Your blood
Lorsque justice fût enfin rendue à la manière des vampires, nous avons tous regagné le club comme si de rien n’était. Je me sentais affreusement mal. Certes Joshua m’avait attaquée mais je n’arrivais pas à lui en vouloir. Il avait répondu à un instinct. Et concrètement je n’avais couru aucun danger réel grâce au bracelet de possession.
Julian m’avait expliqué qu’ils quittaient généralement le club vers 4h00 du matin, il ne restait donc plus très longtemps à patienter. J’avais vraiment peur d’affronter les regards si je retournais à l’intérieur. Tous les vampires allaient me détester pour le risque que je leur faisais courir à être si près d’eux. Je me suis affalée sur le grand canapé en cuir, face à la vitre donnant vue sur l’intérieur du Fangtasia. Tout était exactement comme un quart d’heure auparavant.
La porte du bureau s’ouvrit et je lançais un regard par-dessus mon épaule. C’était Eric. Je le soupçonnais de faire un peu trop de bruit que nécessaire pour me signaler son arrivée afin de ne pas m’effrayer. Il s’assit à côté de moi et m’étudia longuement, ce qui me rendit nerveuse. Au bout d’un moment, il brisa le silence.
- Tu es choquée par ce qu’il vient de se passer ?
- Un peu, avouais-je.
- Cette sentence était nécessaire. Je suis le shérif de cette circonscription. On me décrit comme étant juste et autoritaire. Je tiens à ce que ça continue.
- Je sais, Eric. Mais je suis une déisha, même toi qui est âgé de presqu’un millénaire, tu n’as pas pu t’empêcher de venir me flairer hier soir quand je suis me suis approchée de toi.
Eric m’adressa un regard noir. Il n’était pas le genre d’homme qui appréciait qu’on lui rappelle ses faiblesses. Vraiment pas.
- En effet, et je me suis contrôlé, tout comme Pam. Aucun vampire n’ignore la conduite à tenir sur ce sujet. On ne goute pas l’humain d’un de ses congénères sans autorisation. Surtout lorsqu’il s’agit de ce qui m’appartient.
Je me sentis rougir. En tant normal, entendre un homme parler de moi comme de sa propriété m’aurait vraiment mise en colère. Mais s’agissant d’Eric, je considérais ça plutôt comme un honneur.
- Pourquoi es-tu si clémente avec lui ? reprit-il.
- Je ne sais pas… J’espère en tout cas que je ne t’ai pas mis dans une position délicate en intervenant comme je l’ai fait.
Eric réfléchit quelques secondes.
- Compte tenu du fait que tu t’es adressé à moi dans les termes appropriés et que je n’ai fait qu’appliquer la sentence prévue pour ce type de délit, non, mon autorité n’a pas été mise à mal. Mais j’aurais pu lui être beaucoup plus sévère.
Il fixa l’intérieur du club. Je profitais de cet instant de silence pour admirer son profil. Il avait des traits fins, un joli nez droit bien proportionné et des lèvres pleines. Tout son être irradiait la sensualité.
- Comment as-tu su que tu devais m’appeler « maître » en société ?
- J’ai beaucoup appris sur internet, expliquais-je.
- Internet, répéta t-il. Heureusement, tu ne sais pas encore tout de nous, ce ne serait pas amusant sinon.
- Tu attises ma curiosité, avouais-je.
- Les humains ne savent que ce qu’on leur laisse savoir…
Pam fit irruption dans le bureau aux côtés de Julian.
- Merci pour ce petit divertissement, dit-elle.
Décidemment, Pam avait une conception bien à elle du divertissement. Julian, quant à lui, ne semblait pas troublé le moins du monde. L’habitude sûrement.
Nous avons rejoint la limousine peu de temps après. Pam a jacassé sans discontinuer sur tout le trajet, cette péripétie l’avait vraiment excitée. Dès que nous sommes arrivés à la maison, elle et Julian sont montés directement dans leur chambre. Pas besoin d’avoir beaucoup d’imagination pour connaitre la suite. Eric annonça qu’il allait faire quelques longueurs dans la piscine. Quant à moi, je regagnais ma chambre. Mes talons commençaient à me faire mal aux pieds, je les enlevais en chemin. Je me suis démaquillée et ai passé un shorty et un débardeur en coton gris foncé avec une robe de chambre assortie. La fatigue commençait à me gagner mais je n’arrivais à me résoudre à aller dormir.
Je suis sortie sur mon balcon prendre l’air. Le jardin était entièrement éclairé par tout un tas de projecteurs. De là où j’étais, je pouvais observer Eric à loisir. Il enchainait les longueurs. Cela ne devait lui demander que peu d’effort. Les vampires n’ont pas besoin de respirer, aucun risque d’être essoufflé. Quand il est sorti de l’eau, la vision de son corps m’a ébloui. J’en avais déjà aperçu une partie le matin-même. Là, il était en short de bain. Il était musclé mais tout en finesse. Un tas de fantasmes tournoya dans mon esprit, j’étais bien contente que personne ne puisse lire mes pensées. Eric était en train de se sécher avec un drap de bain. Je m’approchais de la rambarde du balcon aussi discrètement que possible mais un petit caillou crissa sous mon chausson. Eric braqua son regard sur moi comme si je venais de l’appeler. Décidemment les vampires entendaient vraiment tout. Je senti le feu me monter aux joues, prise en flagrant délit de matage ! Je lui fis un petit signe de la main. Je me sentais ridicule au plus haut point.
- Passe une bonne journée, dis-je d’une voix normale.
Je savais qu’il m’entendait à l’autre bout du jardin. Il me rendit mon signe et ses lèvres bougèrent. Mon ouï n’était pas aussi fine mais j’imaginais qu’il me remerciait et me souhaitait la même chose. Je me suis glissée sous les draps et ai finalement trouvé le sommeil sans trop de difficulté.
