La voix de l'ombre - Livre I : Les murmures du passé

Chapitre 13 : Un long périple

2041 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/02/2024 20:04

Chapitre 13 : Un long périple.



Le vent glacial des montagnes d'Alterac claquait contre le corps recouvert de plaque de l'orc. Depuis ces collines recouvertes de neige, il était difficile de trouver du gibier. À croire que la faune animale avait disparu. Il était temps de trouver les Loup-de-givre.

Caché dans une petite caverne, à l'abri du déluge, Orgrim tenta d'allumer un feu. Le tissu trouvé qui lui servait de cape n'était pas très épais, et, bien que sa peau, elle, l'était, il n'était pas habitué à une température aussi basse au long terme. Son loup géant, Griffenoire, lui manquait. Il l'avait vu se faire transpercer le cœur par un humain qui avait ensuite subi son courroux, lors de la dernière bataille au Mont Rochenoire. Il se souvint lui avoir écrasé les deux jambes à coup de marteau pour venger son loup.


Peu à peu, perdu dans ses pensées, Orgrim s'assoupit. À son réveil, quelques heures plus tard, une épaisse fourrure lui tenait chaud. Était-il en train de rêver ?

Soudain, il écarquilla les yeux. Un loup géant, au pelage aussi blanc que la neige, leva la tête et le fixa. Un loup de givre apprivoisé.

  • Conduis-moi à ton maître, ordonna Orgrim.


Le loup ne réagit pas, et Orgrim sut pourquoi : le déluge n'avait cessé depuis des heures, et la neige était trop épaisse pour que l'on s'y aventure. Il leur fallait attendre. Au moins ici, les humains ne le retrouveraient pas.

Quelques heures plus tard, ils étaient en route. Orgrim suivit le loup en toute confiance et reprit espoir lorsqu'il aperçut une énorme caverne recouverte de neige que le blizzard pouvait camoufler facilement.

Invité à suivre le loup géant, Orgrim pénétra dans la grotte et observa l'intérieur. Quelques orcs vêtus de peaux longeaient la grotte, et Orgrim regarda le loup rejoindre l'un d'eux, un orc voûté doté d'un bandeau sur les yeux.


  • Te voilà enfin, Orgrim Marteau-du-destin.
  • Drek'Thar, dit Orgrim en s'avançant vers le chaman pour répondre à l'accolade qu'il lui proposait.


Il défit sa capuche, posa son marteau que chacun reconnut, et passa en revue l'intérieure de la caverne. Il comptabilisa environ trente orcs.

Drek'Thar l'invita à s'asseoir à ses côtés, prêt du feu.

  • Dis-moi à présent tout ce qu'il s'est passé depuis notre exil, demanda humblement le vieux chaman.
  • Avant tout, aurais-tu vu ou recueilli un orc nommé Bazol accompagné d'une jeune femme aux yeux dorés depuis notre défaite ? s'enquit Orgrim sans dissimuler son impatience.
  • Je crois bien que non, admit Drek'Thar. Nous n'avons recueilli personne à part toi depuis.


Sentant la mine dépitée de Marteau-du-destin, Drek'Thar posa une main sur son épaule.

  • Nous te devons beaucoup, Orgrim Marteau-du-destin. Alors, narre-moi ce qu'il s'est passé et nous t'apporterons l'aide dont tu as besoin.


Il commença alors à raconter chaque événement qui s'était produit depuis leur exil dans les terres gelées.


Chacun écoutait attentivement le récit du Chef de guerre. Bien loin de s'imaginer tout ce qui était arrivé, ils approuvaient néanmoins le choix d'Orgrim de vouloir rétablir l'honneur des orcs, après tant d'actes honteux et déshonorables dont les orcs s'étaient couverts ces dernières années.


À son tour, Drek'Thar raconta leur périple pour arriver jusqu'au pic montagneux où ils avaient élu domicile.

  • Je suis heureux de voir que tu as su renouer avec les éléments, Drek'Thar, avoua Orgrim. C'est un espoir pour nous tous !
  • Ce sont eux qui nous ont guidés jusqu'ici, admit le chaman. L'énergie gangrenée des démonistes n'a fait que nous faire sombrer dans de profonds abîmes, et a détruit notre monde. J'ai été si aveugle.
  • Comme nous tous, reconnu Orgrim.
  • Non, pas comme toi ni Durotan ! Vous êtes les seuls à n'avoir pas bu le sang du démon, et Durotan nous en a protégé en nous interdisant d'y goûter, poursuivit le chaman. Autrement, nul doute que certains d'entre nous...
  • Ne te tracasse pas plus avec des suppositions, coupa Orgrim. Le peuple orc a bien assez subi comme ça.
  • Tu as raison, Marteau-du-destin. En attendant des jours meilleurs, festoyons en ton honneur.


