Un monde brisé

Après un long voyage à travers les Royaumes de l'Est, Bathris et son compagnon de voyage, Béliah le vieux tauren chaman, avaient enfin atteint la Porte des Ténèbres, guidé par leur vision respective.

Et à peine avaient-ils traversé la brèche, ce fut déjà le capharnaüm. Sur l'Escalier de Destin qui descendait de la Porte, des troupes de l'Alliance et de la Horde déjà présents luttaient pour repousser les démons qui voulaient envahir Azeroth. Et le combat ne semblait pas gagné d'avance. À chaque démon tué, dix autres rappliquaient.

Dans un premier temps, le jeune elfe de sang voulut se joindre à la mêlée mais le tauren l'avait entraîné sur le bas-côté et obligé à contourner la cohue. Ils s'étaient donc dirigés vers d'étranges machines noirs qui encerclaient la Porte et d'où sortaient les démons que les troupes d'Azeroth étaient en train de combattre. Béliah avait donc eu l'idée de détruire ces portails avec ses pouvoirs chamaniques tandis que l'elfe de sang le couvrait. Ce dernier eut ce faisant un aperçu de la puissance du tauren qu'il considérait jusque là comme un vieux sage inoffensive. Une projection d'éclair, un tremblement de terre en tapant du sabot et cela suffisait à démolir un portail.

Le duo semblait tenir la cadence à démolissant un à un les portails jusqu'à l'arrivée du Seigneur Kazzak qui frappa Béliah du pommeau de sa large épée et le mit à terre. Bathris sur le vieux tauren pour le soigner et le remettre sur pieds avec ses sorts de soins pendant que le démon dispersait la foule et gravissait l'Escalier qui menait à la Porte... pour en retomber deux minutes plus tard, sans que le duo, occupé à soigner leur blessures, ne comprirent la raison.

Et puis, alors que les troupes d'Azeroth semblaient reprendre le dessus, un grondement sonore et métallique retentit sur toute la péninsule et sortit de nulle part un géant métallique qui dispersa à son tour la foule et fracassa le haut de l'Escalier de son poing. Bathris vit quelqu'un projeté de l'Escalier par l'impact et dévalait dangereusement vers le précipice qui bordait la péninsule.

— Mets-toi à l'abri, p'tit gars ! lui ordonna le vieux tauren. Je m'occupe de ce tas de ferraille.

Le jeune elfe de sang n'eut pas d'objecter que Béliah, à peine remis de ses blessures fonça droit vers la machine qui en avait maintenant après les azerothiens dispersés et commença à invoquer un élémentaire de terre afin de confronter la chose à arme plus ou moins égale.

À ce moment-là, Bathris fut pris d'hésitation. Devait-il obéir au tauren et se mettre à l'abri ? Devait-il au contraire le désobéir et lui prêter main forte, d'une manière ou d'une autre ? Ou devait-il porter secours à l'être visiblement inconscient qui gisait sur le bord du précipice et semblait y glisser dangereusement à chaque pas du géant de fer ?

N'écoutant plus que son instinct, l'elfe de sang opta pour la dernière option. Il se précipita sur l'individu inconscient et le tira à temps de précipice alors que sa tête et un de ses bras pendaient dans le vide. Il fut ce faisant pris de vertige quand il jeta un œil au fond du précipice pour aussitôt constater qu'il n'y en avait pas, le ravin donnait littéralement sur du vide intersidérale, comme si la terre sur ils se tenaient flottaient dans l'espace. Il n'osait imaginer ce qui serait advenu de son protégé s'il ne l'avait pas secouru à temps.

Il détourna le regard de ce vide anxiogène et scruta la personne qu'il venait de sauver : c'était une elfe de la nuit. Pas plus âgée que lui à en juger par son apparence physique. Les cheveux longs d'un bleu cyan, vêtue d'une tenue en cuir arborant des tons verts et marrons, elle était couverte de contusions, de sang et de terres argileuses. Bathris sentit d'ailleurs une côté ainsi que la hanche cassée en les tâtant. Néanmoins, elle était vivante. Du moins, elle respirait. Faiblement mais elle respirait.

