La vengeance de l'ombre
Au petit matin, les traits tirés mais le regard déterminé, Mulder se rendit au commissariat. L'activité bourdonnante contrastait avec son état d'esprit sombre. Le lieutenant Benton, une tasse de café fumant à la main, était penché sur des rapports, tandis que le sergent Miller, les cheveux sagement attachés, échangeait des informations avec l'agent Watson.
L'agent spécial Peterson, quant à lui, parlait au téléphone d'un ton posé, apparemment absorbé par sa conversation. Cet homme semblait avoir une montre et un costume différents pour chaque jour de la semaine, songea Mulder.
Fox serra soudain la lettre froissée au fond de sa poche. Il hésitait. La révéler le mettrait inévitablement sous protection, le contraignant à un rôle passif qu'il ne pouvait se permettre. Cette affaire, il le sentait viscéralement, était une danse personnelle avec Newman. Il préférait pour l'instant garder cette carte cachée, quitte à jouer un jeu dangereux.
Ils se réunirent tous dans une salle spartiate a 6h30 précise. La pièce était meublée d'une table et d'une dizaine de chaises en bois. Pas de fioriture. Peterson dénotait étrangement avec la simplicité des lieux. Le lieutenant Benton prit place en bout de table et, en guise d'introduction, rappela le noms des quatre victimes retrouvées, agrémentant ses paroles avec les photos des corps mutilés.
"-La piste de l'agent Mulder sur Newman est la théorie la plus solide que nous ayons a ce jour, continua Benton. Si nous nous fions donc a sa manière de procéder, et au rythme de ses victimes, nous devrions retrouver un nouvelle victime dans trois pu quatre jours. Avec un enlèvement d'ici deux, voir trois jours, puisqu'il aime faire durer ses... ses tortures.
-Enfin Benton vous vous y mettez aussi?, s'agita Peterson. Est ce que c'est une farce?", rajouta t il d'un ton condescendant.
Benton tourna ses yeux et son impressionnante moustache vers l'agent de Philadelphie. Le regard noir qu'il lui décocha lui fit ravaler sa salive.
Le poids que Mulder avait sur l'estomac depuis la veille au soir s'allégea légèrement. Benton avait beau être un flic bourru dans une petite ville, il était lucide et ne se laissait pas impressionner par le manque de jugement et de respect évident dont Peterson faisait preuve.
Après une heure de négociation sur les actions prioritaires a mener, ils se répartirent les rôles et se séparèrent.
Mulder fit équipe avec le sergent Miller pour la matinée, visitant chaque lieu où l'on avait retrouvé un corps: le parc situé au centre de la ville, un parking abandonné, un bord de route menant à une zone industrielle plus au sud, une benne a ordure et un petit sous bois a l'orée de la ville.
Aucune des scènes ne révéla grand chose, plusieurs jours voir plusieurs semaines s'étant déjà écoulées depuis les macabres découvertes.
Mulder et Miller passèrent un bon moment a regarder les photos prises des lieux lors des expertises, la position des corps, retraçant ça et là les pièces d'un puzzle sans fin. Ils s'exclamaient souvent sur un même détail, faisant un travail fluide et coordonné. Mulder sortit un paquet de graines de tournesol de sa poche, et se mit a mâchouiller pensivement les petites coques des graines, les faisant craquer sous ses dents.
Il en proposa a Miller, qui refusa poliment.
Benson et Peterson quant a eux s'occupaient de recueillir les témoignages des familles des victimes, tentant ainsi de recouper des informations utiles. Les résultats furent décevants, puisque rien ne liait les victime entre elle, hormis le fait qu'elles habitaient Wilmington. Ce maigre résultat galvanisa Peterson qui, fanfaronnant, répétait que sa théorie de meurtres isolés était la seule hypothèse valable.
L'après midi , l'agent Mulder se plongea dans les dossiers mortuaires des victimes, se forçant a regarder les corps mutilés, victimes d'atrocités sans nom. Il anotait régulièrement des choses qui lui semblaient importantes sur son petit calepin.
Deux des victimes avaient été battues a mort, une autre portait des marques de coupures profondes ayant entraîner la mort par hémorragie. La quatrième victime, la dernière en date retrouvée, avait été asphixiée avec une lenteur atroce et calculée.
Mais Mulder, loin d'être découragé, téléphona au bureau de Philadelphie pour qu'on lui faxe le dossier complet des meurtres de Newman d'il y a trois ans. Il voulait la totale, chaque photo, de chaque victime, tous les rapports des légistes, mais également ses propres contre rendus de l'époque et une copie du procès.
Son volumineux dossier en main, il redoubla d'intensité dans son travail. Il savait qu'il avait raison, il connaissait Newman, il l'avait compris et traqué et savait a qui il avait a faire. Instinctivement, sa main se referma sur la lettre de menace contenue dans sa poche.
Tard dans la soirée, Mulder, épuisé et affalé a une table du comissariat, les yeux plongés dans la paperasse, fit part d'une théorie intéressante a Miller. Un nom, dans le dossier d'enquête d'il y a trois ans, ne correspondait pas.
"-Peut être que Newman n'agissait pas seul... bailla Mulder.", avançant par la une nouvelle hypothèse. Il croquait toujours ses graines de tournesol.
Miller, infatigable, bondit de suite sur le dossier pour approfondir cette nouvelle voie.
Mulder fut en quelque sorte soulagé de l'avoir dans son équipe. Il avait pleinement confiance en elle, et il savait que son semblant de piste était entre de bonnes mains lorsqu'il quitta le comissariat.
Il la connaissait a peine, mais une intuition lui soufflait que la jeune femme serait un atout majeur dans cette enquête.
De son côté, le sergent Miller se sentait fière d'être considérée par l'agent Mulder du FBI. Celui-ci avait une façon d'aborder les choses très particulière mais efficace. Sa rigueur et son esprit de déduction incroyables l'impressionnaient. Elle savait qu'elle apprendrait beaucoup en étant à ses côtés sur cette enquête, ce dont elle se félicita. Et il n'était pas du tout hautain et pédant comme son collègue Peterson de Philadelphie. Et il était décidément très bel homme. Cette pensée la fit sourire.
Mulder avait laissé Miller et Benton au commissariat. Peterson était retourné a Philadelphie, afin de passer la soirée avec sa femme et ses enfants.