Quand mon réveil sonna à quatorze heures, j’étais requinquée par mes neuf heures de sommeil. J’ouvris manuellement mon volet roulant. Le soleil brillait haut dans le ciel. C’était curieux de se réveiller à une heure si avancée de la journée. Lorsque je descendis dans la cuisine, je découvris Julian en train de faire des crêpes.
- Salut toi ! fit-il en me voyant.
- Salut.
Je n’avais pas pensé à mettre quelque chose sur moi avant de descendre et je me sentais un peu ridicule dans mon short et débardeur de coton. Surtout comparé à Pam la veille, avec son bel ensemble de soie.
- Je t’ai préparé des crêpes, m’annonça t-il fièrement.
- Je vois ça, c’est très gentil de ta part. Merci beaucoup.
- Au moins maintenant je peux faire goûter mes plats à quelqu’un.
Cela semblait le ravir à un point inimaginable. Je m’installais sur l’un des tabourets de l’ilot central de l’espace cuisine devant l’une des assiettes qu’il avait sortie. Julian fit sauter sa crêpe dans la poêle et la déposa dans le plat près de lui lorsqu’elle fut cuite. Il en avait préparé au moins une vingtaine. Visiblement il n’était pas debout depuis longtemps car il ne s’était pas encore rasé et ses cheveux étaient en bataille. Il était pourtant toujours aussi sexy.
- Tu es vraiment un passionné de cuisine.
- Au début que je vivais ici, je me faisais très souvent livrer. Mais je me suis lassé de manger toujours les mêmes choses. Alors j’ai commencé à chercher des recettes sur le net. Et puis j’ai pris goût. Maintenant je fais pratiquement tout moi-même. Ça occupe mes journées, je n’ai que ça à faire de toute façon. Sers-toi, elles sont encore toutes chaudes.
Je ne me fis pas prier pour piocher dans la pile. Une fois saupoudrée de sucre, ma crêpe a été engloutie en quelques secondes. Il en fit de même. Je ne pouvais m’empêcher de me demander de quoi Julian vivait. Etait-ce Pam qui l’entretenait. Bah, ça ne me regardait pas après tout. Il avala deux petits cachets.
- Qu’est-ce que c’est ? demandais-je. Tu as des soucis de santé ?
- Juste un petit complément de vitamine. Si je n’en prends pas, je risque l’anémie.
Oh oui, Pam buvait son sang.
- Alors cette première soirée ?
- Plutôt déroutante, avouais-je.
- Tu t’habitueras, ne t’en fais pas. En tout cas ton arrivée n’est pas passée inaperçue au sein de notre clan. J’ai hâte de lire l’article du Bloody Diary.
Devant mon air interrogateur, il ajouta :
- Il y avait un journaliste pour ce journal hier soir au Fangtasia.
- Ah bon, et Eric était au courant ?
- Bien sûr. Tous les vamp’ sauront que tu es son humaine et qu’il ne faut pas t’approcher. Une bonne pub pour Eric qui affirme une fois de plus son autorité sur les vampires de sa zone.
Ces histoires de pouvoir et d’autorité me dépassaient quelque peu. Je hochais la tête et me servi une seconde crêpe suivi d’un grand verre de jus d’orange pour faire passer ça.
- Tu fais quoi de beau aujourd’hui ? lui demandais-je en mettant mon verre dans le lave vaisselle.
- Comme hier.
- Veinard !
- C’est une nécessité si je veux retarder l’effet de mimétisme.
- Je sais. Veinard quand même !
J’ai regagné ma chambre. Avec le temps qu’il faisait, j’aurais bien aimé passer mon dimanche après-midi à la piscine avec Julian mais c’était ma première journée de travail. Je devais faire bonne impression.
Après avoir enfilé une petite robe à bretelles à fleurs, je me suis attelée aux tâches demandées par Eric. Tri du courrier, tri des e-mails. Je ne reçu qu’un coup de fil sur mon portable professionnel, pour me demander à quelle adresse postale écrire au shérif. Ce fut donc plutôt calme pour une première journée. C’était bien ce à quoi je m’étais attendue pour un dimanche. Un peu avant de 19h, je me suis souvenue que je devais aller prendre le courrier à la boite à lettres de la résidence. On ne recevait là que les factures. Le Bloody Diary, quant à lui, nous était envoyé quotidiennement par e-mail. Comme j’avais tout fini, j’imprimai le journal et m’installais à mon bureau pour y jeter un œil.
La première page était sobre, sans aucuns gros titres comme sur les journaux des humains. Il n’y avait que le titre, le logo et la date du jour. En l’ouvrant je découvris les gros titres. Ce journal couvrait tous les évènements vampiriques de l’Etat du Massachusetts. Il y avait deux pleines pages sur l’incident de la veille au Fangtasia. Sur celle de gauche, une grande photo où l’on voyait Eric s’apprêtant à arracher les crocs de Joshia, tenaille à la main. Le titre indiquait : « on ne touche pas à l’humaine du shérif Northman sans conséquence ».
Sur la page de droite l’article détaillait fidèlement les évènements. Joshua n’avait pas vérifié si j’avais un bracelet de possession. Il s’était jeté sur moi pour boire mon sang et avait été électrocuté. Le shérif avait exécuté en public la peine pour ce type de délit. Tout en bas de la page, il y avait quelques lignes qui m’étaient consacrées avec une photo de moi. Elle avait été prise sur le parking, Pam était en arrière plan. J’avais une mine quelque peu horrifiée certes, mais je me trouvais plutôt jolie malgré ça. Je ne me souvenais pas avoir vu le flash d’un appareil photo mais vu la qualité de l’image, il n’y en avait pas eu besoin. Le parking était très éclairé d’ailleurs. « Eric Northman vient de prendre possession d’une humaine du nom de Mathilda pour remplacer son assistant de jour qui a démissionné la semaine dernière. Il s’agit d’une déisha que tout le monde envie déjà au shérif. Mais vous savez ce qui vous désormais attend si vous bravez l’interdit ». On aurait pu mettre en gros sur mon front « pas touche » que ça aurait été la même chose ! J’ai posé le journal sur le bureau d’Eric et suis allée dans ma salle de bain me doucher.