C'était la première fois que Bathris voyait une elfe de la nuit vivante et surtout d'aussi prêt. Jusqu'à ce jour, les quelques uns qu'il avait pu voir étaient des espions tués par ses anciens frères d'armes qui avaient tenté d'infiltrer son royaume pour une raison qui lui échappait. Tout ce qu'il savait à leur sujet étaient qu'ils avaient rejoint l'Alliance depuis peu, que les espions envoyer pour infiltrer Quel'thalas agissaient sous ordre d'un certain "forte ramure" et que les ancêtres du jeune elfe de sang avaient été bannis en des temps immémoriaux par ces même elfes de la nuit pour leur usage de la magie. Ce qui rendait encore plus perplexe leurs intentions à l'égard des elfes de la nuit. Pourquoi persécuter quelqu'un ou tout un groupe d'individu qu'on avait soi-même condamné à l'exil ?

De ce fait, Bathris était censé éprouver une amertume envers ce peuple elfe qui continuait de malmener les siens sans raison et devrait en conséquence soit l'achever soit la laisser pour morte. Cependant, il savait qu'il n'avait rien contre l'elfe de la nuit qu'il tenait en ce moment-même dans ses bras, qu'elle n'avait rien à voir avec ceux (beaucoup plus aguerris) qui avaient tenté d'infiltrer son royaume. Celle-ci n'avait en rien l'étoffe d'une guerrière et était tellement menue qu'il en vint à se demander ce qu'elle venait faire ici, aux portes de l'enfer, face aux pires créatures qui pussent exister dans cet univers. Tout ce qu'elle avait pour se défendre était un carquois vide et un arc brisé qui gisait non loin de là où il se tenait. De plus, il répugnait l'abus de faiblesse et considérait que c'était déloyal, vile et indigne d'un chevalier de battre un adversaire déjà affaibli et à terre. Et bien qu'il avait perdu son titre de chevalier depuis peu, il n'avait pas moins conservé son sens de l'honneur. Ni même sa compassion.

Il amena sa protégée en lieu sûr, à proximité d'un village orc en ruine et laissé à l'abandon quand le vrombissement métallique retentit à nouveau dans toute la péninsule et Bathris vit la silhouette du géant de métal vaciller et disparaître dans le gouffre à l'autre bout de la zone. Son ami tauren avait apparement réussi à le mettre hors d'état de nuire. Pourvu qu'il s'en fût tiré !

La bonne nouvelle était que tout danger avait été écarté. Même les démons, privés de leur commandant, semblaient s'être dispersés après la chute du géant, ramenant un peu de calme dans cette péninsule de l'enfer.

Le jeune elfe de sang en profita pour s'occuper de sa malade gravement blessée. Il l'adossa contre un rocher, se concentrer sur son corps brisé, rassembla ce qui lui restait de mana et appliqua ses sorts de soins sur le corps de l'elfe de la nuit tout en murmurant des psaumes implorant la miséricorde pour sa patiente.

Lentement, tandis que ses sorts consommaient toute sa mana et un peu de son énergie vitale, il sentit le corps de l'elfe de la nuit se rétablir, ses os se réparer et ses plaies se refermer, y compris celles de l'intérieur. Cela allait probablement vider l'elfe de sang de ses forces, mais c'était pour la bonne cause, se disait-il en so for intérieur.

— Hé ! Ménage tes forces, p'tit gars ! dit soudain Béliah sorti de nulle part et entre deux souffles. Tu pourrais en avoir besoin pour plus tard. Et ce géant m'a déjà coûté ma propre mana.

L'intervention du tauren avait interrompu le jeune elfe de sang dans son rituel. Il se sentit à bout de force et constata qu'il en était de même pour le vieux tauren.

— Alors vous l'avez eu ? demanda Bathris. Le géant ?

— Ce n'était pas une mince affaire, lui répondit Béliah. Apparement, les éléments dans cette dimension sont moins dociles que sur Azeroth. J'ai dû lutté avec mon propre élémentaire... Ah tiens, ta copine reviens à elle !

— Ce n'est pas ma copine ! se défendit l'elfe de sang. Je ne sais même pas qui c'est...

Pourtant le vieux tauren disait vrai. Reprenant lentement ses esprits, la jeune elfe de la nuit se redressa sur ses coudes, se massa la nuque et demanda hébétée :

— Qu'est-ce qui s'est passé ?... Où suis-je ?

— Tout va bien, jeune elfe ! la rassura le vieux tauren. Vous êtes en sécurité, en Outreterre.

— L'Ou... L'Outreterre ? répéta l'elfe de la nuit avant de revenir pleinement à elle quand son visage se figea de terreur. Par Elune ! L'Outreterre ! La Légion ! An'da ! Mes amis... Qui êtes vous ???

