Un monde brisé
Aussi écrasante fut la victoire des forces combinées d'Azeroth et de l'Outreterre libre au Temple Noir, elle ne fut pas pour autant définitive pour autant.
Illidan était vaincu, ainsi que Vashj et tous ses lieutenants démons et gangr'orcs. Même les quelques disciples d'Illidan qui étaient revenus au Temple défendre leur maître avaient eu le malheur de tomber sur Maiev et d'être à leur tour emprisonnés. Les forces d'Illidan et l'emprise qu'il avait sur l'Outreterre ne furent plus qu'un mauvais souvenir pour les habitants de ce monde en ruine.
Toutefois, un de ses lieutenants avaient profite du chaos généré par l'assaut du Temple pour fuir avec ses fidèles à lui, à savoir le prince Kael'thas.
— Nous tenions ce bâtard sur la Grande Promenade, relata Brotar qui avec ses frères d'armes de la Horde s'était frotté au prince elfe. Mais à peine on avait réussi à l'atteindre, il s'est téléporte sous nos yeux. Il a fui comme un lâche.
— Et sans manquer de me drainer toute ma mana, ajouta Baorekh à la fois furieux et honteux. Je ne m'étais jamais aussi faible et impuissant de toute mon existence.
— Ce que dit mon frère est vrai, vint confirmer Turahk. Sans sa magie, nous étions à la merci du prince.
— Il a du se replier au Donjon de la Tempête, en conclut Khadgar pensif. À coup sûr il doit être en train de mijoter une contre-offensive. Il va falloir agir vite...
— Mauvaise nouvelle, archimage, l'interrompit Maraad. Nos informateurs de Raz-de-Néant viennent d'arriver. D'après le Donjon de la Tempête de serait volatiliser peu de temps après votre victoire au Temple Noir.
— Voilà qui n'arrange pas nos affaires ! pesta l'archimage. Il peut être n'importe où, à présent !
— Il doit être balaise, ce mec, pour faire se volatiliser un donjon entier ! commenta Baelbo.
— Le Donjon de la Tempête n'est pas qu'une simple forteresse, mon ami, s'empressa de lui expliquer Ouladre. Il s'agit en réalité d'un vaisseau interdimensionnel à l'instar de l'Exodar permettant de voyager à travers le Néant distordu.
— L'Exodar n'étant qu'un des satellites que le prophète Velen a pu sauvé quand Kael'thas et ses elfes de sangs ont en pris le contrôle, ajouta Maraad. Depuis, ses chiens sont en servi pour drainer les énergies chaotiques du Néant distordu.
— Cela ne nous dit toujours pas où il est à présent, pesta de plus bel Khadgar.
Au lendemain de leur retour à Shattrath depuis le Temple Noir, Khadgar avait convoqué tout le monde sur la Terrasse de la Lumière afin de discuter de la suite du programme. Sa réunion incluait également les Kurdran et Trollemort, Thrall, les Roués incluant Akama et Nobundo, les Mag'hars ainsi que les groupes de la Horde et de l'Alliance qui avaient participé à l'assaut du Temple Noire et qui étaient encore en état de combattre.
Parmi les absents, on pouvait compter Fyrvas qui était resté au chevet de sa fille toujours plongée dans le coma.
Bathris fut également présent lors de la réunion, sa présence ainsi que celle de sa sœur jumelle dans la cité ayant été autorisé par l'archimage. D'autant que ce qu'il advenait de Kael'thas le concernait en tant qu'elle de sang. Durant la réunion, il ne put s'empêcher de se sentir des regards pesant se tourner vers sa personne.
— Akama, vous avez été au contact avec les lieutenants d'Illidan quand vous étiez sous ses ordres, de manda alors Khadgar au Roué. Que pouvez nous dire sur les agissements et les intentions de Kael'thas ?
— Seulement des rumeurs, hélas, lui répondit Akama. Il avait déjà juré allégeance à Illidan quand je l'avais rejoint. Tout ce que je sais c'est qu'il avait promis au prince elfe de pallier au manque d'énergie arcanique dont souffraient les elfes de sang à l'époque. J'avais entendu parler pendant un temps d'une rumeur sur la création d'un Puits magique d'Éternité en Outreterre.
