Un nouveau monde

Chapitre 6 : L'écuyer et le vétéran

2732 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/04/2020 15:58

Une fois entrés dans la glorieuse ville de Hurlevent, les trois compagnons (sans compter le Sabre-de-nuit qui restait sur les talons de sa maîtresse) prirent la direction du nord-est, quittant ainsi le très peuplé et fréquenté Quartier Commerçant sur lequel débouchait l'entrée de la cité pour un autre quartier plus rustique nommé la Vieille Ville. D'après l'humain et le gnome qui servaient de guide à l'elfe de la nuit, il s'agissait du quartier pauvre et difficile de la ville, principalement connu pour ses tavernes et ses ruelles mal famés, mais aussi celui où se situait le quartier général des forces armées du royaume de Hurlevent, incluant ses forces les plus secrètes. Et c'était là bas, dans la partie la plus çà l'est de la cité que les trois compagnons pour rapporter l'incident qui avait eu lieu la nuit passée. Tous espérèrent qu'en apprenant que les Défias réglaient leur compte avec de simples paladins de campagne comme Bartélo devraient inciter l'armée de Hurlevent à doubler leur mesures contre ces malfrats. Quand ils arrivèrent à la caserne du Centre de Commande (où le tigre fut contraint d'attendre à l'entrée), ils furent amené dans un bureau où se tenait derrière une table débordant de paperasse un soldat à la mine apathique et un autre plus gradé dans un coin au regard sévère.

Bartélo décrivit alors son incident de la veille tandis que le soldat au bureau nota tout ce qu'il racontait sur un bout de parchemin vierge. Le paladin expliqua donc comment une jeune femme — qu'il décrivit vaguement comment étant brune, de taille moyenne et "plutôt bien roulée" mais dont il ignorait le nom — lui avait fait du rentre-dedans à l'auberge de la Fierté du Lion en le félicitant pour son récent exploit contre une tribu de gnolls qui sévissaient dans la région et lui proposant de le "récompenser" avec un moment intime dans une chambre de l'auberge. Ce qui fit réagir le soldat gradé.

— Vous êtes plutôt facile comme gars, d'accepter les avances d'une parfaite inconnue, fit-il remarquer au jeune paladin sur un ton que la jeune elfe trouva fort déplaisant. Aussi, elle vous a proposé une... "récompense", et elle s'arrange pour faire payer la chambre. Cela ne vous a pas fait posé de questions ?

— Ben, elle affirmait ne pas avoir assez d'argent, se défendit Bartélo. Je n'allais pas faire payer une pauvre. Ce ne serait pas digne d'un paladin.

— Parce que coucher dans la minute avec la première catin venue, ÇA, ça aurait été digne d'Uther le Porteur de Lumière ! railla l'officier. Bref, continuez.

Serrant le poing, Gahahli se retint d'en coller au visage de l'officier. Certes, elle s'était rendu compte que bien qu'étant plutôt agréable à regarder, le jeune paladin n'avait pas l'air très futé. Mais ce n'était pas une raison de le traiter avec autant de condescendance et d'irrespect, songeait-elle. Et s'il y avait une chose qui l'insupportait c'étaient les gens qui se donnaient des airs supérieurs et hautains, furent-ils hauts gradés. Même quand cela venait d'un de ses semblables, elle méprisait ouvertement ce genre d'attitude.

Bartélo reprit alors son récit, décrivant que lui et sa meurtrière à en devenir avait commencé à se dévêtir quand ils furent interrompu dans leur élan par un halo lumineux qui avait signalé l'arrivé par téléportation de l'elfe de la nuit et du gnome, qu'il avait dû sortir pour voir de quoi il s'agissait et était revenu dans la chambre avec les nouveaux arrivants pour ranimer le gnome tombé dans les vapes, et que ce fut après que l'assassine avait révélé son vrai visage et tenté de l'assassiner avant de prendre la fuite quand elle fut surprise par le tigre qui suivait l'elfe comme son ombre.

— Et vous êtes sûr que c'était bien une Défias, questionna l'officier d'un air sceptique. Et pas une de vos anciennes conquêtes à qui vous auriez brisé le cœur.