Tous s'agglutinèrent auprès du Chef de guerre, partagèrent leurs mets, et burent de bon cœur.

Surpris par toute cette victuaille, Orgrim questionna le chaman :

  • Comment faites-vous pour chasser ? Je n'ai croisé aucun daim dans ces fichues montagnes !
  • En effet, souligna Drek'Thar. Le gibier se fait rare dans les montagnes en cette saison. Mais lorsque j'en appelle au vent, il susurre à une biche qu'un peuple caché dans les neiges se meurt, et la biche accepte de se sacrifier.


Loués soient les Ancêtres d'entendre encore la voix d'un peuple qui a tant fait souffrir sa propre terre.

Il était bon de retrouver des orcs, même s'ils n'étaient pas de son clan. Il avait toujours considéré les Loup-de-givre comme des frères.


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La plupart des Loup-de-givre s'étaient déjà assoupis, tandis que leurs loups se pelotaient contre leur maître. Orgrim et Drek'Thar poursuivirent leur conversation :

  • Il est étrange de penser que tu te sois attaché à une étrangère, admira Drek'Thar, le visage enjoué. Quand on sait que tu ne regardais même pas les femelles de ton clan.
  • Elle a l'esprit d'un orc, confia Orgrim, l'air fier. Je lui trouve les mêmes qualités que Durotan : pure, honorable, …
  • Et agréable à regarder, ajouta le chaman, l'air espiègle.
  • Mff, elle ferait repousser l’œil de Kilrogg s'il la lorgnait assez longtemps, s'amusa Orgrim.
  • Tu comptes donc repartir au lever du jour, affirma l'orc aveugle. Ne peux-tu pas rester quelques temps ici ?
  • Je dois la retrouver, soutint Marteau-du-destin. Je dois les protéger, elle et notre enfant.
  • Je comprends, acquiesça le vieil orc. Et lorsque tu les auras retrouvés, reviens nous voir, dit-il avec espoir, tout en caressant tendrement son compagnon, Oreille-sage.


Orgrim appuya son dos contre la paroi de la caverne. Il pensait à son vieil ami.

  • Avez-vous retrouvé Durotan et Draka ? demanda-t-il. Je veux dire...
  • Leurs corps, non, nous ne nous sommes pas aventurés aussi loin pour les retrouver, avoua Drek'Thar, l'air contrit. Nous l'avons appris de nos loups, et avons donc interrompu nos recherches.


Cette nouvelle semblait encore peser sur les épaules du chaman, qui se voûta encore davantage.

  • Et leur petit ?
  • Aucune trace de l'enfant, uniquement des traînées de sang, concéda Drek'Thar. Nous avons supposé qu'il avait été dévoré, et avons prié ardemment pour que son calvaire ait été rapide.


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Au petit matin, Orgrim quitta les Loup-de-givre en direction du sud. Guidé par Oreille-sage, une besace chargée de vivres offerte par les Loup-de-givre, il atteignit rapidement les Hautes-terres Arathi. Le temps devenant plus clément, il put chasser et faire sécher la viande pour se constituer plus de vivres.


Il trouva une sacoche dans une ferme abandonnée, une outre, et quelques couteaux. Après un état des lieux, il décréta qu'il pouvait s'y arrêter pour la nuit. Il s'installa donc près de ce qui avait été une cheminée, dos au mur et face à la porte d'entrée défoncée, mais qui tenait encore debout par un seul gond. D'ici, il pourrait voir venir un intrus si quelqu'un s'aventurait près de la ferme.

À son réveil, un objet contondant lui grattait le cou. Les yeux mi-clos, il donna une pichenette à l'objet qui piqua un peu plus profondément. Orgrim ne bougea pas. Il comprit. Refermant les yeux, il entreprit d'attraper son marteau lorsqu'une botte l'en empêcha. Voulant se dégager, il était déjà cerné par trois épées tendues autour de son cou.


  • Ne te débat pas, orc, menaça l'un des soldats.


