Horrortale : Pomme Pourrie
Le poing d'Undyne martelait la porte du laboratoire d'Alphys. La capitaine de la garde royale tremblait comme une feuille, incapable de retenir plus longtemps le flot d'émotions qui se déversait en elle. Elle se sentait coupable. Coupable pour Asgore, coupable d'avoir déverser sa colère sur Papyrus alors qu'il ne faisait que l'aider et surtout coupable de n'avoir rien fait pour empêcher tous ces problèmes en premier lieu. C'était elle qui aurait dû protéger le roi. Elle s'était engagée pour ça.
La porte coulissa sur la petite femme-lézard. Alphys lui sourit avec compassion et ouvrit ses bras, dans lesquels Undyne se jeta et explosa en sanglots. Peu habituée à tant d'émotions de la part de sa petite amie, la scientifique ne sut pas trop comment réagir. Elle guida la guerrière dévastée sur le fauteuil rose rembourré devant son bureau et alla lui faire chauffer un paquet de nouilles au fromage. Elle plaça la boîte sur un plateau avec un bubble tea à la framboise et une boîte de mouchoirs à l'effigie de Mew Mew Kissy Cutie, et le lui ramena. Lorsqu'elle était angoissée, Alphys mangeait. Elle n'avait encore jamais vu Undyne dans cet état et avait simplement supposé qu'elle faisait la même chose.
La femme-poisson n'y prêta pas vraiment attention et avala cul sec le bubble tea. Mal à l'aise, Alphys resta simplement à la regarder, dansant d'un pied sur l'autre sans réellement comprendre ce qu'elle faisait. Elle joua quelques minutes avec ses mains avant de finalement se décider à prendre la parole devant le mutisme inhabituel de celle qu'elle considérait comme un modèle de confiance en soi.
— Je-je suis désolée. J'aurais dû-dû te le dire directement au-au téléphone mais... J'avais peur que tu-tu réagisses encore plus mal.
— Tu n'as rien à te reprocher, Al'. C'est ma faute. Je n'aurais pas dû laisser cet humain partir. Si on s'en était tenu au plan... Mais non, il a fallu que Sans soit pris d'une fantaisie et le laisse partir des Ruines...
— Tu-tu penses que c'est Frisk qui l'a-l'a... ?
— Qui d'autre ? Tu n'as pas les enregistrements de ce qui s'est passé ?
Alphys secoua négativement la tête, désolée. Undyne poussa un soupir et ramena ses genoux sous son menton. Les larmes avaient cessé de couler, mais elle ne se sentait pas mieux pour autant. Elle savait qu'elle devait organiser un conseil et préparer à prendre le trône, mais tout lui semblait encore si lointain... Elle ne réalisait pas encore les conséquences de la mort du roi.
— Undyne, je-je crois que tu devrais aller te reposer un peu. Tu es fa-fatiguée et il va falloir penser au-au Conseil.
— J'ai peur, Alphys. Tout le monde va compter sur moi et si je... Si je prends les mauvaises décisions... Je ne suis pas prête.
— Je-je pense que tu as tort. Asgore te-te prépare depuis longtemps. J'ai confiance en-en toi. Tu feras une excellente reine. Les monstres te font con-confiance depuis longtemps. Tout ira bien.
— Alors ne perdons pas de temps, répondit-elle d'une voix triste. Sonne la réunion du conseil. On se reposera plus tard.
La scientifique hocha la tête et s'approcha de l'ordinateur. Elle tapa rapidement un courrier qui partit dans les boîtes mails de tous les monstres. A leur grande surprise, un "bip" discret se fit entendre derrière la porte, suivi de deux coups francs. Alphys et Undyne échangèrent un regard et la scientifique bascula la caméra sur l'entrée du laboratoire. Undyne hoqueta de surprise. Sans se tenait là, le regard noir, Papyrus derrière lui, soutenu par une figure du passé qu'elle ne pensait jamais revoir un jour : Toriel Dreemur. Elle ne savait pas ce qui lui fit le plus peur : affronter le regard de Papyrus ou se faire rembarrer par celle qui venait de toute évidence réclamer son trône ?
