Un nouveau monde
Le groupe n'eut pas le temps de s'ennuyer dès lors qu'ils furent arrivé à Sombre-Comté.
La première mission que leur confirent les Veilleurs (ainsi était nommée la milice locale) fut de débarrasser un cimetière situé au sud-est de la bourgade des morts-vivants qui l'infestait. Bien que leurs ennemis furent nombreux et armés, ils ne posèrent pas davantage de problème aux aventuriers, encore au paladin et au nain qui y allèrent avec beaucoup d'ardeur. En réalité, il s'agissait de simple squelettes et pas des plus robustes ni des plus agiles.
— C'est ça, l'avantage des morts-vivants, commentait Batël. Ils n'ont tellement rien dans le crâne et sont dans un tel état qu'il est plutôt aisé de les démolir à un contre un.
— Ça ne les a pas empêché de mettre à sac pas moins de deux royaumes, avait objecté Baelbo qui restait en retrait avec Gahahli pour couvrir les arrières de leurs compagnons.
— Ah ça, c'est parce qu'ils étaient plus nombreux, avait répondu le nain. Et mieux organisés. Avec des nécromanciens pour les relever, des liches pour les commander et même des engins de sièges qu'ils utilisaient aussi pour ramasser les cadavres. Et surtout, ils ne comptaient pas que des squelettes désarticulés et des goules sans cervelles, ceux-là c'étaient ceux que le Fléau envoyait en première ligne.
— Je préférerai qu'on se concentre sur ceux qu'on doit débarrasser plutôt que de parler de... des autres, était intervenu l'elfe qui frémissait déjà devant les squelettes qui leur fallait affronter.
— 'Va pourtant falloir t'y faire, gamine, avait répondu le nain. Car ce n'est clairement qu'un avant goût de ce qui nous attendra par la suite.
La mission se déroula finalement sans accroc, hormis l'intervention surprise d'une goule qui était sorti de la chapelle délabrée qui dominait le cimetière. Cela avait suffit à prouver la valeur des aventuriers aux yeux des Veilleurs et de la commandante Althea Ebonlocke.
Ensuite, ils furent appelé à résoudre le problème worgen et ce fut Gahahli qui fut la plus quémandée, principalement pour ces connaissances sur les bêtes. Mais au grand dam des Veilleurs qui espérait obtenir des informations de l'elfe sur les hommes-loups, cette dernière n'en connaissait que les légendes. Si bien que ce fut finalement elle qui leur posa le plus de questions avant d'en venir aux mains.
De ce qu'elle retint, les worgens avaient commencé leur apparition plus au nord, dans l'ancien royaume de Lordaeron peu de temps avant de tomber entre les mains du Fléau mort-vivant. Mais ce fut que depuis quelques mois que des worgens ont fait leur apparition dans le Bois de la Pénombre et avaient infesté la région à une vitesse folle, quand bien même des kilomètres séparent la région de là où ils avaient était vu pour la première fois. Et aussi mystérieux que cela puisse paraître, leur apparitions dans ces bois coïncideraient avec l'expansion soudaine des morts-vivants dans la région.
Elle retint aussi à quel point les worgens étaient agressifs, même comparé à des loups auxquels les résidents du Bois de la Pénombre avaient pourtant l'habitude de gérer, et malgré tout intelligents pour des êtres aux allures de bêtes, si bien que les Veilleurs les soupçonnaient de planifier leurs attaques et de former un culte entre eux.
Elle apprit également que quiconque se faisait mordre par un des worgens en devenait un à son tour aux bouts de quelques heures, ne laissant guère de doutes à la jeune elfe sur le lien entre les worgens qui infestaient ces bois et les hommes-loups des légendes qu'on lui avait raconté. À ceci près que les worgens du Bois de la Pénombre devaient désormais compter des humains dont de simples paysans de la région fraîchement changés en homme-loups contre leur gré, en plus d'elfes druides prisonniers de leur forme lupine durant des millénaires.