— Ce ne serait pas étonnant de la part d'Illidan, intervint Harrina. Fyrvas m'avait parlé de la fois où le Traître avait tenté de créer un autre Puits de Soleil au Mont Hyjal après que la destruction du précédent il y a de cela dix milles ans. Après que de puits ait servi de portail à la Légion Ardente. Ce qui a valu ses dix milles ans d'emprisonnement par Illidan, d'après ce que m'ont raconté les elfes de la nuit.
— Il était donc bien fait pour s'entendre avec les elfes de sang, on dirait , ce gredin ! pesta Maraad.
— Toujours est-il que ce projet n'a jamais vu le jour, reprit Akama. Ils s'étaient contenté de prendre le contrôle du Donjon de la Tempête pour drainer les énergies du Néant. Après cela, Illidan s'est concentré sur la création de son armée de chasseurs de démons et a laissé Kael'thas seul à l'exploitation des énergies magiques de l'Outreterre, tout en amenant de plus en plus de ses sujets à rejoindre son armée en tant que chasseur de démons.
" De ce que j'ai entendu, Kael'thas se serait senti laissé pour compte et serait donc devenu paranoïaque et impatient. On dit même que l'exploitation des énergies chaotiques ait gangrène lui aurait corrompu l'esprit et serait tourné vers d'autres maîtres. Notamment ceux qu'Illidan lui-même redoutait.
— Vous voulez dire... Qu'il se serait allié à la Légion Ardente ? osa demander Bathris perplexe.
— Ceux ne sont encore que des bruits de couloirs mais j'espère me tromper.
Une vague d'indignations et de protestations s'éleva depuis l'assemblée.
— Nous revoilà donc au point de de départ avec cette foutue Légion ! protesta Batël. Tout ça n'a été qu'une perte de temps !
— Je savais qu'il fallait prendre d'assaut le Donjon avant de s'attaquer au Temple ! s'indigna Maraad. Mais il a fallu qu'on change nos plans pour une stupide elfe de la nuit...
— Hé ! Je ne vous permet pas ! protesta Bathris. Vous la laissez en dehors de ça !
— C'est ce maudit prince, le responsable ! s'indigna Ouladre. Depuis le début, il est de mèche avec la Légion Ardentes, c'est certain !
— Franchement, ce n'est pas la première fois que ça arrive, fit remarquer Baelbo. As tu déjà oublié Kel'Thuzad ? Ou Medivh...
— Je n'aurais jamais cru ça de la part de Kael'thas ! se lamenta Harrina. Je l'ai connu à Dalaran quand il était encore un membre du conseil des Six. C'était quelqu'un de respectable. Comment a-t-il pu tomber aussi bas ?
— Rien d'étonnant à ce qu'il soit tombe aussi bas, c'est un sorcier elfe ! répondit Brotar. Un lâche avec un esprit tordu ! Deux raisons de ne pas faire confiance à un tel individu !
— Dis donc, l'orc, ça va bien les insinuations à deux balles ? s'indigna le gnome.
— Je te signale que je suis un peu sorcier aussi, lui fit remarquer Baorekh. Alors surveille ton langage, tu veux ?
— Je vous ai pas causé vous deux ! leur rétorqua l'orc.
— Remarquez, il n'a pas tout à fait tort à propos des elfes de sang, intervint Ouladre médisant.
— Ah, ça va bien, là ! s'énerva Bathris. Vous croyez que je n'en ai pas assez de vous entendre dire du mal de mes semblables ? Vous croyez que je n'en ai pas assez de devoir répondre d'un crime que je n'ai pas commis ? Vous croyez que ça me fait plaisir d'apprendre que mon dirigeant serait de connivence avec nos ennemis mortels ?
— UN PEU DE SILENCE ! s'écria Khadgar en frappant durement le sol de son bâton. Je ne vous ai pas réuni ici pour que vous vous chamaillez pendant que notre ennemi prépare un mauvais coup. Je vous rappelle que nous devons notre victoire au Temple Noir, ainsi qu'à la Citadelle des Flammes Infernales, que grâce à l'union de nos forces. Nous devons par conséquent maintenir cette union et cette cohésion jusqu'à la défaite de la Légion.
— Dans ce cas, que devons nous faire ? demanda Ouladre.
— Nous devons contrecarrer les plans de Kael'thas et de la Légion, répondit l'archimage. Pour peu que nous sachions de souci il s'agit.
Il se tourna vers Akama espérant une réponse de sa part.