Le choix de ma tenue pour la soirée s’avéra difficile tant mon dressing me semblait vide. L’apparence des clients du Fangtasia s’apparentait plus au gothisme ou à des tenues SM qu’autre chose. Je mis un jean slim délavé avec un débardeur noir. Je complétais la tenue par mes éternels escarpins Louboutin. Je décidais de me rendre dans la boutique d’Eric dès le lendemain pour y faire des emplettes.
J’ai diné avec Julian sur l’ilot de la cuisine. Il nous avait préparé des pizzas fait maison. Son après-midi à barboter au bord de la piscine lui avait été profitable, il avait un teint hâlé qui faisait d’avantage ressortir le bleu de ses yeux.
- Ça te dit de m’accompagner faire les boutiques demain ? Je n’ai vraiment pas emmené grand-chose avec moi et mon look dénote au Fangtasia.
- Avec plaisir. J’ai justement besoin de deux ou trois bricoles.
Le bip de l’ouverture des fenêtres a retenti deux fois pendant que nous débarrassions la cuisine. Cette fois, Pam et Eric s’étaient préparés avant de descendre nous saluer. Pam arborait un haut en cuir rouge qui mettant en valeur son décolleté, ainsi qu’une jupe noir à froufrous. Ses escarpins noirs devaient bien mesurer de 12 cm de talons. Elle avait un look provocant qui tirait un peu sur le gothique. Eric, quant à lui, était d’une classe folle : jean bleu foncé, t-shirt beige en V. Une tenue simple mais qui lui allait si bien. Ils m’adressèrent un hochement de tête pour me saluer, que je leur rendis.
Eric et moi nous nous rendîmes directement dans le bureau pour faire le point sur mon travail effectué. Il était satisfait. Il lu le Bloody Diary avec un sourire qui s’agrandissait au fur et à mesure de sa lecture. Après ça il me donna des lettres à taper pour le lendemain.
Malgré ma grande appréhension, la soirée au Fangtasia se déroula à merveille. Les clients, vampires comme humains, gardèrent leur distance. Ils me regardaient avec une sorte de respect dans les yeux, à mon grand soulagement. Des amis d’Eric et Pam nous ont rejoints dans notre espace VIP. Elena, une belle vampire à la peau extrêmement pâle, et Alec, son sosie version homme. Leur cheveux étaient une sorte de couleur blond vénitien.
Julian m’avait chuchoté à l’oreille qu’ils étaient jumeaux. Ils résidaient à Chicago mais souhaitaient passer plusieurs mois sur Boston. Eric et Pam ne les avait pas vu depuis plusieurs décennies. Je lui étais reconnaissante de me faire partager ce qu’il savait sur nos convives. Les jumeaux m’avaient observée avec beaucoup d’attention, surtout Alec qui ne me lâchait pas du regard.
Leurs yeux s’étaient obscurcis au début mais ils ont vite dominé la faim que je provoquais en eux. Ils ont même complimenté Eric sur le choix de son humaine. Ce n’était pas rien sachant que la plupart des vampires ne nous considéraient comme des poches de sang vivantes ou au mieux, des sortes d’animaux domestiques. Eric arborait un air fier devant l’assentiment de ses amis. A partir de là, je m’étais détendue et leur ai même posé quelques questions sur Chicago où je n’étais jamais allée.
Eric et Pam passèrent le plus clair de leur temps avec eux, occupé à ressasser plein de souvenirs. Julian me proposa de danser, ce que j’acceptais volontiers. Cette fois, il n’eut pas d’incident. Sa présence me faisait du bien. Il était prévenant, attentionné et me faisait part d’un grand nombre d’informations sur le mode de vie de mon patron pour que je m’intègre au plus vite. Lorsque nous sommes rentrés à la maison, je me suis glissée dans mon lit sans tarder. Mes yeux se fermaient presque tout seuls pendant le trajet du retour. Mon corps commençait à se rebeller contre le changement de rythme de vie que je lui imposais. Julian insista pour que j’avale quelque chose avant d’aller me coucher. Ce repas devait être l’équivalent du dîner. Mais franchement je ne me voyais pas manger grand-chose à presque 5h du matin. J’avalais un yaourt pour lui faire plaisir- et parce qu’il avait raison, je le savais bien. Je ne mis pas de réveil avant de me coucher, le lundi était mon jour de repos.
C’est Julian qui me réveilla le lendemain, à 15h00 passée. Après avoir mangé quelques fraises, décidemment je l’adorais cet homme là, je me suis habillée et maquillée. Brad nous conduisit dans un grand centre commercial de Boston, où se trouvait la boutique d’Eric, le Navy. Elle s’étendait sur une centaine de mètre carré. Julian me présenta Mélissa la responsable, une petite brune habillée BCBG avec des lunettes rouge Chanel. Je lui ai demandé de me dégoter de quoi m’habiller pour aller au Fangtasia et pour toutes les occasions qui se présenteraient. Cette dernière me proposa une sélection d’articles plutôt hétérogène. Julian fut d’une patience d’ange pendant les essais de vêtements.
Nous sommes ressortis au bout de deux heures, les bras chargés de paquets. Julian avait choisi deux chemises. J’avais, quant à moi, emporté pour six mille dollars d’articles. Je culpabilisais un peu mais Eric avait bien précisé que le budget était limité. Et ce n’était pas comme si j’allais refaire ma garde robe toutes les semaines, là j’étais tranquille pour un bon bout de temps. J’avais choisis trois paires d’escarpins et deux de bottes, des jupes, bustiers, robes et corsets pour les soirées au Fangtasia, des pantalons slim et des chemisiers pour le côté professionnel. J’avais également glissé dans mes achats une petite nuisette rose pâle en soie et dentelle.
