. Il inspira une grande bouffée d’air, puis expira en ouvrant les yeux. Il avait peur… Oui, il avait peur du regard des autres patineurs. Que penseront-ils de lui, alors qu’il n’arrivait même plus à patiner comme il le faisait il y a un an ? Pourtant, le noiraud s’arma de courage et entra dans la bâtisse.
Le hall d’entrée était simple avec des couleurs telles que du bleu-vert accompagné d’un beau pourpre, notamment pour le comptoir, où une jeune femme dans la vingtaine se tenait debout. Takashi s’approcha de celui-ci, puis posa son sac à ses pieds pour soulager son dos. Entre l’aéroport et la patinoire, il y avait tout de même une bonne trotte à faire !
“Bonjour monsieur, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? lui demanda-t-elle, radieuse.
- J’aimerais bien savoir où sont les vestiaires s’il vous plaît.
- Ils sont juste ici monsieur, lui dit-elle en indiquant une porte à sa gauche.
- Merci !”
Il récupéra alors son sac et se dirigea vers la direction indiquée. En entrant dans les vestiaires, le noiraud aperçut un jeune homme aux cheveux blonds, les coudes posés sur ses genoux et les mains croisées contre ses lèvres. Ses yeux verts étaient rivés vers le sol et il avait l’air concentré. Takashi le lâcha du regard et choisit un casier non pris pour poser ses affaires. Il se changea, sans faire attention au blond, puis sortit. En voyant la piste, Takashi ouvrit grand les yeux. Jamais encore, il en n’avait vu d’aussi grande. L’espace où il se trouvait était inondé de lumière grâce aux grandes fenêtres face à lui. Il remarqua qu’il n’y avait pas grand monde aujourd’hui, a part quelques personnes qui discutaient au bord de la piste. En les examinant, il reconnut son futur entraîneur : le coach Yakov. Il s’approcha de lui mais fut stoppé par un bruit de patin à glace qui lui fit tourner la tête.
C’était le garçon de tout à l’heure, qui marchait vers eux. Il se planta devant monsieur Yakov et lui parla naturellement. Le vieux hocha de la tête, et le plus jeune se rendit près de la piste. Il hotta les protège-lame de ses patins avant de s'élancer sur la glace. Il s’arrêta au milieu, regarda son mentor et opina discrètement de la tête. Il n’y avait plus aucun bruit dans la salle, puisque tout le monde était maintenant en train d’observer le blond. Une musique s’éleva alors dans les airs et celui-ci commença à lever son bras vers le ciel, puis enchaîna plusieurs pas souples et gracieux, qui donnait l’impression qu’il dansait. On aurait dit un cygne qui était prêt à s’envoler. Takashi le contemplait, absorbé par tant de puissance dissimulée dans un corps aussi svelte, car, même si le jeune homme était plus petit que le noiraud, celui-ci cachait sûrement un caractère bien trempé. On voyait également dans ses yeux verts une immense détermination, qui donna de multiples frissons au plus grand.
La musique s’arrêta et le garçon termina son programme avec une pose finale magnifique : les deux mains jointes et rivées vers le ciel. Le silence régna pendant un instant, jusqu’à ce que de nombreux sifflements et applaudissements se font entendre. Le blond patina encore quelques secondes avant de s’enlever de la glace. Il se dirigea ensuite vers le futur entraîneur de Takashi, celui-ci pensant que le plus petit demandait sûrement comment était sa prestation. En l’observant un peu mieux, il releva que son cadet transpirait de fines gouttes de sueur. Il suivit l’une d’elles de yeux, qui parcourait son chemin de la tempe jusqu’au cou. Sa peau était pâle, presque comme de la porcelaine, et donnait envie d’être croqué. L’aîné des deux secoua sa tête pour faire disparaître ses pensées, puis marcha d’un pas soutenu vers le petit groupe.
Arrivé près de lui, Takashi attendit qu’ils aient terminé de discuter avant d’engager la conversation avec le vieil homme. En jetant un coup d’oeil vers le plus jeune, il remarqua que celui-ci le regardait de la tête aux pieds, ce que fait également le coach. En parlant de lui, Takashi avait entendu dire qu’il était particulièrement sévère avec ses “poulains”. Néanmoins, il n’avait qu’une hâte, que grâce à lui, il pourrait de nouveau pratiquer sa passion : le patinage. C’était d’ailleurs lui qui avait aussi demandé à son ancien mentor de le faire muter ici, dans l’équipe russe.
Une main passa alors devant le visage du noiraud, ce qui le fit sursauter. Il tourna la tête vers les deux personnes et constata qu’ils le fixaient d’un air plutôt… froid ? Takashi comprit que monsieur Yakov lui avait parlé alors qu’il était dans ses pensées.
“Désolé, je n’écoutais pas, vous disiez ?
- Je disais, reprit-il, que je suis content de te voir parmi nous.”
Il tendit sa main vers Takashi, qui entreprit de l’empoigner avec ferveur tout en répondant :
“De même, il glissa un coup d’oeil vers le plus jeune, puis demanda, c’est votre plus jeune protégé ?”
Takashi aperçut le concerné se figer avant que celui-ci ne lui lance un regard méprisant.
“Attends, tu veux dire que tu ne me connais même pas ?!”
L’aîné des deux l’examina de la tête aux pieds, puis, après plusieurs secondes, fit enfin le lien. Il eut un sourire en coin et annonça en exagérant :
“Non, tu n’es quand même pas… C’est pas possible ! Tu es Yuri Plisetsky ! Oh mon dieu !”
Takashi le dévisagea, indifférent. Il s’attendait à quoi ? Le blond fulmina littéralement de rage. Comment il pouvait le voir ? Suffisait de le regarder : il avait les poings sur les hanches, pinçait sa lèvre inférieure et son regard était empli de colère. Le cadet se mit alors à dire, à coup sûr en russe, des mots sûrement pas très agréables à entendre.
Le noiraud l’ignora et se tourna vers le coach Yakov. Nous parlions pendant une bonne dizaine de minutes, surtout sur comment va dérouler son année et son entraînement. Enfin, plutôt de sa rééducation… Pendant la conversation, Takashi ne put s’empêcher de faire une grimace et de trembler légèrement, ce qui n’échappa pas au jeune patineur qui l’observait depuis le début.
A la fin de la discussion, Takashi regarda dehors et constata que le soleil déclinait de plus en plus. Il examina sa montre, qui affichait vingt heures. Il décida donc de rentrer, jugeant qu’il était ici depuis un bon moment. Il se rendit dans les vestiaires et prit son sac qui n’avait heureusement pas été déplacé. Se doutant qu’il ferait froid, Takashi avait eu la bonne idée de placer un pull au cas où. Alors qu’il enleva son t-shirt, la porte jugea que c’était le bon moment pour se fermer dans un claquement sourd.