— Malheureusement, je n'en sais pas plus que vous, répondit le Roue désolé. Je sais seulement qu'il compte permettre à la Légion Ardente d'envahir votre monde et ainsi le plonger dans les flammes et le chaos. Mais j'ignore comment il compte si prendre, ni ou ni quand.
— En d'autres termes, nous ne pouvons qu'attendre qu'il se manifeste de nouveau et ainsi espère en savoir plus sur ses plans, ajouta Nobundo.
La réunion prit finalement fin non sans protestations et indignations, donnant quartier libre à tout le monde.
Seul Bathris resta immobile sur la terrasse, perdu dans ses pensées.
Kael'thas, le prince héritier de son royaume déchu, qui avait juré de tout faire pour sauver son peuple, de mèche avec la Légion Ardente. Le jeune elfe de sang partageait le scepticisme d'Harrina. Jamais il n'aurait cru ça de la part de Kael. Surtout après avoir été témoin de ce que donnait une alliance avec la Légion en la personne d'Illidan. À croire que le prince n'avait rien appris de cette mésaventure.
Et dire qu'après avoir visionné les souvenirs du prince, Bathris était prêt à le soutenir malgré tout. Surtout après les injustices commises par l'Alliance à l'égard de son peuple. Injustices qui pour ne rien arranger lui avaient été entre-temps confirmées par sa sœur jumelle.
Comment en étaient-ils arrivé là ? Le jeune elfe de sang avait du mal à le comprendre.
Ou plutôt... Avait-il peur de le comprendre...
Après tout, il avait eu un aperçu de ce que Kael'thas avait traversé et s'était surpris à le compatir. Qu'aurait-il fait à sa place ?
Il se souvint alors des paroles de Vashj lorsqu'ils avaient guerroyé au Temple Noir. Et si elle avait raison ? Et si Bathris aurait agi de la même manière que Kael'thas s'il avait été dans la même situation ?
Et si ses détracteurs contre lesquels il s'était insurgé avaient finalement raison à son sujet.
Cette perspective le terrifiait...
Dire que c'était à cause concernait qu'il avait eu concernant le prince qu'il se retrouvait en Outreterre à l'heure actuelle...
Et puis il y avait son récent échange avec Fyrvas qui lui avait clairement fait comprendre que plus jamais il ne devait revoir sa fille, même s'il en mourrait d'envie, sous peine de s'attirer les foudres du druide.
Cette perspective déprima le jeune elfe de sang davantage que les agissements de Kael'thas. Ce fut une bonne chose que Gahahli ne fut plus en danger, mais il devra se résoudre à ne plus jamais entendre son rire ni sa voix enjouée et pleine d'entrain, ne plus revoir ses cheveux bleus ébouriffés qui reflétaient son côte sauvage, ni croiser son regard émerveillé et empreint de curiosité. Ou même ne plus sentir la chaleur de son corps comme lorsqu'il l'a tenait dans ses bras en arrivant à Shattrath.
Et puis il y avait toute l'énergie de cette elfe de la nuit, son courage, sa force de caractère, un peu de sa candeur et surtout la bonté dont elle avait fait preuve à son égard. Toutes ces choses qu'il admirait et appréciait tant chez elle et qui désormais allaient lui manquer.
Rien qu'à cette idée, Bathris ressentait un gros vide en son for intérieur, comme s'il venait de perdre quelque chose de précieux, voire de vitale. Un sentiment qu'il n'avait pas ressenti depuis qu'il avait cru Sonulia morte depuis l'invasion du Fléau.
Il pouvait être sûr de ne jamais trouver de femme à l'égal de cette jeune et fougueuse elfe de la nuit à Lune-d'argent, celles-ci étant trop sages et propres à son goût.
Et le pire étant que le druide ne lui laissait pas l'occasion de faire ses adieux à la jeune elfe de la nuit.
Il erra dans Shattrath, rasant les murs pour éviter les badauds qui vouaient encore une haine envers sa race, crachant et sifflant dans sa direction. Il se résout à prendre l'ascenseur pour accéder à une corniche autre que celle où se reposait Gahahli surveillée par son père, celle où la Horde venait de prendre ses quartiers.
Il espéra y trouva sa sœur jumelle en quête de soutien et de réconfort en cette période troublée, maintenant qu'elle la savait vivante et en parfaite santé. Seulement, elle se faisait très discrète depuis leur victoire au Temple Noir. Bathris l'avait seulement aperçu une seconde lors du meeting de Khadgar, prouvant sa présence à Shattrath mais il avait aussitôt perdu sa trace. C'était comme si elle cherchait à l'éviter. Ou à se cacher de quelqu'un d'autre également présent dans la cité.
