Teenage Dream : Le rêve d'une adolescente
Cher journal, je m'étais arrêtée au moment où j'avais découvert le numéro de M. Jil sur le papier qu'il m'avait donné. Comme je l'ai écrit plus tôt, je savais ce qui me restait à faire : téléphoner M. Jil.
Je tape le numéro de téléphone quand quelqu'un frappe à la porte de ma chambre.
- Entrez, dis-je.
C'était Tommy.
- Qu'est-ce que tu veux? demandai-je.
- Maman m'a envoyé m'excuser pour la blague de ce matin. Alors toutes mes excuses Mademoiselle Lucie, ironisa Tommy.
- Attends, t'appelle ça des excuses? Ne reste pas à l'entrée, entre et fais-moi de vraies excuses.
Tommy hésite à entrer, je le vois dans son regard. Il ose faire un pas, puis dit :
- Je te fais de vraies excuses si tu me dis ce qui se passe. C'est vraiment tendu, l'ambiance dans le salon. Papa ne décroche pas un mot et lit la même page de son journal depuis une heure, et maman fait un grand nettoyage, ce qui n'était pas arrivé depuis la grande dispute.
Vous vous demandez sûrement ce qu'est la grande dispute. En fait c'est la période où plus rien n'allait entre mes parents. Ils se disputaient tout le temps, se plaignaient tout le temps, passaient par nous pour communiquer entre eux, ils avaient même failli divorcer.
Un jour. moi et Tony en avons eu marre de jouer les pigeons voyageurs entre nos parents, on les a obligés à rester dans la même pièce et on leur a dit ce qu'on avait sur le coeur. Après leur avoir tout dit, ils nous ont demandé de les laisser seuls. Mission réussi : ils ont sauvé leur couple.
Je sais très bien que c'est à cause de moi qu'ils sont fermés dans le mutisme. Je devais au moins une explication à Tommy. Et puis je gagnerai de vraies excuses, ça vaut le coup, non?
- Très bien, je te dis tout ce que tu veux savoir, mais d'abord, tes excuses.
-Ok, je suis vraiment désolé, je n'aurai pas dû te faire cette blague débile.
- Bon, d'accord, ça passe, je vais tout t'expliquer. Tu te souviens de mon prof de 5ème, M. Jil?
- Ton prof principal, c'est ça?
- Oui, c'est ça. Il est venu me voir au lycée, pour me proposer d'entrer dans une école en Espagne pour apprendre à chanter, danser et jouer la comédie.
- Trop cool! Et tu pars quand?
- Sympa, t'attends que ça que je parte, c'est ça?
- T'as tout compris! Ca me fera une chambre plus grande pour moi! Je peux prendre ta chambre, hein?
- Je ne sais pas, les parents ne veulent pas me laisser partir.
- Ah, mince, mais tu vas faire comment alors?
Je réfléchis, et en moins d'une seconde, je comprends que je viens de trouver un allié.
- Toi, ça t'arrange que je parte?
- Ben, ça va faire un peu vide, c'est sûr, et puis je n'aurai plus personne à embêter dans la maison, ça sera un peu triste sans toi. Mais ce serai cool que j'hérite de ta chambre!
- Que tu hérites? Redesends sur Terre, Tommy, je ne vais pas mourrir, je pars en Espagne.
- Mais si les parens ne sont pas d'accord, et que toi tu dis que tu vas partir quand même, ça veut dire que tu vas fuguer?
- Fuguer? Mais non, voyons, ce n'est pas vraiment une fugue, ça sera comme... comme un voyage à l'étranger pour me perfectionner en espagnol.
- C'est ce que tu vas dire aux parents?
- J'aurais bien aimé, mais ils vont tout de suite comprendre que je mens. Alors pour éviter de mentir, je vais partir sans leur dire. Tu marches avec moi?
- Comme toujours.
Tommy pose soudain les yeux sur mon téléphone et voit le numéro affiché que je n'ai pas eu le temps de téléphoner.