Alphys hésita à leur ouvrir, anxieuse, mais Undyne lui fit signe de le faire d'un mouvement de tête. Elle s'approcha du clavier, mais une main squelettique lui barra le passage. Sans, qui en avait eu marre d'attendre et s'était téléporté à l'intérieur, avança lentement vers Undyne.
— Avant de les faire rentrer, j'aurais deux mots à dire.
— S... Sans... tenta de l'apaiser Undyne.
— Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? cracha le squelette sans se retenir. Que tu sois en colère, je le comprends. Que tu en veuilles après le gamin, je peux le comprendre aussi. Mais ça ?
— Ce n'est pas ce que tu crois...
— Ah oui ? Et je dois croire quoi alors ? Que tu as simplement hurler ces horreurs à la tête de mon frère parce qu'il le méritait ? Il a une confiance aveugle en toi, et j'ai pensé, oh, je ne sais pas, que ça avait fini par être réciproque et que finalement je pouvais bien le laisser essayer de rentrer dans la garde royale. Et à la première difficulté, tu te décharges sur lui comme s'il n'était qu'une poussière sous ta chaussure ?
Undyne baissa la tête, prise en faute. Elle savait qu'il avait raison, mais sa fierté refusait de l'entendre.
— Je ne voulais pas le blesser, s'excusa-t-elle. Je ne savais pas ce que je faisais.
— Ah, bien sûr ! Tu ne voulais pas le blesser, tu as manqué de le tuer ! hurla Sans.
Le squelette vacilla après son éclat de voix, une main sur sa tête. C'en était trop pour son âme fragile et il commençait à voir des chandelles autour de lui. Il ferma un instant les yeux pour reprendre sa respiration et se calmer un peu.
— Laisse-moi te donner un seul et unique avertissement, dit-il d'une voix sombre. Si tu t'avises encore une fois de le tromper ou de lever la main sur lui, l'intégralité des Souterrains sera trop petite pour te cacher de ce que je vais te faire. C'est clair ?
Undyne déglutit et hocha la tête. Sans donna un coup de poing sur le clavier d'Alphys et la porte du laboratoire se leva enfin. Papyrus se détacha de Toriel pour se mettre en retrait, subitement mal à l'aise. La reine l'aida cependant à s'asseoir avec gentillesse. Undyne se releva, inquiète et s'approcha de lui.
— Pap...
— C'est bon, je sais, dit-il d'une voix amère. Je ne t'en veux pas.
C'était faux, elle pouvait lire en lui comme dans un livre, mais le squelette refusait d'être blessant. Papyrus était comme ça : gentil et bienveillant. Son regard dévia sur la fine craquelure encore brillante sur son crâne, signe qu'un sort de soin avait été posé dessus. Elle baissa la tête et se tourna vers Toriel, le regard sévère braquée sur elle, puis vers Alphys. Tétanisée par le sermon de Sans, elle s'était cachée à l'abri derrière le frigo dans l'espoir que tout le monde se calme de lui-même et l'oublie.
— Qu'est-ce que vous faites là ? finit-elle par demander d'une voix plus contrôlée à l'ancienne reine. Je pensais que vous étiez morte, dit-elle sans cacher le mépris dans sa voix.
— Mon cher ami Sans est venu me prévenir de ce qui est arrivé à mon ma... Asgore. J'ai cru comprendre que vous teniez à lui et j'en suis désolée. Contrairement à ce que les légendes disent sur mon compte, j'ai à cœur de soutenir mon peuple et je suis là pour prendre la suite du roi.
Undyne pouffa méchamment et l'ambiance se tendit en quelques secondes.
— Je vous demande pardon ? cracha Undyne. Vous vous absentez cinquante ans et vous pensez que vous pouvez revenir comme ça, reprendre le trône et faire comme si rien ne s'était passé ? Vous étiez où quand ce gamin est tombé et l'a tué ?