Il surprit une querelle de taurens et reconnut à son grand soulagement Béliah en train de "discuter avec son petit-fils au sujet de sa corne brisée.
— J'te dis, grand-père, je n'ai pas besoin de tes soins ! protestait Walkyro. Ma corne est très bien comme ça !
— Allons, juste un sort de régénération, insista le vieux tauren. Il n'y en que pour cinq minutes.
— Laisse ma corne comme elle est, tu veux ? lui rétorqua son petit-fils avec véhémence.
— Pas la peine d'être aussi désagréable, je veux seulement aider...
— Je ne suis plus un veau, grand-père ! Ne le prends pas de travers mais je n'ai plus besoin que tu le tiennes la main ! Et puis ça me fait une cicatrice de bataille. Brotar dit que ça plaît aux gonzesses.
— Bon, comme tu veux, se résigna Béliah dans un soupir. Si tu changes d'avis, tu sais où me trouver.
Devant le vieux tauren qui regardait tristement Walkyro s'éloigner pour retrouver ses frères d'armes, Bathris s'empressa de lui apporter un peu de réconfort de par sa compagnie.
— On dirait que vos histoires de famille ne se sont pas arrangé, fit-il remarquer. En tout cas,vous m'en voyez désolé.
— Bah, que veux-tu ? lui répondit Béliah mélancolique. Sa mère avait le même tempérament. Et puis il faut bien que jeunesse se passe.
En fin de compte, le jeune elfe de sang était plutôt content de retrouver le vieux tauren qu'il n'avait pas revu depuis leur arrivé à Thrallmar. C'était de loin l'un des rares individus de la Horde dont il supportait la présence. Il commençait même à regretter ces maximes de vieillards.
De plus, à défaut de retrouver Sonulia, il était l'homme parfait pour lui donner un peu de réconfort en cette période troublée, entre les agissements du prince elfe et le fait de ne plus revoir Gahahli sans devoir se frotter à son père.
— J'imagine que tu as eu plus de chances avec ta nouvelle copine, je me trompe ? lui demanda soudain Béliah avec un sourire complice, comme s'il avait lu dans les pensées de Bathris.
Légèrement pris au dépourvu, le jeune elfe de sang s'empressa de lui expliquer brièvement la situation.
— Mais quel abruti ! s'indigna le vieux tauren. Après tous les risques que tu as du prendre pour sauver sa fille, c'est ainsi qu'il te remercie ?
— Non mais c'est mieux ainsi, tenta de relativiser l'elfe de sang. Nos deux clans sont toujours ennemis, ce n'est pas trop l'idéal pour entamer une relation dans ses conditions.
— Mmh... C'est vrai que sous cet angle, ça risque d'être compliqué, admit le vieux tauren. Mais ce n'est pas pour autant impossible...
— Et aux dernières nouvelles, le dirigeant légitime de ma propre nation aurait dit-on pactisé avec la Légion Ardente, reprit l'elfe de sang avec amertume.
— Et alors ?
— Alors ? Mais vous voyez le tableau ? "Salut, mam'zelle ! Tu te souviens de moi ? Je suis un de ses elfes expatriés dont le prince a conclu une alliance avec notre ennemi mortel ! Ça te dirait qu'on oublié les tensions entre nos deux clans et qu'on sorte ensemble un de ses soirs ?"
— Je ne vois pas où est le problème, dit Béliah incrédule. Ce n'est pas comme si tu approuvais les exactions de Kael'thas, que je sache.
— Non, bien sûr que non ! Je les désapprouve même ! Mais d'un autre côté, maintenant que je sais ce qui a conduit mon peuple a quitté la Horde et Kael'thas à s'allier à Illidan ou à la Légion, je ne peux qu'à moitié les blâmer. Je ne peux même pas prétendre que j'aurais fait mieux à leur place. Si ça se trouve, j'aurais agi de la même façon que Kael...
— Est cela t'inquiète, je suppose ?
— Ça me terrifie.
— Alors c'est plutôt bon signe.
— Comment ça ?