Puisqu’Eric et Pam devait quitter la maison peu après leur réveil pour se rendre au tribunal, Julian m’invita au restaurant. Il était un peu tôt certes, mais il fallait garder le nouveau de rythme de vie qu’était désormais le notre. Il m’incita à goûter les langoustes.
- Est-ce que je peux te demander comment tu as rencontré Pam ?
- Bien sûr. Un peu de vin blanc ?
- Oui s’il te plait.
Il rempli nos verres et répondit à ma question.
- Après la mort de mes parents et de ma sœur Lucinda, j’étais vraiment dans un sale état. J’ai fait une grosse déprime pendant quelques mois. Ce soir là, un ami m’avait trainé presque de force au cinéma. Lorsque nous sommes sortis, la plus belle femme que j’ai jamais vue s’est approchée. Il s’agissait de Pam. Nous avons eu un coup de foudre. C’est dur à décrire tant c’est violent. Elle a hypnotisé mon pote pour qu’il rentre et me laisse seul. Je n’en menais pas large et me demandait pourquoi j’avais des hallucinations. Elle s’est nourri de moi et voulait m’hypnotiser également. C’est comme ça qu’elle faisait avant le True Blood. Elle m’a accordé un baiser et s’est évanoui dans la nature sans effacer ma mémoire. Mais les âmes sœurs ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre très longtemps.
- Comment avez-vous su que vous étiez âme sœur ? Les vampires le savent tout de suite ?
- Non, c’est progressif. C’est un coup de foudre au premier regard. Il est toujours réciproque. Tu peux être sûre que si tu l’as eu, l’autre aussi. Au début, on pense que l’on est simplement tombé amoureux. Et puis on se rend compte qu’on ne peut plus vivre l’un sans l’autre trop longtemps sans en souffrir.
- Souffrir, au sens littéral ?
- Absolument. Des âmes sœurs ne peuvent passer plus d’une année jour pour jour sans se voir.
- Qu’arrive t-il sinon ?
- Et bien, au bout de quelques mois, les forces des deux protagonistes s’amenuisent. Et au terme des un an, on meurt tout simplement.
Je portais la main à la bouche, choquée.
- Pam s’est vite rendu compte que mon absence la troublait plus qu’avec ses autres amours. Elle a vite réalisé ce que nous étions l’un pour l’autre. Quelques jours après notre rencontre, elle m’a retrouvé à une fête foraine. Elle avait pu me pister grâce à mon sang qu’elle avait ingéré. Eric était avec elle et nous avons fait connaissance. Quand il a estimé que j’étais quelqu’un de confiance, il l’a autorisé à me prendre pour humain. J’avais pour consigne de ne devais jamais dévoiler l’existence des vampires. J’étais seul, sans famille, je n’avais rien à perdre alors je les ai suivi. Certains vampires, comme Eric, ont une trouille de la trouver un jour. N’importe qui pourrait kidnapper cette personne, bien la cacher pendant et attendre tout simplement qu’ils meurent tous les deux.
J’étais bien loin de savoir tout ça. Décidemment, les vampires savaient bien garder leur secret.
- En tout cas, je n’aime pas cette histoire d’âme sœur, ça me donne l’impression de ne pas avoir de libre arbitre… ça existe pour les humains ?
- Non, uniquement vampire-humain ou vampire-vampire, répondit-il.
Je repense à la sensation que j’ai eue lorsque j’ai vu Eric pour la première fois dans son bureau au Fangtasia. C’était comme si la terre s’était arrêtée de tourner. Mais je n’eu pas le temps d’approfondir plus cette réflexion, le serveur vint pour prendre la commande des desserts.
Je me mordis la lèvre inférieure. Une question me trottait dans la tête depuis mon arrivée.
- Je peux te poser une question un peu indiscrète ?
- Oui, vas-y.
- Eh bien, tu as laissé entendre qu’il y avait quelqu’un d’autre dans le cœur de Pam…
Julian essuya le coin de sa bouche avec sa serviette et sourit.
- Il y a une seconde personne, en effet.
- Et comment tu gère ça ?
- Pam a une liaison avec Sophia depuis plusieurs décennies. Elle m’a avertie que si je la voulais, il faudrait prendre tout le « package » avec. Etant donné qu’il s’agissait d’une femme, je ne me sentais pas vraiment en concurrence avec elle. Et puis, l’effet de mimétisme a vite pris le dessus, je suis devenu partageur maintenant moi aussi.
- Je ne savais pas que Pam aimait aussi les femmes.
- Tous les vampires sont plus ou moins bi, rit-il avant de boire une gorgée de vin.
- Avec Eric, est-ce que tu as déjà…
- Tu veux vraiment que je répondre à la question ?
Il haussa les sourcils avec un air coquin. Je me cachais le visage des deux mains en les imaginant tous les deux.
- Tu es choquée ?
- Non pas du tout. Je trouve même que deux hommes ensemble c’est très excitant, avouais-je tout bas.
- Et bien, et bien, on se dévergonde à ce que je vois… rit-il.
- Avec toi, je me sens en confiance, je peux tout dire.
- Et c’est le cas.
Il me fit un clin d’œil que je lui rendis.
- Et Pam et Eric…
- Ils sont amoureux également. C’est la raison pour laquelle il l’a transformé il y a trois siècles. Ils ont connu une grande passion. Ça leur arrive encore de temps en temps de coucher ensemble.
Mon ventre se serra. Je ne pus m’empêcher de ressentir de la jalousie envers Pam et sa relation privilégiée avec Eric. Elle était dans son cœur et sa progéniture, quoi de mieux ?