Les deux autres enchaînèrent Orgrim, puis l'un d'entre eux le reconnu :

  • Arcel, c'est Marteau-du-destin !
  • Comment ça, tu en es sûr ? demanda l'autre.
  • Oui, regarde, il est énorme ! Et son armure noire, regarde ! insista Arcel.
  • Par la Lumière, tu as raison, approuva son compagnon. Regarde l'énorme marteau noir sur le sol !


Les soldats de Stromgarde emmenèrent l'orc enchaîné à leur lieutenant. Celui-ci décida de l'envoyer au camp le plus proche en attendant de prévenir Lordaeron qui souhaitera sûrement le rapatrier à Fossoyeuse.

La troupe se dirigea alors au nord d'Arathi, après avoir installé l'orc dans une charrette. Orgrim prit l'air abattu afin qu'ils ne se méfient pas davantage.


Le camp était entouré par un mur boisé à peine retenu par des cordes solidement attachées. Deux tours de guet trônaient de chaque côté de l'entrée, et Orgrim vit deux gardes aux portes. Dès son arrivée dans le camp, quelque chose le frappa : les orcs, pour la plupart, étaient avachis à même le sol, l'air perdu. Quelques-uns étaient assis et discutaient, mais très peu montraient une réelle volonté de faire plus que marcher. Trois baraquements composaient l'intérieur du camp, qui pouvaient servir d'abri pour les orcs.

Les trois soldats qui l'avaient accompagné partirent rapidement, expliquant que l'orc devait être bien surveillé.


Marteau-du-destin choisit de s'asseoir près d'un des orcs qu'il ne reconnut pas. L'orc en question se frotta l'arrière du cou et le regarda sans grand intérêt. Puis, il le fixa à nouveau :

  • Chef, c'est bien toi ?
  • C'est bien moi, répondit Orgrim. Que vous arrive-t-il à tous ? Les humains parlent d'une léthargie, mais je ne sais pas...
  • Nous nous sentons vidés de notre énergie, mon chef, personne ne sait pourquoi.


Orgrim baissa la tête pour ne pas être entendu par un garde qui passait à côté.

  • Mais vous pourriez aisément vous rebeller et enfoncer cette porte, continua Orgrim qui désignait la porte principale à peine gardée.
  • On le pourrait peut-être, mais pourquoi ?


Orgrim était abasourdi. Et la liberté alors, ne valait-elle pas que l'on se batte pour elle ?


Abandonnant l'idée de convaincre celui-ci, Orgrim le laissa, puis se rapprocha d'un groupe d'orcs qui s'étaient installés en cercle mais ne disaient rien. Il s'assit près d'eux, et demanda :

  • Que vous arrive-t-il ?


Deux d'entre eux tournèrent la tête vers lui, et reprirent leur position.

  • Vous ont-ils empoisonnés ? Que vous donnent-ils à manger ? insista Orgrim.


Aucun d'entre eux ne répondit. Ils n'en voyaient pas l'intérêt. Cela leur aurait coûté le peu d'énergie que leur corps massif contenait à présent.


Orgrim fit un tour d'horizon, et aperçut au loin un pilori et trois orcs qui attendaient leur tour pour y être enfermés, debout dans la boue. Un gibet dominait le camp, mais ne semblait pas avoir servi.

Cette vision pathétique de ce qu'était devenu son peuple le fit bouillonner au point qu'il dût se reprendre alors qu'il serrait compulsivement les poings, comme à son habitude. Lui aussi avait été enfermé, battu, humilié, et il ne ressentait pas un tel vide. Cet abattement était en lien avec le sang démoniaque, il en était persuadé.


S'il ne pouvait convaincre aucun de ses frères de lever le petit doigt, il attendrait la nuit pour observer le tour de garde, et s'enfuir. Il ne pouvait pas rester dans ce camp de la honte plus d'une journée. D'autant que les soldats qui l'avaient trouvé allaient alerter le roi humain de Lordaeron, et il était hors de question de retourner en captivité.


C'est donc au milieu de la nuit qu'Orgrim put se faufiler entre deux rondins de bois fissurés sans même alerter le garde qui faisait sa ronde. Heureusement pour lui, les soldats de Stromgarde n'avaient pas eu l'intelligence de signaler qui il était, sinon la surveillance aurait été accrue. Il put prendre de la distance et courir un jour et une nuit entière toujours plus au sud, et, il se l'était juré sur les Ancêtres, jamais plus il ne se laisserait attraper.


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