— À mon sens, il n'y a pas de meilleure alliée que la peur ni de meilleurs enseignements que les erreurs, qu'elles soient les siennes ou celle des autres, s'expliqua le vieux tauren. Si l'idée d'agir comme quelqu'un aux méthodes discutables t'effraie tant, au moins tu seras averti quand ça arrivera et peut-être même tu sauras quoi faire pour empêcher que ça arrive. Reconnaît que c'est plutôt encourageant...
— Foutaises ! intervint soudain Morpsev qui venait immiscé dans la conversation et fit sursauter l'elfe de sang ainsi que le tauren. Kael'thas n'a fait qu'embrassé la part d'ombre qui sommeillait en lui. Cette part d'ombre qu'il avait trop longtemps contenu. Et ce n'est que notre lot à tous.
— De quoi parles tu donc ? demanda le vieux tauren méfiant.
— En chacun de nous, il y a part d'ombre qui n'attend qu'à prendre le dessus sur notre raisonnement et notre jugement, expliqua le mort-vivant. On n'aura beau la contenir ou l'ignorer mais on ne peut l'annihiler pour autant. Pire, la contenir ne fait que la rendre plus violente et hors de contrôle. Alors il ne reste plus qu'une option, l'embrasser purement et simplement tant qu'on en a encore le contrôle. Et tôt ou tard, c'est ce qui finit par arriver.
" C'est bien ce qui m'est arrivé quand j'ai été relevé en Réprouvé. Mais ça arrive aussi à ceux qui se veulent être un parangon de la vertu et de la droiture, ceux pourvu des meilleure intentions au monde. Qu'il s'agisse de vieux sages, de nobles débonnaires, ou encore de chevaliers en armure brillante et au "cœur pur". Après tout... Il en était un, lui aussi...
— Qui ça ? demanda Bathris sceptique.
— Allons, tu sais très bien, lui répondit le mort-vivant. Le responsable du sort que nous partageons, toi et moi. Celui à l'origine de la chute de nos royaumes respectifs...
L'elfe de sang hurla d'exaspération comprit où le mort-vivant voulait en venir et s'éloigna d'un pas enragé. Il avait déjà du mal à supporter de revivre l'invasion mort-vivants qui avaient ravagé ses terres et décimé son peuple, mais qu'on vînt lui rappeler que lui et ses semblables partageaient le même sort avec une race qu'il haïssait de toute son âme car lui rappelant cette sinistre invasion, c'en fut trop pour lui.
Beliah s'empressa de rejoindre l'elfe de sang pour le calmer mais non sans au préalable avertir le mort-vivant avec un ton qui n'était pas moins intimidant :
— J'ignore à quel jeu tu joues, Morpsev Corbeau-Noir, mais je ne te laisserai pas gagner.
— J'en prends note, se contenta de répondre le mort-vivant avec un sourire satisfait tandis qu'il laissait le vieux tauren rejoindre le jeune elfe de sang.
*****
Une fois le vieux tauren hors de portée d'oreilles, Morpsev sentit le bout d'une lame tranchante lui piquer le bas du dos tandis qu'une voix pleine de reproche s'éleva derrière son dos :
— En ce qui concerne, je veux savoir à quoi vous jouez ! Qu'êtes vous en train de faire à mon frère ? Le soudoyer ? Comme vos mercenaires de la Horde ?
— Ou simplement attirer la petite belette hors de son trou, lui répondit le mort-vivant avec un ton amusée.
— On dirait que ça a marché ! rétorqua Sonulia désabusée. Mais je vous rappelle qu'une loutre peut mordre très fort et tuer plus grosse qu'elle. Alors ne jouez pas les malins avec moi.
— Cause toujours...
Sans crier gare et avec une agilité surnaturelle venant d'un mort-vivant, le démoniste se déroba de la lame pointée dans son dos et se glissa derrière Sonulia qu'il agrippa par le bras et la queue de cheval sans lui laisser le temps de réagir.
— Amatrice ! lui cracha-t-il. Tu croyais t'en tirer aussi facilement ? Tu croyais pouvoir te cacher de moi éternellement ?
— Ce n'était pas faute d'avoir essayé ! lui rétorqua Sonulia agacée.
— Je t'avais confié une mission, Belette ! Une seule ! Et à ce que je vois, tes cibles sont toujours vivants alors qu'ils étaient à ta merci !
— Les temps ont changé, Morpsev. Et je reconnais avoir eu un imprévu...