- Et ça ne te fais rien ? m’insurgeais-je.
Il haussa les épaules.
- Je suis son âme sœur, Sophia a la seconde place, Eric la troisième. Je m’en accommode très bien.
En rentrant à la maison, j’ai fourragé mes paquets dans mon dressing. Ils pouvaient bien attendre le lendemain pour être déballés. Les révélations de Julian pendant le dîner tournoyaient sans fin dans mon esprit. Arriverais-je un jour à prendre tout ça avec ce même air détaché que Julian affichait en permanence ?
Après m’être démaquillée et changée, je décidais de regarder la télé dans mon grand lit, assise contre un oreiller. Je zappais rapidement, il n’y avait pas grand-chose d’intéressant. Je m’arrêtais sur une chaine d’information. La présentatrice Amy Carvey, une belle blonde au sourire ultra blanc, relatait les dernières manifestations contre les droits des vampires ayant eu lieu dans toutes les grandes villes des Etats-Unis. Leur révélation au grand jour, voire même leur existence, n’était visiblement pas du goût de tout le monde. Il était pour certain impensable qu’on leur accorde le droit de vote, mais par contre, ça ne les gênait de les soumettre aux mêmes impôts que les humains… Mais le dernier évènement qui avait mis le feu aux poudres était les avancées scientifiques concernant le « sérum de jour ». Pour le moment, les scientifiques avaient réussi à mettre au point un sérum qui leur permettrait de supporter la lumière du jour pendant presqu’une minute. En plus de ne pas être tout de suite brûlé, cela retardait leur mise en mode OFF diurne.
Les slogans scandés par tous ces extrémistes anti vampires me tapaient sur les nerfs. On en était revenu aux heures sombres de notre histoire, où considérer l’autre comme notre égal était inimaginable. Il y avait aussi beaucoup d’agression envers les vampires pour les vider de leur sang. En effet, le jus de vampire constituait un puissant sérum de guérison pour les humains.
Je décidais de regarder la série Sex & the City. Je n’avais pas ramené grand-chose avec moi de Miami, mais le coffret de ma série préféré en DVD était un indispensable. Je décidais de reprendre au tout premier épisode. Il n’était que 22h00, je devais attendre encore plusieurs heures avant d’aller me coucher pour ne pas casser le rythme que j’avais commencé à prendre.
Julian toqua à la porte.
- Oui ?
- Je peux entrer ?
- Bien sûr.
Il portait un pantalon de pyjama en coton noir et un t-shirt assorti. Il jette un œil à l’écran de la télévision.
- Qu’est-ce que tu regardes ?
- Sex and the City. Tu veux venir regarder avec moi ?
- Avec plaisir.
Je me décale sur le côté droit de mon grand lit pour lui faire de la place. Julian prend un oreiller et s’installe à ma place initiale. Il passe sa main sous moi autour de ma taille et me rapproche tout contre lui.
- Qu’est-ce que tu fais ? m’étonnais-je.
- N’y voit rien de mal, j’ai envie de profiter de ta présence.
Après une brève hésitation, je me colle à lui, la tête posée sur sa poitrine. Sa peau est chaude. Il passe un bras autour de mon épaule. La façon dont nous sommes lovés l’un contre l’autre me semble au final naturel. En d’autres circonstances, je serais tombée sous son charme. Mais entre nous, il y a une sorte de lien fraternel, affectueux, rien de plus.
Nous regardons six épisodes d’affilé. Julian aime bien cette série et tout comme moi, ne peut pas s’empêcher de commenter à longueur de temps. Nous rions tellement que je dois repasser plusieurs passages à deux reprises. Vers 1h du matin nous nous endormons dans les bras l’un de l’autre.
Mon réveil indiquait presque six heures du matin quand je me réveillais. Julian et moi n’avions pas changé de posture. J’avais la bouche sèche, il me fallait un verre d’eau. Je me libérais de son étreinte avec douceur pour ne pas le réveiller.
- Mathilda ?
- Oh excuse-moi...
- Ça ne fait rien.
Ma petite lampe de chevet était restée allumée, je croisais son beau regard bleu. Il me sourit, malgré qu’il ait du mal à émerger, et regarda mon réveil.
- Pam a du rentrer. Je vais regagner notre chambre.
- Ok, à tout à l’heure.
Il m’embrassa sur le front.
- Passe une bonne fin de nuit, me dit-il.
- Merci toi aussi.
Je le suivis dans le couloir. Il alla dans sa chambre et je descendis au rez-de-chaussée. Eric était assis sur l’un des canapés en cuir devant la télé, zappant de chaîne en chaîne à une vitesse effrayante. Je m’assis à côté de lui. Il posa sur moi ses yeux magnifiques et me sourit.
- Ça a été au tribunal ? demandais-je.
Les narines d’Eric palpitèrent. Son expression changea, il crispa les mâchoires.
- Pourquoi est-ce que je sens l’odeur de Julian sur toi ?
Sa question m’agaça au plus au point. Je me sentais blessée qu’il imagine que j’étais du genre à coucher avec le premier venu. S’il savait…
- Je sais qu’en tant que ton humaine, je ne dois pas avoir de liaison avec un autre vampire, sauf si tu m’en donne l’autorisation. Mais pour ce qui est des humains, il me semble que je n’ai pas de compte à te rendre, si ?
Ma réponse le décontenança. Après un bref silence, il répondit :
- Tes liaisons avec les humains ne me regardent pas, en effet. J’ignorais juste que…
- Il n’y a rien entre nous, le coupais-je. On a regardé une série télé et on s’est endormi sur mon lit, c’est tout. Je ne pourrais pas faire une telle chose à Pam voyons.
Eric repris contenance et se détendit.
- Tu admets tout de même que Julian te plait.