Bathris fut surpris de constater la vitesse à laquelle la jeune elfe de la nuit était passé de l'hébétement et à l'affolement puis à la terreur en réalisant qu'elle était en présence d'un tauren et d'un elfe de sang, supposés être ses ennemis. Recroquevillée sur elle-même, les yeux écarquillées (et tellement brillant qu'il pouvait à peine discerner ses pupilles), elle avait l'air d'une gamine terrifiée en présence d'une grosse bête prête à la dévorer.

— Tout va bien, gente dame ! tenta de la rassurer l'elfe de sang. Vous n'avez rien à craindre de nous. Nous ne vous voulons aucun mal. Enfin, j'espère...

— Loin de là, même ! confirma Béliah. Mon jeune ami ici présent vient de vous sauver la vie.

L'elfe de la nuit fixa Bathris d'un regard incrédule et interdite, comme si elle ne parvenait pas à croire ce que le tauren venait de dire. Ne sachant quoi répondre, le jeune elfe de sang se contenta d'un hochement de tête gêné.

— Ah mais où sont mes bonnes manières ! s'exclama soudain le tauren. Je me nomme Béliah et voici Bathris, mon escorte. Et vous, comment vous appelez vous, ma jolie ?

La jeune elfe de la nuit demeura interdit devant le vieux tauren. Elle se daigna finalement à ouvrir la bouche quand surgit un tigre au pelage sombre et aux rayures argentées qui vint s'interposer entre l'elfe de la nuit et les deux compères de la Horde, leur montrant les crocs d'un air menaçant et leur faisant signe de rester à distance de sa protégée.

— Jakua ! s'exclama l'elfe de la nuit prise d'euphorie en enlaçant l'encolure de l'animal. Louée soit Elune, tu es vivant !

Cet instant de bonheur entre l'elfe de la nuit et l'animal fut de courte durée quand débarqua à son tour un ours au pelage violacé, les oreilles longue et pointus ainsi que des yeux qui brillaient d'une couleur ambre, suivi d'un nain armé d'une hache et portant une jambe artificielle.

— Éloignez vous de ma fille ! s'écria l'ours doté de parole à la surprise de Bathris.

— Sale vermine d'elfe de sang ! ajouta le nain en marmonnant et pointant son arme sur l'intéressé.

Ils furent bientôt rejoint par un gnome en tenue de mage, une humaine aux cheveux auburn également en tenue de mage ainsi que d'une espèce d'être tout bleu au visage garni de protubérances et d'appendice qui tenait sur son épaule un humain en armure visiblement mal au point. Tous considérèrent les deux compères de la Horde avec une certaine hostilité dans le regard.

Le jeune elfe de sang se sentit comme encerclé et en infériorité numérique. Il n'osait sortir son épée pour se défendre, de peur qu'ils prirent pour une invitation à un combat dont il ne pourra en sortir vivant.

— An'da, tout va bien ! tenta de calmer la jeune elfe de la nuit. Ils m'ont juste...

— Toi, tu parleras quand on sera au Bastion de l'Honneur, l'interrompit sèchement l'ours avant de se tourner à nouveau vers les deux compères de la Horde. Quant à vous, si j'apprends que vous lui avez fait des choses...

— Et bien, vous avez raison d'être en colère, l'interrompit à son tour le vieux tauren d'un ton qui se voulait conciliant. J'avais pourtant prévenu à mon jeune ami que c'était une mauvaise idée. (il se tourna vers l'elfe de sang en feignant la réprimande) Franchement, Bathris, qu'est-ce qui t'as pris ? Qu'est-ce qui t'as pris pour risquer ta peau pour une elfe de la nuit que tu ne connais même pas ? Et qu'est-ce qui t'as pris de la sauver d'une mort certaine et de la soigner de ses blessures ? Tu es au courant au moins qu'elle est du côté de l'ennemi ? Franchement, ton attitude me dépasse !

Le jeune elfe de sang ne savait trop quoi répondre à la fausse réprimande du tauren mais constata que même les individus de l'Alliance semblaient tout aussi hébétés devant cette scène. En particulier l'ours qui fixait Béliah d'un air à la fois dubitatif et songeur.

— Dites, je ne vous aurais pas déjà vu quelque part ? demanda-t-il.

Le vieux tauren n'eut pas le temps de lui répondre quand retentit une autre voix :

— ÉLOIGNEZ VOUS DE MON GRAND-PÈRE !!!

Grand-père ?

Cette fois-ci, ce fut un groupe constitué de guerriers de la Horde qui vint se joindre à l'assemblée, faisant face à leurs homologue de l'Alliance.

Parmi eux, celui qui venait de prendre la parole, un autre tauren, nettement plus jeune que Béliah et au pelage châtain, accompagné d'un orc également armé d'une immense hache, ainsi que de deux trolls, l'un vêtu en sorcier-docteur, l'autre juché sur un raptor à l'écaille rouge sang et armé d'une lance.