Ce fut d'ailleurs pour sa sécurité qu'on obligea préalablement la jeune elfe de porter la tenue des Veilleurs, à savoir une tenue en cuir renforcé par une cotte de maille. Cela ne plaisait qu'à moitié à Gahahli qui trouvait ces vêtement trop lourd encombrant et faisait du bruit avec les mailles, mais elle allait devoir s'en contenter si elle voulait éviter d'être changée en worgen à son tour et pour toujours. Face à un ennemi dont elle ne savait rien, il valait mieux prendre toutes les précautions possibles, aussi déplaisantes puissent-elles être.
Rien de ce qu'elle apprit ne rassura Gahahli. Malgré tout elle accepta de se porter volontaire pour partir en reconnaissance et essayer de les approcher, ce qui plaisait moyennement à ses compagnons et notamment Baelbo qui se plaignit qu'on quand l'envoyât au casse-pipe ou qu'on se servît d'elle comme appât. Ce à quoi la commandante répondit qu'il n'en était rien, que ces hommes allait couvrir les arrières de la jeune elfe.
— Si jamais les choses empirent, envoyez nous le "signal", lui indiqua la commandante. On se chargera du reste.
Gahahli s'en alla donc seule — ayant cette fois ordonné à son Sabre-de-Nuit de rester en retrait à Sombre-Comté pour sa sécurité — la peur au ventre affronter un ennemi qui lui est encore inconnu. Elle se dirigea donc vers une mine située au sud de la région qui servirait de refuge ou de base pour les worgens à en croire les Veilleurs. avançant prudemment à travers le sous bois, à l'affut du moindre bruit suspect.
Même en sachant que des Veilleurs la suivaient à une dizaine de mètres pour assurer ses arrières, elle ne s'était rarement sentie aussi seule. Et elle savait d'expérience que chaque fois qu'elle s'était retrouvé dans une telle situation, ça se terminait rarement bien.
Elle fit de son mieux pour cacher son angoisse ou toute émotion qui pourrait être perçu et pris pour un signe de faiblesse par un loup ordinaire, estimant que cela marchait aussi avec les worgens. Mais une partie d'elle ne pouvait s'empêcher de crier dans sa tête "Qu'est ce que je suis en train de faire ?".
Elle eut un moment bref de frayeur quand elle entendit un buisson remué juste à côté d'elle, pour voir en sortir un furet.
Elle remarqua toutefois des traces suspectes à l'endroit où se tenait à l'instant le furet. Elles étaient encore fraîches, l'elfe reconnut une paire d'empreintes semblables à celles d'un loup géant et elles se dirigeaient vers le buisson d'où venait de sortir le furet. Et en jetant un œil par dessus le buisson, elle aperçut l'entrée de la mine. Probablement celle qu'elle devait chercher. Elle s'en approcha prudemment.
Pourtant, il n'y avait pas âme qui vivait, pas même l'ombre d'un loup ou d'un homme-loup. Juste, d'autres traces de loups qui allaient par paire, ainsi que d'autres traces de longues mains griffus qui jonchaient le sol. Des traces également fraîches. La jeune elfe devait donc être au bon endroit, mais où étaient les worgens ?
"Fais demi-tour !"
Cette voix fit sursauter Gahahli tant elle semblait sortir de nulle part. C'était une voix féminine. Elle lui paraissait proche et lointaine en même temps. Comme un murmure qui lui était soufflé à l'oreille depuis une très longue distance. L'elfe avait beau regarder dans toutes les directions, elle ne put en déceler la provenance.
"Ne restes pas là ! reprit la voix se faisant plus distincte et plus insistante. Ils sont tout proche ! Fais demi-tour avant qu'ils ne..."
La voix s'était tut, laissant la jeune elfe perplexe quand elle vit une paire d'yeux rougeoyant la fixer depuis un buisson qui lui fit étouffer un cri. Elle eut le réflexe de s'adosser à un arbre adjacent à l'entrée de la mine. Il fallait surtout pas qu'elle ait une de ses bêtes derrière elle. Elle garda néanmoins un œil sur la créature tapie dans l'ombre tout en évitant de trop la regarder dans les yeux.
La créature sortit de sa cachette et tout en se tenant à quatre pattes, s'approcha lentement de l'elfe qui put l'admirer dans toute sa splendeur. Il avait tout d'un loup géant. Il en avait la gueule, le pelage grisâtre et les griffes, il avait pourtant le torse large et les bras d'un homme. Il était également vêtu d'un pagne, ainsi que ce qui restait de bottes et de gants. Il reniflait nerveusement l'air et fixait l'elfe d'un regard plein de haine qu'elle n'avait jamais vu depuis la fois où des orcs corrompu avaient mis le feu à son village.