- Je… A qui ne plairait-il pas ? éludais-je en rougissant.
- Je suis bien d’accord avec toi.
Je ne pus m’empêcher de repenser à ce que Julian m’avait dit au dîner, pour lui et Eric.
- Ne t’en fais pas pour Pam, elle partage Julian quand il s’agit d’humaine. Et de toute façon, elle veut te mettre dans son lit aussi. Les trucs à trois c’est sa grande lubie pour cette décennie.
- Qu…quoi ? manquais-je de m’étouffer.
- Qui ne le voudrait pas ? répliqua t-il avec un petit clin d’œil.
Prise à mon propre jeu.
Eric éteignit la télévision et s’approcha tout près de moi. L’air se chargea d’électricité. Il me sentit à nouveau, inspirant profondément. Ses pupilles, qui ne me lâchaient pas, devinrent noires un bref instant mais il reprit aussitôt le dessus. Il devait commencer à s’habituer à mon odeur et à dominer la faim qu’elle engrangeait. Il leva une main avec une lenteur délibérée, et me caressa doucement la joue. Je voulais lui rendre son geste, me coller à lui, l’embrasser. C’était son odeur à lui que j’aurais aimé avoir sur moi. Son visage était impassible, mais un léger sourire en coin se dessina sur ses lèvres.
La sonnerie indiquant la fermeture prochaine des stores retentit après un long moment à se fixer. Il abaissa la main à regret.
- Je dois y aller, passe une bonne journée.
- Merci, toi aussi.
J’eus à peine le temps de finir ma phrase qu’il était déjà parti. Bien sûr, je ne retrouvais pas le sommeil après ça.
A mon retour de la poste, je trouvais une lettre étrange dans la pile. L’enveloppe était d’un papier beige épais, fermée à la cire. Le sceau représentait une forme inconnue. Je décidais de la mettre de côté. Elle avait un caractère si officiel qu’Eric devait sûrement vouloir l’ouvrir lui-même.
Lorsqu’Eric me rejoignit au bureau pour faire le point, je la lui montrais. Il la considéra d’un air mauvais.
- Tu as bien fait de ne pas l’ouvrir. Elle vient du Gouverneur. J’aime les lire moi-même.
Il déchira l’enveloppe plus qu’il ne l’ouvrit et la lu en grimaçant.
- Qu’es-ce que ça dit ?
Eric la chiffonna pour la jeter dans la poubelle d’un geste rageur. Il était vraiment contrarié.
- Klaus veut rencontrer mon humaine et me somme de te présenter à lui. J’imagine qu’il a appris la nouvelle dans le Bloody Diary. Il peut toujours se brosser ! La prochaine réception prévue chez lui se tient dans moins de deux semaines, il attendra cette occasion pour te voir.
- Pourquoi est-ce ça te contrarie autant ?
Il se posta devant moi et remis une mèche de cheveux derrière mon oreille. Ce simple contact fut électrisant. Ses yeux me fixaient avec intensité. Comme la veille, il semblait loin, perdu dans une autre galaxie. J’aurais donné cher pour savoir à quoi il pensait dans ces moments là.
- Comme je te l’ai dit, il va chercher à se servir de toi contre moi d’une manière ou d’une autre, répondit-il enfin.
Eric retourna derrière son bureau, le visage tendu comme s’il tentait de résister à quelque chose. L’envie de gouter mon sang ?
Pam et Julian nous rejoignirent dans le bureau. Eric leur tendit l’enveloppe sans dire un mot. Pam l’ouvrit et comprit sans même lire la lettre.
- Il veut la rencontrer, c’est ça ?
- En effet.
- Et tu vas le faire attendre ?
- Tu me connais si bien… sourit-il.
Comme nous avions fait le tour des mes tâches à accomplir pour le lendemain, je décidais de monter à l’étage me préparer. Eric me rattrapa dans la salle de séjour.
- Mathilda, tu te joins à nous à la piscine ? On avait envie de faire une partie de volley tous les 4.
- Avec plaisir, je monte enfiler mon maillot et j’arrive !
Il faisait frisquet dehors, heureusement la piscine était couverte, avec une partie qui pouvait s’ouvrir pour l’été. Grâce à l’éclairage, nous voyions dehors pratiquement comme en plein jour. Je fis équipe avec Pam. Parfois, quand Eric et elle oubliaient leur force, le ballon ricochait de partout à une vitesse folle.
Nous nous sommes bien amusés, et pour la première fois, j’entendis Eric éclater de rire. Il était toujours si sérieux et maitre de lui-même que l’entendre rire me fit bizarre au début. Notre équipe a perdu les 3 manches, à cause de ma maladresse surtout. Heureusement Pam n’était pas mauvaise perdante et me félicitait pour chaque balle bien renvoyée. Il allait falloir qu’on s’entraine si on voulait mettre une raclée aux garçons la prochaine fois.
Après ça, Julian et Pam sortirent pour, officiellement, aller se doucher et se préparer. J’imaginais très bien la suite… Eric alla se servir un True Blood et me ramena un verre de champagne. Nous bûmes nos boissons chacun allongés sur un matelas gonflable. Le calme était revenu après toute l’agitation.
- Eric, est-ce que je peux te poser une question ?
- Oui bien sûr.
- Qui est ton créateur ?
Eric termina sa bouteille de sang de synthèse.
- Il s’appelle William Campton.
- Tu veux bien m’en dire un peu plus sur ta transformation et ta relation avec lui ?
- Pourquoi veux-tu savoir ça ?
- Quelle suspicion…
Il ne devait pas avoir l’habitude de se confier sur cette partie là de sa vie. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire.
- Je venais de fêter mes 28 ans quatre jours avant ma transformation. Nous nous sommes rencontrés dans les bois. Un ours m’avait blessé mortellement, William a accouru à l’odeur de mon sang. En voyant mon état, il a décidé de m’engendrer. Aujourd’hui, nous sommes toujours en contact bien entendu.