- Alors, t'avais déjà prévu ton coup et tu ne comptais pas me le dire?
- Non, ce n'est pas ça, c'est juste que je ne savais pas que tu étais déjà rentré, et puis je n'étais pas sûre que je pouvais te faire confiance.
- Alors tu n'as pas confiance en ton propre frère? Sympa, merci.
- Tu aurais pu penser comme les parents. Tu leur dira rien, hein?
- Mais non, t'inquiète pas pour ça, je suis trop content pour toi pour te faire un coup pareil! Mais tu me revaudras ça!
- Pas de problème, tu pourras demander ce que tu veux. (Bon, je sais que c'est dangereux de dire ça, mais il vient quand même de sauver mon secret, je lui dois bien ça!) Mais j'ai un service à te demander : quand je serai partie, tu pourras expliquer tout aux parents, histoire qu'ils n'appelle pas la police?
- Ok, compte sur moi. Tu vas partir quand?
- Je ne sais pas, je dois téléphoner M. Jil, après je saurai.
-Bon, j'ai compris, je te laisse téléphoner, mais t'as intérêt de me mettre au courant.
- Dès que j'ai fini, je t'appelle, d'accord?
Tommy sort de ma chambre, et je téléphone M.Jil. Au moment où je m'apprête à raccrocher, il répond.
- Allô?
- M. Jil, c'est Lucie.
- Alors tes parents ont changé d'avis?
- Non, pas vraiment.
- Je m'en doutais un peu. Alors tu as prévu de fuguer, c'est ça?
- Oui, vous avez deviné. C'est quand le départ?
- Tu sais, je ne devrai pas te laisser partir sans l'autorisation de tes parents, m'expliqua M. Jil. Mais je sais ce que c'est quand ses parents t'obligent à faire ce que eux ils veulent, et qu'ils ne comprennent pas ce que tu veux vraiment.
- Alors vous me laissez partir?
- D'accord, mais arrange-toi pour que ça ne me cause pas de problèmes, compris?
- Vous pouvez compter sur moi.
- Alors viens demain matin à 6 heures devant ton lycée. Il y aura un car avec les autres élèves que je suis déjà allé chercher. Après nous partirons directement pour l'Espagne.
- D'accord. Si jamais il y a un imprévu, je vous téléphonerai. Au revoir.
- A demain, dit M. Jil avant de raccrocher.
Je pose le téléphone sur mon lit, satisfaite. Maintenant que j'envisage de pouvoir entrer dans l'école de Carmen Arranz et que je sais que je pourrai m'améliorer dans tous les domaines artistiques, je ne peux pas m'empêcher de rêver qu'un jour je deviendrai chanteuse. C'est ancré dans mes pensées, comme un objectif que je me sens obligée d'atteindre.
Maintenant je dois prévenir Tommy. Je l'appelle, mais il ne vient pas. Alors je sors de ma chambre, et vais dans celle de mon frère. Vide. Là, je commence à paniquer. Et quand je panique, je me mets toujours à imaginer le pire. Je sens mon coeur qui bat plus vite, je manque de tomber en descendant l'escalier. Je dois me ressaisir, c'est vraiment mauvais pour moi de paniquer aussi vite. Tommy est peut-être dans le salon avec nos parents. Je vais dans le salon, et je ne tarde pas à être choquée.
Je vois Papa, Maman et Tommy à table. En colère, je ne sais pas comment réagir. Je tente de me calmer et demande :
- Pourquoi vous ne m'avez pas prévenue que le dîner était prêt?
- Ton père nous a demandé de ne pas te prévenir, expliqua ma mère. Et à partir de maintenant, plus personne ne t'adressera la parole dans cette maison. Tant que tu n'auras pas fait des excuses en bonne et dûe forme à ton père, ta punition sera de n'avoir personne à qui parler.
- Même Tommy?
- Même lui, répondit ma mère avant de s'enfermer dans le silence.
