Un éliatrope à Equestria
Prologue
Une zone vide d'un blanc éclatant, comme constamment éclairée par une lumière diaphane. Voici la vague description de cette "dimension blanche" dans laquelle se trouvait une certaine personne. Un prisonnier de ses propres souffrances et de ses espoirs brisés: Qilby l'éliatrope, le traitre. Jugé par son propre frère Yugo à un exil éternel dans cette zone où les sentiments et les sensations n'ont aucune prise. La faim, l'ennui, l'amour, la tristesse ou encore la haine,... Autant de perceptions que cet endroit hors du temps rend obsolète. La futilité de leur intérêt à exister dans un non lieu est aussi absurde que l'origine de ce vide perpétuel.
Et au milieu de ce calme blanc, assis en tailleur dans son pantalon blanc déchiré, Qilby faisait danser des pétales multicolores dans le creux de sa main droite droite. Une distraction sommaire, mais qui avait l'intérêt de l'empêcher de se concentrer sur ses nombreuses brûlures et blessures héritées de son dernier combat contre Yugo… Et aussi de retarder ses rechutes dans la démence. Combien de temps s'était il écoulé depuis son retour ? un an, un siècle, impossible de le deviner. Car en ce lieu, chaque instant se ressemblait sans qu'aucune seconde ne s'écoule pour autant.
Du temps, l'éliatrope aurai voulu qu'il y en ai. Au moins assez pour permettre à son corps de guérir de ses plaies. Pourtant, ses plus grandes douleurs se trouvaient ailleurs. Il s'agissait de la seule maladie que ni lui, ni aucun remède qu'il avait essayé, envisagé ou expérimenté n'avait pu le soulager. Pour lui, ce mal incurable s'appelait "ennui", tandis que les autres le nommaient "folie".
« Tu as toujours été fou et seul, Qilby. » Ces derniers mots prononcés par Yugo résonnaient dans la mémoire de Qilby comme un écho malsain. Le jeune éliatrope n'avait pas entièrement tort. Mais à quoi bon s'entêter à donner sa version de l'histoire, personne n'aurai osé l'entendre ou n'aurai souhaité l'écouter.
Le plus ancien des éliatropes tourna le regard de son petit spectacle floral improvisé pour contempler la blancheur absolue de sa cellule. Il savait pertinemment à quoi s'attendre, pourtant il ne pouvait s'empêcher de plonger son regard fatigué dans cet abîme blanc qu'il connaissait déjà par cœur. Il était emprisonné à nouveau et plus seul que jamais. Qilby repensait durant un court instant aux derniers évènements qui ont précédés à son retour en geôle: ses brêves retrouvailles avec les enfants rescapés de son peuple, les leçons de morales édictées par son cadet… Il avait été blessé émotionnellement, mais ce n'était pas comparable avec le sentiment de trahison qu'il ressentait pour Shinonomé, sa sœur dragonne.
Il avait encore du mal à croire qu'elle ait pu lui tourner le dos de la sorte. Elle qui partageait le même poids que lui sur la conscience. Elle qui avait toujours encouragé ses choix et sa position au sein de son peuple. Et sans crier gare, alors que tout annonçait un nouveau départ pour elle et lui. Shinonomé avait décidé de lui retirer son soutien au pire moment possible. Cet acte a eu l'effet d'un coup couteau dans le cœur de la part de sa jumelle.
Mais à quoi bon remuer le passé, quoi qu'il soit arrivé, il ne pouvait plus le changer. Pas plus qu'il ne pouvait modifier la mentalité des siens. Qilby était loin d’être innocent, bien sûr. Il avait commis des actes qui pourraient être qualifiés d'impardonnables auprès des siens voler, mentir, dissimuler ses secrets, modifier certains éléments de la culture éliatropienne. Pourtant, il n'avait jamais voulu faire souffrir personne parmi son peuple. Il savait déjà -de sa propre expérience quotidienne- les effets de la souffrance sans jamais parvenir à en faire part à qui que se soit d'autre que sa jumelle dragonne.
Il reporta son regard sur les pétales qui continuaient de danser mollement au gré des légères impulsions de wakfu que Qilby dégageait depuis les bouts de ses doigts. Il s'amusait à doser et ordonner leurs mouvements, les pétales bleus formaient un cercle et tournaient dans le sens des aiguilles de Xelor, tandis que les jaunes montaient et descendaient comme des pistons. d'autres pétales de couleur violette tournoyaient en diagonale. Seul un petit pétale rouge vif demeurait immobile au centre de cette danse florale. L'artiste laissant un soupir triste s'échapper de ses lèvres. Ce rouge saisissant rappelait à l'éliatrope le même rouge de son propre Dofus et les écailles de Shinonomé. Un nouvel élan de tristesse l'envahit et quelques larmes commencèrent à couler sur ses joues.