Au fur et à mesure que l'homme-loup approchait, Gahahli eut de plus en plus de mal à garder son calme. Elle luttait contre l'envie de sortir son arc et une flèche, de dégainer son couteau de chasse ou même d'agiter un bâton devant le worgen de peur que cela le fasse réagir. Après tout, on lui avait averti qu'ils étaient plus futés que les loups ordinaires. Elle tenta la diplomatie. Peut-être restait-il une part d'humain ou d'elfe de la nuit à l'intérieur de cet être moitié animal. Une part qui pouvait être raisonnée.
— Bonsoir, dit-elle d'une voix mal assurée. Ishnu-alah !
Le worgen lui répondit en montrant les crocs avec un grognement sourd.
— Je... je t'assure que je n'ai aucune intention belliqueuse, reprit l'elfe qui sentait sa peur prendre le dessus. Ni à toi, ni à tes semblables. Je viens en paix.
Le worgen resta impassible et continuait de scruter l'elfe d'un regard méfiant et haineux.
— Est-ce qu'au moins tu comprends ce que je dis ? lui demanda Gahahli.
— T'es pas d'ici et ça se sent, répondit le worgen d'une voix qui sonnait à s'y méprendre comme le grognement d'un loup.
L'elfe eut à peine le temps de réaliser que la créature était doué de parole que celle-ci se jeta sur elle et la piégea de ses mains griffus plaqués sur le tronc d'e l'arbre, de chaque côté de sa proie. Sa gueule n'étaient plus qu'à un centimètre du visage de l'elfe et rien qu'à l'odeur, elle empestait le rat crevé.
— Je suis né et j'ai grandi dans ces bois, avant qu'elles ne se fassent appeler le Bois de la Pénombre, lui cracha le worgen. Je connais tout de cette forêt, et toi, t'es clairement pas du coin. Alors dis moi ce que tu es !
— Calme tes ardeurs, louveteau ! intervint une autre voix sonnant également comme le grondement d'un loup mais qui parût plus posé.
Gahahli vit alors un autre worgen au pelage plus sombre, presque noir, et aux yeux couleurs ambres, se tenir au dessus de l'entrée de la mine duquel il descendit d'un bond.
— Tu vois bien que ce n'est qu'une elfe de la nuit égarée, dit-il d'un air moqueur.
— Comme celle qui vous a invoqué, toi et tes "confrères" ? demanda le premier worgen.
— Celle-là même qui gît dans la mine, répondit le second toujours d'un ton railleur.
Gahahli eut à peine le temps de réaliser qu'une autre elfe de la nuit avait foulé le sol de cette région et n'eut guère le temps de demander à ses agresseurs ce qui lui était advenu qu'elle entendit de nouveau murmurer la voix désincarnée.
"C'est ma faute... Tout est de ma faute... J'ai failli à mon devoir et à mon peuple... Notre peuple..."
La jeune elfe y sentait le remord et la tristesse dans cette voix. Et curieusement, les worgens ne semblaient guère y prêter attention. Comme si...
"Je pensais avoir trouver la solution contre nos ennemis... je n'ai fait que libérer un mal..."
— Mais de quoi parlez vous ? demanda la jeune elfe.
— C'EST NOUS QUI POSONS LES QUESTIONS, ICI, MA JOLIE ! s'emporta le worgen au pelage sombre en plaçant une griffe aussi longue qu'un doigt humain sous la gorge de l'elfe. Et t'as intérêt à te montrer coopérative si tu ne veux peux connaître le sort de ta congénère.
— KARAZHAN ! s'écria Gahahli ayant cédé à la panique.
Les worgens la dévisagèrent d'un air perplexe.
— Je voulais me rendre à la tour de Karazhan et me suit perdu en chemin, mentit l'elfe tout en priant "qu'on" avait entendu son cri.
— Ne joue pas à la plus maline avec nous, intervint un troisième worgen au pelage plus clair qui fit soudain son apparition. Celle qui t'as précédée a fait la même erreur.
