Un monde brisé
Chapitre 24 : En cellule avec la Gardienne
2478 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 05/03/2022 01:29
Peu de temps après la capture Gahahli, une fois le calme revenu au Temple Noir, Vashj et Kael'thas firent venir un dénommé Akama.
Quand celui-ci fit son apparition, ce fut le Roué le plus sinistre que la jeune elfe de la nuit avait vu depuis son arrivée en Outreterre. Là où Nobundo avait juste l'air d'un vieux draeneï décrépit et émacié, Akama avait plus l'air d'un mort-vivant avec son teint blafard, son nez quasi-inexistant et sa bouche sans lèvres, mettant en évidence ses dents acérés. Sans parler des crânes qui ornaient sa tenue de chaman et des yeux sans pupilles ni iris qui brillaient sous sa capuche noir.
— Vous m'avez fait demande, mes maîtres ? demanda-t-il humblement.
Même sa voix grave et rocailleuse mettait la jeune elfe de la nuit mal à l'aise.
— Mets cette petite impertinente en cellule ! lui ordonna Vashj.
— Et tant que tu y es, mets ce tigre dans une cage à part, ajouta Kael'thas en présentant Jakua à qui il venait de mettre une laissé ainsi qu'une muselière invoquées par sa magie.
— Il en sera fait selon vos désirs, répondit respectueusement Akama.
— Attendez, vous ne pouvez nous séparer, Jakua et moi ! protesta Gahahli. Je n'irais nulle part la où...
— Tu n'es pas en position d'exiger quoi que ce soit, petite sotte ! l'interrompit sèchement Vashj. Tu es notre prisonnière à présent ! Tu ferais bien de t'en souvenir !
Désemparée, la jeune elfe de la nuit se laissa donc embarqué par le Roué qui tenait son Sabre-de-nuit en laisse, non sans lancer une grimace à la femme serpent pour lui afficher son mépris.
Ensemble, ils traversèrent les salles et les couloirs du Temple Noir qui devenaient plus sinistres au fur et à mesures qu'ils s'enfoncèrent dans les profondeurs. Passant de chambres elfiques transpirant la luxure par l'abandonner de succube et d'autres femmes démons à des salles plus obscures ornées de lourdes chaînes et de statues similaires à celles qui ornaient la Porte des Ténèbres.
Ces salles regorgeaient de démons, de gangr'orcs ainsi que de Roués — ayant une meilleur mine comparé à Akama mais au regard toujours aussi désespéré. Des regards d'esclaves.
— Comment pouvez-vous laisser des êtres aussi méprisables vous donner des ordres ? demanda Gahahli à son guide. À vous et à vos semblables ? Vous traiter comme si vous étiez leur servants...?
— Ça, c'est mon problème ! lui rétorqua sèchement Akama. Ne t'en occupe pas !
Ils traversèrent un couloir plus froid que les montagnes de Dun Morogh en pleine hiver dans lequel erraient des spectres maugréant inlassablement leur colère, leur souffrance et leur désir de délivrance, sans se soucier de la présence de leurs visiteurs. Gahahli qui éprouvait une crainte vis à vis des morts en général ne pouvait en faire de même.
Quand ils arrivèrent au bout du couloir pour descendre dans un niveau aux allures d'anciennes catacombes inondées , Akama finit par cracher le morceau :
— Si tu veux tout savoir, j'ai accepté leur alliance car ils nous avait promis de nous libérer du joug de la Légion Ardente et de récupéré notre sanctuaire sacré.
— Votre sanctuaire ? Vous voulez parler de ce...
— Le Temple de Karabor, aujourd'hui connu sous le nom de Temple Noir, en effet. Et tu peux me croire, de mon temps, le Temple n'avait rien à voir avec l'abomination que tu vois-là. Ça c'était avant l'arrivée de la Horde et de la Légion Ardente. Avant qu'il nous chassa de notre sanctuaire pour en faire leur lieu de culte et se livrer à la magie qui a corrompu cette terre. Je me souviens encore de ce jour maudit, les cris, les pleurs, le sang...
— Je... Je suis désolée.
— Tout ce que je voulais c'était un asile pour les miens. Où nous serions à l'abri des démons qui se faisaient de plus en plus nombreux depuis la dislocation de Draenor. Et puis, "il" est venu.
— Qui ça "il" ?
— Celui que nous croyons être notre sauveur. Qui nous a promis de nous débarrasser des démons et de réclamer nos terres et notre liberté. J'étais désespéré. Et aveuglé. Aveugle d'avoir placé tout mes espoirs et ceux de mon peuple en cette personne. Uniquement pour réaliser après coup, que "lui" et ses sbires ne valaient pas mieux que les démons que nous avons combattu. Mais il était trop tard pour faire machine arrière. Il nous avait tous à sa botte des lors. Tout ça par ma faute.
— Mais qui ça, "il" ?
— Tu le sauras bien assez tôt. Nous sommes arrivé.
Le Roué présenta à la jeune elfe de la nuit la grille de sa cellule qu'il se chargea d'ouvrir.