« Shinonomé, murmura-t-il dans un sanglot en regardant cette feuille pourpre solitaire immobile dans sa main. Pourquoi m’as-tu trahi. Tu étais la seule chose qui avait de l’importance à mes yeux. Je ne voulais qu’une chose : retrouver notre peuple et retourner explorer le Krosmoz avec le Zinit. Pouvoir rendre à notre peuple sa gloire passée. »
Qilby se lassa de ses petits pétales. Il cessa de les faire voltiger pour les ranger dans sa poche pour essuyer ses larmes. Il regarda son moignon gauche que lui avait arraché Phaéris le puissant plus de mille ans auparavant. Qilby ne s'était jamais très bien entendu avec Phaéris et pour cause: pour un être sensé être doué d'une grande sagesse, il ne savait pas voir plus loin que bout de ses naseaux. Même après que Qilby ait tant offert et œuvré pour l'enrichissement et le savoir fondamental de leur peuple, ce maudit dragon n'avait pas su le remercier autrement qu'en lui dévorant son bras gauche. Rien que de repenser à sa cuirasse verte viride, à sa longue mâchoire de crocodile et sa crinière grisonnante contrariait furieusement l'humeur de Qilby qui tourna son regard vers son moignon gauche. Souvenir peu reluisant d'une de ses "disputes" avec le dragon vert.
Le reste de son bras luisait d'un résidu d'énergie fourni par l'éliacube. Depuis la base de son épaule jusqu'au bout son appendice scintillait du peu de wakfu qui était resté logé en lui. Durant son court séjour sur le Monde des Douze, il avait réussi à faire de l'éliacube un bras de substitution. Durant quelques semaines, l'artefact avait rempli son rôle à la perfection. Quoi qu'après réflexion, il n'avait pas très apprécié le fait de remplacer sa main humaine à cinq doigts avec une main à quatre griffes… Enfin, il s'était accommodé malgré tout.
Qilby tenta de bouger son moignon gauche, il fit un petit moulinet vers l'avant et des étincelles de Wakfu en sorti. L’éliatrope n’en crût pas ses yeux.
-Mais ? PARDON ?!! Hurla-t-il totalement décontenancé par la surprise.
Il fut dans un premier temps extrêmement intrigué par ce nouveau phénomène, puis une idée commença à germer dans son esprit. Une idée dangereuse: si il pouvait canaliser l’énergie de son bras gauche, vers son bras droit, il lui serai peut-être possible de s’échapper de sa "dimension-prison". Le pari était de taille -et risqué de surcroit- et il n’aurait droit qu’à un seul essai. A la moindre erreur, qui sait ce qu’il pourrait advenir de lui.
Mais comme l’a dit un certain dragon vert qu'il exècre: "rien d'impossible pour qui a du cœur". Malgré tous les défauts que Qilby pouvait lui reprocher, il fallait bien admettre qu'il lui arrivait de dire des paroles sensées. Et c'était d'autant plus humiliant de penser que ces pensées inspirantes lui aient été données par l'un de ses bourreaux. Sortant de ses réflexions, il se leva pour entamer la difficile opération du transfert de Wakfu.
Il commença à respirer lentement, concentrant ses sens ainsi que ses sons intérieurs. Avant de se focaliser sur le wakfu qui circulait en lui. Il devait d'abord arriver à dissocier son propre wakfu de celui de l'éliacube, une étape capitale. Sans cette transition, il ne pourrait pas utiliser les nombreuses données et informations contenues dans le wakfu de son bras gauche.
Si par le passé l'ancien appareil avait été conçu pour servir d'outil porté sur l'étude du wakfu, l'énergie propre à toute chose et à toutes les créatures vivantes. Au départ Qilby pouvait uniquement l'utiliser pour emmagasiner cette énergie, qui était la base de la magie des éliatropes. Puis à mesure de ses expérimentations et modifications, l'éliatrope avait également compris comme le manier afin de redistribuer ce fameux wakfu… Et durant sa fusion avec le bras de Qilby, l'éliatrope avait également constaté que le wakfu n'était pas la seule chose qu'il engrangeait dans son système. Si le wakfu fonctionnait comme des "souvenirs", alors le cube mémorisait les données des êtres à qui il absorbait ou donnait du Wakfu. S'ajoutait la capacité à collecter des coordonnées fixes de lieux dans le Krosmoz, ou de ses dimensions voisines. Le cube n'était pas uniquement une batterie, il fonctionnait comme un véritable cerveau autonome. Mais hélas, malgré cette fantastique expérience, Qilby n'eut malheureusement pas le temps de plonger dans les nombreux secrets qu'il pouvait encore découvrir caché dans la mémoire de son outil technologique.