Clair et concis. C’était tout Eric ça. Mais je voulais en savoir plus. Les informations que j’avais glânées sur le net ne m’apprenait même pas la moitié de tout ce qu’il y avait à savoir sur les vampires. Je n’étais même pas au courant de l’existence de Gouverneurs. Je bus une gorgée de champagne, pensant déjà à la prochaine question que j’allais lui poser. Eric ne me se semblais pas être du genre à beaucoup s’étendre sur son passé, ou ses sentiments. Je devais profiter du moment pour apprendre à le connaitre un peu plus.
- Comment ça marche au juste les relations créateurs/progénitures ?
- Pour expliquer ça de manière très simple, notre créateur est, après notre âme sœur, la personne qui compte le plus pour nous. Même on ne l’apprécie pas, il y a lien qui se créer et qui est indestructible. Heureusement, William et moi nous nous adorons. Nous avons même été amants au début, comme la plupart des créateurs avec leur progéniture. On obéit également à chacun de leurs ordres, c’est comme ça on ne peut aller à l’encontre.
- Ça doit être étrange au début, commentais-je. Où est-il actuellement ?
- En France depuis l’année dernière. Il aime beaucoup voyager. Je te le présenterai quand il reviendra.
- Avec plaisir. Et… est-ce que des fois tu regrettes qu’il t’ait transformé ?
- Pas du tout, répondit-il tout de suite. J’allais mourir de toute façon. J’aime être un vampire, j’aime mon statut et mes fonctions actuelles. Ais-je le droit de te poser une question maintenant ?
- Si tu veux.
Je me demandais bien ce qu’un homme comme lui pouvait bien avoir envie de découvrir d’une humaine. D’accord mon odeur était irrésistible, mais je n’en restais pas moins une simple humaine.
- Pourquoi es-tu célibataire ?
- Et pourquoi pas ! répliquais-je piquée au vif.
Ce n’était pas de ma faute si je n’étais tombée que sur des crétins auparavant. Il réprima un sourire.
- Ce n’est pas une réponse ça. J’imagine pourtant que la liste de tes prétendants est longue.
Il m’avait répondu avec franchise, je me dis que ça aurait bien de ma part d’en faire de même.
- Je n’ai jamais eu de relation qui dépassait un an. Il n’y a personne depuis six mois. Et, non, ça ne se bouscule pas au portillon.
- Pourtant on ne regarde que toi au Fangtasia.
- Oui parce que je représente la plus délicieuse des poches de sang pour tes congénères.
Ses yeux s’étrécirent. Il sembla méditer quelques instants à cette phrase.
- Tu n’as vraiment pas les yeux en face des trous.
- C’est ça, ironisais-je.
- Je ne plaisante pas. D’ailleurs, Alec m’a fait une proposition pour que je t’offre à lui pour une nuit.
- Quoi ?! Mais pour qui se prend t-il ? m’insurgeais-je.
Eric ne plaisantait pas, je le savais. Ma réaction sembla l’amuser au plus point. Je me sentais insultée. J’avais beau savoir ce que représentais les humains à leurs yeux – c'est-à-dire pas grand-chose – j’étais furieuse. Je voulais être à lui, et à personne d’autre. Je n’étais pas une marchandise qu’on se prêtait pour une nuit. Heureusement que Pam n’était pas là à ce moment, elle n’aurait pas manqué de me chambrer.
- Techniquement, je peux faire ce que je veux de toi. Je n’ai pas besoin de ton avis pour t’offrir à qui je le souhaite. Mais tu as de la chance, je suis bien trop possessif pour le faire. Je te veux tout pour moi.
- Ah tu me rassures, maugréais-je. J’ai intérêt à rester sur mes gardes. On a vu mieux pour perdre sa vir…
Je plaquais immédiatement une main sur ma bouche. Oh non, je n’avais pas osé formuler ça à voix haute ?
Eric se redressa trop brusquement dans son matelas gonflable qui se retourna, le faisant boire la tasse. La scène était sacrément comique. Il n’était sûrement pas le genre de mâle qu’on arrivait souvent à prendre au dépourvu.
Lorsqu’il refit surface, il s’approcha de moi, les yeux brillants. Il arborait une expression choquée.
- Allais-tu vraiment dire « perdre sa virginité » ? Mathilda, tu es encore pure ?
J’avais le choix, nier en bloc et piquer le fard de ma vie qui me trahirait à coup sûr. Ou alors je pouvais me la jouer honnête. Après tout, il n’y avait aucune honte à ça.
- Oui, c’est ce que j’allais dire, avouais-je après un long silence.
Il haussa les sourcils, incrédule.
- Tu te moques de moi ?
- J’aimerais.
- Mais comment une fille aussi séduisante que toi peut-elle encore être vierge à 22 ans ?
- Dans ta bouche, ça sonne presque comme une insulte.
A quoi m’étais-je attendue comme réaction. Bien sûr que c’était pathétique. Mais je ne m’étais jamais sentie assez en confiance avec mes deux précédents petits-copains pour franchir le cap. Et j’avais bien fait, ces deux andouilles ne s’étaient pas gênées pour aller voir ailleurs, incapable de me laisser du temps. Ces expériences avaient profondément entamé le peu de confiance que j’avais en les hommes.
Avec Eric, c’était différent. Je ne le connaissais que depuis quelques jours, mais tout mon être implorait qu’il me touche et prenne ce que j’avais à lui offrir. Mais à sa manière qu’il avait de me contempler, je devinais que les vierges effarouchées ce n’était pas sa tasse thé. Je n’aurais jamais dû avouer. Au final, le feu me monta aux joues quand même. Je descendis de mon matelas gonflable et m’apprêta à nager jusque l’échelle pour sortir de la piscine. Eric me retint par la main et m’attira à lui. Il releva mon menton.