— Walkyro ? s'écria Béliah en reconnaissant le jeune tauren, trahissant dans sa voix une stupeur que l'elfe de sang n'avez jamais entendu jusqu'à présent. Mais au nom de la Terre Mère, que fait-tu donc dans cette endroit sordide ?

— Et ben, je pourrais te poser la même question, répondit le jeune tauren légèrement embarrassé.

— Trêve de bavardage ! le coupa l'orc. Vous, les chiens de l'Alliance ! Vous vous en prenez à l'un des nôtres, c'est à toute la Horde que vous allez répondre !

— Serait-ce une menace, vermine de la Horde ? questionna le nain sur un ton de défi.

— Hé, c'est qu'ils nous défie, le nabot unijambiste ! nargua le sorcier troll.

— ÇA SUFFIT !

Les belligérants étaient sur le point de lancer les hostilités quand cette voix retentit et réclamant le silence. Une voix âpre et rauque, comme celle d'un vieillard en phase terminale qui avait trouvé la force de s'égosiller. Et là où on lisait la frustration sur le visage des combattants de la Horde, la stupeur et l'horreur se lisait plutôt chez ceux de l'Alliance à l'approche de l'individu.

C'était un mort-vivant Réprouvé, en tenue de sorcier, encapuchonné, une leur rouges émanant de ses yeux. Avançant vers l'assemblée d'un pas chancelant, il se tenait avec un bâton aux motifs démoniaque et se voyait emboiter le pas par un diablotin sautillant.

Bathris fut saisi d'un sentiment dégoût à l'approche du Réprouvé et du diablotin qui incarnaient à eux deux tout ce qu'il haïssait et contre quoi il avait juré de lutter.

— Camarades de la Horde et de l'Alliance, croyez vous que c'est le bon moment de se quereller ? sermonna le Réprouvé qui se présenta en prêcheur.

— C'est vrai ça, on dirait des enfants de bas-âge ! moqua le diablotin de sa voix crispante.

— Nous sommes en territoire ennemi et notre guerre contre la Légion ne fait que commencer ! reprit le Réprouvé. Kazzak n'était qu'un pion d'un immense échiquier. Pire encore, nous sommes coincé dans ce monde brisé en attendant que l'Escalier du Destin soit réparé et sécurisé. Si nous voulons avoir une chance de gagner cette croisade contre les démons, ou simplement de survivre à ce monde hostile, nous avons tout intérêt à mettre de côté nos différends et unir nos forces.

— Autrement, vous ne ferez pas de vieux os ! railla le diablotin.

— Et connaissant les démons, cela ne leur fait que trop plaisir que de nous voir nous chamailler pour un oui ou un non, en plus de leur faciliter la tâche, reprit de nouveau le mort-vivant. Prenons plutôt exemple sur cet elfe de sang qui, si j'ai bien compris, aurait risqué sa vie pour une elfe de la nuit, une ennemie de son peuple.

Aussitôt, tous les regards se tournèrent sur Bathris (ainsi que sur celle qu'il venait de sauver). La plupart étaient désapprobateur et accusateur, comme si on venait de le dénoncer pour un crime. D'autres étaient plutôt sceptique, comme si ce qu'il avait fait dépassé leur entendement. Mais une chose était certaine, l'elfe de sang se sentit mal à l'aise face à tous ses regards fort peu encourageant à son égard.

— Faisons une trêve, proposa le Réprouvé. Et montrons donc à ces démons combien nous sommes forts en unissons nos forces. Quand les ennemis d'hier deviennent les alliés d'aujourd'hui.

Une vague de protestation s'éleva dans l'assemblé, autant du côté de la Horde que l'Alliance.

— Nous allier à ces lâches de l'Alliance ? s'interposa l'orc. Plutôt crever !

— Pareil ! Plutôt crever que de m'allier des brutes sanguinaires ou à des traîtres ! protesta à son tour le nain.

— Après ce qu'ils nous fait sur les îles Sombrelances ? clamèrent les deux trolls. Et pendant la fondation de Durotar ?

— Et après ce qu'ils ont infliger à Orneval et à Cénarius ? contesta l'ours. T'espères sincèrement que nous fassions la paix ?

— Personne n'a parler de faire la paix ! se défendit le Réprouvé. Juste une trêve. Temporaire. Le temps de nous débarasser d'un ennemi commun. En l'occurence la Légion Ardente.