- Très bien j'ai compris. Vous savez quoi? Vous pouvez rester aussi silencieux que vous voudrez, je ne m'excuserai pas. C'est plutôt à vous de vous excuser, m'emportai-je. Vous savez très bien que je n'ai jamais su ce que je voulais faire de ma vie, mais maintenant je sais parfaitement quoi faire. Je veux être chanteuse, c'est tout ce qui compte pour moi. Au fait, je n'ai plus très faim, maintenant, vous m'avez tellement déçue que vous m'avez coupé l'appétit.
Je m'apprête à monter dans ma chambre, mais avant j'ajoute :
- Et aussi, c'est vraiment dégueulasse d'empêcher Tommy de me parler, il n'a rien à voir avec cette histoire.
Je remontai dans ma chambre et claquai la porte. Comment il avait pu? Il était mon père, pas un étranger! S'il tient vraiment à moi, pourquoi il ne cherche pas mon bonheur avant le sien? On dirait qu'il a pris tout ça comme une attaque personnelle, mais je n'y peut rien si ce que j'aime faire ne correspond pas à ce qu'il aime! On est différent, mais apparemment il ne l'a pas encore compris.
Je m"assois sur mon lit et me mets à réfléchir. Je ne supporte pas de me disputer avec quelqu'un. Mais cette fois, je n'ai pas le choix. Je préfère me disputer avec mes parents que de ne rien dire et devoir faire quelque chose que je n'aime pas.
Décidée, je prépare mon sac pour le voyage. Je ne sais pas combien de temps je partirai, alors je préfère prendre un maximum d'affaires. T-shirts, pulls, pantalons, tout y passe. Surtout, je ne dois pas oublier mon téléphone, puis aussi mon mp3 et mon ordinateur portable. Je pourrai peut-être utiliser internet là-bas.
Maintenant, je dois réfléchir à la tenue que je porterai demain. Quelque chose de pratique et de facile à enlever. Je cherche dans mon armoire, trouvé! Un T-shirt bleu clair et jean noir. Ca passera. Juste après que j'ai fait glisser mon sac de voyage sous mon lit, Tommy entre dans ma chambre. Surprise, je lui demande :
- Tommy mais qu'est-ce ce que tu fais là?
- Chut!!! dit-il avant de refermer la porte.
- Je croyais que tu n'avais pas le droit de me parler?
- Tu crois vraiment que je vais laisser papa me dicter ma conduite? Bon, je suis venu te déposer de quoi manger, je me doutai que tu aurais un peu faim.
Il sortit de ses poches plein de gâteaux et les laissa tomber sur mon lit.
- Merci Tommy, lui dis avant de le prendre dans mes bras. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi!
- Ne me remercies pas, je suis ton petit frère, c'est normal. Bon, tu as pu téléphoner ton prof?
Soudain, on entend des pas venant de l'escalier. Je me presse pour cacher les gâteaux dans mon oreiller, et Tommy s'empresse de sortir, mais avant qu'il ne referme la porte de ma chambre, mon père lui demande :
- Qu'est-ce que tu faisais dans la chambre de ta soeur?
- Je lui rendais ses écouteurs, elle le avait oubliés dans ma chambre.
- Très bien, il vaut mieux qu'elle récupère ses affaires, comme ça vous n'aurez plus à vous parler.
Tommy retourna dans sa chambre, et mon père partit dans la sienne. Heureusement qu'il n'est pas allé chercher plus loin! Je sais comment parler à mon frère sans qu'il quitte sa chambre. Le portable! Je commence par lui envoyer un sms (bon, j'ai pas retranscrit le langage sms, sinon on y comprendrait rien) :
C'est moi, on peut communiquer par sms, ce sera plus simple. J'ai pu téléphoner M. Jil, et il m'a dit qu'on partait demain, à 6h.
Quelques minutes plus tard, Tommy me répond :
Ok, et tu sais quand tu reviendras?