— Mais saches ceci, petite elfe : cet être ne tolère aucune résistance, reprit Akama en ouvrant la porte de la grille. Encore moins dans ses propres rangs.
— Vous ne répondez pas à ma question ! s'impatienta Gahahli.
— Ta voisine de cellule t'expliquera mieux que moi à qui tu as affaire, lui répondit le Roué en forçant brusquement la jeune elfe de la nuit à entrer dans la cellule avant de refermer la grille derrière elle. D'ici là, sois patiente. C'est là mon dernier conseil.
Et il lui referma la grille au nez, la vérrouilla à double tour avant de rebrousser chemin en traînant par la laisse que Gahahli vit disparaître au coin du mur. Elle avait déjà du mal à le voir mussele et en laisse, elle eut le cœur gros quand il disparut de son champ de vision.
C'était une chose qu'on l'enfermât pour ses torts, mais qu'on la séparât de tous ceux qu'elle aimait de manière à ce qu'elle se retrouvât seule entre quatre murs, privée de la lumière de la lune, c'était la pire des punitions qu'on pouvait lui infliger. Pour elle, c'était pire que la mort.
Elle comprit vite en inspectant la cellule qu'elle n'avait aucun moyen de s'échapper. Les murs, le plafond et le sol étaient bien trop compacts pour qu'elle songeât à creuser un tunnel avec ses doigts trop fins et ses ongles trop fragiles. La grille quant à elle était beaucoup trop lourde et solide pour qu'elle puisse la forcer, la soulever ou même tordre les barreaux avec ses bras bien trop malingres. Elle n'avait même pas de quoi creuser un tunnel ou limer les barreaux.
Et le pire était qu'elle savait pertinemment que personne ne viendrait la secourir. Ni son père ni ses amis ne savaient où elle était. Les Marteaux-Hardis avaient été clairs en lui précisant qu'ils ne re-tenteraient pas un second assaut même pour libérer un seul prisonnier. Quant à Bathris, même s'il avait assez de cran pour partir à l'assaut du Temple Noir, il ne serait pas du tout de taille sans une armée. Fût-il son dernier espoir.
Assise dans un coin, la tête entre les mains et sur le point de fondre en larmes. Gahahli fut plus désemparée que jamais. Elle avait frôlé la mort et subit des coups du sort plus d'une fois, mais jamais elle ne s'était retrouvé dans une situation désespérante.
— Encore une qui a fait l'erreur de d'attaquer à plus gros qu'elle ! nargua soudain une voix féminine.
Gahahli se releva et cherchant l'origine de cette voix réalisa que sa cellule faisait face à une autre qui avait déjà son occupant. "La voisine de prison". Elle ne sera donc pas si seule à croupir en prison, tout compte fait.
C'était une autre elfe de la nuit plus âgée,le visage tatoué, les cheveux argentées coiffés en une queue de cheval élevée et qui lui descendait jusqu'à la taille.
Elle était vêtue de guenilles mais en scrutant la cellule voisine, Gahahli repéra des pièces d'armures ainsi qu'une large cape traînant dans un coin. Sans doute appartenaient-elles à la voisine qui devait avoir une meilleure allure avec ça sur le dos.
— Amatrice, va ! lui lança mesquinement l'elfe voisine.
— Je vous demande pardon ?
— J'ai grandi sous l'Empire Kaldorei, survécu à la Guerre des Anciens, consacré dix milles ans de ma vie à veiller sur le plus dangereux criminel de notre civilisation avant de devoir le traquer à travers Azeroth jusque dans ces terres maudites, pour au final et ironie du sort être la prisonnière de mon ennemi juré. Non sans avoir vu mourrir mes sœurs d'armes. Et tu espérais avoir plus de chance que moi ? Toi, une jeunotte ?
— Je n'espérais rien de la sorte ! se défendit Gahahli outragée. J'étais seulement venu au secours d'un... D'une personne dans le besoin. Et puis, je peux savoir qui vous êtes ?
— Ha tu l'ignores, alors ! rétorqua la voisine qui semblait de plus en plus démente. Après tous les bons et loyaux services, tous les sacrifices pour mon peuple, voilà que mes semblables me reconnaissent à peine ! Moi, Maiev Chantelombre !
Maiev Chantelombre...
Gahahli avait déjà entendu ce nom quelque part...
Et puis ça le revint.
Peu de temps avant la ré-ouverture de la Porte des Ténèbres, Tyrande avait évoqué ce nom en lui expliquant l'histoire du tristement célèbre Illidan Hurlorage, le frère de Malfurion, surnommé le Traître. Maiev fut celle qui avait consacré dix milles ans de sa vie à la surveillance de l'ancien chasseur de démon durant sa captivité, avant de le traquer à travers Azeroth après que celui-ci fut libérée par Tyrande elle-même dans l'espoir qu'il les aiderait à combattre la Légion Ardente.
Puis Gahahli eut une révélation qui lui glaça le sang. Maiev, sa voisine de cellule, s'était faites prisonnière par celui qu'elle avait traque jusqu'en Outreterre. Et elles étaient toutes les deux enfermées dans les catacombes du Temple Noir...