— Frisk ne l'a pas tué, dit-elle avec calme. Et si vous n'étiez pas autant obsédée par votre colère, vous le verriez, vous aussi. Vous devriez avoir honte de douter de lui alors qu'il n'a fait de mal à personne de toute son aventure ici-bas. On ne peut pas en dire de même de tout le monde ici.
— S'il avait été tué à la sortie des Ruines comme c'était prévu, on n'en serait pas là aujourd'hui, et on serait enfin dehors.
— Désolé, lâcha Sans innocemment, je suis plus fidèle à mes principes qu'à la garde royale. Et puis pour une fois que Pap' pouvait montrer ses puzzles à quelqu'un, je n'allais certainement pas intervenir.
La guerrière lui lança un regard noir, mais le squelette, nullement impressionné, se contenta de sourire narquoisement.
— Frisk n'a pas tué Asgore, Undyne, intervint Papyrus. On a trouvé un papier. Il est parti à la Surface chercher des secours pour nous aider.
— N'importe quoi, soupira la guerrière. Pap', le gamin nous a tous trahi et est parti avec l'âme d'Asgore. Il ne reviendra pas. C'est aussi simple que ça. Et puis, s'il est si innocent, pourquoi n'avons-nous aucun enregistrement de ce qui s'est passé ?
— Il a laissé un papier. Et moi, je le crois.
Sans se téléporta entre elle et son frère. Il ne dit rien, mais cela suffit à faire passer le message. Undyne recula d'un pas, mal à l'aise. Papyrus ne se laissa pas impressionner pour autant, habitué à ce que son frère l'étouffe comme s'il n'était qu'un enfant. D'ordinaire, il se défendait, mais la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvaient tous représentait un motif assez sérieux pour qu'il passe outre. Il suppliait Undyne du regard de le croire. Il ne pouvait de toute manière pas faire autrement. Si le futur de leur peuple devait reposer sur elle, ils ne pouvaient tout simplement pas risquer une nouvelle guerre sur une erreur de jugement.
— J'ai convoqué le Conseil, annonça-t-elle simplement. On en parlera là-bas. Mais je ne compte pas me laisser faire, siffla-t-elle à l'attention de Toriel. On sait tous que vous êtes partie parce que vous ne vouliez pas tuer des humains, et maintenant que Frisk a tué Asgore, je vous souhaite bonne chance pour rallier les monstres à votre cause. Viens, Al', on y va.
Alphys hésita, avant de rassembler ses affaires et suivre Undyne, qui partait déjà vers le palais. Les autres restèrent en retrait. Sans se tourna vers Papyrus et lui sourit.
— Je te dépose à la maison. Je ne serai pas rentré avant un moment.
— Tu es sûr que tu ne veux pas que je vienne ?
— J'aimerais, Pap', mais les règles sont les règles. Le sushi est déjà sous tension, n'en rajoutons pas. Ne regarde pas Mettaton jusqu'à trop tard, brosse-toi les dents et mange des spaghettis. Et dors. Tu as entendu Toriel, il faut que tu te reposes.
Le squelette grogna vaguement quelque chose en croisant les bras. Sans ouvrit un de ses raccourcis et le laissa passer le portail, qui se referma derrière lui. Dès que son frère fut hors de vue, Sans poussa un lourd soupir et se laissa tomber sur le fauteuil abandonné par Undyne quelques secondes plus tôt. Toriel posa une main douce sur son épaule.
— Réglons ça rapidement pour que tout le monde puisse aller se reposer. Lorsque je reprendrais le trône, je ferais en sorte que tu n'aies plus à t'inquiéter pour ton frère et toi. Après tout, je ne connais pas grand monde ici-bas qui aurait protégé cet humain comme tu l'as fait, mon ami. Je suis sûr qu'à la fin, cet effort paiera et qu'on en rira, installés dans une grande maison sous un ciel pâle.
— J'espère que vous avez raison, vraiment. Parce que je ne sais pas si je supporterais de devoir passer l'éternité ici.
Elle lui tendit la main et le squelette la prit. Tous les deux prirent la route du palais, dans l'espoir de jours meilleurs.