La jeune elfe serra davantage le poing, si bien que ses ongles acérés lui entrèrent dans la peau.

— Elle portait le foulard et affirmait vouloir venger ses frères, affirma Baelbo.

— Et ensuite, vous dîtes qu'elle a disparu dans la nuit, reprit le soldat au bureau de son timbre monocorde.

— Avec un "petit souvenir" de notre amie l'elfe et de ses talents d'archère, ajouta le gnome en lançant un clin d'œil à Gahahli auquel elle ne prêta pas attention.

— Et hormis le fait qu'elle avait un "corps de rêve", vous n'avez rien noté de particulier chez elle ? interrogea le soldat. Comme une cicatrice, un tatouage, quelque chose qui permettrait de la reconnaître.

— Ben... à part un grain de beauté sur la fesse gauche, je ne vois pas, répondit le paladin. À moins que c'était la droite...

— Elle devrait boiter, avec ce que lui a laissé notre amie elfe, intervint le gnome.

— Bon, je crois que ça va nous suffire, annonça l'officier en se massant l'arrête du nez. Merci, passez une bonne journée.

— Attendez ! C'est tout ? s'insurgea Gahahli. Vous grattez juste un bout de parchemin et vous nous laissez avec un "bonne journée" ?

— Ce que mon amie veut dire, intervint fébrilement Baelbo devant le regard réprobateur de l'officier, ce que l'on vient de vous narrer une tentative de meurtre avec préméditation et qu'on espère de vous que vous allez réagir en conséquence...

— Ecoutez, gnome ! répondit sèchement l'officier. Et vous aussi, la dame aux grandes oreilles ! Des rapports de tentatives de meurtres, des meurtres qui ont abouti ou des menaces de mort provenant des Défias, on en reçoit une dizaine par jour. Avec des descriptions des agresseurs toutes plus vagues les unes que les autres, et jamais un élément pertinent pour procéder rapidement à leur arrestation. Et encore, s'il n'y avait que ces satanés bandits pour pourrir l'existence de nos citoyens... Ce qui fait que nous sommes non seulement débordés mais aussi que nous ne pouvions rien faire de plus. Alors vous allez avoir la gentillesse de sortir de mon bureau sur le champs avant que je ne vous mette au trou.

— Comment osez-vous ? lâcha la jeune elfe sur le point d'exploser de révolte.

Bartélo eut le réflexe de l'empoigner par la taille et de plaquer sa main sur la bouche de l'elfe avant qu'elle n'ait eu le temps de cracher sa colère au visage de l'officier.

— Nous partons ! Nous partons ! dit-il tandis qu'il tira de toutes ces forces vers la porte l'elfe qui continuait de se démener. Et désolé pour le dérangement.


— Mais ma parole, Gahahli, vous vouliez nous faire arrêter ou quoi ? protesta Baelbo en sortant de la caserne.

— Non mais, vous l'avez entendu ce (elle employa un juron elfique équivalant à "malotru") en armure ? s'indigna Gahahli. De braves gens se font dépouiller ou manquent de ce faire trancher la gorge par des voleurs sans foi ni loi et ils ne font rien pour y remédier ! À part traiter les victimes comme du (elle employa un autre terme elfique équivalant à "excrétion") et les envoyer paître ? Et c'est ça, vos officiers ? C'est ça, les défenseurs de l'Alliance ?

— Ce n'est pas une raison pour nous faire un scandale, répondit le gnome.

— Ces soi-disants officiers devraient avoir honte ! insista l'elfe. Pas étonnant que les Défias continuent de semer la terreur dans ce royaume ! Là d'où je viens, les soldats ne restent pas dans leur bureau à se tourner les pouces pendant que l'on martyrise leur peuple ! Ils réagissent aux attaques contre ceux qu'ils ont juré de protéger et de servir, ils se portent à leur secours, ils prennent les choses en mains par Élune !

— Allons, s'il-vous-plaît, calmez-vous ! lui ordonna Bartélo.

— ET VOUS ! tempêta-t-elle en se tournant vers l'humain. Comment vous pouvez les laisser vous traiter de la sorte ? Vous êtes un paladin ! Un serviteur du Bien et de la justice, un protecteur de l'humanité, un modèle pour vos semblables ! Vous devez vous faire respecter en tant que tel !