— Elle se moque de nous, c'est moi qui vous le dit, dit le premier d'un ton hargneux. Débarrassons-nous d'elle au plus vite !
— Tout doux, louveteau ! répéta le worgen au pelage sombre qui semblait être le chef avant de se retourner vers sa proie. T'es venu pour la Faux, n'est-ce pas ?
— La... La faux ? répéta Gahahli perplexe.
— NE FAIS PAS L'INNOCENTE ! s'emporta à nouveau le chef en enfonçant un peu plus sa griffe dans la chair de la victime.
— Pourquoi avoir fait tout ce chemin depuis Kalimdor si ce n'est pour mettre la patte sur la Faux d'Elune ? questionna le troisième.
"La Faux de notre déesse..." lui expliqua la voix désincarnée dans un murmure. "C'est avec cette relique que j'ai ramené les worgens dans notre monde... Et c'est ici que je l'ai égaré..."
— Et tu peux te mettre la griffe dans l'œil jusqu'au coude si toi ou tes semblables comptent s'en servir pour nous contrôler et nous utiliser comme des armes, intervint un quatrième qui fit aussi son apparition.
Gahahli se rendit compte en balayant la scène du regard qu'elle était à présent encerclée par toute une meute de worgens qui venaient de tous les côtés, là où il n'y avait pas âme qui vivait deux minutes plus tôt. Elle ne savait plus quoi faire. Ni quoi dire à ces agresseurs. Elle avait besoin d'aide plus que jamais.
"Essaie de gagner du temps," lui conseilla la voix. "Tes amis sont en route."
— J-je... Je l'avoue ! s'écria la jeune elfe qui fut gonflée d'espoir mais toujours en proie à la panique. J'espérais retrouver la Faux, mais je ne comptais pas m'en servir contre vous. Non, je voulais... Je voulais m'en servir pour... Pour vous aider. À vous libérer de votre malédiction.
— Notre "malédiction" ? répéta le chef d'un air moqueur. Mais quelle "malédiction" ?
Toute l'assemblée de worgens se lança dans un déluge de ricanement — ressemblant davantage aux gargarismes d'un loup apprenant le rire — qui laissa la jeune elfe décontenancée.
— Ce que tu appelles "malédiction" est au contraire une bénédiction, expliqua le troisième worgen.
— Un don de notre père, le Grand Loup, ajouta le quatrième.
— Et de notre mère, la Déesse-Lune, intervint un cinquième.
— Nous ayant ramené à la pureté de notre essence, ajouta un son tour un sixième.
— Nous... sommes... les PURS, clamèrent les worgens à l'unisson.
Ils étaient fous ! songea Gahahli sur le moment. La malédiction les avaient rendu fous !
— Tu n'as pas l'air convaincu, fit remarquer le chef avec un regard de prédateur. Peut-être comprendras-tu mieux une fois que tu auras goûter... à notre bénédiction.
— Attends ! intervint le premier. Tu parles sérieusement ? Tu veux faire de cette écervelée l'une des nôtres ?
— Et pourquoi pas ? se défendit le chef. Elle pourrait avoir sa place parmi nous. Je sens en elle quelque chose de... "sauvage".
Une flèche siffla et vint se planter dans l'encolure du chef qui s'écroula dans un hurlement à vous glacer le sang. Puis une volée de flèches vient s'abattre sur l'assemblée de worgens sans leur laisser le temps de réagir, en faisant tomber certains, blessant juste les autres.
Gahahli reconnut aussitôt les Veilleurs venus à son secours, ainsi que Batël et Bartélo qui menèrent la charge contre les hommes-loups encore debout.
La jeune elfe voulut profiter de la confusion pour s'éclipser, n'aimant pas trop l'idée d'être si prêt d'une aussi sanglante bataille, mais fut vite rattraper par le premier worgen qui ne l'avait pas lâché d'une semelle. Il parût plus hargneux que jamais.
— TU LEUR A SERVI DE LEURRE, SALE CHIENNE ! s'écria-t-il en lui lacérant le bras d'un coup de griffe.
Le coup fut si violent qu'elle fit non seulement tomber l'elfe à la renverse mais avait aussi forcé la protection en maille de la tunique. Elle eut alors le bras sérieusement ensanglanté et pour ne rien arrangé, ce fut celui qui bandait l'arc.