Si il subsistait la moindre chance que des coordonnées inconnues pouvaient être contenues dans son moignon, il aurait alors la possibilité de quitter sa prison. Mais il devait à tout prix empêcher son propre wakfu d'interférer avec celui de l'éliacube. Il prenait le risque de diluer la moindre goutte d'information dans son propre corps sans jamais avoir la possibilité de les récupérer. C'était une opération délicate. Si il perdait sa concentration, il perdait toute chance de salut. Et si il interrompait son propre flux de wakfu durant le processus, il s'exposait à des séquelles irréversibles tant sur le plan musculaire que cardiovasculaire. Il devait à tout prix parvenir à garder son calme malgré sa nervosité grandissante. Sinon, il pouvait déjà troquer son nom de "Qilby l'éliatrope" pour "Qilby le légume".
Lentement mais sûrement, il commença à guider le wakfu de l'éliacube jusque vers son cerveau afin de "lire" les données qui y étaient contenues. Il pouvait sentir la formidable énergie remonter lentement sa clavicule dans ses vaisseaux sanguin. Sa concentration était absolue, il parvint également éviter de perdre le contrôle de son propre flux de wakfu. Il pouvait voir le wakfu de son propre corps passer à proximité de celui qui remontait l'aval de sa position. Le spectacle laissa Qilby contemplatif durant quelques instants. C'était comme voir deux fleuves couler à contre sens sans se toucher. Sa respiration lui réclamait plus d'air à cause de l'effort, mais le moindre changement dans son rythme pulmonaire pouvait totalement ruiner son opération alors il se força mentalement à ignorer ce sentiment d'étouffement. Lorsque le wakfu de son bras se déversa dans son cerveau, il fût assailli par un flot de "souvenirs" du cube. Comme des images déformées à la loupe défilant sur un drap noir, il voyait un être humain portant un casque en fer sans expression riant comme un dément. Une autre image avec sa sœur Nora, confiant le cube et le Dofus de Yugo à un jeune Grougaloragran. Une autre encore, dans laquelle il se voyait lui-même en train de le bricoler dans son atelier. Son frère Chibi lui donnant un coup de main tout en admirant les prouesses de conception de l'éliacube. Puis une dernière image montrant un environnement familier: l'espace. Depuis son point de vue, il apercevait un petit monde inconnu semblable au Monde des Douze gorgé de wakfu. Mais les coordonnées qui y étaient associées ne correspondaient pas avec la planète de Yugo et Adamaï.
Qilby se concentra intensément sur cette image et usa de ses dernières forces pour transférer l'énergie du cube jusqu'à sa main droite. Après ce qui lui a semblé une éternité, Qilby parvint enfin à former un petit zaap dimensionnel. Il s'écroula sous l'effort, front contre le sol, sa poitrine en feu, respirant difficilement. Ses jambes étaient flageolantes, sa vue était trouble mais il pouvait encore distinguer les couleurs du portail. Il passa maladroitement son index à plusieurs reprise dans le petit disque verdâtre pour tester sa fiabilité. Le zaap demeura stable et suffisamment dense pour qu’il puisse le traverser sans difficulté. Puis, plusieurs pensées lui vinrent en tête... La panique qu'un petit zaap comme celui-ci puisse le ramener sur la destination qu'il voulait le moins atteindre. Ou pire qu'il ne l'envoie quelque part dans le vide du Krosmoz. Qilby savait que si il tardait trop, il prenait le risque de voir sa seule porte de sortie se refermer sans aucune chance de renouveler l'exploit.
-De toute façon, n'importe où sera toujours mieux que dans cette dimension blanche. murmura-t-il avec sérieux en essayant de reprendre appui sur ses jambes fatiguées.
Il prit son courage à deux mains (enfin une dans son cas) et quitta le silence et le vide de sa prison. Non sans une certaine joie et appréhension.
Note de l'auteur.
Bonjour à vous cher(e)s lectrices, lecteurs.
Je sais que vous vous demandez pourquoi une refonte de ce chapitre ?
La réponse est simple: j'avais honte de vous avoir fait subir cet affront en lisant un produit mal écrit.
Et cela signifie également que je vais également pouvoir vous offrir la fin que vous attendez toutes et tous. J'ai mis 5 ans à tenter, écrire, expérimenter différents scénarii pour vous offrir la meilleure histoire et fin possible. Et je vous invite à poursuivre cette aventure avec moi.
Je vous fournirai dans un premier temps un chapitre par semaine en raison de la refonte des précédents, puis si j'arrive à tenir cette cadence, je poursuivrai sur cette lancée.