De rage, le mort-vivant jeta la jeune elfe de sang au sol et s'empressa de lui écraser le bras du pied pour l'empêcher de riposter.
— Et c'est pour cela que tu ne seras jamais assassiné digne de ce nom, lui dit-il avec dédain. Que jamais tu n'intègreras les nécrotraqueur. Un bon assassin se doit d'exécuter le contrat qui lui a été attribué, qu'importe les circonstances ou les imprévus. Une pauvre amatrice, c'est tout ce que tu es ! Ni plus ni moins !
— Je ne vous permet de remettre en doute mes compétences ! rétorqua Sonulia sur la défensive. Je... j'ai combattu la Croisade Écarlate, les worgens d'Ombrecroc, le Culte des Damnés à Scholomance ainsi que le Syndicat. J'ai même réussi à infiltrer et m'évader de Hurlement sans faire sonner l'alerte.
— Et malgré ça, tu es en train de te faire humiliée par un mort-vivant décrépit. Qu'elle honte !
— J'ai tuée à moi seule plus d'hommes qu'un seul de vos sous-fifres ! J'ai commencée à tuer avant de savoir manier l'épée !
— Rien de plus que des gens dont le sort t'indiffèrent, une histoire de vengeance ou de la légitime défense. Mais as tu seulement ôté la vie à quelqu'un dont le sort semblait pourtant te préoccuper ? Sans que tu aies quoi que ce soit contre cette personne, ni qu'elle t'ait fait du tort ou ait tenté de te tuer ?
— C'est parce que je ne tue pas d'innocents, moi ! Seulement ceux qui méritent que je les égorgé comme des porcs !
— Parce que tu crois qu'il existe encore des innocents en ce bas monde ? Des âmes qui méritent ta clémence ? Naïve que tu es ! Une autre raison pour laquelle tu ne seras jamais reconnue comme une assassine hors-pair !
— Bah, ça n'a plus d'importance ! dit l'elfe dépitée et abattue. Mon frère est au courant à présent pour la nouvelle vie que je mène... Et les activités criminelles.
— Vraiment ? Cela lui a du lui faire un choc !
— Bizarrement, non. Il le prends plutôt bien, j'ai l'impression.
Le mort-vivant sentit une pointe de déception dans la voix de Sonulia, comme si la dérangeait que son frère ne fut pas davantage troublée par sa situation qu'il ne le fût récemment pour le sort de l'autre elfe de la nuit comateuse.
Un cor draeneï dans tout Shattrath et aussitôt, tu toute la cité fut en proie à un remue-ménage.
Un horrible sourire aux lèvres, Morpsev sentit dans ses os décrépit que leur croisade contre la Légion ne faisait que commencer. Il libéra finalement Sonulia de son emprise et l'aida à se relever.
— Je te donne une chance de te rattraper pour ta défaite ! lui dit-il. Une chance pour que tu me prouves une bonne fois pour toutes ta valeur d'assassine ! Mais une seule !
— Et qu'est ce qui m'arrivera si je la rate ? demanda Sonulia désabusée. Je me fais buter ? Vous allez me drainer l'âme ?
— Oh, rien de fâcheux te concernant ! Mais si tu n'assures pas, tu pourras définitivement et d'ici peu te considérer comme fille unique.
*****
L'évocation de Morpsev concernait la personne à l'origine de l'invasion de Quel'thalas avait mis Bathris dans tous ces états à un point qu'il se réfugia dans ce qui devait être une auberge abandonnée pour s'isoler, ignorant le vieux tauren à sa recherche.
Mais son isolement fut de courte durée quant retentit le cor draeneï dans tout Shattrath.
Intrigué, il sortit du bâtiment délabré pour voir depuis la corniche ce qu'il en était.
Aussitôt rejoint par Beliah, ils virent des troupes draeneïs s'affairer aux portes ainsi que sur les remparts de la cité, tandis qu'à la stupéfaction de Bathris, une cohorte entière déboula depuis le nord de la forêt.
— Dis donc, ces couleurs, ils ne viendraient pas de Lune-d'argent, par hasard ? demanda innocemment le vieux tauren.
C'était bien ce que redoutaient le jeune elfe de sang. Pire encore, il reconnut malgré la distances les armures des Chevaliers de Sang, son ancien ordre.