— Écoutez, ma dame, il se peut que je n'ai pas été tout-à-fait honnête avec vous, s'expliqua l'humain. Laissez moi vous expliquer ! Oui, en tant que paladin, je devrais recevoir plus d'estime... si j'étais reconnu comme étant un paladin. Officiellement, je n'en suis qu'un apprenti.

— Une sorte d'écuyer, en gros, commenta le gnome.

— Exact ! affirma l'humain. J'ai pourtant bien accompli les exploits dont je vous ai parlé, que ce soit contre les gnolls ou les Défias, ne vous méprenez pas. Mais ça ne "leur" suffit pas. Pour avoir le titre de paladin, il me faut l'aval d'un mentor et que je complète ma formation. Or, mon mentor est parti il y a cinq ans pour Lordaeron quand il y a eu la Peste et il n'en est jamais revenu. Laissant ainsi ma formation incomplète.

— Et ben... vous m'en voyez navré, jeune homme, se confia Baelbo.

— C'est... c'est injuste, souffla Gahahli déconcertée.

— Je sais, ma dame, lui répondit Bartélo. Mais le règles sont les règles, et on ne peut rien y faire.

D'un seul coup, la jeune elfe se sentit revenir au point de départ. L'enthousiasme dont elle avait fait preuve plus tôt dans la journée avait considérablement diminué. Comme si elle s'était sentie poussé des ailes pour se rendre compte qu'elles étaient en carton. Et au vue de la mine que faisaient ces compagnons, elle ne devait pas être la seule à ressentir ce sentiment d'impuissance et de déception.


Ils furent soudain distrait par un splash provenant de la fontaine situé à la sortie de la caserne, et virent qu'un nain s'y était retrouvé la tête la première. Probablement après avoir trébucher vu la maladresse avec laquelle il s'extirpait la tête du bassin.

— Ah que je déteste l'eau ! brailla-t-il après avoir craché la flotte de ses poumons quand il retrouva l'air libre.

Le nain avait une apparence des plus misérables, avec ces vêtements crasseux ainsi que ses cheveux et son énorme barbe négligés et d'un roux très prononcés. Le groupe remarqua qu'il avait une jambe de bois, ce qui expliquerait sa démarche mal assuré. De loin, toutefois, l'elfe pouvait sentir que le nain dégageait une forte odeur d'alcool, mélangée avec de la pisse de chat.

— Encore un à qui la vie n'a pas fait de cadeau, commenta le gnome devant le sinistre spectacle que leur offrait le nain.

— Attendez ! intervint l'humain. Je crois que je le connais, lui.

Emboitant le pas de Bartélo, le groupe approcha le nain tout en gardant leur distance avec ce dernier en raison de son odeur plus que douteuse.

— Qu'est ce que vous me voulez, les bouseux ? leur demanda le nain en grommelant. Si c'est encore une campagne de dons pour l'orphelinat, j'ai déjà donné.

— Excusez-moi... seriez vous par hasard Batël Marteau-de-Bronze ? l'aborda l'apprenti paladin.

— En personne, p'tit gars ! lui répondit le nain toujours d'un ton désagréable. Et sois gentil, file moi donc une pièce. J'ai plus un rond pour taper dans la gourde.

— Vous buvez ? À cette heure ? s'offusqua Baelbo.

— Je bois quand je veux, le nabot ! lui répondit le dénommé Batël. T'es pas ma nounou, que j'sache !

— Maître Batël ! intervint l'humain avant que la discussion ne se dégénère. Est-ce que vous vous souvenez de moi ?

— J'suis censé t'connaître, p'tit gars ?

— Barthélemy Lockhart, lui répondit l'humain. J'ai été l'apprenti d'un de votre frère d'arme, Troustan Hautvent, avec qui vous aviez fait fait la Seconde Guerre, ensemble.

Gahahli contempla le dénommé Batël dans toute sa "splendeur" et peina à l'imaginer comme un guerrier digne de ce nom, surtout en comparaison des statues qui trônaient à l'entrée de la cité de Hurlevent. À ses yeux, il avait plutôt l'air d'un de ces

Le nain dévisagea silencieusement Bartélo de ses petits yeux porcins quand son visage s'éclaira enfin.