- Pardonne-moi, je n’ai pas voulu être blessant. Je suis juste très étonné, c’est tout. Si j’avais su, je n’aurais pas mentionné la proposition d’Alec, c’était très déplacé.
- Ça ne fait rien, tu ne pouvais pas savoir.
Je commençais à claquer des dents et à avoir la chair de poule. Il était temps de sortir de l’eau. De plus l’heure tournait et il fallait que j’aille me préparer.
- Il faut que j’y aille.
- D’accord. A tout à l’heure.
Il me libéra presqu’à regret. M’écarter de lui me paru presque douloureux. Je voulais rester là plus longtemps. Je me sentais comme une petite chose fragile et minuscule dans ses bras, et j’aimais ça.
Avec mon shopping de la veille, j’avais eu l’embarras du choix pour trouver une tenue. Je décidais d’opter pour une jupe en cuir arrivant à mi-cuisse, fendue sur le côté, avec un bustier rouge et des escarpins assortis. Je me lissais les cheveux et me maquillais avec application. Lorsque je rejoignis Eric, Pam et Julian qui m’attendaient déjà dans la limousine, trois paires d’yeux me fixèrent.
- J’adore ton nouveau look, approuva Pam.
- Elle est magnifique n’est-ce pas ! renchérit Julian.
Eric me fixait à sa manière bien à lui. J’avais l’impression d’être une friandise qu’il mourrait d’envie de manger. Je voulais savoir ce qu’il en pensait et osa lui poser la question :
- Et toi Eric, qu’en dis-tu ?
- J’en dis qu’heureusement que tu as un bracelet de possession…
Et il m’adressa son sourire en coin que j’aimais tant.
Une fois au Fangtasia, Eric rejoignit son bureau pour terminer de la paperasse pour le club. Pam, Julian et moi allâmes directement danser. Ça me convenait bien, j’avais vraiment besoin de me défouler pour arrêter de penser à ce que j’avais avoué à Eric quelques heures plus tôt. Tous les regards nous suivaient, parfois discrètement, parfois moins. Nous étions comme chaque soir, le centre d’attention de tous. Les autres humains présents nous enviaient Julian et moi. Et les vampires ne désiraient que nous goûter. Ou nous baiser. C’était en quelque sorte excitant. J’avais eu très peur les premiers soirs d’électrocuter quelqu’un en le touchant sans faire attention. Heureusement le bracelet ne réagissait qu’aux contacts prolongés et je n’étais pas gênée le moins du monde pour danser et me mouvoir à travers la foule. De temps à autre, je jetais un regard au grand miroir sans tain. J’imaginais Eric, penché sur son bureau, les sourcils froncés face aux documents administratifs. Ou peut-être en train de nous observer.
Pam se colla à moi pour une danse langoureuse sur « Tainted Love » de Marilyn Manson.
- Tu as conscience qu’ils ont tous envie de te bouffer et paieraient cher pour être à ma place ! lança t-elle.
- J’en ai conscience, ris-je.
« Tu n’as pas idée » ajoutais-je mentalement. Elle saisit ma main. J’eus un réflexe de recul. J’avais l’habitude de me pas avoir de contact avec les vampires, j’oubliais qu’elle avait l’autorisation mentale d’Eric pour me toucher. Après avoir examiné brièvement mon bracelet, elle se pencha vers mon oreille :
- Je me demande bien pourquoi il est toujours de cette couleur.
- Comment ça ?
- Quand on prend un humain, on se nourrit de lui. Or, Eric préfère se contenter du True Blood pour le moment, c’est très curieux.
- Peut-être qu’il se nourrit sur quelqu’un d’autre, suggérais-je.
- Je pense oui.
Cette suggestion m’attrista au plus haut point.
En parlant du loup, je l’aperçu fendant la foule avec sa grâce habituelle. Il me saisit par la taille pour m’attirer contre lui.
- Excuse-moi Pam, je te la vole !
- Mais pas de problème mon cher ami.
Elle virevolta vers Julian pour danser avec lui à nouveau.
Les mains d’Eric restèrent sur ma taille, nos corps s’accordèrent pour bouger au même rythme. Nous nous regardions dans les yeux sans discontinuer, si proches l’un de l’autre. L’instant était tellement intense que j’osais à peine cligner des yeux.
Il y eu un flash d’appareil photo. Ce qui ne m’étonna pas puisque le club engageait un photographe. Les photos faites par les clients étaient strictement interdites. Pour garder un souvenir de la soirée, il fallait en acheter auprès du photographe attitré. Cette mesure représentait une rentrée d’argent conséquente.
- Regarde autour de toi Mathilda ? me dit-il l’oreille.
- Quoi ?
Je jetais un regard circulaire dans le club. Vampires et humains ne perdait pas une miette de notre duo sur la piste de danse. Ils étaient littéralement fascinés.
- Regarde comme ils m’envient.
J’éclatais de rire. Il avait raison. Il fallait que je prenne la situation plus à la légère, que je me détende. Je devais accepter cette attraction que j’exerçais sur les hommes. Le bracelet me protégeait, Eric me protégeait. Dans ses bras musclés, je serai toujours en lieu sûr. Pam et Julian nous observaient à la dérobée, visiblement satisfaits de ce qu’ils voyaient.
Je tournais la tête et aperçu deux femelles vampires en plein effeuillage mutuel sur l’un des podiums. Au moins, l’attention n’était plus concentrée sur nous. Elles enchainaient poses lascives et mouvements rapides de vampires. L’ambiance était particulièrement déchaînée ce soir là. Mon corps semblait s’embraser tout entier au contact d’Eric. J’avais chaud, trop chaud malgré ses mains fraiches. Je me consumais de désir pour lui. En avait-il conscience ?