Le worgen se jeta à nouveau sur elle, prêt à la mordre. Gahahli eut le réflexe de se protéger avec son bras valide, les mâchoires de son ennemi se refermant sur l'avant bras protégé d'un gant en cuir renforcé. Malgré la protection que lui conférait le gant, ainsi que le manche de sa tunique en maille, elle sentit la pression des mâchoires de la bête lui comprimait l'avant-bras et elle ne fut pas aidé par le worgen qui faisait des mouvement de têtes nerveux en essayant de le lui arracher.
L'elfe parvint non sans peine ni difficulté à se saisir de son couteau de chasse de son bras libre mais lacéré. Elle visa l'encolure de son ennemi mais manqua son coup et lui toucha l'épaule. Cela lui suffit néanmoins à lui faire lâcher sa prise.
Gahahli resta cependant à terre, paralysée avec ces deux bras endoloris. Le worgen retira le couteau et s'apprêta à l'abattre sur sa proie quand une soudaine déflagration le fit projeter contre la paroi rocheuse qui bordait l'entrée de la mine avant de s'écouler comme une poupée de chiffon sans vie, le corps toujours fumant.
L'elfe vit alors Baelbo se tenir haletant et vacillant au milieu des cadavres de worgens, les poings encore fumant. Cela ne pouvait être que lui, l'origine de la déflagration ! Après tout, il avait fait pareil avec les orcs dans les marais, le soir de son arrivée sur le continent.
Elle vit cependant un worgen se relever derrière le gnome essoufflé et s'apprêtant à ui asséner un coup de griffe susceptible de déchirer le crops frêle de Baelbo en deux.
Gahahli eut à peine le temps de lui crier "Derrière toi !" que l'assaillant émit un couinement strident avant de s'écrouler lourdement au sol, laissant apparaître la commandante, l'épée ensanglanté au poing.
— Allons nettoyer la mine, dès fois qu'il en reste encore ! ordonna le nain quand il mena un détachement de Veilleurs vers la dite mine.
— Restez prudents, surtout ! leur prévint la commandant qui s'approcha de l'elfe et s'agenouilla auprès d'elle. Tout va bien ? Aucune morsure ?
Gahahli se dépêcha de retirer le gant sévèrement lacéré par les crocs de son agresseurs et se retroussa le manche. Par chance, elle n'eut aucune plaie ouverte sur son avant-bras, seulement des hématomes.
— Et l'autre bras ? questionna la commandante.
— Un coup de griffe ! répondit l'elfe qui ne put cacher son angoisse à l'idée d'être changée en worgène.
— Vous en êtes sûr ? re-questionna la commandante.
— Affirmatif ! répondit nerveusement Gahahli. Je ne vais pas m'en sortir ?
— Tant que ce n'est qu'une griffure, je pense que si, répondit sobrement la commandante.
— Vous pensez ? tempêta Baelbo. Elle a été blessée par un de ces monstres !
— Calmez vous, maître gnome ! lui répondit la commandante. Sachez qu'il est rare que mes hommes et moi sortions d'une confrontation avec les worgens sans une égratinure (elle se massa l'épaule) et croyez moi, c'est le mieux qu'on puisse supporter. Tout ce qu'il faut à votre ami c'est un peu de soin.
— Parlons de soin ! s'énerva le gnome. Où est ce crétin de paladin ? BARTÉLO ! On a une blessée sur les bras !
— Et qu'est ce que tu veux que j'y fasse ? répondit Bartélo occupé à inspecter les cadavres des ennemis pour s'assure qu'ils étaient bien mort. Je ne suis pas médecin.
— T'es un PALADIN ! lui rappela le gnome plus irrité que jamais. Tu as des sorts de soins dans ton missel !
— C'est bon, c'est bon, j'arrive ! rouspéta le jeune paladin.
Toujours aussi long sur la détente ! songea l'elfe. Elle ne s'en plaignit qu'à moitié, cependant. Elle ne saurait dire si c'était la présence de l'humain à ses côtés ou du soin qu'il appliquait à son bras ensanglanté, mais elle ressenti une sorte de bien-être qui lui fit presque oublier les récents instants d'émotions fortes.
— Je savais que c'était une mauvaise idée, mais personne ne veut m'écouter ! se plaignit le gnome.