Je répondis :
Non, désolée, mais n'oublies pas : demain matin quand tu te lèveras, explique tout aux parents, et demande-leur de ne rien faire pour m'empêcher d'aller dans l'école de Carmen Arranz, parce que s'ils le font, je pourrais commettre quelque chose de grave.
Tommy :
Quelque chose de grave? Comme quoi?
Moi :
Je ne ferai rien en réalité, mais pour leur faire peur, trouve un truc, genre je vais cambrioler une banque ou que je deviendrai folle, je sais que tu trouveras quelque chose. Surtout, efface tous les messages de cette conversation, au cas-où les parents tombent sur ton portable.
Je range mon portable, Tommy a compris : il ne devait pas répondre à ce message. Je veux prendre le moins de risques possibles, parce qu'à la moindre erreur, ma fugue est foutue. Je regarde l'horloge, il est 20h. Maintenant je dois me coucher, demain je me lèverai tôt.
Cher Journal, ce matin est la matinée décisive pour mon avenir. Soit je réussis et je fais ce que j'ai envie, soit je me loupe et je manquerai la chance de ma vie. Je me lève de mon lit, tentant de tout remettre en place dans ma tête. Je dois me faire la plus silencieuse possible. J'ai déjà pris ma douche hier soir, alors je me laverai ce soir. D'ailleurs je ne sais même pas combien de temps on mettra pour arriver à Madrid.
Bon, je me change vite avec les vêtements que j'avais préparé hier soir. Je sors mon sac de dessous mon lit. Ca va, il n'est pas aussi lourd que ce que je pensais. Je sors de ma chambre très silencieusement. Je regarde l'heure : 5h45. Réussirai-je à arriver à l'heure? Je suis devant la porte d'entrée. C'est le moment où jamais. Je ne pourrai jamais regretter d'avoir tenté ma chance, mais je pourrai regretter de n'avoir pas essayé. Je sors de la maison. Ca y est, j'ai réussi! Mais soudain, j'entends :
- Attends!
Non, en fait j'ai raté mon coup, je n'irai jamais en Espagne. Je me retourne.
- Tu ne me dis pas au revoir?
Soulagée, je cours vers Tommy et je le prends dans mes bras.
- Je t'envoie un message quand j'arrive, d'accord? Et surtout, quand les parents se rendront compte que je serai partie, dis-leur tout. Je compte sur toi!
- Ne t'inquiètes pas! Bon voyage!
Je pars, sans me retourner, cette fois. Je ne cesse de me demander si j'ai pris la bonne décision, mais l'occasion était trop belle pour que je la laisse s'échapper. Je regarde l'heure à nouveau : 5h50. Si je me mets à regarder à montre autant de fois, c'est parce que je panique. Partir comme ça, dans un autre pays, sans sa famille, c'est effrayant. Terriblement effrayant. Mais avoir peur ne m'arrêtera pas. Plus j'avance, plus je suis sûre de moi. Ca n'est pas encore parfaitement clair pour moi, mais je sens bien que je vais dans la bonne direction. J'ai peut-être enfin trouvé un projet d'avenir, depuis le temps que je cherche un métier qui pourrait me plaire! Mais je n'ai encore jamais osé rêver devenir chanteuse. Je ne sais pas si j'ai le talent nécessaire, mais ça ne coûte rien de tenter ma chance.
Je regarde encore ma montre : 5h55. Je suis presque arrivée. Ca y est, maintenant je suis devant le lycée. Le car est là, rempli de tous les élèves de ma classe de 5ème, et M. Jil est là aussi.
- Tu es juste à l'heure, dit-il en venant jusqu'à moi.
- Je ne me serai jamais pardonnée de venir en retard.
- Tu n'es pas sûre de toi, c'est ça? Je te comprends, l'inconnu fait peur. Mais ce qu'on connaît, est-ce que ça ne peut pas nous faire peur aussi?
- A vrai dire, je n'avais jamais vu les choses comme ça, dis-je en souriant.
- Bienvenue dans le car qui va te mener jusqu'à ton rêve, dit M. Jil en m'indiquant l'entrée du car.