— Et quand ce sera fini, vous serez libre de vous entretuer, ajouta le diablotin.

Toute l'assemblée demeura silencieuse et sceptique devant la proposition quand l'humaine au cheveux auburn prit finalement la parole avec une voix gênée :

— Cela ne m'enchante guère mais je crois que mon p... Il a raison. Ce serait plus sage que nous mettons nos différends de côté le temps de contrer la Légion.

— Je suis également de son avis, ajouta Béliah. D'autant que la bataille du Mont Hyjal a bien démontré que nous étions plus efficace face à un tel ennemi en unissant nos forces qu'en nous querellant.

Un nouveau brouhaha s'éleva dans l'assemblée, débattant autour de l'idée proposé par le Réprouvé et finalement, tous acceptèrent à contrecœur l'idée d'une trêve et d'une collaboration à condition que ce soit temporaire.

— À la bonne heure ! s'exclama le Réprouvé d'un air satisfait qui n'échappa pas à l'attention de Bathris. Puisque nous sommes tous d'accord, je propose que nous retournions dans nos bastions respectifs et que nous pansions nos plaies en attendant la suite du programme. Cette croisade en Outreterre promet d'être longue.

Après un court moment d'hésitation, la troupe de l'Alliance accepta de prendre congé sans pour autant quitter leur homologue de la Horde des yeux. Bathris se surprit à échanger un regard avec la jeune elfe de la nuit qui s'en allait avec ses frères d'armes avant d'être confronté au nain qui lui fit un signe signifiant "je t'ai à l'œil".

La troupe de la Horde prit également congé et avant que l'elfe de sang ne s'en rendît compte, son ami tauren avait déjà rejoint son petit fils en pleine retrouvaille, un moment intime auquel l'elfe de sang assista à distance, jugeant bon de ne pas s'immiscer.

Ce fut alors que l'orc le prit à part d'un air agressif.

— Alors comme ça t'as sauvé une elfe de la nuit, lui dit-il.

Bathris eut seulement le temps de confirmer d'un signe de tête quand l'orc le saisit par le col et le tira jusqu'à sa tronche. Ce dernier fixa l'elfe de ses yeux rouges sang et leur visage étaient si près l'un de l'autre que l'elfe pouvait aisément sentir l'haleine du colosse à la peau verte. Et rien qu'à l'odeur, cela empestait le porc et le grog.

— Il y a deux choses que je déteste entre autres, reprit l'orc menaçant. À commencer pour tout ce qui vient de l'Alliance et en particulier les elfes. La simple idée d'inclure au sein de la Horde une race aussi prétentieuse et arrogante que la vôtre me file la gerbe. Et sans parler de votre obsession maladive pour les arbres et vos forêts.

L'elfe de sang aurait bien voulu lui répondre qu'il n'était pas plus enchanté que l'orc d'appartenir à la Horde ou même lui demander s'il avait quelque chose contre les arbres pour considérer le fait de défendre ses terres ou empêcher la déforestation comme quelque chose d'obsessionnel mais il craignit que ce n'était pas le moment de faire de l'esprit.

— La seconde, ceux sont les traîtres et les lâches, reprit l'orc. Aussi inconcevable soit-il, t'es de la Horde à présent. Et trêve ou pas, si on appartient à la Horde, ce n'est pas pour venir en aide ou sympathiser avec l'Alliance. Si ça ne tenait qu'à moi, je devrais te faire flageller et crucifier pour trahison.

— Alors qu'est-ce qui te retiens ? risqua de demander Bathris.

— L'autre macchabée vient à l'instant de dire que nous devrions unir nos forces contre la Légion, répondit amèrement l'orc en lançant un regard avec le Réprouvé. Je n'aime pas son idée, je ne sais ce qu'il a en tête et depuis le temps qu'il nous mène en bateau, j'aime de moins en moins ça. Mais si c'est la seule option pour gagner contre les démons, alors...

Il lâcha finalement son étreinte sur l'elfe avant de lui coller un bourre-pif tellement puissant qu'il fit non seulement tomber l'elfe à la renverser mais en plus, celui-ci ne sentit plus du tout son nez, seulement le sang chaud qui coulait sur sa lèvre supérieur.

— Considère ça comme un avertissement, le dit l'orc méprisant. La prochaine fois que tu manqueras à tes allégeances, je te refais entièrement le portrait. Et peut-être même plus.

Puis il s'en alla ricanant, laissant le jeune elfe allongé sur le sol rocailleux de l'Outreterre, tenant fermement l'arrête de son nez dans les mains en tentant de le remettre en place.