— Si je puis me permettre, dame elfe, pour un premier contact avec les worgens, vous vous êtes débrouillée comme une cheffe, complimenta la commandante.
Gahahli poussa un soupir de soulagement. Ce n'était pas souvent qu'on lui faisait un tel compliment.
En levant les yeux vers la cime de l'arbre contre lequel elle s'était adossée, elle aperçut un sphère bleu lumineuse flotter à travers les branchages et comprit dès lors de l'origine de la voix désincarnée. Il s'agissait dun feu follet, l'esprit d'un elfe de la nuit décédé. Elle ne s'attendait pas à en trouver dans un lieu aussi éloigné que sa terre ancestrale.
— On a sécurisé la mine ! annonça Batël triomphant. Mais on a trouvé quelque chose qui devrait vous intéresser.
Sur ces mots, un des Veilleurs sorti de la mine avec une faux entre les mains, que Gahahli reconnût être de confection elfique.
— On l'a retrouvé à côté de la dépouille d'une elfe de la nuit, déclara le Veilleur. Mais je ne saurais dire comment elles sont arrivées là...
— Faîtes attention avec ça ! s'empressa d'avertir la jeune elfe. C'est ce qui a amené les worgens dans notre monde !
Tout le monde la fixa d'un air décontenancé.
— Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? lui demanda la commandante.
Gahahli leva les yeux vers le feu follet qui se cachait dans la cime de l'arbre, espérant qu'elle allait leur expliquer à sa place et sûrement mieux qu'elle.
"C'est inutile, " lui expliqua tristement le feu follet. "Ils ne peuvent m'entendre."
— Je... je le sais parce que... les worgens me l'ont avoué... quand ils me tenaient à leur merci, expliqua donc Gahahli en balbutiant. Et ce serait ce qui a conduit l'elfe avant moi à sa perte.
— Hum... Et on dit que les elfes sont une race avisée, commenta un des Veilleurs en fixant la jeune elfe du regard d'un air narquois.
— Parce que vous, les humains, vous êtes lap sagesse incarnée, peut-être ? lui rétorqua Baelbo toujours sur les nerfs. Aucun d'entre vous n'a jamais n'a mis votre monde en péril en jouant avec des forces obscures...
— Ça va aller, Baelbo ! l'interrompit Gahahli qui ne tenait en aucun cas à ce que la mauvaise humeur de son ami gnome ne provoquât une altercation, pas après la sanglante confrontation avec les worgens.
— Bon, quel est la suite du programme ? demanda le nain qui semblait également presser de changer de sujet.
— Mes hommes et moi allons mettre la faux en lieu sûr et prendre le relais, répondit impassiblement la commandante. Cela m'étonnerait qu'on ait décimé toute la meute. Vous, je vous recommande d'aller vous reposer à l'auberge.
— Bonne idée ! s'écria le gnome soudain de meilleure humeur. Un peu de repos ne nous fera pas trop de mal. Surtout pour certains...
Il avait lancé un regard inquiet à Gahahli sur ces derniers mots qui lui répondit d'un regard entendu et compréhensible. Il était vrai qu'elle aurait besoin de repos pour se remettre de ses émotions et retrouver l'usage de ses deux bras. D'autant qu'elle aimerait ne plus avoir à se frotter de nouveau à des worgens, estimant qu'elle en a affronté suffisamment pour une vie.
— C'est sûr que vous en aurez besoin, reprit la commandante. Demain, à la première heure, vous partez pour la Colline aux Corbeaux où vous aurez encore du mort-vivant à casser.
Baelbo se lança dans une tirade de jurons ayant pour thématique la pilosité faciale de mages et de gnomes célèbres.
En s'éloignant de la mine avec ses compagnons, Gahahli entendit une dernière fois la voix du feu follet l'interpeller.
"Avant qu'on ne se dise adieu, je voulais que tu saches... J'ai connue de mon vivant une consœur du nom de Méridia Ventenuit et... Tu as le même regard qu'elle."
La jeune elfe fut interloquée à la simple mention du nom de sa défunte mère. Et en même temps attristée.
" C'est ta min'da, n'est ce pas ?... Je suis désolée... Tu lui ressembles plus que tu ne l'imagines. Elune-Adore."