— Illidan ! s'écria-t-elle. C'est Illidan le Seigneur de l'Outreterre ! Nous sommes sous sa demeure ! Dans ses cachots !... C'est lui qui vous a enfermé, j'ai raison ?
— Tu as enfin compris ? la nargua Maiev avec une pointe de sarcasme. Tu n'es peut-être pas si bête que tu en as l'air !
Gahahli ne sentait d'un seul coup plus ses jambes.
Elle avait appris via Tyrande la triste et non moins compliquée histoire de celui qu'on appelait le Traître à peine quelques jours avant son arrivée en Outreterre.
Elle avait notamment retenu la rivalité qu'il avait entretenu avec son frère, comment il avait temporairement trahi les siens en s'alliant à la Légion Ardente durant la Guerre des Anciens pour finalement les combattre en tant que chasseur de démons. Que malgré ses exploits, il fut emprisonné pour avoir tenté de créer un second Puits d'Éternité au Mont Hyjal, sachant que le premier puits avait permis l'invasion de la Légion Ardente durant la Guerre des Anciens, failli provoqué la destruction du monde et conduits les elfes à leur perte. Obligeant d'ailleurs Malfurion et ses disciples à planter l'Arbre-Monde Nordrassil par dessus ce second Puits magique pour contenir des énergies arcaniques. Ce qui n'avait malheureusement pas empêché la seconde invasion des démons, venu pour la puissance contenu dans l'arbre, dont Gahahli avait été témoin.
Ce fut au cours de cette seconde que Tyrande, de son propre aveu, avait libéré Illidan dans l'espoir qu'il les aiderait à repousser l'invasion, pour au final regretter son geste quand elle le vit plus tard transformé en démon, ce qui lui valut l'exil par son frère. Après cela, Illidan avait continué de faire des siennes, s'alliant aux nagas, profanant une tombe pour y dérober un artéfact, avant de disparaitre pour l'Outreterre.
Jusque là, Gahahli ne connaissait Illidan que de réputation mais elle était de loin de se douter qu'il en deviendrait le maître et encore moins qu'il croiserait sa route.
Mais dans ce cas, serait-il à l'origine de cette nouvelle invasion de démon ? Mais dans quel but ? Serait-il à présent à la tête de la Légion Ardente ?
Et maintenant qu'elle était sa prisonnière, qu'est ce qui allait advenir d'elle ?
— Et tu peux remercier cette conne de Tyrande ! pesta Maiev depuis sa cellule. Tout est de sa faute... !
— Je ne vous permets de parler d'elle de cette façon ! rétorqua Gahahli pour qui la Grande Prêtresse était comme une seconde mère et n'appréciait pas qu'on cassait du sucre sur son dos !
— Et pourquoi pas ? se défendit l'ancienne Gardienne. On n'en serait pas là si elle n'avait pas eu la brillante idée de...
— Je sais ce qu'elle a fait ! l'interrompit la jeune elfe irritée. Elle m'a tout raconté. Elle m'a même expliqué ses raisons.
La Grande Prêtresse lui avait en l'occurrence confessé qu'elle avait conscience des sentiments qu'éprouvait le chasseur de démon à son égard, ce qui avait envenimé la rivalité avec son frère quand Tyrande avait choisi Malfurion pour compagnon et que par la suite, elle s'était sentie responsable de la descente aux enfers d'Illidan. Ce fut donc en partie par pitié qu'elle avait insisté pour le libérer et parce qu'elle se doutait que malgré les ressentiments qu'il devait éprouver envers ceux qu'il l'avait enfermé et appelé Traître, il accepterait n'importe laquelle de ses requêtes. Mais jamais elle ne s'était douté que cela amènerait Illidan à devenir ce qu'il avait juré de combattre.
— Et voilà ce qui arrive quand on se laisse embarqué par ses histoires de cours ! nargua Maiev.
— Oh, ne faites pas croire que vous valez mieux qu'elle ! lui répondit Gahahli toujours irritée. J'ai entendu dire que vous l'aviez laissé pour morte face à des morts-vivants et menti à Malfurion parce que vous étiez pressé de capturer Illidan. Et ce alors qu'elle avait insisté pour se joindre à votre traque car elle se sentait coupable et qu'elle était prête à se sacrifier pour vous sauver des assaillants. Est-ce vrai ?
— Petite insolente ! pesta Maiev en tapant sur les barreaux de sa prison. S'il n'y avait pas ses barreaux, je te jure que... Un jour prochain, tu devras choisir entre ton devoir et tes frères d'armes... Et ce jour-là, tu le montreras plus de respect !
Sur ce, elle tourna rageusement les talons en s'en va ruminer au fond de sa cellule.
En fin de compte, Gahahli se demanda si elle ne préférait pas la solitude à la compagnie d'une femme elfe aussi désagréable.
Mais cela n'avait plus d'importance quand elle se rappela de qui elle venait de se faire prisonnière. Elle qui pensait cinq minutes que sa situation ne pouvait pas être pire.