— Le petit Bartélo ?... Ah mais bien sûr que j'te connais ! Qu'est-ce t'as poussé, par ma barbe ! J'avais oublié que les humains poussaient aussi vite ! Alors, t'es un paladin, à présent !

— Pas exactement, lui répondit l'humain. Mon maître n'est toujours pas revenu et sans son appui...

— Et tu n'as pas songé à t'en trouver un autre de mentor pour obtenir ton titre ? Ah bah que t'as pas changé, mon gars !

— Écoutez, maître, reprit Bartélo visiblement désireux de changer de sujet. Vous n'êtes pas sans savoir que tout le royaume subit en ce moment la menace des Défias, que ça empire d'année en année.

— Ouais et qu'est c'que tu veux que j'y fasse ?

— Et bien, avec votre expertise dans la défense de vos terres, je pensais que vous nous seriez d'une grande aide, à moi et mes compagnons. D'autant que cela ne devrait pas trop vous poser de problèmes de mater des bandits de grands chemins. Vous vous êtes frottés à des ennemis plus puissants, armés jusqu'en dents et cent fois plus militarisés.

— Alors c'est à ça que je suis réduit ? maugréa le nain la mine déconfite. D'un vaillant et fervent protecteur de Khaz Modan à devoir faire la police dans un royaume de pèquenauds. Qu'ils démerdent ! J'ai déjà mes problèmes à moi !

La jeune elfe lâcha un bruyant soupir d'exaspération. Elle avait à nouveau l'impression d'être dans la caserne avec l'officier malpoli.

— Au moins, on aura essayé, tenta de relativiser Baelbo.

— On perd notre temps, les gars, protesta Gahahli qui perdait patience au point que les mots dépassèrent sa pensée. D'abord avec ces soi-disants soldats qui refusent de lever le petit doigt, ensuite avec ce... cette épave bruyante et malodorante. Et pendant ce temps, des voleurs sans foi ni loi commettent leurs crimes en toute impunité. À ce stade, des murlocs seraient plus efficace.

Ses compagnons tentèrent de la calmer mais c'était trop tard. La portée de ces mots avaient fait leur effet sur le nain.

— Une épave, moi ? s'exclama-t-il en avançant vers l'elfe d'un ton menaçant. Apprend une chose, gamine ! De mon temps, j'étais une légende vivante ! J'inspirais le respect et l'admiration auprès des semblables et de mes frères d'armes, comme j'inspirais la terreur chez mes ennemis, qu'ils soient orcs, ogres ou trolls en tout genre ! J'ai participé à la libération de Khaz Modan ainsi qu'à la bataille au mont Rochenoire ! J'y ai même laissé une jambe ! Mais cela m'a valu le plus prestigieux titre que pouvait recevoir un guerrier nain.

" Tout ça pour dire que j'ai participé à suffisamment de batailles pour avoir mon nom dans les livres d'histoires et tué plus d'ennemis à moi tout seul qu'il n'y ait d'arbres dans la forêt d'où tu viens. J'ai peut-être perdu de ma superbe quand est venu la Troisième Guerre avec la Peste qui a contaminé Lordaeron, le Fléau et puis la Légion Ardente. Mais il n'est pas question que je me fasse rabaisser par une minette dans ton genre. Une étrangère qui plus est. Même les hauts-elfes de Quel'thalas me traitaient avec plus de respect... et pourtant, je ne suis pas prêt de leur pardonner pour ce qu'ils ont fait dernièrement.

Son visage était devenu grave en évoquant les hauts-elfes. Gahahli à la fois intimidée par le coup de gueule du nain et à la fois intriguée par ces derniers mots tenta de demander ce qu'était cette histoire avec les hauts-elfes, mais Batël reprit la parole avant qu'elle n'eut le temps de dire quoi.

— Toi et tes p'tits copains veulent que je botte le cul à des voleurs et des assassins ? Soit ! Après que vous m'ayez payé de quoi boire, parce que c'est que j'ai la gorge sèche à force de gueuler !

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