Il n'avait aucune idée de ce qu'ils venaient faire à Shattrath mais sachant que ses supérieurs étaient toujours fidèles à Kael'thas quand il avait quitté son ordre, ainsi que la haine que vouaient les habitants de Shattrath envers le prince elfe et ses fidèles, il craignit que les choses ne partissent en vrille.
Ni une ni deux, il descendit de la corniche par le premier ascenseur et rejoignit la cohorte de gardes rassemblée aux remparts, espérant ainsi empêcher un regrettable bain de sang.
Il fut cependant devance par Khadgar et Thrall qui, au grand étonnement du jeune elfe de sang, s'en allaient à la rencontre des elfes de sang et tentaient de calmer les draeneïs sur le pied de guerre.
— Allons, un peu de calme ! dit l'archimage. Vous voyez bien le drapeau blanc qu'ils agitent ? Ils veulent simplement parlementer.
— Je les reconnais, ils sont de Lune-d'argent, ajouta le chef de guerre. Ils sont de notre côté.
— À moins que ce ne soit encore un mauvais tour ! pesta Maraad.
Bathris fut tenté de coller une droite au draeneï en réponse à ses insinuations méprisantes, mais il se rappela qu'il était présent pour empêcher un bain de sang et non pour déclencher une bagarre. D'autant qu'au vu de la carrure du draeneï, il avait de grandes chances de perdre l'usage de sa main, voire de son bras tout entier, s'il tentait de lever la main sur lui.
Il se tourna donc vers la cohorte d'elfe de sang aux portes de la cité et reconnut à sa tête le Grand Magistère Rommath suivi de Dame Liadrin, son ancien mentor et supérieur, marchant jusqu'au seul de l'entrée.
Que diable faisaient-ils la, en Outreterre, loin de Lune-d'argent ?
— Déposez vos armes, s'il-vous-plait ! leur demanda Liadrin en posant un genou à terre. Nous ne sommes pas ici pour vous affronter mais pour vous demander humblement votre aide.
— Pourquoi devrions nous vous faire confiance ? leur demanda Maraad. Après ce que vous avez fait subir à l'Exodar ? Et le naaru M'uru que vous avez capturé ?
"M'uru". C'était donc le nom de l'être de Lumière que les Chevaliers de Sang retenaient prisonnier et pliaient à leur volonté pour maîtriser la Lumière.
— Nous ne méritons pas votre confiance, je vous l'accorde, confessa Rommath en imitant le geste de Liadrin. Mais nos deux mondes courent en ce moment un grave danger.
— Notre prince, Kael'thas Haut-Soleil, nous a trahis, reprit Liadrin avec un ton grave.
— Que dites-vous ? demanda Khadgar.
— La vérité ! répondit Liadrin. Il est revenu à Quel'thalas au bord d'un vaisseau de cristal puis a assiégé Lune-d'argent avec une troupe d'elfes de sang gangrenée. L'assaut fut bref, les dégâts et les pertes minimes, mais le prince en a profita pour enlever... l'être de lumière que nous vous avons honteusement ravi. Je l'ai vu de mes propres yeux.
Prêtant une oreille attentive aux paroles de son ancienne supérieure, Bathris ressentit de l'honnêteté, du regret et surtout de la détresse dans sa voix.
— Après cela, Kael'thas et ses sbires gangresangs ont pris le contrôle de l'île de Quel'danas qui à l'heure actuelle grouille de démons et de gangresangs.
— Attendez... Quel'danas ? N'est ce pas là où se situe le Puits de Soleil ? leur demanda Khadgar.
— Avant qu'il ne fut corrompu par le Fléau et du être détruit, en effet, lui répondit Rommath. C'était notre plus grande source de magie. Kael'thas nous avait promis de le restaurer et de le ranimer avec l'énergie collecte depuis ce monde mais...
— Suite aux récents événements, nous avons de fortes raisons de penser qu'il compte s'en servir contre nous, acheva Liadrin.
— Qu'est ce qui vous fait donc dire ça ? leur demanda à nouveau Khadgar. Parlez donc.
Liadrin tenta de répondre, mais ce qu'elle fut sur le point de dire parurent tellement dur qu'elle balbutiait :
— Durant l'assaut et la prise de contrôle de l'île, il... il a parlé de... faire venir son maître... Et de plonger notre monde dans les flammes.
La matriarche des chevaliers de sang n'eut nullement besoin d'en dire plus. Elle venait à l'instant de confirmer ce que Bathris, Khadgar, Akama et tout Shattrath redoutaient.